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Avantages et inconvénients du bois dans la construction
Que ce soit par sa mise en œuvre, ses propriétés ou l’image qu’on peut en avoir, le bois diffère du béton ou du métal. Il est difficile de déterminer quel est le meilleur matériau pour la construction car ces techniques ont chacune leurs points forts et leurs points faibles.
Voici les caractéristiques du bois.
Avantages
Le bois est un matériau vivant. Il possède des caractéristiques propres aux végétaux. Grâce au phénomène de photosynthèse, un arbre emmagasine du dioxyde de carbone tout au long de sa vie. Ce CO 2 est libéré si l’arbre meurt et se décompose naturellement ou s’il brûle.
Lorsque l’arbre est coupé et utilisé comme matériau de construction, il reste stocké dans le matériau. Ainsi, le bois agit comme un piège à carbone. Plus il y a de forêts et de bâtiments en bois, plus le carbone est piégé dans le matériau et moins il y en a dans l’atmosphère. 1
En plus de cet avantage écologique, le bois est un matériau renouvelable et peu énergivore à produire. Si les forêts sont durablement gérées (c’est-à-dire qu’elles sont capables de se renouveler et de croître malgré le bois qui y est prélevé) elles peuvent en théorie fournir une ressource de bois illimitée dans le temps. Afin de s’assurer que les forêts soient exploitées avec respect, il existe des certifications. La certification PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) est la plus répandue. Cette marque créée en 1999 peut se retrouver sur des produits issus de la filière bois, comme du papier ou des palettes d’emballage, et certifie que 70% du bois utilisé pour la fabrication de ces objets est issu de forêts durablement gérées. Des exploitations forestières peuvent également être certifiées. Cela signifie que la forêt est exploitée dans le respect des grands principes du label. Actuellement, le label PEFC est présent dans 39 pays et certifie près de 264 millions d’hectares de forêts.2
Concernant la consommation d’énergie, le bois en consomme très peu comparé aux matériaux traditionnels. Pour trois poteaux à sollicitation égale, la production de l’élément en bois nécessite 4 fois moins d’énergie que celle d’un élément en béton, et 9 fois moins que celle d’un élément en métal.3 Ces chiffres peuvent toutefois être faussés par le transport du bois. Si l’origine du bois utilisé est éloignée de celle du chantier, l’énergie nécessaire au transport pourra faire perdre l’avantage énergétique du matériau bois. Il est préférable d’utiliser des bois d’origine locale. Cela facilite également la traçabilité du bois pour sa certification. Concernant le bois exotique, bien qu’il existe des forêts certifiées PEFC , il peut être plus difficile de s’assurer de l’origine du bois.
L’utilisation du bois permet également d’influencer la qualité de l’air intérieur. Le bois est un matériau perspirant qui régule l’humidité de l’air intérieur en gardant son niveau constant. En plus du confort qu’il offre, le bois permettrait également de réduire les risques d’allergie et de problèmes respiratoires.1
Concernant les propriétés mécaniques du bois, il présente l’avantage d’être léger. Si on reprend l’exemple des trois poteaux à résistance égale, là où un élément de bois pèsera 60 kg, un élément en béton pèsera 300kg et un élément en métal 78kg.
Cette légèreté du matériau peut être un atout en cas de surélévation sur un bâtiment existant. En cas de construction d’un bâtiment neuf, un système constructif léger permet de minimiser l’importance et le coût des fondations. Ainsi, sur des terrains au sol instable, le bois permettra la mise en place de fondations moins profondes et moins complexes que celles qu’aurait nécessité un ouvrage en béton. L’acier présente aussi cet avantage d’être unmatériau léger, mais la quantité d’énergie nécessaire à sa fabrication est considérable.
Contrairement aux idées reçues, le comportement du bois en cas d’incendie est une des qualités du matériau. Bien qu’il soit combustible, il est capable de conserver sa résistance mécanique lors d’un incendie. Le bois conduit la chaleur 12 fois moins vite que le béton et 250 fois moins vite que l’acier, ce qui, en cas d’incendie, permet de préserver plus longtemps de la chaleur le cœur de l’élément structurel. De plus, la couche carbonisée qui se forme à sa surface conduit la chaleur 8 fois moins vite que le bois lui-même. Comparé à l’acier, une structure en bois est plus sûre lors d’un incendie. Là où une structure en acier s’effondre sans prévenir, il est possible d’anticiper de quelques instants l’effondrement d’une structure en bois grâce aux craquements qu’elle émet. « Les pompiers n’ont pas peur quand ils rentrent dans un bâtiment en bois. Ils savent que quand le bois carbonise, une couche noire se forme et à l’intérieur le bois est protégé. Quand ils rentrent dans un bâtiment métal, il peut fondre d’un coup. Alors que le bois ne va pas rompre. Généralement il n’y a pas de problèmes avec les bâtiments bois. » (extrait de l’entretien avec Romain Texier, Muréko)
« Une pièce bois est capable de supporter des montées de températures bien plus importantes que l’acier. Au-dessus de 1000 °C il n’y a aucun problème, une structure bois continue de brûler mais elle se tient. […] C’est un gros paradoxe. Le bois ça brûle certes, mais pour autant c’est ce qu’il y a de plus sûr. » (extrait de l’entretien avec Sébastien Bouillon, Synergie, Bois)
Pour la conception et le dimensionnement d’un bâtiment en bois, il est nécessaire d’identifier les éléments qui nécessitent une protection particulière. Il peut s’agir d’éléments de petite section qui se consumeraient trop vite, ou des planchers et des façades. Une attention particulière doit leur être accordée pour éviter la propagation du feu entre les étages ou par l’extérieur du bâtiment. Une fois que les éléments qui ont besoin de renforcement ont été identifiés, plusieurs solutions sont possibles : on peut en grossir la section, les protéger avec des matériaux non combustibles comme le plâtre ou traiter le bois avec un produit ignifugeant. Il est possible de combiner ces solutions.1 La faible conductivité thermique du bois permet également d’améliorer les performances énergétiques d’un bâtiment. Si le bois est couplé à une isolation adaptée et correctement mise en place, les propriétés isolantes des parois seront très élevées.
Dans la partie précédente (différents systèmes constructifs) nous avons vu que le bois permettait un niveau de préfabrication important. Nous avons vu avec l’exemple de l’éco quartier Henri Lesage à Vertou que cela présentait de nombreux avantages en phase chantier.
L’utilisation du bois permet de réduire la durée de construction et permet également de réduire les nuisances sur l’environnement alentour. La construction chantier bois serait également plus agréable pour ceux qui y travaillent.
« Les filières sèches ça plaît. C’est extrêmement valorisant : quand ils [les ouvriers] entrent dans une pièce, tout est sec tout est en bois, c’est super agréable pour bosser. » (extrait de l’entretien avec Romain Texier, Muréko)
Inconvénients
Si le bois est avantageux pour ses performances thermiques, par contre ce n’est pas un matériau dont les qualités acoustiques sont naturellement satisfaisantes. « Un plancher bois […] ça ne vaut rien en acoustique. Dans n’importe quelle maison qui a 30 ou 40 ans et qui est tout en bois, si vous avez les gamins à l’étage, en dessous vous savez exactement dans quelle pièce ils sont. Ce qui est logique car le matériau est léger. A l’impact c’est épouvantable. » (extrait de l’entretien avec Sébastien Bouillon, Synergie bois.)
Avec l’exemple de l’immeuble de Vertou, nous avons vu que le temps de conception d’un bâtiment en bois est plus long que celui d’un bâtiment en béton. Que ce soit en phase de conception et d’études ou en phase chantier, le matériau bois nécessite une grande rigueur et de l’exigence. Il est nécessaire que tout soit défini au début du chantier. Les architectes et les différents corps d’états en France n’étant généralement pas habitués à ce type d’organisation, la conception et la phase chantier d’un bâtiment en bois peuvent rencontrer des difficultés.
L’un des inconvénients majeurs à l’usage du CLT est son origine. Pour l’instant la majorité des panneaux bois massif sont importés d’Allemagne ou d’Autriche. Le transport s’effectue par camion et émet donc du gaz à effet de serre. Dès lors qu’il faut transporter le bois, ce matériau perd son avantage de piège à carbone décrit précédemment. Même si on peut estimer que la construction d’un bâtiment en bois produira moins de CO 2 et consommera moins d’énergie que celui d’un bâtiment en béton (le béton nécessite beaucoup d’énergie pour être fabriqué et sur un chantier béton il y a une importante rotation descamions toupies), l’idéal serait de pouvoir disposer d’une ressource en bois proche du lieu de construction.
Dans la technique constructive des panneaux bois massif, le coût d’un panneau bois peut également être un désavantage. Si on compare les coûts des matériaux au m², le bois sera plus cher. Lorsque l’on considère un projet dans son ensemble, il est difficile de savoir de combien est le surcoût d’un bâtiment en bois. Chaque projet a sa logique et le bois, même s’il est plus cher à l’achat peut permettre de réduire les coûts sur d’autres parties d’un projet. Par exemple, pour l’éco quartier de Vertou, la légèreté du bois a permis de mettre en place des fondations plus légères par rapport à un immeuble en béton, et donc d’en réduire le coût. Ce projet aura quand même coûté plus cher à réaliser que si il avait été en béton.
« C’est un projet sur lequel il y a eu un investissement financier volontaire du maître d’ouvrage. Je pense qu’il y a un surcoût en termes de matière première, l’entreprise minore ce surcoût par la productivité qu’elle a dans la mise en œuvre. […]L’avantage aussi pour le maître d’ouvrage […], c’est quand même un bâtiment qui est très peu énergivore. […] Vous avez une isolation par l’extérieur, complétée par la performance d’enveloppe du bois. Il faut toujours réfléchir un peu globalement ce genre de constructions. Si on veut à tout prix réfléchir uniquement en termes de coût de construction, c’est sûr qu’on n’emploiera jamais ces solutions. » (Extrait de l’entretien avec Jean-Louis Garcia, Forma 6)
Selon sa résistance naturelle et son utilisation, le bois peut nécessiter ou non un traitement. Afin de le déterminer, il existe un classement des différentes essences selon leur résistance naturelle et leur classe d’emploi.
Si une essence n’est pas durable naturellement, un traitement y est adjoint. Il existe égalementdes traitements insecticides, fongicides et ignifugeants. Il est préférable d’utiliser un bois qui ne nécessitera pas de traitement, car s’il n’est pas naturel il sera considéré comme matériau dangereux à la fin de la vie du bâtiment et enfoui plutôt que recyclé. Le bois traité représente 86% des déchets dangereux issus du BTP.
Mixité des matériaux
Pour pallier aux inconvénients des différents matériaux, la mixité peut être une solution. Par exemple, la mixité bois béton peut avoir de nombreux avantages. Concernant la stabilité de l’ouvrage, l’utilisation d’une cage d’escalier en béton peut aider à rigidifier l’ensemble. C’est notamment la solution qui est employée dans le bâtiment B d’Atlanbois.
Une cage d’escalier en béton peut également être une simplification pour la satisfaction des normes incendie. S’il est possible de mettre en place une cage d’escalier en bois il est cependant nécessaire de la traiter. Une cage d’escalier béton est la solution qui a également été retenue pour l’un des bâtiments de l’éco quartier Henri Lesage.
La mixité bois béton utilisée en plancher présente également des avantages. Une chape béton sur un plancher bois permet d’améliorer les performances acoustiques du plancher. Cela permet également d’en améliorer le degré coupe-feu.
La mixité bois béton permet de combler les faiblesses du bois tout en utilisant le moins de béton possible, limitant ainsi l’énergie grise et l’impact écologique du bâtiment.
Un engouement pour les grands immeubles bois
Nous avons vu dans la première partie que la construction bois rencontre plusieurs obstacles notamment au niveau culturel. Cependant des solutions pour construire dans la hauteur existent depuis plus d’une dizaine d’années. L’utilisation du bois présente de nombreux avantages, notamment au niveau environnemental, et les grands immeubles bois semblent susciter un intérêt de plus en plus grand chez les professionnels de la construction.
Par exemple, le chantier de l’éco quartier Henri Lesage, présenté précédemment, a été un « chantier école » selon Romain Texier (Muréko) qui a été l’occasion pour l’entreprise générale et pour d’autres intervenants de venir tester des dispositifs. Bien qu’il ne soit pas un immeuble de hauteur importante, ce chantier novateur par sa technique constructive a tout de même été très attractif.
« Les tests n’ont pas engendré de surcoût parce que comme c’était un chantier novateur, tout le monde avait envie de travailler dessus. Donc l’entreprise Placo est venue, ça lui a permis de mettre des complexes en place, des détails, de voir ce que ça pouvait donner sur un chantier 3 niveaux. C’est porteur. Cela n’a pas engendré de surcoût par rapport à la construction en ellemême.[…] L’entreprise Placo est venue gratuitement, ils avaient envie et ils y ont trouvé leur intérêt. » (extrait de l’entretien avec Romain Texier, Muréko)
Quelques immeubles existants
Aujourd’hui il existe en Europe une dizaine d’immeubles d’habitation en bois de plus de 7 étages. En voici quelques exemples.
Murray grove « Stadthaus », Londres
Cet immeuble construit en 2009 est l’oeuvre des architectes Waugh & Thistleton. Il comprend 9 étages et 29 logements. Il a été l’un des premiers à être réalisé entièrement en bois, y compris les cages d’ascenseur et d’escalier et a été grandement médiatisé. La technique utilisée est celle des panneaux bois massif CLT de chez KLH importés d’Autriche. Seuls les fondations et le rez de chaussée sont en béton. Les pieux de fondation ont été dimensionnés pour supporter un ouvrage en béton. Etant donné la nouveauté de la technique mise en œuvre, les ingénieurs ont voulu se laisser la possibilité de construire un immeuble en béton en cas de problème. Le rez de chaussée a été réalisé en béton pour permettre un plus grand espacement entre les murs de refends porteurs afin de laisser une plus grande liberté dans l’aménagement des espaces nécessaires à la mise en place de commerces.
Etant donné la hauteur du bâtiment les étages comportent de nombreux murs. Cet entrecroisement de murs permet à la fois de réduire l’épaisseur des panneaux structurels en multipliant le nombre d’éléments porteurs et de contribuer à contreventer et rigidifier le bâtiment.1
Berlin
Cet immeuble des architectes Kaden-Klingbeil a été construit en 2008. Il a été le premier immeuble en bois en R+6 construit en milieu urbain dense. Contrairement à l’immeuble Stadthaus de Londres, l’immeuble E3 s’insère dans une dent creuse de la rue Esmarchstrasse.
La technique constructive utilisée est un système poteaux poutres en bois lamellé collé en mixité avec du béton et également du métal. Les planchers sont réalisés en CLT. Comme pour l’immeuble Stadthaus, il n’est pas possible de deviner que l’ouvrage est en bois depuis l’extérieur. Les architectes ont choisi de masquer la structure pour des raisons de sécurité incendie. Plus que le bois, il était nécessaire de protéger les assemblages métalliques entreles éléments structurels. Il s’agissait également de répondre à une problématique esthétique et d’intégration dans l’environnement urbain. Les immeubles voisins de ce projet étant en maçonnerie, il était nécessaire que le projet s’inscrive dans cette tendance. La structure est donc recouverte de plaques de plâtre coupe-feu.1
Une des particularités de ce projet réside dans la cage d’escalier. Celle-ci, réalisée en béton avec des croix de saint André métalliques, est ouverte et désolidarisée du bâtiment. On accède aux différents appartements par une passerelle. Les architectes ont pu faire accepter ce projet en bois aux bureaux de contrôle allemands in extrémis, notamment grâce à cette cage d’escalier à l’air libre qui serait un atout en cas d’incendie.
Cet immeuble de 7 niveaux comprend un local commercial en rez de chaussée et 6 appartements (un par étage). La cage d’escalier étant désolidarisée du bâtiment, les appartements sont libérés de la contrainte des murs de refends. Le système poteaux poutre permettant une grande liberté spatiale, les propriétaires de chaque appartement ont pu aménager l’espace comme ils le souhaitaient. La seule contrainte se trouve dans les gaines techniques en béton qui traversent tous les étages. La création de cet immeuble a été rendue possible grâce à un groupe d’autopromotion.
Les propriétaires des 6 appartements sont les maîtres d’ouvrage du projet.
La volonté de construire un immeuble respectueux de l’environnement et en bois émane d’eux. Selon les architectes, cette façon de faire la ville est la meilleure car les personnes qui habitent les immeubles sont moteurs de la fabrication de leur lieu de vie. Mais elle exige qu’un groupe de particuliers convaincus par la même idée et ayant les moyens financiers nécessaires se réunisse et à mène bien le projet, ce qui reste exceptionnel en France.2
Si le principe de l’immeuble de Londres a pu être reproduit, le principe de l’immeuble E3 de Berlin semble être plus unique.
Une dynamique actuelle pour des projets à venir
La question des grands immeubles d’habitation bois semble intéresser de plus en plus l’opinion. Les évènements et initiatives qui contribuent à faire connaitre et développer ce secteur se multiplient, créant ainsi une dynamique autour de cette thématique.
Au mois d’avril 2015, au palais des Congrès de Nancy (situé dans l’hyper centre, à une minute de la gare TGV ), s’est tenue la 5ème édition du forum bois construction, qui a accueilli plus de 1090 participants. Il a réuni des professionnels de l’étranger mais aussi de toute la France. Dans la région de Nancy, la culture du bois est déjà importante, mais le rencontre la filière bois en France depuis quelques années.1 Les sujets abordés lors de ce forum reflètent les actualités et les enjeux de la filière bois : un atelier était entièrement consacré aux immeubles de hauteur bois, et un autre au CLT. Rune B Abrahamsen (Sweco, bureau d’étude participant au projet) a présenté
l’immeuble Treet. Cette résidence d’habitation d’une hauteur de 14 étages est actuellement en construction à Bergen en Norvège. A sa livraison prévue fin 2015, ce sera l’immeuble d’habitation réalisé en bois le plus haut du monde. Son système constructif novateur est un mélange de plusieurs techniques. Des modules de 4 étages composés de panneaux CLT sont empilés. L’ensemble est consolidé par un système poteaux poutres en lamellé-collé. La présence d’éléments transversaux permet d’assurer la stabilité horizontale de l’immeuble.
Celui-ci a été conçu pour avoir une stabilité au feu de 90 minutes et correspond aux normes sismiques en vigueur en Norvège. 2
Cette réalisation impressionnante s’ajoute aux exemples existants et prouve qu’il est possible de trouver des solutions en bois pour la construction d’immeubles hauts.
En France, il existe également des actions qui participent au développement et à la construction d’immeubles d’habitation en bois. La Fédération de l’Industrie Bois Construction (FIBC) est à l’origine du plan Association pour le Développement des Immeubles à Vivre bois (ADIV bois). Cette initiative a pu voir le jour grâce à une action gouvernementale : le plan de la nouvelle France industrielle lancé en 2013 par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Dans le cadre de ce plan, le gouvernement soutient 34 initiatives ambitieuses et structurantes qui se doivent de respecter le principe du développement durable, comme par exemple le « moteur à 2 litres » qui cherche à développer des moteurs à très faible consommation. 3
Franck Mathis (co-pilote du plan ADIV bois) a su convaincre le gouvernement de l’intérêt de ce projet en présentant des exemples d’immeubles d’habitation en bois existants. Une fois leur plan accepté par le gouvernement, l’association ADIV bois a été créée pour le développer et le gérer.
Des types de constructions qui pourront se généraliser ?
Nous avons vu dans les parties précédentes qu’il était techniquement possible de construire des immeubles d’habitation en bois d’une hauteur allant jusqu’à 10 étages, et qu’il est possible d’augmenter encore leur taille. En France, si le coût du matériau est plus cher dans une construction en bois que dans un projet en béton équivalent, il est tout de même possible, en diminuant les coûts sur d’autres points du projet, de ne pas avoir une différence de budget trop importante. Au-delà de cet aspect financier, l’usage du bois présente de nombreux avantages et il existe beaucoup d’associations qui militent pour le développement de la filière. Plusieurs conditions favorables à un développement accru de la filière bois semblent être réunies. Aujourd’hui en France la part de la construction bois est d’environ 7% tous types de construction confondus (Sébastien Bouillon, Synergie bois). Vat-on assister à un développement important de ce pourcentage, et quelle y sera la part des grands immeubles de logement bois ?
La culture des acteurs du bâtiment en France : un obstacle majeur
Lors des entretiens que j’ai pu effectuer avec différents professionnels du milieu de la construction, le problème de l’obstacle culturel a été évoqué à chaque fois. Dans le milieu du bâtiment en France, le matériau le plus employé et le mieux connu est le béton. L’omniprésencede ce matériau fait que la majorité des professionnels se tournent naturellement vers lui. La place laissée aux autres matériaux est limitée. Cela peut expliquer pourquoi il est difficile de faire avancer l’innovation dans la filière bois aussi facilement que dans le béton, alors que nous avons pu voir dans les parties précédentes le potentiel important de ce matériau. « Prenez n’importe quelle tour à Abu Dhabi parmi les toutes dernières, monter du béton à 600m de haut, c’est une vraie prouesse, surtout avec 50°C en température. Donc on est capable de trouver des solutions techniques à presque tout. Après il faut être capable de les entendre. » (extrait de l’entretien avec Sébastien Bouillon, Synergie bois) Malgré les différentes initiatives pour la promotion de la filière bois il semble improbable qu’un changement de mentalité brusque s’opère. Des plans comme ADIV bois contribuent à apporter leur pierre à l’édifice. Si quelques réalisations innovantes en bois sont réalisées et médiatisées, les ouvrages plus modestes (maisons, petits collectifs comme celui de Vertou…) seront considérés comme ordinaires. Mais pour que ce changement s’opère sur la durée, il est nécessaire que de nombreuses actions de ce genre voient le jour. « Je ne crois pas personnellement qu’un plan va bouleverser les choses. A chaque fois ce sont des petits pas qui prennent du temps qui font bouger les choses… Le bâtiment c’est un secteur très conservateur. On sait très bien que la plaque de plâtre pour arriver à son niveau de maturité a mis un peu plus de 40 ans. Et encore si on va à Toulouse, il y a toujours des opposants à la plaque de plâtre. » (extrait de l’entretien avec Dominique Millereux FIBC/ ADIV bois)
Même si des plans comme ADIV bois permettent de tirer vers le haut l’ensemble de la filière bois, en améliorant les techniques constructives, la structure de la filière elle-même et en levant les obstacles réglementaires, il est tout de même nécessaire que les maîtres d’ouvrage soient prêts à faire l’effort d’investir un peu plus pour la réalisation d’un projet. Les immeubles du plan ADIV bois représentent un attrait politique. Plusieurs villes se manifestent déjà pour accueillir l’un des 4 projets et pour cela les régions et départements sont prêts à accorder des subventions spécifiques à ces futurs immeubles. « Il est clair que c’est politique. Je simplifie un peu, mais par exemple Stéphane Le Foll [ministre de l’Agriculture], qui vient du Mans, vous imaginez bien qu’il en voudra un. Après il y a aussi Alain Juppé [maire de Bordeaux] parce qu’il y a du pin maritime et […] le pin maritime pousse en Aquitaine… Vous voyez ce que je veux dire. Ça, ce n’est plus notre jeu. » (extrait de l’entretien avec Dominique Millereux FIBC/ADIV bois) En ce qui concerne des projets bois plus banals, sans un investissement spécifique du maître d’ouvrage, la solution du béton sera privilégiée. La réalisation des deux exemples français qui ont été présentés précédemment (éco quartier Henri Lesage de Vertou et résidence Jules Ferry de St Dié des Vosges) a été rendue possible grâce un investissement des maîtres d’ouvrages. Dans le cas de la résidence Jules Ferry, le toit Vosgien est à l’origine du choix du matériau. Dans le cas de l’éco quartier Henri Lesage, c’est l’entreprise générale (Mureko) qui est à l’initiative du choix du matériau. Lorsqu’elle a appris que ce projet était en conception, elle a contacté les architectes (Forma 6) afin de leur proposer de réaliser ce projet en bois.
Par la suite l’agence d’architecture a présenté deux versions du projet (l’une en bois et l’autre en béton) au maître d’ouvrage et l’a convaincu d’opter pour la solution en bois et d’accepter d’augmenter en conséquence le budget alloué à ce projet. « L’opportunité c’était la création de la société Mureko qui nous avait démarché au moment où on était en étude sur ce dossier-là… On avait une base en traditionnel et on a fait une variante en bois massif ce qui a permis à cette société de postuler, de remettre une offre et d’être retenue par le maître d’ouvrage.[…]
On était de toute façon soumis à l’appel d’offre et on ne pouvait pas faire passer une entreprise de manière unilatérale. On a rentré dans l’appel d’offre une option, on a ouvert une variante en mur ossature bois. Ce qui a permis à Mureko de répondre à l’appel d’offre. » (extrait de l’entretien avec Jean-Louis Garcia, Forma 6)
Le travail d’associations comme Atlanbois permet de faire évoluer les mentalités dans le milieu du bâtiment. Bien que des changements importants aient eu lieu ces 10 dernières années, certaines idées reçues sur le bois sont encore tenaces. La formation des différents acteurs du bâtiment doit être modifiée pour intégrer davantage cette évolution culturelle.
« C’est sûr que la formation des architectes en général et même des ingénieurs est catastrophique concernant le bois. J’ai moi-même fait une école d’ingénieurs en Génie Civil, et dans les années 90 le bois ça servait à faire des coffrages ! C’est catastrophique […] d’abord pour la filière, mais aussi pour les étudiants parce qu’on ne leur présente pas des solutions qui les intéressent, c’est dommage… Aujourd’hui ça change un peu, il y a de plus en plus de formations. Dans mon ancienne école d’ingénieur, je crois que maintenant ils y a des cours sur le bois… Mais il n’y a pas que le bois qui en souffre, c’est aussi tous les biosourcés, le chanvre, la paille… A l’école d’architecture de Nantes ça évolue mais dans les écoles d’ingénieurs il y a encore beaucoup de travail, même à Centrale. Ils ont besoin de s’ouvrir à tout ça, il serait temps… » (extrait de l’entretien avec Samuel Rialland, Atlanbois.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : situation du matériau bois en France
1/Histoire et situation actuelle : la construction bois se heurte à des difficultés
Histoire de la construction bois en France
Obstacles à l’usage du matériau bois
2/Différents systèmes constructifs
Ossature bois
Système poteaux poutres
Bois massif/CLT
3/Avantages et inconvénients du bois dans la construction
Avantages
Inconvénients
Mixité des matériaux
PARTIE 2 : Un engouement pour les grands immeubles bois
1/Quelques immeubles existants
Murray Grove « Stadthaus », Londres
E3, Berlin
Résidence Jules Ferry, St Dié des Vosges
2/Une dynamique actuelle pour des projets à venir
3/Des types de constructions qui pourront se généraliser ?
La culture des acteurs du bâtiment en France : un obstacle majeur
Le monde de la construction en difficulté et en mutation
La filière bois doit également passer à la vitesse supérieure
La question de la ressource en France
L’engouement pour le matériau bois est-il passager ?
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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