Sclérose en plaques et troubles de la marche
Les pathologies neurogénératives se caractérisent par un vieillissement accéléré des cellules du systèmes nerveux, pouvant gravement nuire à la qualité de vie des patients. Environ 1,5 millions de personnes sont touchées en France, et une augmentation de cette prévalence est attendue selon les prévisions données par le ministère des solidarités et de la santé. . La Sclérose En Plaques (SEP) est la troisième pathologie neuro-dégénérative la plus fréquente (derrière les maladies d’Alzheimer et de Parkinson) avec une estimation de 100 000 patients en France, et elle est celle qui se déclare chez les adultes les plus jeunes (diagnostic autour 25 et 35 ans), avec une prédominance féminine (3 femmes pour un homme) . S’il n’y a pas d’évolution type de la pathologie, elle peut généralement prendre deux formes, la première étant caractérisée par des phases de poussées de symptômes suivies de récupération partielles ou complètes des fonctions neurologiques (SEP récurrente-rémittente) et la seconde par une dégradation progressive des fonctions neurologiques du patient sans récupération (SEP progressive) [123]. Elle réduit peu l’espérance de vie du patient dans la plupart des cas , mais les poussées de symptômes et la diminution des fonctions neurologiques qu’elles entraînent ont un fort impact sur la qualité de vie des patients [14]. Plusieurs traitements existent pour ralentir sa progression [123], mais aucun ne permet actuellement de guérir de cette pathologie. Ces facteurs nécessitent donc l’émergence de solutions permettant de quantifier l’état de santé des patients, permettant ainsi leur suivi médical et l’évaluation de nouvelles stratégies thérapeutiques [79].
Les déficits de la marche sont parmi les troubles les plus fréquents et considérés comme les plus handicapant par les patients atteints de SEP [67, 100]. L’évaluation de la marche tient donc une place de première importance dans leur suivi médical et dans la recherche clinique [114]. Plusieurs tests et échelles sont couramment utilisés en pratique. Les capacités de marche observées par le clinicien peuvent être intégrées avec l’évaluation d’autres fonctions neurologiques pour établir un score relatif à la sévérité générale de la pathologie, tel que l’Expended Disability Status Scale (EDSS) [97]. D’autres tests consistent à évaluer la vitesse des patients en les chronométrant sur une distance fixe [45] ou en mesurant la distance qu’ils peuvent parcourir pendant un temps limité [52]. Enfin, des questionnaires d’auto-évaluation sont utilisés pour obtenir une mesure subjective des patients sur leurs capacités de marche [69]. Si les échelles et tests chronométrés ont démontré leur utilité pour évaluer les troubles de la marche dans un contexte clinique [91], ils présentent un certain nombre de limites. Tout d’abord, bien qu’étant l’une des mesures les plus utilisées en pratique [111], le score EDSS est critiqué pour son manque de fiabilité inter-examinateur [31]. Il consiste en une mesure de l’état de santé général des patients et n’est pas spécifique des troubles de la marche. Les tests de marche chronométrés ne fournissent pas une description précise de la démarche du patient [125] et sont peu sensibles aux altérations pouvant survenir sur la période d’un essai clinique chez les patients atteints de forme progressive [170]. Ces observations traduisent le besoin de proposer des solutions permettant une mesure quantitative et objective des différents aspects de la marche des patients, en tirant parti des dispositifs numériques dédiés à l’analyse du mouvement humain [125].
Analyse de la marche par dispositif numérique
De nombreux systèmes numériques dédiés à l’analyse de la marche humaine sont décrits dans la littérature. Leur objectif commun est de mesurer des informations quantitatives relatives à la démarche d’un individu [119]. La démarche est un terme se rapportant à la façon de marcher d’un individu et consiste en une succession de cycles de marche [142]. Un cycle de marche est constitué de la succession d’évènements survenant entre deux poses successives d’un même pied au sol [8]. La démarche peut donc être décrite sous la forme de paramètres spatio-temporels, cinétiques et/ou cinématiques. Les paramètres spatio-temporels décrivent certains aspects d’un cycle de marche (e.g. durée, longueur ou vitesse). Les paramètres cinématiques décrivent les angles des articulations (i) entre les différents segments du corps humain ou (ii) entre l’orientation d’un segment observé à un temps donné et son orientation dans la position anatomique (i.e. position debout avec les pieds à plat sur une même ligne). Les paramètres cinétiques consistent en une description des forces et moments causant le mouvement [152, 142, 81].
Il existe une relativement grande variété de dispositifs et méthodes permettant la description quantitative de la marche. Ils peuvent être répartis en trois grandes catégories : les systèmes de traitement d’image, les capteurs au sol et les dispositifs portatifs [119]. Les systèmes de traitement d’image permettent une représentation détaillée de la démarche par une reconstruction en trois dimensions de l’individu et sont considérés comme les Gold Standard pour l’analyse de la marche [81], y compris pour la SEP [17, 102]. Les systèmes de capteurs au sol se présentent sous la forme de plate-formes ou de tapis équipés de capteurs de force ou de pression [119]. Ils permettent d’estimer certains paramètres spatio-temporels de la marche (longueur/durée du cycle et de ses différentes phases [35]) ainsi que la force transmise au sol par le pied [119]. S’ils permettent une représentation de la marche précise, les systèmes externes (par traitement vidéo et capteurs au sol) sont coûteux, et leur utilisation nécessite des laboratoires dédiés et du personnel spécialisé, avec des phases d’acquisition de données qui peuvent être longues [25]. Enfin, les dispositifs portatifs regroupent les systèmes de capteurs pouvant être fixés sur une partie du corps de l’individu. Ils présentent l’avantage d’être moins coûteux que les systèmes externes, et sont utilisables dans des contextes plus représentatifs des conditions de vie réelle du patient [125]. Plusieurs types de dispositifs sont utilisés. Les capteurs de pression placés au niveau de la semelle permettent de quantifier la force transmise au sol par le pied, et donc d’identifier le début et la fin des phases d’appui [71]. Un autre groupe de dispositifs portables rassemble les capteurs inertiels. Ces capteurs mesurent leur propre mouvement selon un ou plusieurs axes sous la forme (i) de l’accélération due à une force rectiligne pour les accéléromètres ou (ii) de la vitesse angulaire due au moment d’une force pour les gyroscopes [81]. Ils peuvent être utilisés seuls ou en combinaison, notamment dans un type de système de capteurs appelé centrale inertielle. Les centrales inertielles assemblent dans un même boîtier des accéléromètres et gyroscopes alignés sur 3 axes orthogonaux, parfois avec des magnétomètres [143], et permettent d’estimer l’orientation du dispositif dans l’espace à 3 dimensions.
Différents aspects du mouvement du porteur peuvent être représentés (paramètres spatio-temporels, cinématique ou cinétique) selon le type de système utilisé. La détermination de ces paramètres nécessite l’élaboration d’algorithmes adaptés au signal mesuré pour identifier les évènements particuliers du cycle de marche (e.g. pose du pied, décollement des orteils). Ces évènements correspondent la plupart du temps à des phénomènes remarquables dans le signal (e.g. extremums locaux, phases stationnaires ou inversions de signe dans les données mesurées) [81]. Les algorithmes correspondent à un ensemble de règles permettant d’identifier ces phénomènes (e.g. algorithme de détection d’extremums [85]) et de déterminer à quels évènements du cycle de marche ils correspondent en fonction du type de signal et de l’aspect du mouvement qui est mesuré [142]. La détection des différents évènements du cycle permet d’une part le calcul de paramètres spatio temporels de la démarche. Elle permet également la formation de segments décrivant un ou plusieurs aspects du mouvement sous la forme d’une séquence d’états sur une période correspondant à un cycle de marche [47]. Ces segments peuvent par exemple représenter la cinématique de la partie basse du corps, correspondant aux angles entre les différents segments des membres inférieurs au cours du cycle [142]. Cette orientation peut être représentée sous la forme de quaternions unitaires, nombres hyper-complexes de dimension 4 représentant des rotations en 3 dimensions [54]. Les segments décrivant les cycles de marche peuvent permettre de déterminer plusieurs paramètres tels que les angles des articulations observés à des instants particuliers du cycle ou l’amplitude entre deux orientations différentes d’un même segment [152]. Nombreuses sont les études mettant en évidence l’existence de relations significatives entre des paramètres de la marche mesurés par dispositifs numériques et la sévérité de la SEP. Elles démontrent ainsi l’intérêt de l’utilisation de ces technologies dans le suivi de la pathologie [103, 117, 125, 46, 7]. Une autre approche consiste à analyser les données de marche par méthodes de classification pour former des groupes de patients présentant des déficits similaires.
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Table des matières
Introduction
Contexte
Sclérose en plaques et troubles de la marche
Analyse de la marche par dispositif numérique
Classification de données de marche
Présentation du projet eGait et contributions de la thèse
Collaborateurs
Caractéristiques de la solution eGait
Missions de la thèse
Contributions
Valorisations
Organisation du mémoire
1 Prérequis
1.1 La marche et son évaluation chez les patients atteints de Sclérose En Plaques
1.1.1 Marche et dispositifs numériques existants
1.1.1.1 Définition générale de la marche
1.1.1.2 Analyse de la marche par systèmes numériques
1.1.2 Sclérose en Plaques et mesures des troubles de la marche
1.1.2.1 Échelles et tests de marche classiques dans la SEP
1.1.2.2 Analyse de la marche par dispositifs numériques dans la SEP
1.2 Présentation de la solution eGait
1.2.1 Description du dispositif utilisé : MetaMotionR (MMR)
1.2.2 Format mathématique
1.2.2.1 Algèbre des quaternions unitaires
1.2.2.2 Mesure de l’orientation de la hanche avec le dispositif MMR
1.2.3 Présentation des bases de données de travail
1.2.3.1 BDDtest
1.2.3.2 BDDsep
1.3 Méthodes de classification pour données de marche
1.3.1 Classification non supervisée : présentation générale
1.3.1.1 Type d’approche de classification basée sur la distance
1.3.1.2 Sélection du nombre de groupes et validation de la classification
1.3.2 Méthodes de classification adaptées aux données de marche
1.3.2.1 Classification de séries chronologiques
1.3.2.2 Classification de données fonctionnelles
1.3.3 Analyse de données de marche avec données supplémentaires par classification semi-supervisée
1.3.3.1 Classification avec contraintes
1.3.3.2 Approches par ensemble de classifications
1.3.3.3 Approche par compromis
2 Étude de la marche par séquence de quaternions unitaires
2.1 Algorithme de détection des cycles de marche STRIde PAttern GEneration
2.1.1 Présentation de l’algorithme
2.1.1.1 Données mesurées
2.1.1.2 Étape 1 : Estimation de la durée des cycles de marche par périodogramme
2.1.1.3 Étape 2 : Identification des points de segmentation
2.1.1.4 Étape 3 : Suppression des outliers de durée
2.1.1.5 Étape 4 : Identification des phases d’appui et des phases de balancement
2.1.1.6 Étape 5 : Segmentation des cycles de marche
2.1.1.7 Étape 6 : Suppression des outliers de forme
2.1.2 Évaluation de l’algorithme STRIPAGE
2.1.2.1 Plan d’expérience
2.1.2.2 Résultats
2.1.2.3 Discussion
2.1.3 Valorisation
2.2 Analyse de la démarche individuelle par paramètres spatio-temporels
2.2.1 Détermination des paramètres spatio-temporels (PST)
2.2.2 PST et troubles de la marche chez les patients SEP
2.2.2.1 Matériel et méthode
2.2.2.2 Résultats
2.2.2.3 Discussion
2.2.3 Valorisation
3 Méthodes de classification pour données de marche
3.1 Classification non supervisée et données de marche
3.1.1 Classification non supervisée de données fonctionnelles quaternioniques
3.1.1.1 Transformation logarithmique des fonctions quaternioniques
3.1.1.2 Classification Ascendante Hiérarchique
3.1.1.3 K-means alignment et K-medoids alignment
3.1.2 Classification non supervisée de séries temporelles de quaternions unitaires
3.1.2.1 Mesure de dissimilarité et alignement temporel
3.1.2.2 Détermination du prototype d’un groupe de QTS
3.1.2.3 Algorithmes de classification de QTS
3.1.3 Méthode K-means alignment pour le calcul du biomarqueur Signature de Marche
3.1.3.1 Calcul du prototype des cycles de marche par K-means alignment
3.1.3.2 Signature de marche et orientation de référence
3.1.3.3 Exemple de calcul de la Signature de Marche de volontaires sains
3.1.4 Application : classification non supervisée de données de marche avec et sans déficit de marche simulé
3.1.4.1 Plan d’expérience
3.1.4.2 Résultats
3.1.4.3 Discussion
3.1.5 Valorisation
3.2 Classification semi-supervisée et analyse de la marche dans la SEP
Conclusion
