Dans les pays industrialisés, de plus en plus de personnes diminuent leur consommation de viande, que ce soit pour des raisons éthiques, économiques, écologiques ou de santé. Le nombre de végétariens augmente. Concernant ce régime alimentaire, la question la plus fréquente est : un régime végétarien peut-il permettre de couvrir les besoins en protéines de l’être humain ?
Le monde végétal propose des aliments riches en protéines, avec les produits céréaliers et les légumineuses, le soja étant le plus connu. Mais quelle est la qualité nutritionnelle des protéines végétales comparées aux protéines animales ? Permettent-elles un apport suffisant en acides aminés (AA), notamment en acides aminés essentiels ?
Plusieurs études montrent que l’augmentation du rapport protéines végétales/protéines animales dans l’alimentation a un impact sur le risque de maladies cardiovasculaires. Selon ces études, le régime végétarien aurait un retentissement sur plusieurs facteurs de risques de maladie cardiovasculaire : diminution des valeurs de la tension artérielle, de la cholestérolémie, de la glycémie et de l’indice de masse corporelle. Le régime végétarien serait par ailleurs corrélé avec un meilleur statut en vitamines anti-oxydantes.
LE REGIME VEGETARIEN
Définition
Il n’existe pas une seule définition du régime végétarien. En effet, en fonction du type de restriction alimentaire, on distingue plusieurs régimes végétariens. Toutefois le terme végétarisme sert le plus souvent à définir le régime excluant les produits animaux, c’est-àdire la viande, le poisson et les fruits de mer, mais pas d’autres produits d’origine animale, comme les produits laitiers, les œufs et le miel. On parle de régime ovo-lacto-végétarien. Plus restrictif, le régime végétalien se définit quant à lui par l’exclusion de tous les produits d’origine animale. Entre les deux on trouve les régimes lacto-végétarien et ovo-végétarien qui, à la différence du régime végétalien, incluent les produits laitiers pour le premier et les œufs pour le second. Le régime pesco-végétarien exclut la viande, mais le poisson et les fruits de mer sont toujours consommés. Une autre variante est le régime semi-végétarien qui consiste à exclure seulement la viande rouge de l’alimentation ; d’autres produits carnés comme la volaille et le porc sont inclus dans ce régime. A ces différents régimes s’ajoute le flexitarisme qui consiste à adopter la plupart du temps un régime végétarien ou végétalien mais à s’autoriser de temps en temps la consommation de viande, souvent lors d’occasions particulières comme les repas de fêtes ou les sorties au restaurant (Craig et Mangels 2009; Mathieu et Dorard 2016).
Le végétarisme en France et dans le monde
Au niveau mondial, de récentes enquêtes indiquent qu’il y aurait entre 1% et 9% de végétariens selon les pays (1 à 2% en Nouvelle-Zélande, 3% aux États-Unis d’Amérique et en Australie, 6% en Irlande, 8% au Canada, 8,5% en Israël et 9% en Allemagne). L’Inde est un cas particulier puisqu’on y relève 40% de végétariens. Le nombre élevé de végétariens en Inde s’explique principalement par des raisons culturelles (Mathieu et Dorard 2016). En effet, l’Ahimsâ, ou principe de non-violence, prônant le respect de la vie sous toutes ses formes et donc le végétarisme, est un principe que l’on retrouve dans plusieurs religions pratiquées en Inde (hindouisme, bouddhisme, jaïnisme) (Stehly 1999). En France, d’après l’étude INCA3 (Instantané de l’état nutritionnel et de la consommation alimentaire des français 3), qui a été menée entre 2014 et 2015, le végétarisme (défini à minima dans l’enquête par l’exclusion de la viande) concerne 0,8% des adolescents et 1,8% des adultes, soit deux fois plus de personnes que dans l’étude INCA2 menée entre 2006 et 2007 (Schlienger 2018). Au niveau international, bien que peu d’études épidémiologiques soient disponibles à ce jour, plusieurs d’entre elles suggèrent une hausse des prévalences d’adoption de régime végétarien, notamment dans les pays riches, ce qui concorde avec les résultats des enquêtes INCA2 et INCA3. Le végétalisme connait la même tendance avec une hausse des prévalences d’individus adoptant ce régime. Le régime végétalien serait suivi par 5% des Israéliens, 2% des Allemands et 1% des Anglais et des Australiens (Mathieu et Dorard 2016).
Apports protéiques du régime végétarien
Les protéines constituent, avec les lipides et les glucides, l’une des trois grandes familles de macronutriments. Assurant de nombreuses et diverses fonctions dans l’organisme, leur apport est indispensable à son bon fonctionnement. Après quelques généralités sur les protéines alimentaires, nous nous intéresserons plus particulièrement aux protéines végétales puisqu’elles constituent une part importante des apports protéiques du régime végétarien et l’unique source de protéines du régime végétalien.
Composition et structure des protéines alimentaires
Les protéines sont des macromolécules, de poids moléculaire élevé (souvent compris entre 10 000 et 600 000 Da), constituées d’acides aminés reliés entre eux par des liaisons peptidiques de type CO-NH. Dans une protéine, on peut trouver jusqu’à 30 000 acides aminés (Apfelbaum et al. 2009). Les acides aminés sont de petites molécules présentant deux fonctions chimiques caractéristiques : une fonction acide carboxylique (COOH) et une fonction amine (NH2). On les différencie par la nature de leur radical. Dans l’alimentation, on retrouve 20 acides aminés différents (Apfelbaum et al. 2009).
Selon leurs caractéristiques chimiques, on peut les classer comme suit (Camus 2006) :
– Les acides aminés aliphatiques hydrophobes : glycine, alanine, valine, leucine, isoleucine, proline
– Les acides aminés aromatiques hydrophobes : phénylalanine, tryptophane
– Les acides aminés amidés : asparagine, glutamine
– Les acides aminés aromatiques hydroxylés : tyrosine
– Les acides aminés hydrophiles hydroxylés : sérine, thréonine
– Les acides aminés soufrés : cystéine, méthionine
– Les acides aminés dibasiques : lysine, arginine, histidine
– Les acides aminés diacides : aspartate, glutamate .
La lysine et la thréonine sont même dits strictement indispensables car elles ne peuvent en aucun cas être synthétisées par l’organisme. Par ailleurs, parmi les AA non indispensables (acide aspartique, acide glutamique, alanine, arginine, asparagine, cystéine, glutamine, glycine, proline, sérine, tyrosine), certains sont conditionnellement indispensables ; soit car leur capacité de biosynthèse peut être insuffisante dans certaines situations pathologiques où leur besoin est augmenté, soit parce que leur précurseur est un acide aminé indispensable. C’est le cas de la cystéine dont le précurseur est la méthionine et de la tyrosine qui est synthétisée à partir de la phénylalanine. La glutamine, acide aminé le plus abondant chez l’Homme, a des fonctions importantes dans l’organisme ; notamment dans la lutte contre l’acidocétose en tant que principale source de l’ammonium urinaire, elle est également un précurseur des bases puriques et pyrimidiques. En situations pathologiques, la glutamine est une source énergétique majeure pour les cellules à renouvellement rapide (entérocytes et cellules immunitaires). Chez le sujet sain, la glutamine peut être synthétisée en quantités suffisantes à partir de l’acide glutamique (Darmaun 1993). La sérine et l’acide glutamique sont quant à eux dits strictement non indispensables car ils peuvent être synthétisés à partir de composés non aminés (Boutry et al. 2008).
L’assemblage de deux acides aminés par une liaison peptidique forme ce que l’on appelle un dipeptide. Si l’on ajoute un troisième acide aminé, on obtient un tripeptide. On appelle oligopeptides les peptides composés de 2 à 10 AA et polypeptides les peptides composés de plus de 10 AA. C’est la réunion de plusieurs polypeptides qui forme une protéine simple (ou holoprotéine).
Rôles physiologiques des protéines
Les protéines sont nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme parce qu’elles apportent de l’azote et des acides aminés utilisés pour la synthèse de protéines endogènes et d’autres substances azotées. C’est au cours de la digestion et de l’absorption intestinale que les protéines libèrent les acides aminés et l’azote qu’elles contiennent. Tout au long du tractus gastro intestinal, les protéines constituent le substrat d’enzymes protéolytiques qui catalysent l’hydrolyse des liaisons peptidiques :
– La pepsine sécrétée par l’estomac
– La trypsine, la chymotrypsine, l’élastase et les carboxypeptidases A et B sécrétées par le pancréas
– Les aminopeptidases et dipeptidases sécrétées par les cellules de la muqueuse intestinale .
L’action de ces différentes enzymes transforme les protéines en acides aminés libres et petits peptides qui vont être absorbés à travers les cellules à bordure en brosse de la muqueuse de l’intestin grêle . Dans ces cellules, la plupart des peptides sont hydrolysés. Les acides aminés sont transportés vers le foie par la veine porte et sont utilisés pour la synthèse de nouvelles protéines. Cette synthèse a lieu dans les ribosomes des cellules (Cheftel et al. 1985).
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Table des matières
INTRODUCTION
1. LE REGIME VEGETARIEN
1.1. Définition
1.2. Le végétarisme en France et dans le monde
1.3. Apports protéiques du régime végétarien
1.3.1. Composition et structure des protéines alimentaires
1.3.2. Rôles physiologiques des protéines
1.3.3. Apports nutritionnels conseillés en protides
1.3.3.1. Méthodes de détermination des besoins en protéines totales et en acides aminés
1.3.3.2. Besoins en protéines de l’adulte
1.3.3.3. Besoins en acides aminés de l’adulte
1.3.3.4. Besoins en protéines du nourrisson et de l’enfant
1.3.4. Comparaison des protéines animales et végétales
1.3.5. Aliments riches en protéines végétales
2. PLACE DES PROTEINES VEGETALES EN ALIMENTATION HUMAINE
2.1. Etat des lieux de la consommation de protéines à l’échelle mondiale
2.2. Intérêt pour la santé
2.3. Intérêt pour l’environnement
2.4. Les protéines végétales pour une meilleure disponibilité alimentaire mondiale
2.5. Obstacles à la consommation des protéines végétales
2.5.1. L’allergie alimentaire
2.5.2. La perception des différentes sources de protéines
2.6. Protéines végétales et innovation scientifique
3. INCIDENCE DU REGIME VEGETARIEN SUR LE RISQUE DE MALADIES CARDIOVASCULAIRES
3.1. L’hypertension artérielle
3.2. Le surpoids et l’obésité
3.3. L’athérosclérose
3.3.1. Rappels physiopathologiques
3.3.2. Rôle des lipides dans l’athérosclérose
3.3.3. Effets du régime végétarien sur le profil lipidique
3.3.3.1. Effets sur les lipides endogènes
3.3.3.2. Effets des lipides contenus dans le régime végétarien
3.4. Le diabète de type 2
3.4.1. Le risque de maladies cardiovasculaires chez le diabétique de type 2
3.4.2. Effets du régime végétarien sur le diabète de type 2
3.5. Les apports en antioxydants
3.6. Les apports en fibres
3.7. Effets du régime végétarien sur le microbiote intestinal
3.8. Effet global du régime végétarien sur le risque cardiovasculaire
3.9. Risques de carences dues au régime végétarien
3.10. Le régime végétarien en pratique
CONCLUSION
