Suivi de la fin de vie au domicile à travers le regard des infirmiers

La fin de vie à domicile en France et ailleurs

                La notion de fin de vie est variable en fonction d’une pluralité de situations. Selon l’approche palliative, elle peut se définir comme le moment où dans le cadre d’une maladie grave, les pratiques médicales intensives étaient devenues inutiles et devaient laisser la place à « un prendre soin ». (11) En effet il existe deux notions différentes mais aussi complémentaires du soin : le « cure » est dans un « registre dynamique et interventionniste de la médecine, soumis à la tension du résultat » ; le « care » est dans un « registre plus doux et plus enveloppant du souci de la personne à travers des gestes attentionnés. » (12) Le développement de la prise en charge de la fin de vie est devenu un des objectifs nationaux, avec le vieillissement de la population, l’augmentation de la grande dépendance, et l’allongement de l’espérance de vie avec une maladie grave. (13) Nous nous sommes intéressés à quelques chiffres :
En France :
– En 2016, 85% des français souhaitaient finir les derniers instants de leur vie à domicile (IFOP 2016). (14)
– En 2016 23,8% décédaient à domicile (INSEE 2017). (15)
– L’ONFV rapportait en 2013 que 30 jours avant le décès, seuls 30% des patients étaient hospitalisés, alors que la veille du décès 60% l’étaient. (13)
La figure 1 montre l’évolution des lieux du décès en France depuis 1975, avec une tendance à la diminution du pourcentage de décès ayant lieu au domicile. Les figures 2 et 3 nous montrent que les classes d’âges où il y a le plus de décès sont entre 75 et 94 ans, et qu’entre 65 et 94 ans le nombre de décès à domicile est sous la moyenne nationale (INSEE 2017). (16)
A l’étranger : Dans des pays de niveau de vie comparables, en termes de mortalité à domicile la France est à un niveau intermédiaire. Les habitants meurent plus souvent à domicile en Italie qu’en Norvège ou au Royaume Uni. Il y a plus de décès à l’hôpital au Royaume Uni qu’en Norvège ou en Italie (Tableaux 1 à 4). Mais il est difficile de comparer les établissements de soins et les établissements médico-sociaux de ces différents pays au fonctionnement différents. Les causes du décès étaient difficilement comparables

L’offre de soins sur le territoire de la CODAH

            Elle comporte 17 communes pour 239 806 habitants (INSEE au 01/01/2018). (27) Le territoire du Havre comptait 259 médecins généralistes en 2006, et 236 en 2013 (-8,9%). (28) On comptait 251 médecins généralistes en 2008/2009, soit 102 pour 100 000 habitants, (91 pour 100 000 en Haute Normandie, 99 pour 100 000 en France). Ces résultats sont à nuancer car parmi les 251 médecins généralistes 53 avaient une activité particulière (c’est à dire acupuncture, homéopathie, ostéopathie, angiologie) ce qui faisait passer à une densité de médecins ayant une activité de médecine générale exclusive à 80 pour 100 000 dans la CODAH contre 87 pour 100 000 en France. (29) Il y avait 183 IDE libéraux en 2006, et 269 en 2013 (+47%). (28) La CODAH comptait 179 IDE libéraux installés en 2008/2009, soit 72 pour 100 000 habitants, (84 pour 100 000 en Haute Normandie, 119 pour 100 000 en France).

Procédure de recrutement

             Dans un premier temps nous avons sélectionné au hasard grâce aux pages jaunes des IDE libéraux installés sur le territoire de la CODAH. Dans un deuxième temps nous les avons sélectionnés en fonction de leurs caractéristiques, notamment le lieu d’exercice au sein du territoire et le mode de fonctionnement. Certains IDE ont été sélectionnés car proposés par leurs collègues, pour leur variabilité dans leurs caractéristiques (hommes nettement moins nombreux, localisation géographique) mais aussi pour leur point de vue car étant présentés comme différents, toujours dans l’optique de retrouver des idées variées (effet boule de neige).Afin de vérifier qu’il s’agit d’un échantillon de population varié, nous avons recueilli pour chaque entretien les caractéristiques suivantes : Âge, sexe, mode d’exercice (libéral, en groupe ou non, salariée en SSIAD ou HAD ou réseau de soins palliatifs), lieu d’exercice (rural, urbain, niveau d’étude), nombre d’années d’expérience en tant qu’IDE, et dans l’activité actuelle. Le nombre d’entretiens recherchés dépendait du moment de l’obtention d’une saturation des données : moment où l’analyse des entretiens ne montre plus de nouvelles idées. Les infirmiers ont été contactés par appel téléphonique, en présentant rapidement le chercheur et en expliquant le but de l’étude. Si les éventuels participants étaient disponibles et intéressés, un rendez-vous ultérieur a été fixé au lieu et date de convenance toujours du participant (Cabinet IDE, domicile ou autres) pour un entretien en tête à tête, ou éventuellement avec la participation de deux IDE à la fois.

Implication des IDE

– Les IDE avaient le rôle d’évaluation du traitement de la douleur : “Alors on travaille beaucoup avec la grille d’évaluation Algoplus parce que c’est vrai que c’est assez visuel et assez rapide. Donc au moins voilà, on a quelques critères à remplir, ce n’est pas fastidieux à remplir. Ce sont des cris, des gémissements. C’est simple et tout le monde peut l’utiliser.” “C’est évidemment les antalgiques, enfin, essayer de mesurer cette douleur, ces traitements, de réévaluer le confort des gens c’est ça.”
– Les IDE avaient le rôle d’adaptation du traitement de la douleur : “On le voit tout de suite si vraiment ça ne va pas, bah, on est en lien avec le médecin traitant, ou le médecin de l’hôpital.”
– En SSIAD ou HAD, en tant que salarié, les actes plus longs étaient possibles sans impact sur le chiffre d’affaire : “Oui, c’est un forfait, les gens ils payent […], mais qu’il y ait 5 intervenants avec 2 aidessoignantes et des IDE qui passent matin midi et soir avec des pansements, ou qu’il y ait juste un coup de toilette dans le dos matin et soir, c’est un forfait autour de 38€ je crois.”
– Les IDE prenaient sur leur temps pour les familles lors des visites : “Si on a vraiment quelqu’un en fin de vie, que la personne décède à 22 heures et que la famille compte sur nous… Voilà, je ne les laisserai pas.”
– Les IDE prenaient sur leur temps pour le patient lors des visites : “Même si je suis passée il y a une heure, et qu’il faut y aller parce que la personne est souillée ou autre, je ne compterai pas mon temps. On essaie d’être disponible le plus possible. Si ce n’est pas moi ça sera ma collègue de l’après-midi. Bon et puis après même si c’est un passage qui pour nous est dans notre poche entre guillemets, on s’en fiche quoi. On essaie d’être là.” “Il n’y a pas de limite. On sait quand on rentre on ne sait pas quand on sort.”
– Les IDE avaient une volonté de suivre leurs patients jusqu’au bout : “Si c’est une personne dont je me suis occupée plusieurs années, qui est en fin de vie, là oui, je ne l’abandonnerai pas.” “On ne va pas le laisser tomber parce qu’il devient plus lourd à gérer. On y va jusqu’au bout avec lui.”
– Les collègues IDE libéraux pouvaient s’organiser pour prendre le relais et assurer une permanence de soins en journée, ou venir en soutien en cas de difficulté : “Je ne travaille pas cet après-midi, s’il y a un souci, il y a toujours la collègue qui fait l’aprèsmidi qui ira, il n’y a aucun souci.” “On peut interchanger nos places pour se soulager aussi, moralement.”
– Les IDE avaient un rôle de coordination avec de nombreux différents professionnels de santé : “On est tous liés je pense autour de la personne soignée, parce que tout seul on ne ferait rien. Les aides-soignantes, les auxiliaires de vie, les infirmières, les médecins traitants, le kiné aussi. “Si on veut soigner correctement, on ne peut pas être chacun dans notre coin, ce n’est pas possible. Il faut vraiment qu’on soit tous ensemble et qu’on soit réactifs et à  l’écoute l’un de l’autre. Qu’on soit disponibles aussi, mais on ne peut pas soigner tout seul dans son coin. À domicile on est obligés de compter les uns sur les autres.”

L’entourage mal informé de la situation

– Il pouvait exister un tabou de la maladie en sein de la famille : “Je me souviens d’une dame qui avait un cancer, alors son mari la protégeait, ils ne se parlaient pas du tout de la maladie, elle se dégradait à domicile, ils étaient malheureux, les enfants aussi, mais ils faisaient tout comme s’il ne se passait rien.”
– Les patients pouvaient ignorer leur pathologie : “Prendre quelqu’un à la maison puis de se rendre compte qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’il a c’est compliqué.”
– Un manque d’information de l’entourage pouvait amener à des situations de souffrance (acharnement, réanimation injustifiée) : “Il avait des œillères, et malheureusement ça s’est très mal passé. Quand il a vu qu’elle ne réagissait plus il a fait appeler les pompiers plutôt que de nous faire appeler, en disant « écoutez ça va bien se passer, ça va être tout en douceur » puis le réanimer pendant 20 minutes. Comme ils avaient commencé les gestes de réanimation il a fallu qu’ils attendent que le SAMU intervienne, pendant ce temps-là ils ont continué… ça c’est traumatisant.”
– Les patients ne connaissaient pas les structures de soins palliatifs et leurs actions : “Régulièrement moi j’envoie des patients au médecin de l’EMSP ou au centre anti douleur parce que même les patients ne savent pas qu’il y a un centre anti douleur.”

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Table des matières

Introduction
1 : Contexte
2 : Définition et cadre juridique
3 : Une réévaluation constante
4 : La fin de vie à domicile en France et ailleurs
5 : L’offre de soins palliatifs en France
6 : Offre de soins et mortalité dans la Communauté d’Agglomérations Havraise
7 : Le rôle des infirmiers diplômés d’état dans la prise en charge de la fin de vie à domicile
8 : Objectif de l’étude
Méthode
1 : Type d’étude
2 : Caractéristiques de l’échantillon
3 : Procédure de recrutement
4 : Type d’entretiens
5 : Guide d’entretien
6 : Enregistrement et retranscription
7 : Analyse
Résultats
I : Participants interrogés
II : Point de vue des IDE intervenants auprès du malade en fin de vie au domicile
1 : Situations rencontrées
1.1 Cancers
1.2 Personnes âgées et syndrome gériatrique
1.3 Maladies neuro dégénératives
1.4 Symptômes surajoutés
1.5 Situations peu rencontrées
2 : Autour de l’annonce et à l’approche du moment de la mort
2.1 Autour de l’annonce de la maladie ou de la fin de vie
2.2 Aggravation de l’état de santé, approche du décès et la mort en elle-même
3 : Moyens
3.1 Aides financières
3.2 Prescriptions
3.3 Implication des IDE
3.4 Formation
3.5 Gestion de la maladie
3.6 Entourage familial
3.7 Matériel
3.8 Sédation
3.9 Soins techniques
3.10 Soutien
3.11 Textes de lois
4 : Echanges d’informations, interactions entre professionnels
4.1 Les différents échanges
4.1.1 Le mode d’information au patient et à l’entourage
4.1.2 Obtention d’informations au domicile
4.2 Les défauts de communication
4.2.1 L’entourage mal informé de la situation
4.2.2 Difficultés de communication de la part de l’IDE envers le patient ou son entourage
4.2.3 Défauts de communication de la part du médecin traitant envers le patient ou son entourage
4.2.4 Entre les professionnels de santé
4.2.5 Manque de compréhension
4.3 Interactions avec les autres professionnels de santé
4.3.1 Médecin traitant
4.3.2 Réseau Respect
4.3.3 Hospitalisation à Domicile
4.3.4 SSIAD
4.3.5 Auxiliaire de vie
4.3.6 Oncologue
4.3.7 Services hospitaliers et spécialistes
4.3.8 Centre anti douleur et équipe mobile de soins palliatifs
4.3.9 Unité de soins palliatifs
4.3.10 Assistant social
4.3.11 Kinésithérapeute
4.3.12 Aide-soignant
4.3.13 Médecin de garde
4.3.14 SAMU
4.3.15 Psychologue
5 : Difficultés
5.1 Confort insuffisant du patient
5.2 Coût des soins
5.3 Liées à l’entourage familial
5.4 Liées à l’environnement
5.5 Liées aux IDE
5.5.1 Manque de temps ou de disponibilité des IDE
5.5.2 Limites psychologiques de l’IDE
5.5.3 Manque de formation
5.5.4 Manque de reconnaissance des IDE
5.6 Liées au médecin traitant
5.7 Liées aux patients
5.8 Liées à l’hôpital ou aux spécialistes
5.9 Liées aux pathologies du patient
5.10 Pénurie de médecins
5.11 Liées aux prescriptions
5.12 Liées aux textes de lois
6 : Attentes
6.1 Des familles
6.2 Des IDE
6.3 Des patients
6.4 Envers les institutions
6.5 Envers le médecin traitant
6.6 Envers les spécialistes et les hôpitaux
Discussion
I : Synthèse des résultats
1 : Les acteurs de la prise en charge de la fin de vie à domicile
1.1 Le médecin traitant
1.2 Les soignants
1.3 Spécialités médicales et services hospitaliers
1.4 Equipes d’appui, spécialisées en soins palliatifs et prise en charge de la douleur
1.5 Personnel de soutien psychologique
1.6 Soutien social
1.7 Prise en charge urgente
1.8 Les associations de bénévoles
2 : Les échanges d’informations entre les différents intervenants
2.1 Le partage d’information sur l’état de santé du patient
2.2 L’adaptation du traitement et des soins
2.3 L’annonce e la maladie au patient et/ou à son entourage
2.4 La volonté du patient et le partage de cette information
2.5 La recherche de solutions en pluridisciplinarité pour des situations complexes
3 : Evolution des pathologies prises en charge
3.1 Les cancers
3.2 Le syndrome gériatrique
3.3 Les maladies neurodégénératives
3.4 La fin de vie en pédiatrie
4 : Les moyens de l’accompagnement de la fin de vie à domicile
4.1 Le suivi de la douleur
4.2 Hydratation et alimentation
4.3 Pansement et toilette
4.4 Détresse aiguë
4.5 Soutien psychologique
4.6 La sédation
4.7 Les aides sociales
4.8 Les droits du malade
5 : Obstacles à l’accompagnement de la fin de vie à domicile
5.1 Le manque de communication
5.2 Tabou de la fin de vie
5.3 Les ordonnances
5.4 Les réticences à travailler avec les équipes de soins palliatifs
5.5 Manque de disponibilité des professionnels de santé
5.6 L’environnement du patient
5.7 Les réhospitalisations
5.8 Le manque de formation sur l’accompagnement de la fin de vie
II : Forces et faiblesses de l’étude
1 : Forces
2 : Faiblesses
III : Comparaison des résultats avec la littérature
1 : Qu’est-ce qu’une bonne prise en charge du confort en fin de vie
2 : Le maintien à domicile
3 : Les questions éthiques
3.1 La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès
3.2 Les directives anticipées
4 : La coordination entre les intervenants
IV : Conclusion
Bibliographie

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