Contexte géologique
Le complexe du Messum est un massif cristallin anorogénique situé au nord-ouest de la Namibie dans le Damaraland . Il est considéré comme faisant partie de la province des basaltes continentaux de Paraná-Etendeka (Ewart et al, 1998). La province basaltique de Paraná-Etendeka s’étend de part et d’autre de l’atlantique sud, au Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay d’une part (Paraná), et en Namibie et Angola d’autre part (Etendeka). Le volume de magma émis est estimé entre 0.8 et 1,5 x 10⁶ km3 (Ewart et al. 1998, Renne et al.,1992), dont la majorité se trouve en Amérique du Sud, puisque seulement 2.5 x 10⁵ km3 sont exposées dans la partie Etendeka sur une surface de 80 000 km2 (Renne, 1996, Deckart et al., 1996).
Les âges radiogéniques obtenus sur les massifs cristallins et laves de la province de l’Etendeka s’étalent entre 137 et 124 Ma (Milner et al., 1995). A l’intérieur de cette période, les âges obtenus sur les laves : 131.7 ± 0.7 Ma et 132.3 ± 0.7 (Renne, 1996, Glen et al., 1996) suggèrent une mise en place rapide sur une période de 2 Ma. L’activité des complexes serait donc plus étalée. Ces âges sont très comparables à ceux obtenus pour le Paranà (Renne et al., 1992). Ils montrent une activité magmatique intense au début du crétacé inférieur avec mise en place de laves et de plutons. Comme dans de nombreuses autres régions, le lien génétique entre ces différents ensembles n’est pas clairement défini.
Rappels des travaux sur les complexes mixtes basiques et différenciés
Parmi les intrusions mixtes basiques et différenciées, deux ont été particulièrement étudiées. La première est Okenyenya, étudiée notamment par Simpson (1954) via une approche pétrologique, puis du point de vue géochimique par Le Roex et al. (1996) et Martinez et al. (1995 et 1996). La seconde, le Messum, n’a fait l’objet que des études pétrologiques de Korn et Martin (1954) et Mathias (1957), ces deux études anciennes ne contiennent ni analyses de minéraux, ni étude détaillée des évolutions minéralogiques. Plus récemment, Ewart et al. (1998b) et Harris et al. (1999) ont publié des études géochimiques sur le complexe du Messum à la fois sur des éléments en traces (Ewart et al., 1998a) et sur les rapports isotopiques du strontium, du néodyme et de l’oxygène (Harris et al., 1999).
Le complexe d’Okenyenya
Par sa structure et la nature des roches présentes, le massif d’Okenyenya est le plus semblable au complexe du Messum.
La carte géologique du complexe d’Okenyenya dessinée par Le Roex et al. (1996), montre les différentes unités caractéristiques des intrusions mixtes basiques et différenciées :
• Une série clairement tholéïtique, ici représentée par des gabbros picritiques, des gabbros à olivine et des monzodiorites à quartz. D’après Simpson (1954) “When traced outwards from the inner margin the rocks of this group show continuous variation in the compositions of the major constituent minerals which corresponds to the cryptic layering of the Skaergaard intrusion […]”. Cette unité est recoupée par deux ensembles de syénites.
• Une série alcaline sur-saturée en silice représentées sur la carte par les ensembles « syenite » et « quartz syenite »,
• Une série alcaline sous-saturées en silice comprenant des gabbros alcalins, des essexites et des pulaskites ici appelées syénites à néphéline. Les gabbros alcalins contiennent localement de la néphéline (Simpson, 1954) ce qui en fait à proprement parler des théralites d’après la définition de Le Maître et al. (2002).
Ces différentes unités ont été datées par Milner et al. (1993) à 129 ± 2 Ma pour les gabbros, alcalins ou tholéïtiques, à 126.3 ± 1 Ma pour les essexites et à 123.4 ± 1.4 Ma pour les syénites à néphéline. Ces âges sont en accord avec les observations de terrain.
Cette organisation est très similaire à celle du Messum, cependant Okenyenya se distingue par la présence de nombreux filons de lamprophyre, de quelques filons de roches à affinité camptonitique et alnoïtique recoupant le massif, et d’un petit pipe de lamprophyre bréchique. De telles roches ne sont pas connues dans le Messum. Dans les alnoïtes, Baumgartner (1994) décrit des mélilites et de la pérovskite. Si la présence de pérovskite est confirmée par Lanyon et al. (1995), celle de mélilite ne l’est pas. Cependant, les auteurs s’accordent à reconnaitre la présence dans ces roches de carbonates magmatiques et leurs accordent donc une affinité carbonatitique. La présence de carbonatites n’est pas reconnue dans le Messum même si elle a été recherchée. Seul Mathias (1956) rapporte l’existence d’un filon de carbonatites d’un mètre cinquante de large et suivi sur cinquante mètres dans le Messum. Il n’a été rapporté par aucun autre auteur. Ewart et al. (1998a) cite la présence de carbonatites dans les basaltes du Goboboseb entourant le complexe.
Le Messum
Présentation générale
Le complexe du Messum est divisé, comme Okenyenya, en trois grandes unités :
• une unité tholéïtique constituée de gabbros et diorites,
• une unité de roches alcalines à quartz,
• une unité de roches à néphéline.
L’unité externe correspondant aux gabbros tholéïtiques forme deux puissantes barres massives ayant un relief de 200m au nord et à l’ouest du complexe, et de nombreuses petites rides peu élevées au sud-est. Dans cette partie, les gabbros en fins feuillets alternent avec des lames de granite. Cette différence morphologique est accompagnée d’une différence minéralogique. Au nord et à l’ouest, les gabbros ont un caractère d’adcumulats à olivine, clinopyroxène et plagioclase, alors que la biotite et l’orthopyroxène se développent au sud-est. Cette différence n’est pas toujours très nette entre ces deux coté du massif. Au centre du complexe, notamment au nord et à l’est de New Year Hill des diorites à quartz doivent sans doute être rattachées à cette unité. Différents filons granitiques recoupent les gabbros du nord-ouest.
L’unité intermédiaire est composée de syénites alcalines à quartz. L’ensemble dessine un anneau régulier mais non continu à l’affleurement d’environ un kilomètre de large. Ces syénites forment des reliefs assez importants atteignant 150 mètres. Dans le détail, à l’intérieur de chaque partie affleurant, on distingue des variations de faciès, de taille de grain et des différences de compositions minéralogique, mais sans qu’il soit possible de mettre en évidence une zonation de l’ensemble. A certains endroits, notamment sur Cave Hill, on observe clairement deux faciès qui se mélangent, l’un clair, l’autre sombre, et qui sont des syénites à quartz respectivement pauvres et riches en ferromagnésiens (voir description pétrologique de la série alcaline à quartz).
L’unité interne est composée de roches alcalines à néphéline. On y trouve de nombreux faciès aussi différents que des théralites, des syénites à néphéline et sodalite, des essexites, néphélinites, et monzodiorites à néphéline (ici appelées syénites à plagioclase). Les variations semblent très rapides : brutales ou sur quelques mètres, mais sans limites nettes avec toutes sortes d’intermédiaires et ne pouvant être cartographiés, à l’exception partielle des théralites. Au centre, quatre petites collines nommées « Hill 1 » à « Hill 4 » par Harris et al. (1999) sont peut être des intrusions distinctes (Harris et al., 1999) cependant ce dernier reconnait qu’il est difficile, voir impossible, de le montrer.
Dans la moitié Est du massif, New Year Hill et une partie de Camp Hill apparaissent comme un vaste panneau complexe comportant des cornéennes volcaniques, des intrusions à grain fin, des laves basaltiques à rhyolitiques, des débris pyroclastiques, et des roches sédimentaires (Harris et al., 1999). Ce panneau est pincé entre les syénites à quartz et les gabbros tholéïtiques et atteste de la mise en place à faible profondeur du massif. Il est recoupé par de nombreux filons de syénites décrits par Korn et Martin (1954), Mathias (1956) et Harris et al. (1999). Nous ne l’avons pas étudié faute de temps. Les zones basses du complexe sont généralement couvertes de formations récentes plus ou moins consolidées. Cependant, au sud-ouest entre les deux barres de gabbros et à l’entrée du sud du complexe, affleurent des granitoïdes variés. Leur extension est difficile à estimer. Néanmoins Ewart et al. (2002) considèrent qu’ils occupent l’essentiel de la zone centrale sous la couverture récente (voir les modèles de mise en place du complexe plus bas).
L’âge du complexe du Messum
Sur le terrain, les relations entre les trois grandes unités du complexe du Messum semblent bien établies. Les syénites à quartz recoupent les diorites associées aux gabbros tholéïtiques (pointe nord de New Year Hill). Des filons de basanites recoupent les syénites à quartz sur Cave Hill ou sur Little Cave Hill. Les filons de basanites et de syénites à néphéline se recoupent mutuellement entre Little Cave Hill et la colline 4. Les basanites et les syénites à néphéline sont donc contemporaines et l’unité à néphéline est postérieure à l’unité à quartz. Les datations absolues confirment cette chronologie. Les âges 40Ar/39Ar mesurés par Renne et al. (1996) sont de 132.1 ± 0.7 Ma pour les gabbros du sud-est et non significativement distincts de ceux obtenus sur les diorites associées et un niveau «d’anorthosite », probablement cumulatif dans le nord du massif, (voir carte géologique au 1/250 000 d’Omaruru) appartenant à la même unité. Plus récemment, Renne et al. (2002) ont estimé l’âge des gabbros à partir de l’orientation magnétique des exsolutions de magnétite dans les clinopyroxènes, à 130 Ma en accord avec le résultat précédent. L’âge 40Ar/39Ar calculé par Renne et al. (1996) pour les syénites à néphéline est de 129.3 ± 0.7 Ma. Milner et al. (1995) donnent un âge Rb/Sr de 126.8 ± 1.3 Ma calculé pour une syénite à néphéline.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I – Présentation du Messum
A – Contexte géologique
B – Rappels des travaux sur les complexes mixtes basiques et différenciés
1 – Le complexe d’Okenyenya
2 – Le Messum
C – Problématique du Messum
Chapitre II – Les roches à néphéline
A – Les théralites
1 – L’olivine
2 – Les spinelles
3 – Les clinopyroxènes
4 – Le plagioclase
5 – L’amphibole
6 – La biotite
7 – La néphéline
B – Les basanites
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths et la néphéline
C – Les essexites
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths et la néphéline
3 – Roches particulières associées
D – Les syénites à néphéline
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths et feldspathoïdes
3 – Les phases minérales accessoires
E – Les syénites à sodalite
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths et les feldspathoïdes
3 – Les phases minérales accessoires
F – Syénite peralcaline
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths et les feldspathoïdes
3 – Les phases minérales accessoires
G – Les néphélinites à olivine
1 – Les phénocristaux
2 – La mésostase
Chapitre III – Caractérisation minéralogique des roches à quartz
A – Les syénites à quartz : description pétrologique
1 – Les minéraux ferromagnésiens
2 – Les feldspaths
3 – Les phases minérales accessoires
B – Problème de la variabilité chimique des sorosilicates accessoires
1 – Chimie et Cristallochimie des chevkinites
2 – Composition obtenues sur les grains de type chevkinite
Chapitre IV – Relations entre les différentes roches
A – Relations entre les roches à néphéline
1- Les roches basiques à l’origine des roches à néphéline
1-a : Les théralites
1-b : Les basanites
1-c : La néphélinite à olivine
2 – Variations chimiques des roches à néphéline
3 – Evolution minéralogique
3-a : Les réactions minéralogiques sans le potassium
3-b : l’effet plagioclase
3-c : Disparition de l’amphibole
3-d : Le potassium
3-e : Evolution Chimique de la néphéline
4 – Une ou deux évolutions sous-saturées en silice
B – Relations entre les roches à quartz et à néphéline
1 – Possibilité de franchir la barrière
2 – Arguments géochimiques en faveur de la contamination
3 – Traces minéralogiques d’une contamination
4 – Autre lien possible que la contamination
Conclusions générales
Bibliographie
