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Une économie-monde halieutique ouest-européenne duale mais précoce
Pour Doumenge, cette économie-monde européenne présente un système spatial dual qui repose en fait sur deux sous-ensembles relativement distincts, tant sur les espèces ciblées ainsi que les lieux de pêche fréquentés (ibid.) (figure 3a). Néanmoins, l’ensemble de toutes ces activités marquent profondément la géohistoire de ces pêches et sont à l’origine de l’essor du secteur ainsi que de la structuration progressive d’un véritable espace halieutique continental.
Le hareng, symbole des foyers scandinaves et anglo-saxons
Si le dynamisme halieutique des peuples scandinaves (norvégien, danois et suédois) et anglo-saxon (anglais, hollandais et allemands) se fonde principalement sur la capture de poissons aptes à la salaison et se combine très tôt avec l’organisation d’un grand commerce au sein même de cette civilisation (ibid.), la grande pêche du hareng fait a fortiori partie intégrante de « l’histoire et de la culture des peuples de la mer du Nord » (Le Bouëdec, 1997).
Durant les XV-XVIe siècles, les efforts capitalistiques dans ce type de pêche s’intensifient tandis que les profits de son commerce déclenchent la quête de fonds halieutiques nouveaux. L’activité harenguière se déplace ainsi de la Baltique et des détroits danois vers les eaux tempérées froides du nord et de l’ouest, « les parages du Spitsberg, de l’Islande, du Groenland, de Terre-Neuve et la mer de Barents [étant] peu à peu annexés au domaine des pêcheries de l’Europe nord-occidentale » (Besançon, op. cit.). Le développement marchand de cette activité notamment en mer du Nord, longtemps l’apanage hégémonique des marins hollandais qui profitent d’un haut degré de productivité dans la collecte de ce poisson (Wallerstein, 1984 ; Chaussade et Corlay, 1998) s’étend assez vite aux pêcheries très actives anglo-normandes qui défrichent à leur tour les fonds hauturiers de cette immense « mer de harengs », entre le sud de l’Irlande, l’Islande et la côte septentrionale de la Norvège (Besançon, op. cit.).
D’un point de vue commercial, le hareng salé demeure avec le sel et le vin l’une des denrées qui donne lieu à des trafics intenses entre les ports exportateurs de la mer du Nord ou de la Baltique (Cazeils, 1997). « Grande affaire du monde médiéval » (Braudel, op. cit.) et « pilier du grand commerce européen » (Besançon, op. cit.), le hareng salé participe à la construction des premiers ports de pêche ainsi qu’à la croissance urbaine de l’Europe du Nord tout en favorisant la montée en puissance d’une bourgeoisie marchande regroupée au sein de la Ligue hanséatique (Chaussade, 1994). Cette pêche au hareng préfigure d’ailleurs le passage « du pêcheur au marin [qui] va alors se lancer dans les pêches lointaines à Terre-neuve ou dans l’océan glacial Arctique pour pêcher la morue ou chasser la baleine » (Le Bouëdec, op.cit.).
Des pêches morutières et une chasse baleinière communes aux deux foyers européens
Conjointement aux « Grandes Découvertes », une des nouveautés majeures du secteur halieutique de la Renaissance réside dans l’expansion des premières grandes expéditions de pêches au large consécutivement aux progrès accomplis dans les techniques de navigation, à l’appauvrissement des eaux littorales européennes ainsi qu’au relatif essor démographique du vieux continent (Besançon, op.cit. ; Chaussade, 1994). Excités par l’appétit mercantile généré autour du hareng, les pêcheurs de l’Occident chrétien41 – du nord de l’Écosse au sud du Portugal – sont amenés à s’écarter des lieux de pêche traditionnels pour se lancer dans l’aventure expérimentale des premières pêches lointaines de grands cétacés (baleine et cachalot) (Cazeils, 2000) mais surtout de la morue. En effet, si ce poisson fait déjà l’objet d’un commerce certain sur les côtes scandinaves au cours des XIe et XIIe siècles, des rivalités d’accès au « gisement » de mer du Nord poussent très tôt certains pêcheurs nord- européens (norvégiens, hollandais, danois, anglais et français) à déployer des opérations furtives et sédentaires de pêche à la « morue sèche » le long des côtes nord-écossaises (des Orcades aux Shetland) puis islandaises. Mais ce sont surtout vers les bancs très poissonneux de Terre-Neuve en Atlantique nord-ouest que les opérations « errantes » – pratiquée à la ligne à la main – se multiplient et s’intensifient pour se transformer au cours du XVIe siècle en une véritable ruée autour de la « morue verte », exploitée par des voiliers (les « harouelles ») immobilisés sur les bancs (Loture, 1994 ; Cazeils, 1997 ; Besançon, op. cit ; Chaussade, 1983).
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Table des matières
NTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 – DE LA MONDIALISATION A LA GLOBALISATION HALIO-AQUACOLE
CHAPITRE 1 : UNE GEOHISTOIRE DES MONDES AQUATIQUES A DOMINANTE HALIEUTIQUE
CHAPITRE 2 : LA STRUCTURATION DU SYSTEME-MONDE AQUATIQUE SOUS L’ERE DE LA GLOBALISATION
CHAPITRE 3 : DES ACTIVITES HALIO-AQUACOLES DANS « LA MER DE L’AVIDITE » ? LES DYSFONCTIONNEMENTS GEOGRAPHIQUES DE LA GLOBALISATION AQUATIQUE
PARTIE 2 – LES DIMENSIONS SPATIALES DE L’ALTERMONDIALISATION HALIEUTIQUE
CHAPITRE 4 : LES ALTERMONDIALISTES DE L’HALIEUTIQUE, UNE GALAXIE D’ACTEURS MILITANTS
CHAPITRE 5 : LES STRATEGIES SPATIALES DE L’ALTERMONDIALISME HALIEUTIQUE
CHAPITRE 6 : LES DYNAMIQUES SPATIALES DE L’ALTERMONDIALISATION HALIEUTIQUE
PARTIE 3 – ECHELLES SPATIALES ET DURABILITE DE LA FILIERE HALIEUTIQUE
CHAPITRE 7 : DES ESPACES DE PRODUCTION EN QUETE DE GESTION DURABLE
CHAPITRE 8 : DES ESPACES DE DISTRIBUTION EN QUETE DE RESPONSABILISATION
CHAPITRE 9 : LES ECHELLES DE REGULATION DURABLE DU MONDE HALIO-AQUACOLE.
CONCLUSION GENERALE
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