Les supraconducteurs et la logique RSFQ
Les supraconducteurs sont en général des métaux ou des oxydes dont la résistance, au dessous d’une certaine température (4,2 K observée pour le mercure par Onnes en 1911 pour la première fois), devient nulle. On définit cette température comme critique [33], Tc . Au dessus de Tc on parle d’état normal et au dessous d’état supraconducteur. Il existe des supraconducteurs, comme YBaCuO et d’autres oxydes, dont la température critique est élevée (de 77K à 192 K) sont appelés HTS (High Temperature Superconductor) pour les distinguer des matériaux, comme le Niobium (Nb) et le nitrure de Niobium (NbN), qui sont appelés LTS (Low Temperature Superconductor).
Depuis la découverte de la supraconductivité plusieurs théories ont été proposées pour mieux comprendre ce phénomène. En s’appuyant sur le modèle des deux fluides proposé par H. G. B. Casimir et C. J. Gorter en 1934 [34], les frères F. et H. London proposèrent un an plus tard la première théorie de la supraconductivité en introduisant la notion de profondeur de pénétration λL. En effet en présence d’un champ magnétique un matériau supraconducteur expulse à l’extérieur les lignes d’induction magnétique, sauf dans une fine couche superficielle . Cet effet d’écrantage est dû à des supercourants de surface induits, qui circulent sur une profondeur λL et produisent un champ magnétique interne opposé à celui extérieur.
Le modèle à deux fluides suppose la coexistence au sein du supraconducteur de deux sortes d’électrons de conduction, les uns se comportant comme dans un métal classique et les autres présentant la particularité de pouvoir transporter un courant sans dissipation d’énergie. Bien que fructueux, ce modèle n’explique pas la raison de la coexistence de ces deux sortes d’électrons en dessous de la température critique.
Théorie de Ginzburg-Landau (1950)
Les deux physiciens russes établirent une théorie complète basée sur les transitions de phase du second ordre, introduisant une fonction d’onde complexe :
Ψ(r,t) = |Ψ(r,t)|ejϕ (1.1)
qui décrit les porteurs des charges dans un métal comme un phénomène cohérent de densité |Ψ(r,t)|² et phase ϕ. Dans un matériau supraconducteur, les porteurs sont des paires d’électrons ; ils occupent donc un même niveau fondamental représenté par une fonction d’onde Ψ.
Cette théorie, valable près de la température critique, rend bien compte des propriétés macroscopiques décrites par la théorie initiale de London et permet aussi d’expliquer le gradient de la densité des porteurs supraconducteurs, en introduisant une autre longueur caractéristique, la longueur de cohérence ξs . Cette longueur est la distance sur laquelle la densité d’électrons supraconducteurs passe de sa valeur maximale (état supraconducteur) à 0 (état normal), et, comme la longueur de pénétration λL, varie avec la température. Si la longueur de cohérence est inférieure à la longueur de pénétration, dans les supraconducteurs peuvent se former des zones tubulaires de rayons ξs , appelées vortex, à l’intérieur desquelles le supraconducteur se comporte comme un métal normal. On qualifie de « type II » les supraconducteurs pour lesquels se produit cet effet (ξs < λL).
La jonction Josephson
La jonction Josephson est constituée par deux supraconducteurs (électrodes) séparés par une barrière d’isolant ou de métal normal.
On peut voir la jonction comme un élément qui commute d’un état supraconducteur vers un état normal et vice-versa. En effet si le courant circulant à travers la jonction est inférieur au courant critique, les paires de Cooper passent par effet tunnel (dans le cas d’une barrière d’isolant) ou par effet Andreev de proximité (dans le cas d’une barrière de métal normal) d’une électrode à l’autre sans rencontrer aucune résistance. La tension aux bornes de la jonction est nulle. Si au contraire le courant dans la jonction dépasse la valeur critique, les paires de Cooper sont brisées et le courant circule rencontrant la résistance de l’état normal. La tension dépasse la valeur du gap et croit donc linéairement avec le courant. On est dans l’état normal du métal .
La particule (jonction Josephson) reste arrêtée. Si on augmente la pente graduellement elle se décalera d’un repliement. En augmentant encore l’inclination la particule commencera à rouler le long du washboard et rejoindra une vitesse moyenne représentant la tension moyenne, proportionnelle à la vitesse de phase, d’une jonction Josephson polarisée au dessus de son courant critique. Si maintenant on diminue l’inclination en revenant à la position initiale où la particule a commencé à rouler, à cause de son inertie la particule ne s’arrêtera pas immédiatement, sauf si la viscosité du fluide est suffisante pour bloquer son mouvement. C’est en contrôlant la capacité (inertie de la particule) et la résistance (la viscosité du fluide) que l’on contrôle la jonction Josephson passant d’un comportement hystérétique (inertie élevée) à un comportement amorti (inertie négligeable par rapport à la viscosité).
Jonctions tunnel Josephson
Ce sont les jonctions pour lesquelles l’effet Josephson [43] a été prédit et sur lesquelles ont été réalisées les premières expériences observant le courant supraconducteur à tension nulle [44] et sa dépendance à la variation du champ magnétique [45]. Les paires de Cooper et les quasi-particules traversent par effet tunnel la barrière de potentiel créée par une fine couche d’isolant (∼ 1nm) négligeable par rapport au parcours libre moyen des électrons.
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Table des matières
Introduction
1 Présentation des circuits logiques Josephson et des CANs
1.1 Les supraconducteurs et la logique RSFQ
1.1.1 Les lignes de transmission supraconductrices
1.1.2 La jonction Josephson
1.1.3 Principe de la logique RSFQ
1.1.4 Le SQUID et quelques portes logiques de base
1.2 Architecture des CANs
1.2.1 La conversion Σ∆
1.2.2 Caractérisation d’un CAN
1.2.3 Analyse des CANs en semi-conducteurs
1.2.4 Actualité de la recherche sur les CANs en supraconducteurs
1.3 Synthèse
2 Procedé de fabrication des circuits NbN
2.1 Les matériaux en couches minces utilisés et leurs paramètres physiques
2.1.1 Les couches supraconductrices en NbN
2.1.2 La couche barrière de TaN
2.1.3 Choix des couches isolantes : MgO, AlN, SiO2 et Si3N4
2.2 Procédés de fabrication des jonctions Josephson
2.2.1 La pulvérisation cathodique (sputtering)
2.2.2 L’usinage ionique (I.B.E., Ion Beam Etching)
2.2.3 La Gravure Ionique Réactive (R.I.E., Reactive Ion Etching)
2.2.4 Photomasquage
2.2.5 Réalisation des jonctions NbN/TaXN/NbN
2.3 Nouvel empilement à 10 niveaux
2.4 Les procédés technologiques critiques
2.5 Synthèse
3 Conception des portes logiques et du CAN
3.1 Adaptation du modèle d’une jonction SIS à la jonction NbN/TaXN/NbN
3.2 Etude du modulateur Σ∆
3.2.1 Etude de l’horloge
3.2.2 Conception et simulation du comparateur
3.2.3 Conception et étude du filtre RF et du modulateur complet
3.3 Etude du filtre de décimation
3.3.1 Le diviseur de fréquence
3.3.2 Le registre à décalage
3.4 La problèmatique du test du CAN RSFQ
3.4.1 Les interfaces supraconducteur-semiconducteur
3.4.2 Différentes méthodes de test
3.5 Dessin des circuits RSFQ
3.5.1 Méthode de dessin
3.5.2 Les circuits dans le procédé à 10 niveaux
3.6 Synthèse
4 Fabrication des circuits RSFQ et réalisation du banc de test cryogénique
4.1 Fabrication des circuits RSFQ avec le procédé à 10 niveaux
4.2 Montage des échantillons
4.2.1 Montage de type «Flip-Chip»
4.2.2 Montage par soudure des échantillons
4.3 Banc de mesure quasi-statique
4.3.1 Caractérisation des jonctions Josephson
4.4 Banc de test radiofréquence
4.5 Synthèse
5 Etude des composants de base du CAN en technologie Nb de fonderie et comparaison avec la technologie NbN
5.1 Caractéristiques annoncées du procédé 4500 A/cm2 de la fonderie Hypres
5.2 Simulation et dessin des circuits
5.3 Test quasi-statique des jonctions et des SQUIDs Nb
5.4 Comparaison des deux technologies : NbN (CEA) et Nb (HYPRES)
5.5 Synthèse
Conclusions
