Analyse de l’action publique pour le développement par l’approche des agropoles

Analyse de l’action publique pour le développement par l’approche des agropoles

Objet et méthodologie de l’étude

Précision de l’objet d’étude Quels sont les fondements conceptuels de l’approche du développement agricole par les agropoles ? On prend comme point de départ une définition simple, synthétisée à partir de la formulation utilisée dans différents textes de loi africains : « Les agropoles, ou pôles de croissance agricoles, sont définis comme un ensemble d’entreprises circonscrites dans une aire géographique donnée, qui entretiennent des relations fonctionnelles dans leurs activités de production, de transformation et de commercialisation d’un produit animal, végétal, halieutique ou forestier donné » (Jamart et al., 2016 :19). Cette formulation a émergé sous l’impulsion de plusieurs acteurs dans les arènes internationales, notamment les banques de développement (Banque Mondiale, BM 2011 ; Banque Africaine de Développement, BAD 2016).

La BAD a apporté un soutien particulièrement actif à la diffusion de ce modèle en Afrique de l’Ouest – dans le cadre de sa stratégie Nourrir l’Afrique, à laquelle sont associées les Organisations des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) et pour le développement industriel (ONUDI) (Ouattara, 2016). Une infographie reprise en annexe permet de visualiser les initiatives ayant émergé ces dernières années et les acteurs associés (annexe 1). L’approche par les agropoles a émergé pour promouvoir une vision du développement agricole, aux côtés d’un ensemble de concepts aux inspirations théoriques voisines. L’approche de développement spatial des agropoles s’inspire de la littérature des clusters et pools d’industries, qui reposent sur les effets d’agglomération et la hausse de la compétitivité (Picard et al., 2017 :3).

Elle est également proche du concept de corridor économique, et comprend donc un important volet de développement des infrastructures – tant de transport que liées à la production agricole (irrigation, stockage etc. Gálvez Nogales, 2014 :12). Un tableau synthétique reprend les différentes approches territoriales de promotion de l’investissement agro-industriel conceptualisées dans la littérature (annexe 2). Pour des raisons d’uniformité, le terme utilisé tout au long de ce mémoire sera celui d’agropoles. Il désigne l’objet d’étude dans sa définition large, telle qu’elle a été récemment formulée par la BAD : « Les Zones de Transformation Agroindustrielles (ZTAs, aussi appelées parcs agro-industriels, parcs agroalimentaires, méga-parcs alimentaires, agropoles, conglomérats agro-industriels, etc.) sont des initiatives de développement spatial axées sur l’agriculture qui ont été conçues avec pour objectif de concentrer les activités agro-industrielles dans des zones à fort potentiel agricole afin d’accroître la productivité et d’intégrer la production, la transformation et la commercialisation de certains produits. » (BAD, congrès sur la transformation du secteur agricole en Afrique, février 2018)

De nombreuses publications institutionnelles et travaux académiques approfondissent les bases conceptuelles et mécanismes économiques liés aux agropoles, publiés par la BAD, la BM et la FAO.3 Un deuxième champ de littérature rassemble des études détaillées, qui documentent un ou plusieurs projets précis – en particulier leur structure financière et technique, et leurs impacts (p. ex. Jamart, et al., 2016 ; Chiapo, 2016 ; Venot et al., 2017 ; Soullier, 2017). La voie pour l’agriculture africaine identifiée à travers cette littérature comprend des mécanismes de coordination verticale combinés à des changements d’échelle d’activité et de technologie. Ces modifications doivent permettre des économies d’échelle et l’amélioration de la qualité des produits, aboutissant à une amélioration de la valeur ajoutée. La production, la transformation et la commercialisation des produits agro-alimentaires doivent à termes augmenter. L’atteinte de cet objectif comprend plusieurs étapes, représentées par le schéma .

Acteurs en présence

Les acteurs porteurs des politiques publiques sont, en premier lieu, étatiques. Il s’agit des acteurs gouvernementaux – les Ministères, mais aussi les structures parapubliques (agences) qui mettent en oeuvre les plans agricoles. La question de la marge de manoeuvre des politiques publiques en Afrique et de la dépendance vis-à-vis de l’aide internationale fait néanmoins débat au sein de la littérature dédiée (par ailleurs en expansion ces dernières années en sciences politiques et socio-anthropologie. Eboko & Hassenteufel, 2015). « Il s’agit en Afrique d’une action publique particulière, résultant des interventions plus ou moins coordonnées d’acteurs hétérogènes, largement influencée par les modèles externes, où la capacité (mais aussi la volonté) de coordination des États est variable. » Ce constat, formulé dans le cadre de travaux portant sur les politiques de santé en Afrique (Lavigne Delville, 2017 :217), illustre bien les questionnements qui structurent le champ d’étude propre aux agropoles.

Cette approche du développement, fortement liée à l’impulsion d’institutions comme la BAD, est porteuse de lignes directrices pour l’action publique. Les bailleurs de fonds, partenaires techniques et financiers (PTF), et structures mixtes créées dans le cadre de projets (comme Bagrépôle au Burkina Faso) sont des acteurs largement influents. Bien que cette étude ne porte pas sur les arènes de fabrication des politiques publiques, l’analyse prend en compte le rôle de ces acteurs dans leur mise en oeuvre. En ce qui concerne les acteurs cibles, l’agriculture ouest-africaine est constituée principalement par des exploitants familiaux, qui assurent la majorité de la production agricole.9 L’agriculture familiale se caractérise par un capital confondu avec celui du ménage, une main d’oeuvre principalement familiale (à laquelle peuvent se rajouter des travailleurs temporaires), une gestion familiale de la production, une autoconsommation modérée ou forte et un statut juridique pas toujours formel (d’après Bosc, 2015).10

L’utilisation de cette catégorie dans le cadre de ce travail ne dispense pas de reconnaître les nombreuses nuances de situations entre les exploitations familiales, dont les contours peuvent varier en fonction de la zone éco-géographique (CGER, 2014 :9).11 L’hétérogénéité marque également les acteurs privés, nécessaires à la concentration des activités agroindustrielles dans le cadre des projets d’agropoles (schémas 1). Les agrobusiness (AB) ont une place centrale, puis-ce qu’ils doivent permettre la croissance des activités de transformation, de distribution et de fourniture d’intrants, et le développement de relations contractuelles avec les petits producteurs.

L’AB est défini comme une entreprise privée, nationale ou multinationale, dotée de moyen de production à fort contenu en capital, et intégrée aux marchés, qui met en place une agriculture productiviste et qui peut intégrer les activités d’agrofourniture, de transformation et de commerce (d’après Giertz et al., 2013).12 Ces AB ou « entreprises agro-industrielles » (Reardon & Barrett, 2000) sont appelées  » firmes agroindustrielles » dans la littérature de recherche sur l’agro-industrie (voir Purseigle et al., 2017). Elles incluent donc aussi bien les firmes multinationales (identifiées par plusieurs travaux comme cible des politiques publiques de réglementation, Jamart et al., 2016 ; Picard et al., 2017), que les entreprises nationales à plus ou moins grande échelle. Le terme d’AB englobe également des acteurs d’origine distinctes : les acteurs privés pouvant investir, et donc potentielles cibles de l’action publique, peuvent provenir des zones urbaines pour affluer vers les territoires ruraux (Ribier et Baris, 2013 :152).

Hypothèse de recherche

Les politiques publiques visant à développer les agropoles en Afrique de l’Ouest sont récentes et peu documentées. Approfondir l’analyse permettra de mieux déterminer quel a été jusqu’ici le rôle des États, quels types d’acteurs sont ciblés, et quelles transformations sont à l’oeuvre dans le monde rural. En l’état actuel des connaissances face au questionnement initial, il semble que les modalités d’action des gouvernements africains pour développer l’agriculture par l’approche des agropoles soient assez limitées. Ceux-ci miseraient sur une catégorie précise d’acteurs afin de capter les financements qui leur font défaut pour l’intensification de l’agriculture souhaitée. Le tableau de synthèse des différentes approches territoriales de promotion de l’investissement agroindustriel conceptualisées dans la littérature (annexe 2) précise bien quelles mesures sont pressenties pour attirer les investissements.

Les domaines non documentés pourraient certes ne pas être contemplés par l’action publique, mais la mise en place de certaines politiques spécifiques pourrait également être en cours. Cette intervention ne fait pas l’objet de consensus quant à ses impacts sur les agricultures et sociétés africaines. Afin d’éclairer ces enjeux, cette étude vise à caractériser les modalités, acteurs cibles et niveau d’opérationnalisation de l’action publique. Au vu d’un état de l’art encore peu développé, on formule une hypothèse de recherche qui ne conjecture que sur une modalité parmi les plus documentées (Ouattara, 2016 ; Jamart et al., 2016 ; Picard et al., 2017). On ouvre ainsi un large champ de comparaison avec d’autres leviers et acteurs cibles de l’action publique. Il s’agira d’infirmer ou vérifier que les politiques publiques de développement agricole par le modèle des agropoles se traduisent principalement par des exonérations fiscales à destination des agrobusiness.

Données de l’étude et sources

Les différentes sources mobilisables dans le cadre de cette revue de littérature sont les documents scientifiques, militants, et les documents de cadrage des politiques publiques. Cette littérature a été complémentée par des entretiens avec des chercheurs travaillant sur (et/ou dans) les pays étudiés. Comme mentionné précédemment, la plupart des travaux mobilisés adoptent soit une approche filière à l’échelle du projet, soit une approche macroéconomique. A ces différences d’échelles et d’angles d’approche se superposent des divergences d’intérêts (orientation des politiques, plaidoyer, recherche scientifique), autour de thématiques très discutées, qu’il s’agira de décrypter. Un autre défi est d’attester du passage de l’intention à la réalisation de l’action publique. S’il est indispensable d’analyser les documents de cadrage des politiques, c’est bien leur réalisation qui est l’objet de ce mémoire. L’accès à des données chiffrées sur les décaissements détaillés par poste de dépenses publiques agricoles s’est pourtant révélé difficile.

L’analyse prend en compte le caractère récent de l’approche par les agropoles : si on constate un manque de réalisation, on postulera qu’il peut être soit expliqué par la phase de transition, soit par d’autres facteurs comme le manque de moyens ou de volonté politique. On tentera de distinguer l’un de l’autre, cependant faire état de l’application des politiques publique est un défi important dans le cadre de cette étude. Dans la mesure du possible, on mobilise des données chiffrées. Elles proviennent en partie de sources nationales, non uniformes. Les objectifs de politique agricole sont formalisés à la fois dans les Plans Nationaux d’Investissement Agricole (PNIA, dont l’objectif est le recensement des besoins d’investissement agricole dans le cadre du dispositif régional ECOWAP-PDDAA17), et dans le volet agricole du document de politique générale. Dans les cas ou des divergences apparaissent entre ces deux cadres dans la priorisation des mesures – comme c’est le cas pour la filière riz au Sénégal – cette étude retient les données des documents propres aux stratégies nationales, et non celles des PNIA. En effet, il est important de garder à l’esprit que les PNIA ne sont pas per se des indicateurs de décaissement. Une étude ayant tenté d’en estimer les dépenses précises dresse le constat de l’absence de suivi effectué par les pays (Gabas, Ribier et al. 2015B :16).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Résumé – Mots clés
Abstract – Keywords
Table des matières
Table des illustrations
Liste des abréviations
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 – Objet et méthodologie de l’étude
1.1 Problématisation
1.1.1 Précision de l’objet d’étude
1.1.2 Acteurs en présence
1.1.3 Hypothèse de recherche
1.2 Méthodologie
1.2.1 Typologie des modalités d’action publique
1.2.2 Études de cas : méthode et justification
1.2.3 Données de l’étude et sources
Chapitre 2 – Analyse de l’action publique pour le développement par l’approche des agropoles
2.1 Étude de cas : Burkina Faso
2.1.1 Contextualisation : cadre politique et projet d’agropole étudié
2.1.2 Synthèse de la caractérisation de l’action publique burkinabé
2.1.3 A Bagrépôle, les espoirs sur l’apport des agrobusinessmen restent frustrés par des retards et blocages
2.2 Étude de cas : Côte d’Ivoire
2.2.1 Contextualisation : cadre politique et projet d’agropole étudié
2.2.2 Synthèse de la caractérisation de l’action publique ivoirienne
2.2.3 La stratégie de développement de la filière riz à Bélier, tributaire de la mobilisation de capitaux étrangers, rencontre des difficultés
2.3 Étude de cas : Sénégal
2.3.1 Contextualisation : cadre politique et projet d’agropole étudié
2.3.2 Synthèse de la caractérisation de l’action publique sénégalaise
2.3.3 Dans la vallée du fleuve Sénégal, l’important développement de l’agrobusiness exacerbe les enjeux fonciers
Chapitre 3 – Interprétation des résultats de l’étude et agenda de recherche
3.1 Interprétation des résultats
3.1.1 Les politiques publiques se traduisent principalement par des exonérations fiscales à destination des agrobusiness
3.1.2 Analyse critique des leviers d’action publique mobilisés
3.1.3 Analyse critique des acteurs cibles de l’action publique
3.2 Prolongements pour l’agenda de recherche
3.2.1 L’écart entre les synergies souhaitées entre les acteurs du monde rural et l’action publique pour les voir se réaliser témoigne du caractère normatif de l’approche par les agropoles
3.2.2 Les rapports de force dans lesquels l’approche par les agropoles a émergé invitent à questionner ses implications pour les trajectoires de développement agricole
3.2.3 Un objet d’étude riche en questionnements sur les contours de l’action publique, à la lumière des policy transfer studies
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Analyse de l’action publique pour le développement par l’approche des agropolesTélécharger le rapport complet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *