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Baisse de la fertilité due à l’environnement
La préservation de la fertilité de la femme
Le recours à l’AMP classique insuffisamment efficace
Cependant, nous pouvons nous demander si cette pratique n’incarnerait pas une tendance de la société à accepter de moins en moins la finitude et l’indisponibilité de la vie humaine et si ainsi, les femmes ne se retrouveraient pas dans une position encore davantage délicate pour trouver un équilibre entre maternité et vie professionnelle, sous la pression de leur employeur. L’autonomie serait de surcroît relative puisque demeurent une incertitude quant au résultat souhaité et la dépendance vis-à-vis d’un partenaire masculin ou de gamètes masculins pour arriver à une fécondation.
Par ailleurs, nous devons faire attention à ne pas aller vers un paternalisme excessif qui risquerait d’infantiliser les femmes et leur ôterait la possibilité de se faire leur propre opinion sur le sujet et de faire ainsi leur propre choix. Celles qui choisiront de s’engager dans un processus pénible d’autoconservation ovocytaire de précaution après avoir été correctement informées auront probablement de bonnes raisons de le faire.
Comme indiqué dans la loi de bioéthique, l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP), est constituée d’un ensemble de techniques, conçues par le corps médical puis organisées par le législateur, destinées à lutter contre l’infertilité médicalement constatée de personnes vivant en couple, de sexes différents, ne parvenant pas à procréer spontanément (Article L2141-2 du Code de la Santé Publique modifié par loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 – art. 33). Nous pouvons alors nous demander si l’autoconservation ovocytaire de précaution mérite d’entrer dans ce dispositif d’AMP. Cela dépend fondamentalement de la perception que nous avons du rôle de la médecine : certains considèreront que la vocation de la médecine est avant tout d’assurer le soin au sens strict du traitement des pathologies et de la prévention en acceptant les limites de son corps, tandis que d’autres, au contraire, auront une conception élargie du rôle de la médecine et du soin, considérant que leur vocation consiste non seulement à prévenir et à traiter les maladies, mais aussi à soulager les souffrances. Cela dépend également si nous considérons cette pratique comme une exigence purement sociétale ou si nous la considérons au contraire comme une forme de prévention médicale concernant le risque d‘échec d’une AMP après 35 ans. Cela interroge alors les limites entre le normal et le pathologique : la chute de la fertilité avec l’âge peut-elle être qualifiée de physiologique ou de pathologique ?
Les frontières entre ce qui est considéré comme pathologique et ce qui ne l’est pas sont parfois difficiles à délimiter, ce qui nous amène à réfléchir sur l’âge à partir duquel nous pouvons considérer que l’infertilité est physiologique. En effet, toutes les femmes n’auront pas la même chute de fertilité, certaines se retrouvant plus précocement en difficulté pour obtenir une grossesse. Les femmes peuvent actuellement avoir recours à l’AMP jusqu’à 43 ans (âge limite du remboursement de l’AMP par l’assurance maladie). De ce fait, à l’heure actuelle, un nombre important de femmes ont accès à l’AMP alors qu’elles présentent une baisse physiologique et non pathologique de leur fertilité. Si cet âge de 43 ans a été choisi comme limite, nous pouvons accepter que des femmes conservent leurs ovocytes en vue de les utiliser aux alentours de 40 ans si jamais elles rencontraient des problèmes de fertilité.
L’association du terme « sociétal » à certains traitements indique généralement l’absence d’indication médicale. La médecine est par ailleurs déjà sortie du champ purement médical (nous pouvons citer à titre d’exemple la chirurgie esthétique). De plus, elle ne s’intéresse pas qu’au curatif mais également au préventif. L’autoconservation d’ovocytes pourrait donc entrer dans le champ de la prévention du vieillissement ovarien.
Nous devons cependant rester prudents car, comme expliqué précédemment, cette pratique implique des risques de complications, d’échecs, et elle attente à l’intégrité du corps des femmes en introduisant des processus médicaux chez des femmes fertiles. Le protocole de ponction des ovocytes reste lourd et le taux de succès n’est pas assuré. On préserve en effet des gamètes mais pas forcément la fertilité.
De plus, une autoconservation ovocytaire de précaution serait responsable d’une disjonction accentuée entre sexualité et procréation, entre procréation et gestation et entre la personne et les éléments de son corps. Cette autoconservation permettrait de soustraire ces ovocytes au passage du temps entre le moment de leur prélèvement et celui de leur utilisation. Elle bouleverserait ainsi la succession temporelle des étapes de la procréation et le choix du devenir des ovocytes non utilisés pourrait mettre mal à l’aise certaines femmes. Enfin, une médicalisation accrue de la procréation risquerait de favoriser une banalisation des démarches prédictives et de sélection. D’autre part, l’autoconservation ovocytaire de précaution pose la question de la place de la société dans ce processus personnel qu’est la procréation. Il y a là une forme de confrontation entre l’intime et le collectif où se dispute à la fois la volonté de reconnaissance de ce désir d’enfant comme un droit et les normes sociales ou légales, chargées d’assurer la réalisation technique et juridique du projet personnel. La société a une part de responsabilité importante puisqu’au-delà de son rôle dans la promotion de la liberté et de l’égalité dans l’accès aux techniques existantes, elle a également une responsabilité à l’égard des conséquences de situations qu’on lui demande d’autoriser et d’organiser.
Enfin, si cette autoconservation ovocytaire était acceptée, se poserait alors la question de la prise en charge ou non par la solidarité nationale.
Non-usage :
Dans l’étude conduite en Espagne par le groupe IVI entre 2010 et 2015 (Référence 1), la demande d’utilisation des ovocytes vitrifiés pour convenances personnelles a été faible : après autoconservation avant 40 ans, seulement 137 femmes sur 1468, soit 9,3%, ont demandé l’utilisation de leurs propres ovocytes, et ceci après un délai de 2,2 ans. Sans doute que la grande majorité des 90% de femmes restantes sont entre temps devenues enceintes spontanément, ou bien ont renoncé à leur projet de grossesse. Nous pouvons alors nous interroger quant à la balance bénéfices/risques pour ces femmes qui n’ont pas utilisé leurs ovocytes vitrifiés et également quant au rapport bénéfices sur coût et moyens investis si la solidarité nationale prenait en charge cette pratique.
L’idée selon laquelle il pourrait être souhaitable d’instituer un consentement au don des ovocytes non utilisés comme condition d’accès à une demande d’autoconservation si cette dernière était prise en charge par la société, permettrait d’accroître le stock d’ovocytes à destination du don.
Nous devons également nous intéresser à l’âge limite d’utilisation de ces ovocytes vitrifiés, source de craintes pour de nombreuses femmes interrogées, et pour ce, prendre en compte la majoration des risques pour l’enfant et la femme d’une grossesse tardive. En effet, les taux de complications tant pour la mère (hypertension artérielle, diabète, accidents thromboemboliques) (Référence 10) que pour l’enfant (hypotrophie, prématurité) augmentent rapidement avec l’âge de la mère. Ils augmentent dès 40 ans (grossesses tardives) et sont franchement majorés après 45 ans (grossesses ultra-tardives). De plus, le risque de mort maternelle est trois fois plus élevé dans la tranche d’âge 35/39 ans que dans la tranche d’âge 20/24 ans, huit fois plus élevé dans la tranche d’âge 40/44 ans et trente fois plus élevé après 45 ans (Référence 11). Choisir la limite de 43 ans, qui correspond actuellement à l’âge au-delà duquel l’Assurance Maladie ne prend plus en charge l’AMP, semblerait judicieux, même si certains gynécologues préconisent une discussion au cas par cas.
Cela nous amène alors à nous questionner sur la prise en charge de ce processus. L’autoconservation ovocytaire pour raisons médicales est actuellement prise en charge par l’Assurance Maladie en France. Cependant, pour l’autoconservation ovocytaire de précaution, nous pouvons nous interroger quant à son financeur. Plusieurs possibilités sont envisageables :
Un financement total de la part de l’Assurance Maladie peut donc sembler compliqué mais pourrait être justifié par le fait que l’utilisation d’ovocytes préservés jeunes permet l’obtention d’une grossesse par AMP plus rapidement et plus facilement qu’avec des tentatives d’AMP après 35 ans. De plus, cela permettrait de préserver la réserve d’ovocytes donnés pour le don, ce qui réduirait les coûts actuels lors des procédures d’AMP.
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Table des matières
I- INTRODUCTION
I-1. Etat des lieux
I-2. La fertilité de la femme
1) La physiologie ovarienne
2) La baisse de la fertilité féminine
2-a. Baisse de la fertilité avec l’âge
2-b. Recul de l’âge de la maternité
2-c. Baisse de la fertilité due à l’environnement
I-3. La préservation de la fertilité de la femme
1) Le recours à l’AMP classique insuffisamment efficace
2) Description de la technique d’autoconservation ovocytaire
3) Résultats de cette technique
4) Risques de cette technique
I-4. Objectifs de ce mémoire
II- Matériel et méthodes
II-1. Le questionnaire
III- Résultats
III-1. Etude du profil des participantes des deux groupes
III-2. Connaissances sur la fertilité et l’AMP des participantes des deux groupes
III-3. Avis des participantes sur la préservation de précaution des ovocytes
IV- Discussion
IV-1. Enjeux de la conservation sociétale de la fertilité de la femme
1) Une question d’autonomie, de droits et d’égalité
2) Le principe de bienfaisance
3) Une médicalisation encore accrue de la procréation
4) Mésusage et non-usage
5) Conséquences sur l’enfant à naître et la structure familiale
6) Devenir des ovocytes conservés
IV-2. Conditions d’une possible légalisation
1) La question de l’âge
2) Risque d’accentuation du report de la maternité
3) Comment éviter une quelconque pression socioprofessionnelle ?
4) Le financement
4-a. Financement total par l’Assurance Maladie
4-b. Financement par la femme elle-même
4-c. Financement par les entreprises qui le souhaitent
4-d. Financement partiel par l’Assurance Maladie
V- CONCLUSION
VI- Annexe
VII- Références
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