L’oreille du lapin
Zootechnie : l’exemple des lapins nains
Plusieurs mutations ont permis d’aboutir à la sélection de plus de 40 races de lapin répertoriées en France depuis 1963 dans un recueil des standards géré par une commission technique , dont les variétés de lapins nains que nous connaissons aujourd’hui. [35] Le tableau suivant présente une liste non exhaustive des races reconnues en France, où elles sont classées par masse, avec une exception pour les lapins de calibre petit à géant dont la fourrure présente une texture caractéristique. Les plus anciennes mutations décrites en élevages sont celles précédemment décrites déterminant la couleur [71]. On peut également citer la mutation chinchilla, qui fait disparaître la couleur jaune du poil agouti pour des plages couleurs perle, qui donne au lapin une couleur très recherchée dans les expositions [64].
La nature du poil a également été affectée par certaines mutations, comme l’apparition de la fourrure angora au 18ème siècle caractérisée par l’allongement de la durée d’activité des follicules pileux conduisant au gigantisme du poil. La robe angora a d’abord été décrite en blanc puis obtenue en différentes couleurs (robes « Renard ») [54, 67]. Le caractère Rex est connu depuis le début du 20ème siècle et désigne un poil très ras avec des poils de couverture se confondant avec le sous-poil, la fourrure apparaissant très fine. La fourrure satin désigne une réduction du diamètre des poils et une relative transparence de leur enveloppe [54]. Les lapins domestiques ont été sélectionnés progressivement sur une taille toujours croissante des oreilles jusqu’à l’apparition du port tombant des oreilles et d’un bourrelet sur le dessus du crâne caractérisant les lapins dits « béliers », avec un premier lapin bélier anglais exposé à Londres en 1852. [35, 54] Enfin, la mutation essentielle ayant conduit à la sélection des races de lapins nains concerne la diminution importante de taille au 19ème siècle, probablement obtenue à partir de croisement de lapins de Pologne. Ceux-ci sont des lapins blancs de petite taille aux yeux bleus (non albinos). A partir de cette race, le croisement avec les lapins de différentes couleurs donna les nains de couleurs. Le croisement des lapins nains de couleurs avec les différents lapins à fourrures particulières donnèrent respectivement les lapins nains angoras et rex, et les béliers nains. Les différentes variétés et les croisements à l’origine de leur sélection sont schématisés sur la figure 2.
Alimentation
Le lapin est un herbivore strict. Comme sa nourriture naturelle à base d’herbe et de végétation fraiche peut le laisser présager, le principal besoin alimentaire d’un lapin est une grande quantité de fibres. En effet, les fibres non digestibles stimulent l’appétit, permettent une bonne motilité du tractus gastro-intestinal permettant la progression du bol alimentaire, et une bonne usure dentaire [37, 59]. En l’absence d’une quantité suffisante de ces fibres, le lapin peut présenter des stéréotypies comme le fait de mâcher sa fourrure. Les fibres digestibles ont un rôle essentiel dans le fonctionnement du caecum en permettant le maintient de la microflore caecale, d’un pH optimal, d’une production correcte d’acides gras volatils et prévient de la prolifération de bactéries pathogènes [37]. Elles sont apportées majoritairement par la distribution de foin à volonté, qui doit être de bonne qualité pour une meilleure appétence, en évitant le foin de luzerne trop riche en calcium. Le lapin tire les acides aminés qui lui sont nécessaires de l’aliment ingéré et de la caecotrophie [59]. Un excès de protéines favorisera l’obésité et pourra causer un déséquilibre de la flore caecale favorisant l’apparition d’entérotoxémie.
Un apport excessif de glucides, aura les mêmes conséquences sur le poids et sur la prédisposition à l’entérotoxémie, en servant de substrat à Clostridium spiroforme [49, 59]. Les matières grasses sont un facteur d’appétence pour le lapin, qui est néanmoins sujet à l’obésité et à la lipidose hépatique. Le taux en calcium de l’aliment est également important à vérifier, car l’absorption du calcium chez le lapin ne dépend pas directement de la vitamine D. La fraction excrétée du calcium de 45 à 60% chez le lapin est très supérieure à celle rencontrée chez les carnivores de compagnies et sera ainsi directement liée à l’apport alimentaire. Si celui-ci est supérieur à 0,6-1%, cela pourra conduire à des lithiases urinaires dont les signes cliniques incluent un abattement, une anorexie, une perte de poids, une hématurie, une strangurie, une anurie, une position antalgique ou du bruxisme [60]. Les granulés, souvent élaborés à base de luzerne déshydratée, en contiennent une grande quantité et ne doivent ainsi pas être distribués comme nourriture exclusive. En pratique, la solution la plus simple pour le propriétaire est d’avoir recours aux granulés pour compléter le besoin énergétique de leur lapin, bien qu’ils ne soient pas essentiels à l’alimentation de leur lapin [59]. Les aliments industriels en France étant souvent mal adaptés, le tableau 2 permet de résumer les caractéristiques recommandées pour un aliment complet [35, 37].
Le foin de graminées contenant très peu de matière grasse, ayant un rôle hygiénique essentiel , ne favorisant pas l’obésité et comportant peu de calcium, il est recommandé de le distribuer à volonté pour des animaux n’ayant pas accès à l’herbe, et peut être distribué également à côté d’un aliment complet [37, 59]. On insistera auprès du propriétaire sur les propriétés abrasives du foin, essentielles à la prévention de malocclusion dentaire [59]. Les granulés sont distribués 1 ou 2 fois par jour en quantité limitée (2-3% du poids de l’animal soit environ 30g/kg [37, 59], car leur forte appétence et leur richesse énergétique peut conduire à l’obésité, favorisant l’apparition de pododermatites. L’eau est quant à elle mise à disposition à volonté dans un biberon suspendu aux barreaux de la cage, ou dans un bol constitué d’une matière assez lourde pour ne pas être retourné par l’animal [37]. Le lapin est un grand buveur d’eau par rapport au chien et au chat avec une prise de boisson de 50 à 150 mL/kg. Il faut veiller à la renouveler tous les jours [60, 35].
Les propriétaires apprécient également de donner des friandises à leur animal et les animaleries en proposent de nombreuses variétés plus ou moins adaptées. Généralement, celles-ci sont trop sucrées et l’animal aimera tout autant une poignée de verdure fraiche comme des plantes aromatiques (basilic, persil, coriandre…), des pousses d’épinard, de la laitue croquante, des pissenlits. Les carottes, bien que très présentes dans l’imaginaire commun, sont également très sucrées et doivent être distribuées occasionnellement et en petite quantité, comme les fruits séchés et frais [37]. Une remarque importante à signaler au propriétaire adoptant son premier lapin est l’existence et l’importance de la caecotrophie, dont le principe sera expliqué dans le paragraphe suivant. En effet, il peut s’étonner de voir son animal ingérer de petites selles recouvertes de mucus directement à l’anus. Celles-ci sont riches en vitamine B, en eau, en matière protéique et en acide gras volatil. Ce comportement normal, généralement matinal, est indispensable à la couverture des besoins nutritionnels [35].
La médecine cunicole et le rôle du vétérinaire Jusqu’à ces dernières années, le lapin ne recevait pas de soins dépassant le prix de l’animal. La médecine cunicole a évolué tardivement, en particulier depuis l’apparition de la myxomatose dans les années 50 et l’utilisation croissante comme animal de compagnie. Les inscriptions sont chaque année plus nombreuses aux cours du GENAC (Groupe d’Etude des Nouveaux Animaux de Compagnie) [68]. Comme nous l’avons vu aux cours des différents paragraphes de présentation de l’espèce, les mauvaises pratiques d’élevage et les carences alimentaires jouent un rôle primordial dans la pathologie cunicole [35]. Le rôle du vétérinaire dépasse ainsi largement le cadre diagnostique et thérapeutique au profit d’une importante activité de conseil venant compléter les informations données dans les animaleries à l’adoption. En effet, la première visite vétérinaire pour un lapin de compagnie a lieu le plus souvent pour une demande de conseils d’entretien [65].
Les propriétaires sont souvent ravis de recevoir des informations précises sur les produits hygiéniques et alimentaires adaptés à leurs animaux comme la quantité et le type de foin adapté, la verdure aromatique à donner en guise de friandise… Au-delà d’un rôle médical préventif et curatif lors de maladies, le vétérinaire est impliqué dans tous les moments de la vie de l’animal et en particulier lors de l’adoption pour aiguiller son client désireux de veiller au bien-être de son lapin. Bien que la démarche clinique reste proche de celle des carnivores domestiques, la médecine du lapin représente également un enjeu particulier pour le vétérinaire qui ne peut se contenter d’extrapoler la thérapeutique des carnivores. Il doit connaître certaines sensibilités spécifiques à l’espèce cunicole et adapter son utilisation des spécialités pharmaceutiques à une prescription la plupart du temps hors AMM [35, 60]. Une connaissance des particularités physiologiques de l’espèce est également indispensable à une prise en charge raisonnée de l’animal.
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Table des matières
LISTE DES FIGURES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LE LAPIN, NOUVEL ANIMAL DE COMPAGNIE
I- Le lapin et sa place dans le monde vétérinaire
A- Taxonomie et Ethymologie
1- La classification de l’espèce cunicole
2- Origine et signification des appellations du lapin
B- Découverte et domestication de l’espèce Oryctolagus cuniculus
1- Connaissances archéologiques et répartition géographique
2- Découverte et premières descriptions
3- Début de l’élevage et propagation de l’espèce
4- Domestication
5- Zootechnie : l’exemple des lapins nains
C- Place actuelle du lapin comme animal de compagnie
1- Perception de l’espèce cunicole et son évolution
2- Conditions d’entretien et d’alimentation
3- La médecine cunicole et le rôle du vétérinaire
II- Particularités anatomiques, physiologiques et biologiques et leurs applications cliniques
A- Interactions avec le monde extérieur
1- Peau et fourrure
2- Glandes de marquages
3- Organes sensoriels
4- Muscles et squelette
B- Système digestif
1- Cavité buccale et formule dentaire
2- La partie proximale du tube digestif et son rôle : Estomac et intestin grêle [58]
3- Le rôle primordial du caecum : fermentation et caecotrophie
4- Annexes du tube digestif
C- Appareil respiratoire et thymus
D- Tractus uro génital, reproduction et comportement
1- Particularités urinaires
2- Particularités anatomiques du tractus génital et différents temps de la reproduction
3- Comportement
E- Particularités hématologiques et biochimiques
III- L’oreille du lapin : Anatomie, histologie, physiologie et déductions thérapeutiques
A- Anatomie typologique et particularités du lapin
1- Ostéologie et arthrologie
2- Myologie
3- Neurologie
4- Glandes salivaires et noeuds lymphatiques
5- Angiologie [1, 33]
B- Anatomie descriptive
1- Conduit auditif externe
2- Tympan
3- Oreille moyenne
4- Oreille interne
C- Histologie et physiologie
1- Microclimat
2- Histologie
3- Mécanisme de l’audition
4- Autres fonctions de l’oreille du lapin
D- Déductions thérapeutiques
DEUXIEME PARTIE : PATHOLOGIE DE L’OREILLE MOYENNE ET INTERNE CHEZ LE LAPIN
I- Epidémiologie
A- Age et sexe
B- Conformation de l’oreille et race
C- Conditions d’entretien de l’oreille
II- Présentation clinique et diagnostic différentiel de la tête penchée
A- Présentation clinique
1- Symptômes généraux
2- Examen de l’oreille
3- Déficits neurologiques
B- Diagnostic différentiel
1- Causes non infectieuses
2- Causes infectieuses
3- Synthèse : classification par mécanisme (DAMNIT-V)
III- Etiopathogénie des otites moyennes et internes
A- Pathogénie
1- Otites moyennes primaires : via la trompe d’Eustache
2- Otite moyennes secondaires à une otite externe
3- Autres otites moyennes secondaires
B- Agents étiologiques des otites moyennes
1- Pasteurella multocida
2- Autres bactéries
3- Parasites
4- Corps étrangers et néoplasie
IV- Lésions et complications
A- Lésions
1- Lésions des tissus mous de la bulle tympanique
2- Lésions du conduit auditif externe et du tympan
3- Lésions osseuses
B- Complications
1- Paralysie du nerf facial
2- Septicémie
3- Abcès sous cutanés
4- Encéphalite et abcès cérébraux
V- Diagnostic
A- Otoscopie et vidéo-otoscopie
1- Réalisation pratique
2- Interprêtation
3- Avantages et inconvénients de l’otoscopie versus vidéo-otoscopie
B- Radiographique du crâne
1- Positionnement
2- Interprétation
3- Avantages et inconvénients
C- Exclusion de l’Encephalitozoonose ?
D- Scanner
E- IRM
F- Echographie
G- Diagnostics de certitude
1- Ecouvillonnage et mise en culture lors d’une myringotomie
2- Autopsie
VI- Le traitement médical et ses limites
A- Nettoyage
1- Flush du conduit et de la bulle tympanique
2- Nettoyage quotidien de l’oreille
B- Traitements topiques
1- Antibiotiques
2- Antifongiques
3- Anti-inflammatoires
C- Traitements par voie générale
1- Antiparasitaires externes
2- Antibiotiques
3- Anti-inflammatoires et analgésie
D- Difficultés et limites du traitement médical
TROISIEME PARTIE : LA CHIRURGIE DU CONDUIT AUDITIF CHEZ LE LAPIN
I- Choix de la technique chirurgicale
II- Considérations pré-chirurgicales
A- Stress et conditions d’hospitalisation
B- Examen clinique et biochimique
C- Bilan d’extension (imagerie)
D- Discussion avec le propriétaire
II- Prise en charge préopératoire de l’animal
A- Antibiothérapie
B- Pose de cathéther et anesthésie
C- Analgésie
D- Soins postopératoires
III- Technique chirurgicale du conduit auditif chez le lapin et les carnivores domestiques
A- Matériel chirurgical
B- Préparation chirurgicale
C- Résection partielle du conduit auditif externe (adaptation de la technique de Zepp)
1- Description de la technique chirurgicale chez le lapin [56, 61]
2- Variation par rapport à la technique utilisée chez le chien
3- Complications
D- Ablation totale du canal vertical
1- Description de la technique [47, 70, 72]
2- Complications
E- Ablation totale du conduit auditif et ostéotomie de la bulle tympanique (TECALBO)
1- Description de la technique [16]
2- Variation par rapport à la technique utilisée chez le chien
3- Complications
F- Abord ventral de la bulle tympanique
1- Description de la technique [15]
2- Variation par rapport à la technique utilisée chez le chien
3- Complications
QUATRIEME PARTIE : ETUDE RETROSPECTIVE
I- Matériel et Méthode
A- Animaux rentrant dans l’étude
B- Evaluation du résultat
C- Anesthésie et intubation
D- Matériel et technique chirurgicale
E- Soins post opératoires
II- Résultats
A- Description des animaux et prise en charge préopératoire
B- Suivi postopératoire et complications observées
C- Evaluation des résultats
III- Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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