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Culture et anaérobiose
Identification bactérienne
En plus du gène cepA, qui est naturellement associé au genre Bacteroides, d’autres gènes de résistance aux βlactamines peuvent être acquis. Le gène cfxA, confère une résistance à la céfoxitine et aux aminopénicillines de haut niveau, il était présent chez 17 % des Bacteroides spp. en Europe en 2006. Le gène cfiA est à l’origine de la résistance aux carbapénèmes par production d’une métalloenzyme, blactamase de classe B, échangeable par séquence d’insertion. Il est présent chez 1 à 5 % des B. fragilis en Europe. Ces deux gènes confèrent des résistances enzymatiques aux βlactamines (11).
Résistance aux MLS (Macrolides Lincosamides Streptogramines). Les macrolides sont des molécules bactériostatiques de haut poids moléculaire. Ils inhibent la synthèse protéique en se fixant sur la sous-unité 50S du ribosome bactérien.
Les résistances aux macrolides ont été largement étudiées et de nombreuses familles de gènes de résistance sont connues. Chez les Bacteroides spp., les gènes fréquemment rencontrés dans la résistance aux macrolides sont : ermF, linA, mefA et la famille msr. Ces gènes sont responsables de résistance via divers mécanismes : l’efflux grâce à des pompes (mefA, msr), la modification de cible par méthylation ribosomale modifiant le site de fixation des macrolides (ermF) ou encore la dégradation enzymatique des macrolides (linA) (46). Les gènes ermF et linA sont les gènes principalement retrouvés dans le cas des résistances aux macrolides chez Bacteroides fragilis. Les macrolides, et notamment la clindamycine, ont été largement utilisés pour traiter les infections à germes anaérobies dès les années 1950. Les résistances sont aujourd’hui très répandues en Europe, où plus de 30 % des souches de B. fragilis possèdent un mécanisme de résistance à la clindamycine (45). La résistance à la clindamycine peut être observable sur l’antibiogramme dans certains cas uniquement après 48h d’incubation. Une lecture précoce risque d’engendrer le rendu d’une fausse sensibilité (36).
Résistance au métronidazole. Le métronidazole est l’antibiotique de référence à activité anti-anaérobies. Il s’agit d’une prodrogue qui est activée grâce à des donneurs d’électrons intracellulaires présents uniquement chez les bactéries anaérobies et chez certains protozoaires. Les dérivés actifs du métronidazole ont pour cible l’ADN bactérien. Ils entraînent des ruptures simples et doubles brins qui perturbent sa réplication, ce qui va conduire à la mort cellulaire bactérienne.
Les résistances au métronidazole sont rares mais semblent en augmentation depuis le début des années 1980. Elles représentaient 1 à 4 % des souches de Bacteroides du groupe fragilis en Europe en 2010, en fonction des études (45,47), contre une quasi absence au début des années 1980 (48). Plusieurs mécanismes sont connus : pompes d’efflux et nitroréduction. Dans certains cas, aucun mécanisme n’a encore été identifié. De manière générale, la résistance via les gènes nim A-I, est la plus fréquente. Cette famille de gènes est à l’origine de la synthèse d’une enzyme nitro-imidazole réductase, capable de réduire les groupes nitrés et ainsi de les rendre non toxiques (49). Ces gènes peuvent être chromosomiques ou plasmidiques, et donc échangeable de Bacteroides à Bacteroides. Ils sont proches les uns des autres avec plus de 70 % d’homologie. Il est également à noter, que plusieurs études ont mis en évidence que la présence de gène nim dans le génome des Bacteroides spp. n’était pas systématiquement synonyme d’augmentation des CMI au métronidazole (50).
Résistance aux fluoroquinolones. Les quinolones ont pour cible d’action l’ADN gyrase et la topoisiomérase IV. Leur mécanisme d’action est l’inhibition de ces enzymes, ce qui entraine des erreurs de réplication et un fort taux de mutation sur l’ADN. Seul la moxifloxacine a une activité importante sur les germes anaérobies. En 2006, les résistances aux quinolones en Europe, notamment à la moxifloxacine dépassaient les 10 %. Plusieurs mécanismes sont en cause : i) la mutation de cible (mutation au niveau de gyrA), II) les pompes d’efflux (par exemple présence de bexA codant pour une pompe de type MATE (Multidrug And Toxic compound Extrusion)). A noter que chez B. thetaiotaomicron, l’hyperexpression de bexA est constitutif et confère une résistance naturelle bas niveau aux fluoroquinolones (11,13). Le gène bexA peut également être retrouvé chez d’autre espèce.
Résistance aux tétracyclines. Les tétracyclines sont des molécules qui ont été largement utilisées dans les années 1950 à 1970. Leur cible d’action est le ribosome où elles empêchent l’élongation de l’ARN. Des gènes résistances aux tétracyclines sont également connus. Dans le groupe fragilis, elles sont principalement dues à tetQ, qui confère une protection ribosomale empêchant la liaison de la molécule à son site ribosomal (13).
Quelle que soit la méthode, l’antibiogramme a pour objectif d’évaluer la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) d’un ou plusieurs antibiotiques sur un isolat bactérien. La CMI est définie comme la plus faible concentration d’antibiotique inhibant la croissance bactérienne dans des conditions d’inoculum et de culture standardisées. Si on s’intéresse à une collection de souches, la CMI50 est la concentration minimale inhibitrice médiane et la CMI90 la concentration d’antibiotique qui inhibe la croissance de 90 % des souches. Les méthodes actuellement utilisées dans les laboratoires pour évaluer la CMI d’une souche vis à vis d’un antibiotique sont la diffusion en milieu solide (disques ou bandelettes chargées d’un gradient d’antibiotique) et la microdilution en milieu liquide. Après mesure de CMI, il est possible de définir si les souches sont sensibles (S), sensibles à forte posologie (I) ou résistantes (R) en fonction des concentrations critiques définies par des données PK/PD et d’efficacité clinique. Ces techniques fournissent donc un résultat qualitatif (S, I, R) à partir de données quantifiables (CMIs approchées en milieu liquide ou par méthode de E-test, ou diamètre d’inhibition par la méthode de diffusion en gélose).
Différentes méthodes existent pour mesurer la sensibilité aux antibiotiques. La méthode de référence pour les germes à croissance aérobie est la macrodilution en milieu liquide. Pour les germes anaérobies, il s’agit de la dilution en milieu gélosé solide. Ces méthodes de détermination des CMI ne sont pas utilisables en routine du fait de leur lourdeur, et des alternatives ont été développées. Pour la méthode de diffusion des disques en gélose, il s’agit des diamètres d’inhibition de croissance. Pour la microdilution en milieu liquide ou la méthode E-test, il s’agit de CMIs approchées. Dans tous les cas, comme pour toute méthode de mesure, les méthodes utilisées en routine sont soumises à des erreurs ou imprécisions qui doivent être connues.
L’inconvénient majeur de cette technique est le temps de réalisation : les géloses enrichies en antibiotique sont préparées manuellement, extemporanément et une dizaine de boîtes de pétri seront nécessaires pour l’évaluation de chaque molécule. L’avantage réside dans la capacité de tester plusieurs dizaines de souches par gélose grâce à l’ensemenceur multiple.
L’avantage de cette technique est la facilité de lecture des CMI, plus franche que la lecture de diamètre par la technique de diffusion. Le principal inconvénient est le coût de cette technique, faisant que seules les souches présentant des résistances ou un profil inhabituel seront testées avec cette méthode. Les méthodes en microdilution ne sont à l’heure recommandées que pour tester les Bacteroides du groupe fragilis et sont considérées comme équivalentes à la méthode de dilution en milieu gélosé par le CLSI.
Il est à noter que les recommandations d’antibiogramme pour évaluer la susceptibilité des bactéries anaérobies strictes dispensées par le CA-SFM/EUCAST ont évolué entre l’année 2013 et 2020. En 2013, la liste standard et complémentaire de molécules à tester, pour les germes anaérobies, comprenait 21 molécules et a été réduite à 13 molécules en 2020 (https://resapath.anses.fr/resapath_uploadfiles /files/Documents/2013_CASFM.pdf). Ainsi, les céphalosporines, les macrolides sauf la clindamycine, le linézolide et une partie des pénicillines ont disparu. Des changements dans les charges des disques ont été également faits : pour le métronidazole, changement de 16 µg à 5 µg et pour la pipéracilline-tazobactam, changement de 75/10 µg à 30/6 µg. Pour le contrôle interne de qualité des méthodes utilisées, une souche de référence B. thetaiotaomicron (ATCC 79741) est recommandée et des valeurs cibles de sensibilité aux antibiotiques définies. Les valeurs seuils pour la cefoxitine ont par ailleurs disparu entre les deux versions et celles de l’imipénème ont été remaniées avec une réduction de la CMI critique haute passant de 8 à 4 mg/L.
La liste des molécules présentée dans le Tableau 8 est celle applicable à toutes les bactéries anaérobies, Gram positif et négatif confondu. Dans le cas des Bacteroides du groupe fragilis, l’amoxicilline et la vancomycine ne sont pas des antibiotiques dont le résultat est nécessaire. Recommandations du CLSI : Le référentiel américain définit deux techniques d’antibiogramme applicables aux bactéries anaérobies : la dilution en milieu solide et la microdilution en milieu liquide. Les recommandations sont les suivantes :
– la dilution en milieu gélosé pour tous les anaérobies en utilisant une gélose Brucella additionnée d’hémine (5 µg/mL), de vitamine K1 (1 µg/mL), et de 5 % de sang de mouton laqué
– pour le groupe des Bacteroides fragilis uniquement, le CLSI recommande la microdilution en milieu liquide avec le bouillon Brucella supplémenté d’hémine (5 µg/mL), vitamine K1 (1 µg/mL), et sang de mouton laqué (5 % v/v).
L’inoculum est réalisé avec une suspension bactérienne équivalent à 0,5
McFarland pour obtenir 105 UFC par spot en dilution en gélose et 106 UFC/mL en microdilution en milieu liquide. La durée d’incubation est de 46 à 48h pour la microdilution et de 42 à 48h pour la dilution en milieu solide à 36°C ± 1°C, en atmosphère anaérobie.
Recommandations actuelles du CA-SFM/EUCAST : Les recommandations européennes sont les mêmes que celles émises par le CLSI pour la microdilution en milieu liquide et la dilution en milieu solide.
Cependant, Le CA-SFM/EUCAST ne précise pas que la microdilution n’est applicable que sur le groupe Bacteroides fragilis et propose également la méthode par diffusion en milieu solide. Le milieu utilisé est la gélose Brucella additionnée de vitamine K1 (1 mg/L), d’hémine (5 mg/L) et de 5 % de sang de mouton. L’inoculum est de 1 McFarland en bouillon Schaedler ou Brucella. L’incubation se fait en atmosphère anaérobie à 35 ± 2°C, 24 à 48 ± 4h. Pour la clindamycine, la lecture doit se faire après 48h d’incubation.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION
A. GENERALITES
B. HABITAT NATUREL ET MODE DE VIE DES BACTERIES ANAEROBIES
C. PATHOGENICITE
D. LE GENRE BACTEROIDES
1. Taxonomie
2. Culture et identification
a. Caractéristiques biochimiques et morphologiques
b. Culture et anaérobiose
c. Identification bactérienne
3. Facteurs de virulence
4. Résistances naturelles et acquises aux antibiotiques
a. Sensibilité des germes anaérobies aux antibiotiques
b. Sensibilité et molécules antibiotiques de référence dans les infections à Bacteroides spp.
c. Résistances naturelles
d. Résistances acquises aux antibiotiques
E. METHODES D’EVALUATION DE LA SENSIBILITE AUX ANTIBIOTIQUES DES GERMES ANAEROBIES
1. Définitions
2. Méthode de référence : la dilution en milieu solide
3. Méthodes corrélées à la méthode de référence
a. Diffusion en milieu gélosé
b. Microdilution en milieu liquide
c. E-test
4. Recommandations actuelles pour la réalisation de l’antibiogramme des Bacteroides spp
OBJECTIFS
MATERIEL ET METHODE
A. ÉPIDEMIOLOGIE CLINIQUE ET RESISTANCE ACTUELLE DES BACTEROIDES DU GROUPE FRAGILIS AU CHU DE CAEN
B. COLLECTION DE SOUCHES
C. CULTURE DES SOUCHES DE B. FRAGILIS
1. Milieux de culture
2. Anaérobiose
D. METHODE D’IDENTIFICATION BACTERIENNE
E. DETECTION DES GENES DE RESISTANCES PAR AMPLIFICATION GENIQUE (PCR)
1. Gènes recherchés et amorces
2. Extraction de l’ADN bactérien
3. PCR
F. METHODES D’ANTIBIOGRAMMES
1. Méthode de référence : dilution en milieu solide par Steers
2. Méthode de diffusion de disques en milieu solide
3. Microdilution en milieu liquide : méthode Sensititre™
4. Microdilution en milieu liquide : Micronaut-S™
5. Tests complémentaires : mesure des CMI par E-tests
G. INTERPRETATION ET EVALUATION DES METHODES
RESULTATS
A. ÉPIDEMIOLOGIE CLINIQUE ET RESISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES DES BACTEROIDES DU GROUPE FRAGILIS AU CHU DE CAEN 52
B. CARACTERISATION DE LA COLLECTION DE SOUCHES ETUDIEES
1. Identification des isolats
2. Sensibilité selon la méthode de référence (Steers)
3. Caractérisation génétique de la résistance
C. ÉVALUATION DES METHODES ANTIBIOGRAMMES :
1. Méthode par diffusion de disques en milieu solide
2. Évaluation de la méthode de microdilution en milieu liquide
a. Distribution des CMIs observées
b. Évaluation du système Sensititre™
c. Évaluation du système Micronaut-S™
d. Synthèse
D. COMPARAISON GENOTYPE-PHENOTYPE DE LA RESISTANCE
1. Fréquence de mise en évidence des gènes de résistance
2. Corrélation phénotype-génotype avec la méthode de référence
a. blactamines
b. Clindamycine
c. Métronidazole
DISCUSSION
A. LIMITES GENERALES DES METHODES ANTIBIOGRAMMES
B. BIAIS ET LIMITES DE L’ETUDE
C. COMPARAISON A LA METHODE DE REFERENCE ET PROFIL GENETIQUE
D. ANTIBIOGRAMME ET ALGORITHME DECISIONNEL
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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