Écoulement du vent dans la couche limite atmosphérique
Échelles des tourbillons
En 1922, afin de décrire la physique derrière le phénomène de turbulence, Richardson proposa l’idée de la cascade d’énergie. L’idée est que les plus grands tourbillons, contenant les quantités d’énergie cinétique les plus importantes, sont instables et se brisent en plus petits tourbillons dans lesquels l’énergie est transférée. Le processus se poursuivant jusqu’à l’atteinte d’une grosseur de tourbillons très petite où l’énergie emmagasinée se dissipe par l’entremise de la viscosité moléculaire. Ces différentes échelles (ℓ), bornées par les échelles les plus grandes (ℓ?) et les plus petites (?) et pouvant se côtoyer dans une même région, auront donc un taux de dissipation d’énergie qui sera dicté par le transfert d’énergie depuis les plus grands tourbillons (Pope, 2000). À partir de ce contexte, Kolmogorov entreprit de séparer en deux catégories les différentes échelles.
En émettant l’hypothèse qu’à nombre de Reynolds suffisamment élevé où les plus petites échelles de tourbillons ont un comportement statistiquement isotropique et universel, il est possible de tracer une référence (ℓ??) entre cette échelle et celle ayant, au contraire, un comportement anisotropique et fortement influencé par les frontières de l’écoulement. Ces deux catégories sont respectivement nommées, la zone d’équilibre universel et la zone d’entrée d’énergie. En d’autres mots, cette séparation en catégories suppose que certaines échelles sont influencées à la fois par le taux de dissipation et par la viscosité moléculaire alors que d’autres échelles ne seraient qu’influencées que par le taux de dissipation. Ces deux hypothèses sont en accord avec la cascade d’énergie. À partir de la zone d’équilibre universelle, deux sous-catégories ont été introduites afin de démarquer par une échelle de longueur caractéristique (ℓ??) la partie des échelles qui sont majoritairement influencées par les effets inertiels de celles où les effets visqueux sont significatifs. Ces deux sous-catégories portent respectivement le nom de zone inertielle et de zone de dissipation. Dans la zone d’équilibre universelle, il y aurait donc une division supplémentaire possible qui suppose une sous-partie beaucoup plus influencée par la viscosité alors qu’une autre l’est essentiellement par le taux de dissipation (Voir figure 2.1).
Simulation numérique
Le régime turbulent est composé d’éléments d’échelles spatiales de différentes tailles, variant d’un extrême à l’autre. Quoique celles plus petites puissent se limiter à quelques millimètres de diamètre, leur rôle n’en demeure pas moins important puisqu’elles sont responsables de la dissipation énergétique de l’écoulement. Lorsqu’une problématique d’écoulement turbulent nécessite une solution numérique par discrétisation de ses différentes équations gouvernantes, la capture de ces échelles est essentielle pour reproduire la physique de la turbulence. Cette discrétisation nécessite logiquement un découpage de l’espace sous forme de maillage, ce qui implique que la plus petite maille (parfois appelé cellule) devra être inférieure ou égale en dimension au plus petit tourbillon présent dans l’écoulement. Puisque le domaine de cette simulation devra aussi être suffisamment grand pour contenir les plus grandes échelles, le nombre d’éléments du maillage serait approximativement de l’ordre du nombre de Reynolds de la simulation à la puissance 9/4 (Piomelli, 2001). En conditions atmosphériques, cela représente un nombre de mailles bien au-delà de la puissance de calcul informatique disponible à court et moyen terme. Pour parer à cette limitation de calcul, deux familles de solution sont disponibles.
L’une emprunte le chemin du réaménagement des équations de Navier-Stokes sous une forme moyennée temporellement (Reynolds Averaged Navier-Stokes ou RANS) alors que l’autre combine modélisation et résolution des diverses échelles de tourbillons. La première méthode a fait ses preuves et est largement utilisée. Elle comporte néanmoins un désavantage significatif : elle ne résout que les champs moyens. Dans cette optique, l’investigation scientifique se retrouve limitée puisque les phénomènes instationnaires et la diversité des échelles de tourbillons sont absents de la solution. La deuxième méthode est, quant à elle, moins utilisée car elle nécessite de plus grandes ressources de calculs, parce que son approche est peu triviale et que certaines problématiques ne sont pas encore clairement résolues. Néanmoins, son approche, consistant à modéliser par une hypothèse de fermeture les plus petits tourbillons réputés être plus isotropiques et indépendants des conditions limites et à résoudre les autres échelles par une solution explicite des équations de Navier-Stokes, semble prometteuse. Un compromis est ainsi possible puisque tout en conservant une majorité des différentes échelles temporelles et spatiales, le dimensionnement du maillage n’est plus limité à coïncider avec le plus petit tourbillon présent dans la solution. Le coût de calcul est alors fortement diminué. Cette méthode se nomme la LES.
Maillage: La documentation sur la LES observée omet souvent de donner des directives claires sur la construction d’un maillage adéquat. Toutefois, l’emploi de mailles orthogonales lors de l’utilisation d’un filtrage implicite et d’un modèle de viscosité tourbillonnaire semble le plus courant. De plus, certains auteurs (Drobinski et al., 2007; Wood, 2000) préfèrent un maillage s’approchant de l’isotropie pour probablement éviter un écart entre la définition de la longueur caractéristique du filtre associée à la maille (Voir équation 3.10) et les dimensions individuelles des mailles. Cependant, d’autres auteurs ne respectent pas cette approche (Andren et al., 1994; Brasseur et Wei, 2010; Moeng et Sullivan, 1994). Aussi, à tout le moins pour un filtrage implicite, il est préférable d’utiliser un maillage uniforme afin de respecter la commutativité du filtre qui se partage la longueur caractéristique de mailles avec ses voisins adjacents (Voir figure 3.1). Ensuite, comme le maillage agit toujours comme un filtre reliant la solution continue à la solution discrète, le volume qu’occupe chacune des cellules est tout indiqué pour ajouter de la dissipation visqueuse associée aux petits tourbillons qui échappe à la résolution.
Conséquemment, il ne peut être d’une dimension équivalente aux tourbillons où l’énergie cinétique est majoritairement emmagasinée (zone d’entrée d’énergie). Pour obtenir des résultats pertinents, la maille doit donc être d’une longueur caractéristique inférieure à la longueur d’échelle ℓ?? (Pope, 2000). Habituellement estimée, la qualité du maillage est évaluée en partie après simulation en comparant le spectre d’énergie avec celui proposé par Kolmogorov. Loin des frontières rigides et sans glissement (no slip), une relation où le spectre d’énergie cinétique vérifie une pente de -5/3 (Voir figure 2.2) est généralement une indication que la longueur du filtre a permis de résoudre jusqu’à la zone inertielle (Churchfield et al., 2010). Finalement, comme pour toute simulation d’écoulement turbulent, une quantité suffisante de mailles doit se retrouver dans la sous-couche visqueuse afin de capturer le comportement de cette zone (Voir Annexe I pour une description du comportement moyen des écoulements turbulents proche-paroi). Advenant que cela demande une résolution excessive en termes de coût de calculs et que la géométrie des frontières laisse présager un écoulement parallèle à ceux-ci, une loi de paroi est nécessaire pour y suppléer.
Lois de paroi
Un fluide s’écoulant parallèlement à une paroi comporte généralement une couche délimitée où le profil de vitesse moyen est logarithmique, appelé couche inertielle (ou couche de surface pour un écoulement atmosphérique). Il est alors possible d’établir une condition frontière qui force l’écoulement proche-paroi à atteindre cette zone et ainsi éviter de résoudre ce qui se passe dessous. Pour ce faire, la plupart des lois de paroi pour la LES ont comme concept commun d’imposer une contrainte de cisaillement2 à la paroi qui correspondrait à celle attendue si le maillage était suffisamment fin pour résoudre la sous-couche visqueuse. Ce cisaillement, lié algébriquement avec le profil logarithmique moyen de vitesse, force l’écoulement à atteindre la vitesse moyenne espérée dans cette couche inertielle. Bien que la vitesse moyenne soit atteinte par cet ajout numérique « artificiel », les statistiques secondaires telles que les fluctuations en région proche-paroi ne sont pas représentatives d’un écoulement réel puisque la vitesse à cet endroit est basée sur une loi moyenne alors que l’écoulement est résolu de façon instationnaire (Churchfield, Li et Moriarty, 2011). Des récents travaux ont été faits à ce sujet afin de proposer une loi de paroi davantage en phase avec l’instationnarité de l’écoulement proche-paroi (Churchfield, 2011).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE
1.1 La couche limite atmosphérique
1.1.2 La couche de surface
1.1.3 La couche d’Ekman
1.2 Écoulement du vent dans la couche limite atmosphérique
CHAPITRE 2 TURBULENCE
2.1 États d’écoulements
2.2 Échelles des tourbillons
2.3 Mesure de la turbulence
CHAPITRE 3 SIMULATION DES GRANDES ÉCHELLES
3.1 Simulation numérique
3.2 Développement de la méthode LES
3.3 Modélisation du tenseur des contraintes de sous-filtre applicable à la quantité de mouvement
3.3.1 Modélisation du flux vectoriel de sous-filtre applicable au transport d’un traceur
3.3.2 Filtre
3.4 Les modèles de sous-filtre
3.4.1 Smagorinsky
3.5 Domaine de simulation
3.6 Maillage
3.7 Lois de paroi
3.8 Nombre de Courant
CHAPITRE 4 SIMULATION DES GRANDES ÉCHELLES APPLICABLE À LA COUCHE LIMITE ATMOSPHÉRIQUE NEUTRE EN TERRAIN PLAT
4.1 Équations filtrées gouvernantes pour la CLA
4.2 Corrections du modèle de sous-filtre et du nombre de Prandtl turbulent
4.2.1 Ajustement de la longueur de mélange et du nombre de Prandtl turbulent en fonction de la stratification thermique
4.2.2 Ajustement de la longueur de mélange en proximité de paroi du modèle Smagorinsky
4.3 Domaine de simulation
4.4 Conditions frontières
4.4.1 Aux entrées et sorties
4.4.2 Au sol
4.4.3 Du haut
4.5 Gradient vertical adimensionnel moyen de vitesse
4.6 Zone de Haute Précision
4.6.1 Première observation
4.6.1.1 Premier critère
4.6.2 Deuxième observation
4.6.2.1 Deuxième et troisième critères
4.6.3 Analyse des trois critères
4.6.4 L’espace de l’ensemble des paramètres
4.7 Statistiques
CHAPITRE 5 OPENFOAM
5.1 Méthode de résolution
5.2 Traitement de la divergence du tenseur des contraintes déviatoriques effectives
5.3 Algorithme de résolution pour écoulement de fluide instationnaire avec l’approximation de flottabilité de Boussinesq
CHAPITRE 6 MODÈLES NUMÉRIQUES
6.1 Solveur LESforABL
6.1.1 Accélération de Coriolis
6.1.2 Vent géostrophique
6.1.3 Transport de température potentielle et terme de flottabilité
6.1.4 Séquence de résolution des équations
6.2 Loi de gradient de vitesse proche-paroi et vitesse à la paroi
6.3 Loi de gradient de température potentielle proche-paroi et de température potentielle à la paroi
6.4 Ajout d’un terme source explicite pour la loi de paroi
6.5 Modifications du modèle de Smagorinsky
CHAPITRE 7 VALIDATION SOMMAIRE
7.1 La spirale d’Ekman
7.2 Lois de gradient proche-paroi
7.3 Bilan des forces et loi de paroi
7.4 Termes sources locaux pour les lois de paroi, fonctions de stabilité et longueur d’échelle variable
CHAPITRE 8 COMPARAISON ET RÉSULTATS
8.1 Paramètres récurrents
8.1.1 Schémas de discrétisation
8.1.2 Contrôle de la solution et de l’algorithme
8.2 Première comparaison (C1) : cas d’Andren et al. 1994
8.2.1 Conditions de simulation
8.2.2 Résultats et analyse des résultats
8.2.3 Conclusion de la première comparaison
8.3 Deuxième comparaison (C2) : ABLPisoSolver et HAZ
8.3.1 Disparités pertinentes avec LESforABL
8.3.2 Conditions de simulation
8.3.3 Résultats et analyse des résultats
8.3.4 Conclusion de la deuxième comparaison
8.4 Troisième comparaison (C3) : MC2
8.4.1 Disparités pertinentes avec LESforABL
8.4.2 Conditions de simulation
8.4.3 Super-boucles
8.4.4 Analyse de la surproduction du cisaillement en région proche-paroi
8.4.5 Résultats et analyse des résultats
8.4.6 Conclusion de la troisième comparaison
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I COMPORTEMENT MOYEN D’UN ÉCOULEMENT TURBULENT PRÈS D’UNE PAROI
ANNEXE II DÉMARCHE POUR OBTENIR LA VITESSE À LA PAROI
ANNEXE III : INFLUENCE DU CISAILLEMENT DE PAROI SUR LA DIVERGENCE DU TENSEUR DES CONTRAINTES EFFECTIVES EN UTILISANT LE THÉORÈME DE GAUSS LINÉARISÉ
ANNEXE IV : LOI DE PAROI PAR AJOUT D’UN TERME SOURCE EXPLICITE
ANNEXE V: DÉMARCHE POUR OBTENIR LE COMPORTEMENT ANALYTIQUE MOYEN DE LA VITESSE PROCHE-PAROI PAR BILAN DES FORCES
ANNEXE VI VÉRIFICATION SOMMAIRE DES TERMES SOURCES LOCAUX DE MWBcorr
ANNEXE VII VÉRIFICATION SOMMAIRE DE L’IMPLÉMENTATION DES FONCTIONS DE STABILITÉ ET DE LA LONGUEUR D’ÉCHELLE VARIABLE DU MET OFFICE POUR LA VISCOSITÉ TOURBILLONNAIRE ET LA DIFFUSIVITÉ THERMIQUE DE SOUS-FILTRE
ANNEXE VIII ÉNUMÉRATION DES DIFFÉRENTS CONTRÔLES DE LA SOLUTION ET DE L’ALGORITHME
ANNEXE IX EXPLICATION DE LA MESURE DE L’INSTATIONNARITÉ DE A94
ANNEXE X : PROFILS VERTICAUX DES COMPOSANTES HORIZONTALES DE VITESSE SOUS DIFFÉRENTS MAILLAGES ET LOIS DE PAROI SELON LES CONDITIONS DE A94
ANNEXE XI : DÉMARCHE POUR OBTENIR L’ERREUR ASSOCIÉE À LA DISCRÉTISATION LINÉAIRE D’UN PROFIL VERTICAL LOGARITHMIQUE
APPENDICE A DESCRIPTION AND GUIDELINES OF THE LESforABL SOLVER
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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