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L’ENSEIGNEMENT DE LA PRÉHISTOIRE ET LES VISITES SCOLAIRES
Pour ce volet, nous avons étudié les nouveaux programmes de 2016, trois manuels scolaires et des supports pédagogiques disponibles sur le site EDUSCOL. Nous avons complété ces informations par des entretiens avec deux chercheurs de didactique de l’histoire de Rennes et Nantes. Nous avons réalisé une enquête qualitative auprès d’enseignants de collège sur leurs attentes en matière de visites scolaires et d’ateliers dans les établissements portant sur l’archéologie de la Préhistoire et resituer ces attentes dans la pratique des visites scolaires et ateliers de ces collèges. Nous l’avons complétée par une enquête de satisfaction auprès d’enseignants de collèges venus en visite scolaire à N&M. Les guides d’entretien ont été réalisés à partir de la problématique de N&M citée plus haut. Nous avons également repris et adapté des questions de l’enquête menée par Cora Cohen sur la « visite scolaire au musée : représentations d’enseignants en formation initiale en France et au Québec » (1989). La zone géographique des collèges a été choisie initialement à environ une heure de route, soit une partie des départements d’Ille et Vilaine, Loire-Atlantique et Morbihan. Devant la difficulté à contacter les enseignants au travers des secrétariats, nous l’avons élargie à l’ensemble de l’Ille et Vilaine. L’échantillon comprend 9 collèges d’Ille et Vilaine et 3 de Loire-Atlantique.
La population scolaire concernée est principalement rurale, sauf pour le collège de Nantes. Nous verrons que c’est important pour l’adaptation aux centres d’intérêt des élèves et aux contraintes logistiques de ramassage scolaire. Il comprend 10 femmes et 2 hommes. 10 enseignent dans des classes de 6è, 2 dans d’autres niveaux. 8 travaillent en collège public, 4 en collège privé. 10 enseignent l’histoire géographie, une les Sciences et Vie de la Terre (SVT), une les mathématiques. Ils ont 16 ans d’expérience de l’enseignement en moyenne. Sept enseignants avaient déjà organisé des visites scolaires sur un site archéologique de la période préhistorique. Une personne enseigne en réseau d’éducation prioritaire (REP), une en section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Deux enseignantes ont des missions spécifiques : une d’elles est professeur conseiller relais aux archives de Nantes l’autre appartient au groupe des formateurs de l’Académie de Rennes. Il est à noter que trois enseignants n’avaient jamais entendu parler de Saint-Just, malgré la proximité géographique. Les informations détaillées sur l’échantillon sont en annexe. Les entretiens ont été réalisés entre décembre 2018 et mai 2019.
Autres acteurs de l’éducation nationale : nous avons complété cette enquête par des entretiens avec l’intendant et le principal de deux collèges, Nous avons eu également des entretiens au sein de l’académie de Rennes, avec l’inspecteur pédagogique régional d’histoire-géographie, la conseillère académique patrimoine et architecture à la délégation académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle (DAAC) et la médiatrice de ressources et de services de l’atelier Canopé (cf. organigramme en annexe 3).
RÉSULTATS
LA MÉDIATION ARCHÉOLOGIQUE AUPRÈS DES PUBLICS SCOLAIRES
DÉFINITION ET ENJEUX DE LA MÉDIATION ARCHÉOLOGIQUE
Histoire de la médiation en archéologie : La médiation en archéologie émerge dans les années 1960. « la conversion patrimoniale du rapport de nos sociétés à leur passé, débute en gros dans les années 1960. Ses principales caractéristiques (primat de l’expérience, dimension sensible et émotionnelle, articulation du matériel et de l’immatériel, éthique de la transmission, démocratisation de l’expertise…) doivent beaucoup aux avancées de l’archéologie comme discipline et comme fait social. » (Fabre, 2014). Depuis le début des années 1970, la valorisation de l’archéologie en France connaît un essor important, notamment dans le domaine de la Préhistoire (Roy, 2005). Aujourd’hui, le panorama de la médiation dans ce domaine est très large. « De nombreux parcs archéologiques et archéosites ont été créés dans des régions plus ou moins riches en patrimoine archéologique. La plupart des musées d’archéologie proposent des activités à destination des scolaires et du grand public…. Cette émergence de la médiation en archéologie a permis de donner aux publics une image plus dynamique et plus attractive de l’archéologie. » (de Miranda, 2010). Avec l’intégration de l’archéologie dans les processus d’aménagement du territoire, la prise de conscience des implications sociales de la discipline est allée en s’imposant. « Au point que l’on observe en ce début de XXIe siècle un foisonnement d’initiatives locales, nationales et internationales qui lient archéologie, patrimoine, publics et citoyenneté. Aujourd’hui, la grande majorité des archéologues est consciente de leur double responsabilité, scientifique et sociale. » (Schlanger, 2018, p 584)
Qu’est-ce que la médiation à l’archéologie ? La Direction de l’architecture et du patrimoine a ouvert en 1990 un bureau de l’action culturelle, afin de conquérir de nouveaux publics. (Mairot et al., 2005, p 80). Dans les années 1990 les musées dans « l’ère de la communication » et ont développé la médiation (Jacobi et Denise, 2017, p 11-16, citant les travaux de Schiele et Davallon). « Depuis que les musées existent et d’une manière générale, depuis que les politiques culturelles se sont développées, on a compris qu’il était nécessaire de mettre en place des professionnels centrés sur les publics […] Cette remarque est encore plus vraie pour l’archéologie qui n’est devenue que récemment une science réservée à des chercheurs professionnels et des salariés à temps plein. ». Ils définissent également le terme : « on appelle médiations l’ensemble des efforts et des dispositifs déployés en vue de favoriser l’acculturation, c’est-à-dire l’appropriation du contenu de l’exposition et de ses objectifs quels qu’ils soient.
LA MÉDIATION ARCHÉOLOGIQUE VERS LES PUBLICS SCOLAIRES
Le foisonnement relatif de la médiation archéologique décrit ci-dessus touche, semble-t-il, plus le grand public que le public scolaire. Après une certaine présence de la réflexion sur la médiation archéologique vers les publics scolaires dans des articles de recherche dans les années 1980 et 1990, les articles sur ce thème se font plus rares ensuite. Cela pourrait s’expliquer par des baisses de financement de ces activités.
Les musées ont commencé à s’intéresser en France au « jeune public » dans les années 1970-1980 et à favoriser un mode de découverte fondé surtout sur l’expérience, que l’on juge plus efficace (Dezellus et Germain, 2014, p 79). En 1982, le Fonds d’Intervention Culturel a créé les classes du patrimoine (Mairot et al., 2005, p 121). En 1985, P. Gouletquer et J.M. Moullec présentaient le bilan d’un projet d’action éducative (PAE) mené dans le Finistère avec des scolaires. Ils constataient la convergence entre le principe d’enrichir le contenu scientifique, pédagogique et éducatif du patrimoine avec les besoins de l’enseignement. « La Préhistoire et l’archéologie locales constituent un terrain exceptionnel d’éveil […] Les retombées éducatives vont dans le sens d’un changement des attitudes vis-à-vis du patrimoine archéologique en général et de la Préhistoire scientifique en particulier. » En 1991, la table ronde de Manneville-ès-Plains avait été consacrée entièrement au thème de la Préhistoire et les enfants. Elle faisait suite à l’année de l’archéologie 1990 engagée par le Ministère de la Culture et avait pour origine le souhait de confronter les expériences de responsables des classes Préhistoire (Paulet-Locard, 1996). Étaient présents des représentants d’une dizaine de sites, de Tautavel au Préhistosite de Ramioul en passant par la Musée de Nemours, qui y ont présenté leurs activités. L’attrait des enfants pour la Préhistoire, la demande des enseignants et des archéologues y ont été mis en avant : « L’enfant, qui est lui-même un être en devenir, s’identifie peut-être à l’espèce ». Les enseignants sont conscients de l’attrait qu’exerce la Préhistoire sur les enfants et savent qu’il est plus facile pour un professionnel et/ou un passionné de faire passer le message auprès de ceux-ci. Il s’agit d’un investissement à long terme, car les enfants seront les citoyens de demain, responsables du patrimoine archéologique. La discipline a l’avantage d’allier l’intellectuel et le manuel, permet de présenter concrètement la démarche scientifique et de développer l’esprit critique. Enfin, elle apporte des bases sur lesquelles réfléchir à la période actuelle (Echasseriaud, 1996). Il n’y a malheureusement pas eu de suite à cette table ronde. Depuis, ont été malheureusement constatés les fermetures de la ferme archéologique de Melrand et du centre de classes vertes de Brasparts. (Gouletquer, 1996). Les classes transplantées culturelles patrimoine sont moins fréquentes, faute de budgets suffisants et la tendance est au développement d’actions plus ponctuelles et plus locales (Mairot et al., 2005, p 122). Pourtant, dans le contexte plus large de la visite au musée, l’importance de l’éducation non formelle est soulignée dans les recherches. Celle-ci se définit « par opposition aux institutions éducatives […] qui dispensent, à des groupes d’élèves d’âge homogène, un enseignement académique (dit formel). » (Jacobi et O. Coppey, 1995). Comme le montre l’enquête que nous avons menée et que nous présenterons ci-dessous, les enseignants apprécient des activités créatrices, comme les techniques de fabrication préhistoriques ou le tir à l’arc et au propulseur. Ceci, car les enfants acquièrent une compréhension globale de l’histoire en apprenant à connaître ce qu’était la vie quotidienne par rapport à la nature et à la société, tout en expérimentant techniques et modes de vie. (Wunderli, 2002). Les ateliers lors desquels l’enfant va être mis en situation et devenir acteur et actif lui permettent d’être en contact direct avec des objets. « La rencontre est alors immédiate et tactile, sensitive, émotionnelle. ». (Lacroix, 2002) L’apport des activités pour les enfants fait l’unanimité, car elles « suscitent l’étonnement et la curiosité. Elles facilitent le passage du concret à l’abstraction […] Retrouver ses gestes est la meilleure façon d’entrer en contact avec l’Homme préhistorique […] L’enfant vit une stimulation émotionnelle et une immersion dans l’activité culturelle et scientifique qui revitalisent le désir d’apprendre. […] Le contact avec le patrimoine favorise l’épanouissement de l’identité du jeune, de sa responsabilité et de son éveil en tant que citoyen du monde. ». La médiation peut guider les enfants à la rencontre des hommes de la Préhistoire par trois voies différentes : « la reconstitution de gestes précis, […], la découverte d’un site […], le musée où des objets remarquables sont préservés. » (Cohen et Marquet, 2005). Pour cela, les supports ludiques sont les plus adaptés. Il faut des « supports le plus souvent ludiques, qui doivent correspondre à la diversité des publics visés. » (Savary, 2010). Pour que cela fonctionne, il est important « de prendre plaisir à travailler avec les enfants, à parler leur langage et plaisanter avec eux. » (Gouletquer, 1996). Dans cette relative convergence de points de vue, apparaissent quelques écueils pédagogiques. Face aux limites pédagogiques de la visite guidée pour les enfants (Triquet et Laperrière, 1999), existe à l’opposé, le risque d’activité centrée sur les commentaires techniques ou le spectacle de démonstration « Le contenu pédagogique réel, en matière d’archéologie, reste souvent très faible. » (Pelegrin, 1998). Enfin, dans le cas de musée, l’intégration des besoins des jeunes publics est nécessaire dès la conception On constate des différences entre « les musées les plus anciens qui proposent des activités pédagogiques via différents dispositifs créés par le service éducatif (livrets, visites, ateliers) tandis que les musées les plus récents intègrent aussi directement ce public dans leur projet muséographique. ». (Dezellus et Germain, 2014, p 80).
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Table des matières
1 INTRODUCTION
2 LES SITES MÉGALITHIQUES DE SAINT-JUST ET L’ASSOCIATION NATURE & MÉGALITHES
2.1 Les sites mégalithiques de Saint-Just
2.2 Nature et Mégalithes CPIE Val de Vilaine
2.2.1 Historique et fonctionnement
2.2.2 Le pôle Patrimoine et le Réseau des Sites Préhistoriques de Bretagne
3 PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE
4 MATÉRIEL ET MÉTHODES
4.1 La médiation archéologique auprès des publics scolaires
4.2 L’enseignement de la Préhistoire et les visites scolaires
5 RÉSULTATS
5.1 La médiation archéologique auprès des publics scolaires
5.1.1 Définition et enjeux de la médiation archéologique
5.1.2 La médiation archéologique vers les publics scolaires
5.1.3 La médiation archéologique vers les publics scolaires en Bretagne
5.2 L’enseignement de la Préhistoire auprès des scolaires
5.2.1 Les programmes scolaires et leur évolution
5.2.2 Résultats de l’enquête auprès des enseignants de l’académie et du service actions éducatives d’Ille et Vilaine
6 INTERPRÉTATION ET DISCUSSION
6.1 Questions de méthodologie
6.2 Contraintes et divergence des enjeux
6.3 Opportunités et convergence des enjeux
6.4 Proposition de plan d’actions à court terme
6.5 Proposition de plan d’actions à moyen terme
7 CONCLUSION ET PERSPECTIVES
8 Liste des Figures
9 Liste des Tableaux
10 Annexes
11 Liste des références bibliographiques
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