Simulation et modélisation des transferts thermiques au sein des écoulements turbulents diphasiques à bulles

La turbulence et les transferts thermiques en écoulement à bulles, un cas industriel

Depuis des années, le CEA se place dans le paysage des entreprises françaises en tant que référence dans le transfert d’expérience de la recherche à l’industrie. Au DM2S, Département de Modélisation des Systèmes et Structures, cette remontée de l’abstrait au concret s’incarne dans les efforts de remontée d’échelle développés pour transférer la compréhension des phénomènes locaux aux comportements de systèmes globaux. Les effets locaux sont étudiés à l’aide de simulations fines ou expérimentalement, et les phénomènes globaux sont principalement implémentés dans le code système industriel de référence, Cathare. Il s’agit du logiciel principal de simulation complète de la thermo hydraulique, mécanique et neutronique d’un réacteur nucléaire. Un objectif du CEA est la mise en place d’un jumeau numérique complet d’une centrale. Un tel outil est ou pourrait être utilisé en amont, pour des études de sécurité, la conception et la validation par l’autorité de sûreté. Il s’inscrit aussi dans l’opérationnel, pour la formation des opérateurs et le contrôle en temps réel de la puissance. La turbulence de bulles et les transferts thermiques associés, sujets de cette thèse, s’inscrivent donc dans le cadre de la recherche aux échelles fines, en amont de la remontée d’échelles pour la thermo-hydraulique.

Les transferts de chaleur, une question explosive 

Les transferts de chaleur au sein des écoulements sont un problème majeur pour la conception et le pilotage de toute centrale thermique refroidie par liquide. C’est le cas notamment des centrales nucléaires, dont le refroidissement présente en plus une importance évidente en termes de sécurité. C’est aussi le cas des centrales solaires par concentration. Dans les deux cas, la source de chaleur doit être refroidie de manière contrôlée de sorte que la température des parties en contact avec la source de chaleur soit maîtrisée. L’objectif est de rester dans les gammes que le matériaux est capable de supporter sans s’endommager de manière excessive. Le problème que l’on cherche typiquement à éviter est celui de la crise d’ébullition. Dans certaines conditions, les transferts de chaleur entre la source et le liquide sont trop importants et mènent à une trop grande production de vapeur. Cette vapeur commence à se former sous forme de bulles, de poches, puis de film en paroi. Dans ce cas, la vapeur ayant une conductivité thermique plus faible que le liquide, les transferts de chaleur vers le liquide diminuent brusquement. La température des parois monte et mène à une dégradation de celles-ci. Ce problème industriel majeur a mené à une recherche scientifique et industrielle phénoménologique sur des maquettes des parties du cœur concerné. En effet, les phénomènes en œuvre sont d’une grande complexité :
— turbulence
— nucléation
— évaporation
— recondensation
— transferts aux parois
— . . .

Cette diversité de phénomènes et de régimes, est aujourd’hui partiellement décrite et peu comprise dans son ensemble. Les études et corrélations utilisées sont pour certaines tirées de relations phénoménologiques issues d’expérimentations. Ces études ont notamment lieu au CEA par exemple dans le cadre des thèses de Berne [6], Bricard [13] et Manon [58] avant les années 2000. Cette diversité de phénomènes rend la tâche de les séparer expérimentalement très compliquée. Suite à une amélioration sans précédent des capacités de calcul ces 30 dernières années, la simulation numérique est de plus en plus utilisée pour la simulation et permet d’atteindre des degrés de description suffisant pour des conditions d’écoulement proches de conditions industrielles. Ces logiciels de simulations ont été développés petit à petit, traitant toujours davantage de phénomènes physiques. Aujourd’hui, bien qu’une bonne part des phénomènes physiques et numérique soient encore en étude, certains problèmes ont été levés pour le traitement de la dynamique des écoulements à bulles en simulation fine. C’est donc depuis quelques années au tour des transferts thermiques de faire l’objet d’un recherche de résolution numérique fiable. C’est dans ce cadre que la simulation des transferts thermiques dans les écoulements diphasiques intéresse particulièrement le milieu de la recherche sur la mécanique des fluides diphasiques numérique.

La bulle au cœur de nos préoccupations 

Le phénomène d’ébullition et de transfert de chaleur dans un liquide avec des bulles et entre le liquide et les bulles sont peu décrits dans la littérature. Les recherches les plus actives concernant des transferts de chaleur dans des écoulements complexes portent la plupart du temps sur des particules solides. Certaines similarités peuvent être remarquées entre les approches et modélisations, mais les particules sont d’habitude considérées comme étant plus petites que l’échelle de Kolmogorov de la turbulence étudiée. Elles n’ont donc pas d’impact individuellement sur la turbulence. Au contraire les bulles induisent d’elles même différents phénomènes turbulents ou non : une oscillation naturelle due à leur déformabilité, des sillages moyens, la turbulence de sillages, une interaction turbulente de ces sillages. Ces trajectoires oscillantes et les sillages ont un effet direct sur la convection de la température dans la phase liquide.

La simulation diphasique plus largement 

La simulation d’écoulement multiphase a une portée plus grande que celle des écoulements à bulles. Qu’il s’agisse d’interface libre, d’écoulement à lit de particules fluidisé, de gouttes ou d’inversion de phase, toutes ces configurations sont des sujets de recherches actifs. Ils font aujourd’hui de plus en plus appel à la simulation numérique. Ainsi de nouvelles méthodes sont développées, il s’agit soit d’outils de résolution génériques, soit de réponses à un cas particulier. Les multiples cas d’application expliquent donc la diversité des méthodes numériques existantes et leurs nombreuses variantes. Ces méthodes numériques présentent chacune des avantages et des inconvénients, mais sont pour la plupart demandeuses d’une certaine complexité dans leur implémentation. Certaines demandent un réglage fin de méta-paramètres pour mitiger certains effets numériques indésirables dans la configuration simulée.

La remontée d’échelle par la simulation fine comme méthode

Qu’est-ce que la Simulation Numérique Directe ? 

Comment définir la simulation numérique directe ? La question peut sembler naïve, mais n’est pas si futile. Serions-nous capables avec de telles simulations de mimer parfaitement un écoulement réel en supposant que les conditions initiales et aux limites imposées soient parfaites ? De créer une forme de daìmon de Laplace restreint aux écoulements ? Une “intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.”. Devant l’immensité d’un tel objectif, le doute est de mise.

Un tout premier obstacle à la simulation directe se dresse : la mise en équation. Cette mise en équation, repose sur des hypothèses de comportement des fluides, dans le cadre de la mécanique des milieux continus. Ces hypothèses font d’ailleurs l’objet de la première section du premier chapitre de ce manuscrit. Ces hypothèses, forme de modélisation primaire, sont associées à une approximation des comportements physiques mésoscopiques mesurés. Ces comportements sont capturés dans leurs tendances statistiques dans certaines conditions (vitesse, pression, température, etc). À l’échelle de l’atome, ils ne se mesurent pas. Cependant, le saut d’échelle entre un atome et une particule fluide est tel dans les conditions qui nous intéressent, que ces moyennes sont réalisées sur de grandes quantités de molécules. Cela garantit un comportement très stable et bien décrit de ces lois. Il s’agit du cadre classique de la physique des milieux continus. C’est dans ce cadre là que la simulation numérique directe vise à percer le secret des fluides. Le modèle de ce cadre est différent de la modélisation qui est réalisée lors du changement d’échelle dont il est question dans ce manuscrit. Cette dernière pourrait être qualifiée de modélisation secondaire. Elle consiste à passer à une vision moyennée à deux fluides, dite Euler-Euler .

Une fois ces hypothèses acceptées, considérons que les fluides observés dans notre expérience ont exactement les mêmes propriétés que nos fluides simulés. Ou tout au moins que la différence provoquée par ces incohérences sont négligeables au point de ne pas être mesurables. Imaginons que nous disposions de capacités de calcul sans limite. Sommes-nous capables de déterminer tous les mouvements, les transferts de chaleur, présent et futur d’un écoulement par la simulation ? Il est de bon ton de se rapeler que les mathématiciens les plus éminents n’ont pas encore réussi à démontrer l’existence et l’unicité de la solution de l’équation de Navier-Stokes. . . monophasique. Autant dire que les écoulements à bulles sortent du cadre mathématique dans lequel le physicien numéricien est assuré que ses schémas numériques sont consistants, stables sous certaines conditions et convergents.

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Table des matières

Introduction
La turbulence et les transferts thermiques en écoulement à bulles, un cas industriel
Les transferts de chaleur, une question explosive
La bulle au cœur de nos préoccupations
La simulation diphasique plus largement
La remontée d’échelle par la simulation fine comme méthode
Qu’est-ce que la Simulation Numérique Directe ?
L’approche à deux fluides
La suite de l’échelle, encore des moyennes
Méthodes et articulation de la thèse
Le numérique, une responsabilité supplémentaire pour un physicien
Plan de thèse
I Simulation de transferts thermiques sans saut de propriétés
1 SND des transferts thermiques dans les écoulements à bulles
1.1 Écoulements turbulents diphasiques à bulles
1.1.1 Hypothèses de modélisation dans chaque fluide
1.1.2 Conditions limites aux interfaces
1.1.3 La turbulence, les bulles, les sillages
1.2 Stratégies de résolution numériques
1.2.1 Stratégies de maillage
1.2.2 Localisation de l’interface
1.2.3 Discrétisation spatiale
1.3 SND diphasique thermique dans la littérature
1.3.1 La simulation de transferts de chaleur monophasique
1.3.2 La simulation diphasique
1.3.3 La simulation diphasique de transferts thermiques
1.4 Monofluide et suivi d’interface dans TrioCFD-IJK
1.4.1 Géométrie, conditions aux limites, discrétisation
1.4.2 Le suivi d’interface
1.4.3 L’expression monofluide, la dynamique
1.5 Résolution de l’équation d’énergie thermique
1.5.1 L’équation d’énergie thermique
1.5.2 La convergence des opérateurs utilisés
Conclusions
2 Études des transferts thermiques en canaux
2.1 Présentation du cas du canal
2.1.1 Conditions aux limites
2.1.2 Changement de variable
2.1.3 Nombres adimensionnés
2.2 Écoulement moyen
2.2.1 La moyenne de Reynolds, une moyenne statistique
2.2.2 Application à l’équation diphasique de température
2.2.3 Équation moyenne en canal
2.3 Le canal de Kawamura, monophasique
2.3.1 Configuration
2.3.2 Étude en maillages
2.3.3 Dynamique de l’écoulement
2.3.4 Profil de température
2.3.5 Statistiques de fluctuations vitesse-température
2.3.6 Nombre de Nusselt pariétal
2.4 Le canal de Dabiri, diphasique à bulles
2.4.1 Configuration
2.4.2 La dynamique de l’écoulement à bulles en canal
2.4.3 Profil moyen des statistiques de température
2.4.4 Statistiques des fluctuations vitesse-température
2.4.5 Nombre de Nusselt de canal
Conclusions
3 Étude en essaim de bulles
3.1 La physique d’un essaim homogène de bulles
3.1.1 Équations locales
3.1.2 Écoulement et transferts moyens
3.1.3 La mise en place du calcul
3.2 Convergence en maillage des simulations
3.2.1 Mise en place de 4 maillages
3.2.2 Convergence de la thermique
3.3 Étude en nombre de Prandtl à Re = 400
3.3.1 Vue d’ensemble
3.3.2 Invariance par adimensionnement
3.3.3 Nombre de Nusselt global
3.3.4 Modèles de nombre de Nusselt de la littérature
3.3.5 Nombre de Nusselt liquide
3.3.6 Utilisation d’une interpolation type Richardson pour le nombre de Nusselt liquide
3.4 Étude en nombre de Reynolds
3.4.1 Des champs dynamiques différents
3.4.2 Des champs thermiques différents
3.4.3 Une dépendance du nombre de Nusselt au nombre de Péclet
Conclusions
II Étude de schémas numériques pour la conservation de l’énergie thermique dans le cas de propriétés discontinues
4 FluidDyn : simulation de transferts thermiques en 1D
4.1 Introduction
4.1.1 Description du problème physique résolu
4.1.2 Architecture générale du simulateur
4.1.3 Définition du jeu de données
4.1.4 La simulation à un instant donné, calcul des flux
4.1.5 Correction des flux à proximité de l’interface
4.1.6 La gestion temporelle d’une simulation
4.2 Validation du code
4.2.1 Ordres d’interpolation et de convergences
4.2.2 Le cas sans saut de propriété : pseudo-monophasique
4.3 Études de la formulation monofluide avec discontinuités
4.3.1 Étude de convergence numérique de la perte d’énergie
4.3.2 Études de l’influence respective des erreurs de convection et de diffusion sur la perte d’énergie
4.3.3 Étude de l’influence des paramètres physiques sur la perte d’énergie
Conclusions
5 Conservation de l’énergie avec saut de propriétés
Introduction
5.1 Mathematical formulation of the Temperature One-Fluid method (TOF)
5.1.1 Front-tracking method (FT)
5.1.2 Hypotheses on the flow dynamics
5.1.3 Temperature equation in the local one-fluid paradigm
5.1.4 Numerical resolution of the flow dynamics
5.1.5 Finite volume, formulation choices
5.1.6 Discretization, finite difference interpolation
5.1.7 Temporal integration
5.1.8 Heat diffusion around a single bubble
5.2 TOF formulation, a conservation issue
5.2.1 A homogeneous bubbly flow
5.2.2 A 1D periodic bubbly flow with heat transfer
5.3 New formulations: quest for conservative and accurate formulations
5.3.1 Improvement of the temperature equation integration in the temperature formulation
5.3.2 Energy formulation
5.3.3 Convergence order of the ESP mehtod
Conclusions
6 Application en 3D de la formulation conservative
6.1 Études 1D du passage en 3D de la méthode ESP
6.1.1 Correction des flux aux faces non diphasiques
6.1.2 Intégration en temps des fractions de surface mouillées
6.1.3 Utilisation de températures ghosts
6.1.4 Correction du flux diffusif
6.1.5 Formulation implémentée dans TrioIJK
6.2 Méthode numérique en 3D
6.2.1 Le calcul des faces mouillées
6.2.2 Interpolation de la température à l’interface
6.2.3 Interpolation de la température pour le calcul du flux convectif aux faces diphasiques
6.2.4 L’interpolation de la température pour le flux convectif avec les cellules ghosts
6.2.5 Résumé des étapes de correction du flux à proximité de l’interface
6.3 Cas test de validation
6.3.1 Validation de l’interpolation de la température à l’interface
6.3.2 Validation du calcul des faces mouillées et du barycentre
6.3.3 Validation globale
Conclusions
Conclusion

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