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Repenser l’organisation logistique pour dépasser l’antagonisme actuel
Face à la globalisation économique et à la concurrence exacerbée, l’organisation logistique d’aujourd’hui doit être repensée pour dépasser l’antagonisme actuel, à savoir, satisfaire les demandes croissantes des clients tout en intégrant des contraintes de plus en plus fortes sur les activités logistiques. De ce fait, il est nécessaire entre autres technologies de rechercher une organisation plus performante. Cette nécessité s’est traduite dans deux directions. D’une part, la logistique est devenue une clé du succès pour la plupart des entreprises vis-à-vis des changements structurels de la chaîne logistique, par exemple du fait de l’éloignement de la production et de la consommation, de la spécialisation des usines ou encore de l’assurance de la disponibilité des produits en linéaire, etc. Ces changements impliquent des mutations de la logistique. D’autre part, il existe de plus en plus de contraintes sur l’organisation logistique, telles que le principe Juste-à-temps, le développement durable, la croissance du coût des opérations (notamment liée à l’évolution du prix du baril) etc. Il semble que la logistique, à date, a une difficulté pour dépasser ces contraintes tout en maintenant sa productivité. En conséquence, il devient nécessaire de réfléchir dès à présent à une organisation logistique future, qui tienne compte des besoins émergeants antagonistes cités.
Plus particulièrement, l’activité de transport, même externalisée est actuellement considérée comme une préoccupation majeure des entreprises. Le transport des marchandises qui est en pleine croissance ces dernières années doit maintenant faire face à des difficultés économiques et écologiques. Les nouveaux principes de gestion des flux logistique, tels que la tension des flux selon le principe Juste-à-Temps, font accroître la demande de transport mais aussi baisser sa productivité en raison de la taille d’envoi diminuée et la distance de livraison augmentée dans certains cas. Ces contraintes contradictoires sont un défi non seulement pour optimiser le coût du transport mais aussi pour réduire l’empreinte environnementale (ce sujet sera développé dans le chapitre relatif à la logistique durable). C’est dans ce contexte que nous proposons une nouvelle organisation : la « mutualisation logistique », et nous cherchons à montrer que c’est une solution à même de répondre en partie aux défis actuels.
C’est pourquoi, nous proposons d’abord de souligner l’importance croissante de la logistique dans les activités économiques, puis nous analyserons son développement, notamment dans le secteur de la grande distribution en France, là où le concept de la mutualisation sera analysé et testé. Puis, nous nous concentrerons sur les problématiques de transport qui sont induites par les stratégies émergentes de déstabilisation logistique par l’amont et l’aval (Dornier, 1997) des industriels et des distributeurs, spécialement sur le TRM (Transport Routier de Marchandises). L’analyse des solutions existantes logistiques permettra de démontrer qu’elles ne sont pas à même de dépasser les contraintes antagonistes actuelles.
Nous allons ensuite identifier le potentiel d’amélioration important du transport de marchandises, en s’appuyant sur les travaux menés sur l’efficacité du transport. Cela nous permettra de confirmer qu’il existe un potentiel d’amélioration par la mise en oeuvre d’une nouvelle organisation logistique. Ainsi, nous introduirons la mutualisation comme étant une nouvelle solution possible. C’est pourquoi, dans la dernière partie du chapitre, nous définirons les principes de la mutualisation.
Mutations de la logistique et développement du transport de marchandises
La croissance rapide de l’activité logistique est intrinsèquement liée à la mondialisation économique dont elle est à la fois la conséquence et le soutien. Encore en développement remarquable, la logistique non seulement permet les échanges de biens au niveau national et international, mais aussi délivre un service qui améliore notre vie quotidienne. Son importance est évidente et fait que c’est un domaine qui a été très étudié dans les années passées.
Quel est le rôle de la logistique dans l’économie présente?
Il est de notoriété que la logistique est l’art de gérer les flux physiques à un niveau de performance souhaité (Dornier, 1997). Cependant, ce n’est que récemment que l’importance de la chaîne logistique, ou littéralement la chaîne d’approvisionnement, ou encore SC (Supply Chain) en anglais, est reconnue par les organisations commerciales, même si elle existe depuis bien plus longtemps (Christopher, 2005). Depuis les années 90, la logistique est considérée comme un secteur d’activité économique à part entière. D’après une thèse soutenue en 2007 (Francois, 2007), il est fait mention du nombre de publications scientifiques par an depuis 1994 contenant « supply chain » dans leur titre. La tendance est en forte croissance, 1217 en 2004 par rapport à 27 en 1994. Cela signifie que la logistique s’est progressivement imposée comme une fonction stratégique dans les entreprises et comme un domaine de recherche à part entière dans le monde académique.
Quand on regarde les statistiques aujourd’hui, on trouve que la logistique joue un rôle indispensable dans le marché de l’emploi et dans l’économie en France, mais également dans les autres pays industrialisés. Ainsi, selon des statistiques de 2004, le marché de la logistique est estimé à 8% du PIB (Produit Intérieur Bruit) européen (environ 710 milliards d’euros). Ce secteur pris au sens large concerne un million d’entreprises employant plus de 5 millions de salariés dans l’UE (Union Européenne) (Source : Agence Française pour les investissements internationaux, 2005). En France, la croissance des emplois au titre de la logistique a été considérable entre 1982 et 1990 (+20,6%) ensuite stable entre 1990 et 1999 (+2,3%). En 2004, tous les secteurs d’activité de la logistique concernent près de 1,5 million d’emplois en France, dont 800 000 emplois pour les métiers logistiques (planning, ordonnancement, entreposage, emballage, etc.) et 700 000 pour le transport (Mariotte, 2007). Il est estimé que le coût logistique global représente en moyenne à 11,9 % du chiffre d’affaires net des entreprises françaises en 2008, contre 9,9% en 2005 (Source : Benchmark ASLOG 2008/20095). Donc le poids économique de la logistique ne peut pas être ignoré.
La logistique est également un levier du développement de l’économie. Pour expliquer ce fait, il est intéressant de comparer la croissance de l’économie et du transport de marchandises dans les décennies passées. Ainsi, en France, il est intéressant d’analyser le graphique de la Figure 2.1 dessous qui est tiré d’un rapport de 2008 du PREDIT (Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres) du MEEDDAT (Ministère de l’écologie, de l’énergie du développement durable et de l’aménagement du territoire)6, voir (MEEDDAT, 2008). En effet, sur cette figure, on peut voir que, entre 1962 et 1974, les quatre indices suivants, le PIB, la production industrielle, le transport en tonne et le transport en tonne-km se sont tous accrues au même rythme. Après une stagnation entre 1975 et 1985, la logistique a vivement repris sa croissance, surtout en tonne-km à partir de l’année 1995. L’élasticité7 annuelle du trafic en tonnes-km au PIB est respectivement de 0,68 entre 1962 et 1975, de – 0,12 entre 1975 et 1985 et de 1,76 entre 1985 et 1999. C’est-à-dire que la logistique et surtout le transport de marchandises a cru plus vite que le PIB et est devenu un des accélérateurs de la croissance économique depuis les années 90.
Figure 2.1 : Activité économique et transport de fret en France (1962=base 100) Source : (MEEDDAT, 2008)
Il existe plusieurs facteurs qui permettent d’expliquer cet essor de la logistique et du transport de fret. D’une part, la globalisation de l’économie conduit à une augmentation des échanges nationaux et internationaux. Au fur et à mesure de l’abaissement progressif des barrières commerciales internationales, les flux de marchandises entre les pays sont plus fréquents qu’avant, par exemple la croissance des phénomènes d’importation-exportation depuis les années 90. D’autre part, le développent des activités économiques dans la chaîne logistique a également fait accroître le besoin de transport. Ainsi, la spécialisation des usines et la logique de Juste-à-temps en production demandent plus de transport pour réaliser des livraisons plus fréquentes et à plus faible volume (McKinnon, 2000). De plus, la délocalisation des usines vers des pays qualifiés à bas coût (notamment le sud-est asiatique) conduit à des livraisons ayant des trajets beaucoup plus longs. Cette volonté de tendre les flux est devenue multi sectorielle et le commerce de détail qui cherche à diminuer ses niveaux de stock et à accélérer la rotation des produits n’échappe pas à cette règle. En conséquence, l’accroissement du transport est important depuis les années 90, à la fois en terme de kilomètre parcouru mais aussi en nombre de moyens du fait d’une efficience en baisse. La logistique est donc devenue non seulement un moteur de création d’emplois, mais aussi une nécessité pour la croissance économique. C’est pourquoi nous allons définir plus précisément la logistique dans le paragraphe suivant et identifier les activités qu’elle recouvre.
Définition et activités de la logistique
La logistique est une discipline qui existe depuis bien longtemps dans notre vie quotidienne et son esprit reste le même dans tous les secteurs d’activités. Il existe plusieurs définitions disponibles de la logistique, par exemple celle de l’AFNOR8 : « La logistique, c’est planifier, exécuter et maîtriser les mouvements et les mises en place des personnes ou des biens, ainsi que les activités de soutien liées à ces mouvements et ces mises en place, au sein d’un système organisé pour atteindre des objectifs spécifiques ». (PIPAME et CNAM, 2009a)
La définition citée ci-dessus est à l’origine de la norme AFNOR NF X 50-600 (PIPAME et CNAM, 2009a) 9 . Cette définition est particulièrement générique : la logistique sert essentiellement toutes les activités économiques qui ont besoin de mouvoir des marchandises voire des personnes.
Pour transférer l’esprit de la logistique du niveau théorique au niveau opérationnel, on a donc besoin de décrire d’une part les entités et les activités logistiques, et d’autre part les méthodes et outils pour gérer ces éléments, il s’agit respectivement la chaîne logistique et sa gestion. Les paragraphes suivants ont pour but de donner les définitions sur ces deux termes en détaillant les activités et le développement de la discipline.
La chaîne et le réseau logistique
Dans un premier temps, on constate que le concept de la chaîne logistique n’est pas universel mais dépend souvent de différents points de vue. Ainsi, il y a un certain nombre de définitions sur ce terme dans la littérature.
Plusieurs définitions de la chaîne logistique (SC) sont données dans de nombreux travaux, voir (Stadtler et Kilger, 2000), (Lambert et Cooper, 2000), (Mentzer et al., 2001), (Roux et Liu, 2003), (Chopra et Meindl, 2004), (Christopher, 2005) ou encore (Harrison et Hoek, 2005) etc. Les discussions à ce niveau permettent de comprendre qu’il n’existe pas une définition universelle de la SC. Cependant, d’une manière générale, on pourra reconnaître que la SC est essentiellement un réseau d’organisations concernant tous les processus et les activités associées, directes ou indirectes allant de l’amont jusqu’à l’aval, pour répondre à une demande de client (Christopher, 2005), autrement dit « du fournisseur du fournisseur au client du client » (Roux et Liu, 2003). De plus, les flux d’informations au cours des processus représentent également une partie indissociable de la chaîne logistique. Donc la notion de SC comprend au minimum deux flux, l’un physique et l’autre d’information. De plus, dans les théories logistiques récentes, le flux financier est également une dimension importante à prendre en compte (Christopher, 2005).
Les relations entre les membres d’une SC peuvent être différentes selon la complexité de chaîne comme le montre la Figure 2.2 (Mentzer et al., 2001). La largeur d’une chaîne logistique dépend également du point de vue de chaque membre. Par exemple, pour une petite entreprise avec une stratégie d’achat et de distribution locale, son système logistique pourrait être aussi simple que la chaîne logistique directe (la forme (a) dans la figure). Par contre, le directeur de la chaîne logistique d’un constructeur automobile doit avoir une vision plus large et globale sur son système logistique, car une collaboration plus cohérente avec ses équipementiers est nécessaire, voire avec les fournisseurs de ses fournisseurs. Ce type de relation logistique est illustré par la forme (b) ou (c) de la Figure 2.2.
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Table des matières
CHAPITRE 1. INTRODUCTION GENERALE
1.1 Le Contexte
1.2 Objectifs de la recherche et méthodologie
1.2.1 Objectifs
1.2.2 Méthodologie
1.3 Organisation du mémoire
CHAPITRE 2. REPENSER L’ORGANISATION LOGISTIQUE POUR DEPASSER L’ANTAGONISME ACTUEL
2.1 Mutations de la logistique et développement du transport de marchandises
2.1.1 Quel est le rôle de la logistique dans l’économie présente?
2.1.2 Définition et activités de la logistique
2.1.3 Accroissement du transport des marchandises par suite de déstabilisation logistique par l’amont et l’aval
2.1.4 Efficacité actuelle du transport routier de marchandises
2.1.5 Nécessité d’une nouvelle organisation logistique pour améliorer le transport terrestre des marchandises
2.2 La mutualisation logistique : une nouvelle démarche de massification des flux
2.2.1 Etat de l’art sur les démarches existantes de consolidation des flux
2.2.2 Définition de la mutualisation logistique
2.3 Terrain d’étude : la grande distribution en France
2.3.1 Externalisation des fonctions logistiques
2.3.2 Centralisation des stocks
2.4 Conclusion
CHAPITRE 3. LOGISTIQUE DURABLE : CONTRIBUTION A LA MINIMISATION DES EMISSIONS DE GES
3.1 Le développement durable
3.1.1 Définition générale
3.1.2 Accent sur les problèmes environnementaux
3.2 Interactions du développement durable et de la logistique : la logistique durable
3.2.1 La logistique durable
3.2.2 Transport routier de marchandises : son développement est-il durable ?
3.2.3 Les émissions de CO2 liées au transport terrestre de marchandises
3.2.4 Les possibles solutions pour réduire les émissions de CO2 du transport routier
3.3 Conclusion
CHAPITRE 4. MODELISATION DES EMISSIONS DE CO2 DU TRANSPORT POUR LA CREATION DE MODELES D’OPTIMISATION LOGISTIQUE
4.1 Modélisation des émissions de CO2 des moyens de transport de marchandises Shenle PAN
4.1.1 Méthodologies actuelles pour estimer les émissions de CO2 des transports routiers et ferroviaires
4.1.2 Modélisation du facteur des émissions de CO2 de transport routier
4.1.3 Modélisation du facteur des émissions de CO2 du transport ferroviaire
4.2 Modélisation de coûts logistiques
4.2.1 Coût de transport
4.2.2 Coût des stocks
4.2.3 Autres composants de coûts logistiques
4.3 Création des modèles d’optimisation minimisant les émissions de CO2 du transport de
marchandises
4.3.1 Modèles existants pour le transport de marchandises
4.3.2 Intération de la fonction d’émissions de CO2 aux modèles du TDNDP
4.3.3 Création d’un modèle d’aide à la décision pour définir un réseau logistique minimisant une fonction d’émission
4.3.4 Problème de tournée de véhicules
4.4 Conclusion
CHAPITRE 5. POTENTIEL DE MUTUALISATION ENTRE LES PLUS GRANDS FOURNISSEURS DE LA GRANDE DISTRIBUTION EN FRANCE
5.1 Mutualiser des chaines logistiques : quels acteurs et quels objectifs
5.1.1 Contexte du projet
5.1.2 Objectifs scientifiques et du cas
5.1.3 Périmètre et méthodologie
5.2 Construction de la base de données des réseaux de distribution et réduction de la taille du
problème
5.2.1 Construction de la base de données des 100 premiers fournisseurs communs de deux enseignes de la grande distribution
5.2.2 Taille du problème et hypothèses de sa réduction
5.3 Mise en place du modèle de réseaux logistiques mutualisés entre des fournisseurs de la grande
distribution
5.3.1 Principes de modélisation pour la mutualisation
5.3.2 Modélisation
5.4 Résultats et discussions
5.4.1 Transport routier
5.4.2 Transport conjoint routier et ferroviaire
5.4.3 Evaluation économique des solutions optimisées par les émissions
5.4.4 Optimum de Pareto coût/émissions en transport conjoint
5.5 Conclusion
CHAPITRE 6. MUTUALISATION ENTRE DES PME FOURNISSEURS DE LA GRANDE DISTRIBUTION : LE CAS DE L’ALIMENTAIRE DANS L’OUEST DE LA FRANCE
6.1 Les problématiques logistiques spécifiques aux PME fournisseurs de la grande distribution
6.2 Méthodologie et modélisation des scénarios de mutualisation
6.2.1 Définition du périmètre de l’étude et préparation de la base de données
6.2.2 Valorisation des schémas logistiques actuels de l’étude
6.2.3 Mies en place des critères d’évaluation
6.2.4 Présentation des différents scénarios de mutualisation et modélisation
6.3 Résultats et discussions
6.3.1 Dimension environnementale
6.3.2 Dimension économique
6.3.3 Synthèse des résultats
6.3.4 Discussions
6.4 Conclusion
CHAPITRE 7. CONCLUSION GENERALE : APPORTS, LIMITES ET PERSPECTIVES DE LA MUTUALISATION
7.1 Récapitulatif des apports de ce travail
7.1.1 Mise en place des principes de la mutualisation
7.1.2 Objectif de la minimisation des émissions du transport et création de nouveaux modèles
d’optimisation
7.1.3 Etudes de pilotes de mutualisation logistique
7.2 Limites principales
7.2.1 Périmètre des émissions
7.2.2 Méthodes de résolution et contraintes complémentaires
7.3 Perspectives et élargissement de la réflexion pour la mise en oeuvre de la mutualisation
7.3.1 Intégration des systèmes d’informations
7.3.2 Construction de coalitions
7.3.3 Règles d’engagement et répartition équitable des gains
7.4 La mutualisation : une contribution à une logistique plus partagée et soutenable
8. BIBLIOGRAPHIES
9. ANNEXES
Annexe 1. Les cartographies des flux avant et après mutualisation (9 études de cas)
Annexe 2 : Exemple du questionnaire réalisé sur la plateforme de Carrefour au Mans (pour l’étude de cas des PME fournisseurs)
Annexe 3 : Caractéristiques des flux de deux études réalisées
Annexe 4 : Publications acceptées et proceedings
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