Politique de contrôle prudentiel des capitaux et politique macroprudentielle

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

La régulation financière en économie ouverte

Un des premiers constats d’après crise est que la supervision financière ne peut plus se limiter seulement à l’aspect microéconomique (Borio, 2003). Il s’agit égale-ment de savoir comment se pose la question du lissage des flux financiers en économie ouverte. Deux aspects sont à prendre en compte : la dimension interne et la dimension externe.

La dimension interne : la politique macroprudentielle

Après la Grande Crise Financière, un consensus relativement large de chercheurs et d’autorités a permis de poser les bases d’une régulation prudentielle renforcée. De multiples propositions ont émergé pour former un nouveau cadre de la régu-lation financière qui doit permettre d’endiguer certaines distorsions provenant des externalités négatives des marchés financiers. Aux mesures microprudentielles doit venir s’ajouter un dispositif macroprudentiel afin d’atténuer le risque financier sys-témique (Borio, 2003). Selon Hannoun (2010), deux dimensions sont importantes : viser la stabilité du système financier au fil du temps mais également, grâce au cadre macroprudentiel, stabiliser le système financier à chaque instant. Depuis, à ces deux dimensions est venu s’ajouter l’utilité des contrôles de capitaux pour limi-ter les risques externes ne rentrant pas dans le champ d’application de la politique macroprudentielle.
Selon la Banque des Règlements Internationaux et le FMI, l’objectif final de la politique macroprudentielle est de prévenir ou d’atténuer les risques systémiques provenant des déséquilibres au sein du système financier, de prendre en compte les évolutions macroéconomiques afin d’éviter des périodes de détresse généralisée et de promouvoir la stabilité du système financier dans un sens global, et pas seulement se concentrer sur des intermédiaires financiers individuels. Cette approche vise à inter-naliser le risque global dans les décisions individuelles des intermédiaires financiers. Par exemple, il est rationnel pour une banque de vendre des actifs en perte de valeur pour atténuer le risque au niveau individuel. Cependant, au niveau agrégé, la généralisation de cette décision n’est pas optimale pour l’économie dans son ensemble puisqu’elle entraîne une baisse encore plus importante du prix des ac-tifs, amplifiant ainsi les difficultés financières. La politique macroprudentielle vise à éviter ce problème de procyclicité et ses conséquences possibles sur la transmission des chocs dans l’économie.
Le consensus est clair pour définir la politique macroprudentielle 12. Elle est dé-finie par un objectif principal : celui de s’attaquer aux risques systémiques dans le secteur financier afin d’assurer une fourniture stable de services financiers à l’éco-nomie réelle au fil du temps (FMI, 2011). Autrement dit, l’objectif est d’atténuer les « pics » et « creux » du cycle financier, c’est à dire de lisser ce cycle. Dans ce cadre, les contrôles des capitaux peuvent être considérés comme des outils de la politique macroprudentielle s’ils ciblent spécifiquement la source des risques systé-miques provenant de financements externes. Il s’agit de contrôles prudentiels des capitaux.

La dimension externe : les contrôles prudentiels de capitaux

L’effondrement de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008 a entraîné la chute des flux de capitaux dans la plupart des pays développés et émergents. Quelques mois plus tard, au milieu de l’année 2009, l’afflux de capitaux a rebondi fortement, surtout vers les économies émergentes. L’adoption de mesures non conventionnelles dans le cadre de la politique monétaire des principales banques centrales des pays avancés a largement contribué à ce phénomène. Certains pays ont répondu à ces préoccupations en imposant des contrôles de capitaux pour gérer ces flux de capitaux déstabilisateurs et garantir la stabilité financière de leur économie (Ostry et al., 2010). L’utilité des contrôles prudentiels de capitaux a alors refait surface.
Il convient donc avant tout de définir ce qu’est un contrôle des capitaux et de déterminer spécifiquement en quoi se différencie un contrôle prudentiel d’un contrôle qui ne l’est pas. De façon très générale, les contrôles de capitaux sont des mesures qui visent à limiter ou rediriger les opérations de compte de capital (Neely, 1999). Il est difficile détablir une règle plus précise car ils peuvent prendre de nombreuses formes (taxes, contrôles de prix ou de quantité, ou interdiction totale) et répondre à des objectifs variés (Bakker, 1996 ; Magud et al., 2011). Ceux-ci sont néanmoins surtout réputés répondre à un objectif mercantiliste (Pasricha, 2017), par exemple, en influant sur les termes de l’échange pour favoriser les exportations (monnaie sous-évaluée, accumulation de réserves, …).
Un contrôle est qualifié de prudentiel quand il s’applique exclusivement dans une optique de diminution de prise de risque excessif ex ante et qu’il vise à aug-menter le bien-être social. Par conséquent, la cible théoriquement et prioritairement retenue est l’entrée des flux de capitaux (ou « inflows »). Pasricha (2017) a fourni les premières preuves d’un objectif prudentiel dans le recours aux contrôles. Il confirme l’intérêt de la littérature récente qui centre l’analyse sur les effets des contrôles sur l’afflux de capitaux de l’étranger 13. Selon le consensus, les contrôles prudentiels viennent en complément des mesures macroprudentielles (lesquelles ne permettent pas la discrimination entre résidents et non-résidents). Les contrôles de capitaux « classiques » sont qualifiés comme tels dans notre analyse s’ils n’ont pas de motivation prudentielle et/ou s’ils sont caractérisés par une logique de court terme : contrôle des changes, motivation politique et incohérence temporelle, contrôles ex-post.
Si la distinction entre les deux types de mesure peut parfois être compliquée à saisir, les effets attendus sont différents 14. Le contrôle des capitaux « classique » est réputé décourager l’investissement et ralentir la croissance de long terme (Engel, 2016). Sous cet angle, les contrôles ne font que détourner les flux de capitaux et sont défavorables pour les échanges internationaux et l’activité économique. Ils posent également le problème du phénomène de « guerre des monnaies » provenant du manque de coordination entre les pays dans la mise en place de ces contrôles. De plus, en distordant les flux de capitaux, ils détournent ces flux qui vont venir augmenter l’offre de capital d’autres pays. Cela favorise des taux d’intérêt mondiaux faibles et l’accumulation de dette excessive pour les autres pays (Ostry et al., 2012).
Les effets attendus d’un contrôle des capitaux à caractère prudentiel sont davan-tage positifs. Il est censé rendre l’allocation des fonds plus efficiente (Korinek, 2011). Ex ante, certaines mesures prudentielles, sous la forme d’une taxe par exemple, peuvent permettre de construire un fonds de réserve pouvant être utilisé ex post pour soutenir le prix des actifs ou gérer le taux de change lorsqu’un effet d’ac-célérateur financier apparaît (Jeanne et Korinek, 2010). Certaines de ces mesures peuvent également permettre de diminuer l’appréciation du taux de change lors d’un « boom » (Caballero and Lorenzoni, 2014), voire de diminuer l’accumulation de dette, ce qui permet d’atténuer l’ampleur de l’éclatement d’une bulle spéculative (Jeanne et Korinek, 2010). Théoriquement, malgré un essouflement de la croissance pendant les périodes de surchauffe financière, l’effet net à long terme est supérieur. Enfin, ces mesures peuvent permettre de réduire les externalités négatives prove-nant des larges flux de capitaux. Mais ils peuvent en créer d’autres en tirant les taux d’intérêt mondiaux vers le bas (incitant les autres pays à emprunter davantage et à augmenter le risque).
Le regain d’intérêt porté aux contrôles de capitaux provient du constat que l’afflux de capitaux étrangers crée des externalités qui engendrent des emprunts étrangers excessifs et une trop grande prise de risque par les agents. La littérature récente considère que les contrôles prudentiels sur les flux de capitaux sont sou-haitables en termes de bien-être car ils permettent d’atténuer la prise de risque et réduisent ainsi l’incidence et la sévérité des crises financières (Jeanne et Korinek, 2010). Le point de départ de cet argument repose sur une littérature bien établie, qui a montré que les crises financières dans les économies émergentes peuvent être appréhendées comme des épisodes d’amplification financière (Krugman, 1999, Aghion et al., 2000, Mendoza, 2002). Quand les économies émergentes subissent des chocs qui entraînent une baisse de la demande globale, leurs taux de change se déprécient et les prix des actifs diminuent. Cela entraîne des effets de bilan défavo-rables, c’est-à-dire une diminution de la valeur des garanties et de la valeur nette. En présence d’imperfections des marchés financiers, de tels effets limitent l’accès des agents économiques aux financements extérieurs, ce qui les oblige à réduire leurs dépenses et à contracter davantage la demande globale, et donc l’activité et l’emploi (Korinek, 2011).
La littérature récente sur les contrôles prudentiels des capitaux avance l’idée que la baisse des taux de change et des prix des actifs entraînant des effets d’amplifica-tion financière engendre des externalités pécuniaires, source de distorsions dans les décisions de financement et d’investissement des acteurs privés (Korinek, 2011). Ces externalités perturbent les décisions de financement des agents. En effet, elles incitent les agents à s’endetter trop et à privilégier des investissements excessive-ment risqués. En raison de leurs incitations faussées, l’économie souffre de sa très grande fragilité financière. Autrement dit, la fragilité financière est un sous-produit non internalisé du financement externe, tout comme la pollution de l’air est un sous-produit non internalisé d’une production (Korinek, 2011). Sur un marché supposé complet et sans contraintes, les ajustements de prix en temps normal sont considérés comme faisant partie du mécanisme optimal d’ajustement aux chocs. Cependant, les effets d’amplification financière ne se produisent que lorsque les marchés financiers sont imparfaits. La nouvelle littérature sur les contrôles de capitaux n’encourage pas à simplement réduire les volumes de transactions financières, comme le propo-sait initialement Tobin (1978), mais plutôt à réduire l’exposition globale au risque.
La question est également de savoir si l’imposition de contrôles prudentiels des capitaux peut décourager l’investissement et nuire à la croissance à long terme, ce que se demandent souvent les autorités. La récente littérature sur ce thème attri-bue un avantage important aux contrôles prudentiels des capitaux. Ils peuvent rendre l’allocation plus efficace (Engel, 2016). En présence d’externalités, l’équi-libre du marché est inefficace. Ainsi, imposer une réglementation appropriée permet d’améliorer l’équilibre au sens de Pareto. Par exemple, si les autorités décident d’ap-pliquer des règlementations pour réduire la pollution, les entreprises qui créent de la pollution verront leur activité diminuer mais le bien être sera supérieur puisque la ré-glementation élimine une externalité. Néanmoins, selon Forbes (2007), les contrôles prudentiels des capitaux peuvent ne pas être souhaitables parce qu’ils augmentent le coût du financement des entreprises privées et peuvent donner lieu à des pra-tiques frauduleuses. Cependant, augmenter le coût privé des entrées de capitaux (à leur coût social) est précisément l’objectif d’une telle réglementation, tout comme la réglementation environnementale est conçue pour augmenter le coût de la pol-lution afin de la décourager (Engel, 2016). Il existe cependant quelques mises en garde à l’application de contrôles prudentiels. En effet, des mesures inappropriées peuvent compromettre le développement des marchés de capitaux. Elles impliquent des coûts administratifs non négligeables pour éviter des stratégies de contourne-ment. De plus, l’annonce de nouveaux contrôles des capitaux peut conduire à des réactions défavorables du marché.

La coordination interne et externe des politiques prudentielles

La littérature récente plaide en faveur de l’utilisation flexible des contrôles des capitaux pour renforcer la stabilité financière. Ostry et al. (2012) et Forbes et al. (2016) recommandent de resserrer les contrôles afin de limiter l’afflux excessif de capitaux, à l’origine de risques financiers, puis de les relâcher lorsque ces risques disparaissent. L’argument est le même que dans le cadre de la politique macropru-dentielle, comme par exemple, pour les exigences de fonds propres. En effet, les exigences de capital et de liquidité permettent de limiter la procyclicité du système financier (notamment du crédit) résultant de l’incapacité des agents à internaliser les conséquences de leurs actions collectives sur les prix des actifs, et donc sur les collatéraux dont dépend le prêt (Engel, 2016). Dans ce cas, par exemple, relever le niveau du ratio de prêt sur valeur (« loan to value ratio ») peut permettre d’éviter une hausse excessive du crédit. Si une crise de liquidité est envisageable, augmenter les normes de liquidité des banques est la première réponse à apporter.
Pour résumer, les premières solutions en cas de fragilité financière doivent porter sur le système financier national, soit par des réformes, soit par l’utilisation contracyclique de mesures macroprudentielles. Cependant, si ces mesures ne sont pas disponibles ou si elles ne suffisent pas, alors le resserrement des contrôles aux entrées de capitaux peut s’avérer utile (Korinek, 2011 ; Jeanne et Korinek, 2010 ; Bianchi, 2011 ; Benigno et al., 2016). Le mécanisme d’application n’est bien sûr pas aussi simple et uniforme. Korinek et Sandri (2016) ont montré, par l’intermédiaire d’un modèle simple, qu’il est souhaitable de mettre en applica-tion une coordination interne des deux politiques. Blundell et Roulet (2014) ont analysé l’efficacité des politiques prudentielles des pays avancés et émergents. Ils avancent que les mesures macroprudentielles peuvent être avantageuses pour les deux types d’économies mais que l’utilisation des contrôles de capitaux dans un cadre prudentiel est essentiellement utile pour les économies émergentes. Jeanne (2014) considère que la politique macroprudentielle est généralement le « meilleur » des instruments à mettre en oeuvre pour éviter une croissance excessive du crédit intérieur et des flux de capitaux entrants. Cependant, étant donné le champ d’appli-cation limité de cette politique, les contrôles de capitaux ont leur rôle à jouer. Il y a sans aucun doute plusieurs manières de renforcer la stabilité financière en fonction des situations, du contexte, de la forme de gouvernance de chaque pays et des outils à la disposition des autorités.

La coordination interne et externe des politiques prudentielles

Dans un monde ouvert et globalisé, où les restrictions sur les mouvements de capitaux ont été largement réduites pour permettre au capital de circuler vers son utilisation la plus efficace, des flux de capitaux libres peuvent apporter des avantages significatifs (croissance, développement financier). Ils font également subir des coûts importants (crises financières, endettement) et il convient de trouver un compromis satisfaisant. Ce dosage doit se trouver dans cadre global où se pose la question de la coordination internationale des politiques macroéconomiques et financières (Bengui et al., 2013).
Selon Engel (2016), lorsque le capital est mobile, les pays qui imposent des régle-mentations macroprudentielles aux institutions financières nationales, sont soumis à des pressions découlant des marchés de capitaux internationaux. La coopération internationale est alors nécessaire. Comme le préconisaient Keynes et White, Ghosh et al. (2012) avancent que les flux de capitaux transfrontaliers doivent être régulés de manière concertée en imposant des restrictions de compte de capital dans les pays sources (« outflows controls ») comme dans les pays bénéficiaires (« inflows control ») afin de mieux gérer les flux potentiellement perturbateurs. Ils trouvent également des preuves de débordements transfrontaliers des mesures de régulation. Cependant, l’existence de retombées n’empêche pas l’utilisation de telles politiques (Ostry et al., 2012). Si les politiques d’un pays aggravent les distorsions dans d’autres pays et que la réaction des pays voisins est coûteuse, la coordination multilatérale des politiques est bénéfique. Le pays qui impose des contrôles prudentiels de capitaux, à savoir sur les entrées de capitaux, a tout intérêt à améliorer la coordination avec d’autres pays (Korinek, 2011). Le consensus vise à ce que la coordination internationale des poli-tiques prudentielles soit justifiée, mais qu’elle ne soit pas trop rigoureuse et dépende également des circonstances.
L’attention portée par le Fonds Monétaire International envers les contrô-les de capitaux est une parfaite illustration de l’intérêt porté à ce sujet. En 2005, l’objectif du FMI était de mieux saisir les facteurs à l’origine des flux internatio-naux de capitaux et la façon de minimiser la volatilité de ces derniers (IEO, 2005). Depuis 2010, les principales économies émergentes ont exprimé un regain d’inté-rêt pour les contrôles de capitaux comme une réponse politique à l’afflux excessif et brutal de capitaux (« surges »), notamment en raison des politiques monétaires non conventionnelles engagées par de nombreuses banques centrales. Un consensus a reconnu explicitement l’utilisation de mesures macroprudentielles soigneusement adaptées pour contrer l’afflux de capitaux excessif (G20, 2010). En outre, la France a appelé à un « code de conduite pour réguler les flux de capitaux internationaux »
En 2011, à la sortie du G20, la solution mise en avant pour atténuer les entrées massives de capitaux est d’utiliser des mesures de Gestion des Flux de Capitaux (« Capital Flow Management »). C’est une forme nouvelle de contrôle des capitaux, sous certaines conditions : surévaluation du taux de change, adéquation des réserves et surchauffe économique. Le terme « contrôles de capitaux » a une connotation relativement négative étant donné le passé auquel il est associé. Ces mesures ont souvent été mises en place dans des contextes difficiles (guerre, crise financière, dépression économique) comme solution de dernier recours. Ces contrôles sont donc vus comme des mesures très radicales qui reflètent une entrave à la liberté. Ainsi, bien que le débat soit ouvert, le terme est utilisé avec réticence. Par exemple en 2011, sous la pression de certaines économies émergentes (Chine et Brésil), le G20 déclare, à demi-mot, qu’il n’y a pas de pratique unifiée concernant l’approche à adopter en matière d’utilisation de mesures de Gestion des Flux de Capitaux. En 2012, l’idée mise en avant par le FMI était celle de libéraliser les flux de capitaux des pays émergents et de prendre des mesures encadrant les sorties de capitaux dans les pays avec des comptes de capitaux fermés ou du moins partiellement (FMI, 2012a). Cependant, une idée récurrente demeurait, à savoir que le rôle des pays à l’origine des flux de capitaux n’avait pas été suffisamment intégré (FMI, 2012e). Un point sur lequel une majorité d’économistes est désormais d’accord est que les conditions institutionnelles ont besoin d’évoluer au fil du temps pour incorporer de nouvelles expériences et idées.
Plus globalement, le FMI a tenté de parvenir à un consensus sur la question de la gestion des flux de capitaux. (Ostry et al., 2010, 2012 ; FMI, 2012a). Il avance que les contrôles de capitaux peuvent être utiles en matière de politique de régulation financière des Etats. Cependant, ces mesures représentent également un risque et elles ne doivent pas venir se substituer aux mesures macroprudentielles et à la su-pervision du système financier. Ghosh et Qureshi (2016) soutiennent que, bien que les contrôles sur les sorties de capitaux ne soient pas souhaitables, et associés à des régimes autocratiques, des politiques macroéconomiques défaillantes et des crises financières, les contrôles sur les entrées peuvent être utiles. Pour tenter de saisir les enjeux et de classer les mesures visant à influencer les flux de capitaux, le FMI fait référence aux « mesures de gestion des flux de capitaux » (CFM). Les contrôles de capitaux sont toujours des CFM et certaines mesures macroprudentielles sont des CFM si elles ont été imposées afin d’influencer le volume des flux de capitaux. Cela participe à une forme de réhabilitation des contrôles de capitaux.

Problématique

Les contrôles sur les sorties de capitaux sont rarement une bonne chose étant donné les coûts qu’ils infligent aux agents économiques. Néanmoins, les contrôles aux entrées peuvent contribuer à la réglementation prudentielle. Cependant, ceux-ci sont aujourd’hui toujours perçus comme un préjudice aux échanges et à la liberté. Plusieurs éléments peuvent expliquer cela. Tout d’abord, les deux types de contrôles sont, pour beaucoup, inextricablement liés. Les mesures sur les sorties de capitaux ont été largement utilisées pour des raisons de répression financière ou en dernier recours pour résoudre une crise, et souvent par des régimes autoritaires. Le terme « contrôle » évoque ainsi davantage les contrôles aux sorties et les mesures d’afflux sont souvent condamnées par une « culpabilité par association » (Ghosh et Qureshi, 2016). Contrairement à ce que pensaient Keynes et White, les contrôles de capitaux et le libre échange sont souvent jugés mutuellement incompatibles et les restrictions du compte de capital sont souvent associées à des restrictions de compte courant. Ainsi, promouvoir le contrôle aux entrées de capitaux implique de s’opposer au libre échange. Bien qu’ils ne soient pas un instrument sans faille pour gérer les risques macroéconomiques et de stabilité financière associés aux entrées de capitaux, il n’y a pas de raison de croire qu’ils sont intrinsèquement plus mauvais ou plus coûteux que toute autre mesure politique (Ghosh et Qureshi, 2016).
La crise financière a remis en cause plusieurs hypothèses sur lesquelles reposait la politique économique jusque-là. Certaines demeurent valides aujourd’hui, comme l’importance de la stabilité des prix à long terme ou l’indépendance des banques centrales. Cependant, la crise a mis en lumière l’importance des fonctions de sur-veillance et de réglementation des banques centrales et des régulateurs. Depuis 2008, la stabilité financière a été l’un des principaux objectifs de la politique monétaire aux États-Unis, puis en Europe et dans certains pays émergents. Une réaction im-médiate des banques centrales après la crise a été de réduire fortement les taux d’intérêt à court terme. Confrontées au plancher de taux zéro, les banques centrales ont dû avoir recours à des politiques non conventionnelles comme l’assouplissement quantitatif, les injections directes de liquidités dans le système bancaire privé, les taux d’intérêt négatifs ou encore les interventions sur les devises.
La crise financière a intensifié les recherches académiques sur les interactions entre la politique monétaire traditionnelle (celle visant la stabilité des prix) et les politiques monétaires et financières visant à maintenir l’intégrité du système financier. Plusieurs réformes sont intervenues dans ce cadre : la loi Dodd-Frank de 2010 aux États-Unis ou encore la création d’une union bancaire européenne par l’Union Européenne en 2012. Dans les deux cas, les banques centrales ont été chargées de la surveillance et de la réglementation des risques systémiques. L’expérience de la crise financière a convaincu les autorités de la nécessité d’un dispositif plus complet pour maintenir la stabilité financière. La politique macroprudentielle, qui vise à freiner les évolutions du marché susceptibles d’entraîner une instabilité financière, manque en-core de précision, tout comme sa relation avec la politique monétaire. Les contrôles prudentiels de capitaux permettent de s’attaquer aux déséquilibres externes qui ne rentrent pas dans le champ d’application de la politique macroprudentielle. Cepen-dant, sa complémentarité avec celle-ci et ses effets restent encore à apprécier tant sur le plan théorique que sur le plan empirique.
La crise financière de 2007-2008 a donc renouvelé l’intérêt pour les politiques de contrôle des mouvements de capitaux et a développé l’analyse des politiques macro-prudentielles. Les effets des politiques macroprudentielles souhaitables pour éliminer les distorsions des marchés financiers ont été analysées dans une littérature abon-dante 15 et le sont de plus en plus concernant les politiques de contrôles prudentiels des capitaux. Les recherches sont axées à la fois sur des études empiriques et des aspects théoriques notamment basés sur des modèles d’équilibre général dynamique stochastique (DSGE, Stochastic General Equilibrium »). L’adoption de mesures ma-croprudentielles devient de plus en plus incontournable pour la plupart des pays alors que les doutes sur l’utilité prudentielle des contrôles de capitaux demeurent.
Les investigations menées dans cette thèse sont de deux types : théoriques et empiriques. Un des premiers objectifs est de présenter et d’analyser les méca-nismes théoriques montrant pourquoi la mise en place de politiques de régulation fi-nancière est nécessaire, notamment par l’intermédiaire du mécanisme d’accélérateur financier. Il s’agit également de savoir comment ces mesures, macroprudentielles ou de contrôles des capitaux, peuvent être appliquées et quelles conséquences celles-ci peuvent avoir sur les variables macroéconomiques clés. La construction d’un modèle théorique dynamique basé sur la Nouvelle Macroéconomie Keynésienne nous per-mettra de répondre à ces premières questions. L’objectif est d’apporter une réflexion supplémentaire aux progrès déjà effectués en la matière, notamment par Bofinger et al. (2006). Ensuite, les prêts bancaires transfrontaliers se sont fortement accrus depuis le début des années 2000. Il convient alors d’analyser les implications de la procyclicité des facteurs financiers en économie ouverte en présence de prêts bancaires transfrontaliers. L’objectif est de savoir comment les politiques de régulation doivent être agencées de façon optimale pour résoudre les problèmes de stabilité financière.
Les expériences en matière de régulation depuis la crise de 2007-2008 sont suffi-samment nombreuses pour tenter de les mettre en parallèle avec la théorie. Une des premières questions est de savoir comment les contrôles de capitaux sont appliqués et quels sont leurs effets autant sur la sphère réelle que financière. La construc-tion d’un modèle estimé par la méthode des moments généralisés (GMM) permettra de mesurer, d’abord, les conséquences empiriques des mesures de contrôles des ca-pitaux. Ensuite, en pratique comme en théorie, il faut se demander comment la régulation financière peut être coordonnée aussi bien au niveau interne qu’au niveau externe. Au niveau interne, la politique macroprudentielle est largement validée par la littérature et le recours aux contrôles prudentiels des capitaux est jugé utile dans certains cas. Le problème est de savoir si ces mesures peuvent être coordonnées de manière efficace, sans qu’elles n’entrent en conflit avec la réalisation des objectifs prudentiels. Au niveau externe, il est nécessaire de se poser la question des effets de débordement des politiques de régulation sur les autres pays qui peuvent venir saper ou contrecarrer la politique des autres économies. Il convient d’examiner si la coordination internationale est nécessaire et bénéfique pour garantir l’efficacité de la politique prudentielle.

Une appréciation globale de l’impact des contrôles de capitaux prudentiels

La section suivante est dans le prolongement de notre analyse et porte sur l’étude des relations entre les contrôles de capitaux entrants (considérés comme prudentiels) et sortants et l’évolution d’un ensemble de variables macroéconomiques et financières que l’on va détailler par la suite. Cette analyse s’appuie sur les aspect théoriques et empiriques décrits dans la revue de la littérature et les statistiques descriptives. Il convient également de tenir compte des analyses graphiques décrites précédemment. Ces dernières montrent que les pays ayant mis en place des contrôles de capitaux ont tendance à enregistrer des taux de croissance du PIB plus élevés. Ils ont aussi des taux de croissance plus faibles des variables financières associées aux « booms » des prix des actifs (Klein, 2012). D’une manière similaire, les contrôles de capitaux sont soutenus par l’idée que les pays ayant des contrôles de longue date, comme la Chine, peuvent entraîner une pression à la hausse sur leurs monnaies. Dans l’analyse qui suit, les effets des contrôles prudentiels sur les variables financières sont analysés dans un premier temps pour rendre compte des conséquences financières de ces contrôles, et sur les variables macroéconomiques dans un second temps pour apprécier leurs conséquences réelles.
A ce stade, le principal problème dans nos estimations réside dans les problèmes d’endogénéité pouvant biaiser la relation entre les variables. Par exemple, les pays dont la croissance du PIB ou du crédit est excessive ou trop volatile sont plus facilement enclins à restreindre leur exposition aux transactions financières des non-résidents. Autre exemple, les pays peuvent adopter des politiques de contrôle pru-dentiel des capitaux précisément au moment où le cycle financier est à son apogée. Ainsi une relation négative observée entre le niveau de contrôle et la croissance du crédit peut engendrer une mauvaise interprétation due à une causalité inverse.
Ainsi, afin notamment de réduire les biais de sélection et les problèmes d’en-dogénéité, le modèle dynamique sur données de panel trimestrielles est estimé par la méthode des Moments Généralisés (GMM) de Blundell-Bond (1998). Cette tech-nique d’estimation, appelée initialement « difference GMM » (Arellano and Bond, 1991), utilise les différences premières des variables comme instrument et estime les variables par la méthode des moments généralisés (Hansen, 1982).
L’estimateur de Blundell-Bond, nommé « system GMM », est une version aug-mentée qui pose une hypothèse supplémentaire, à savoir que les différences de premier ordre des variables instrumentées ne sont pas corrélées avec les effets fixes. Cela permet l’ajout d’instruments supplémentaires et ainsi d’améliorer les estimations. En outre, cet estimateur est associé aux situations suivantes : avoir une variable endogène dynamique parmi les régresseurs ; une ou des variables indépendantes qui ne sont pas strictement exogènes, à savoir corrélées avec les réalisations passées et éventuellement présentes dans le terme d’erreur ; une relation linéaire ; des effets in-dividuels fixes ; potentiellement la présence d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation au sein des individus de l’échantillon mais pas entre eux ; enfin, il est réservé à des échantillons de dimension individuelle large et de dimension temporelle plus res-treinte (la règle veut que le nombre d’instruments ne soit pas supérieur au nombre d’individus, sinon la prolifération des instruments vient biaiser les estimations). Bien que la dimension temporelle soit limitée dans notre échantillon, elle est plus volu-mineuse que celle discutée dans la théorie initiale (de Blundell-Bond, 1998). Des subdivisions d’échantillon sont prises en compte par la suite pour atténuer ce pro-blème et apprécier incidemment la robustesse des estimations globales.
Les seuls instruments disponibles sont « internes » (bien que notre estimateur permette d’inclure des instruments externes), c’est à dire qu’ils sont basés sur les retards des variables instrumentées. De plus, le passage en différence première permet de supprimer une source potentielle de biais par rapport aux effets individuels non observés.
Nous nous sommes attachés à vérifier la validité des instruments par l’intermé-diaire du test de Sargan/Hansen. En outre, Arellano et Bond ont développé un test pour gérer l’autocorrélation dans le terme de perturbation idiosyncratique. Cela ren-drait certaines variables retardées invalides en tant qu’instruments, c’est pourquoi lorsque ce test n’est pas validé, nous supprimons le retard. Nous avons également prêté attention à la prolifération des instruments, comme le recommande Roodman (2009). Cette prolifération d’instruments peut venir « sur-charger » les variables endogènes et ne pas éliminer leurs composants endogènes. Cela affaiblit également la capacité du test de Hansen à détecter ce problème et à détecter l’invalidité des instruments. Nous ne prenons donc pas en compte tous les instruments disponibles. Seules les premiers retards sont sélectionnés de manière à respecter la règle d’après laquelle le nombre d’instruments ne doit pas dépasser le nombre d’individus. Le risque étant élevé avec cet estimateur, nous veillons à bien respecter les différents tests cités précédemment. La commande xtabond2 du logiciel Stata permet d’appliquer rigoureusement tous ces éléments et d’adopter les techniques les plus robustes, notamment l’estimateur en deux étapes, ou « two-step estimator », et la correction de Windmeijer (2005) permettant de diminuer les biais dans les estimations.
L’équation estimée est la suivante : Δlnyi,t = αi + ρΔlnyi,t−1 + γRégulationi,t−1 + βXi,t−1 + i,t (1.3) où i indique les pays et t le trimestre. yt correspond à la variable expliquée (en différences premières du logarithme). Parmi les régresseurs, on trouve la valeur re-tardée de la variable expliquée, la valeur retardée du PIB (hormis quand la variable expliquée est exprimée en ratio par rapport au PIB). On tient compte également de deux variables de contrôle incorporées dans le modèle (X dans l’équation du modèle) : le VIX (l’indicateur de volatilité du marché d’actions américain) et des in-dices de performance boursière des pays (ou de la région). Ces derniers proviennent de Bloomberg et font référence aux indices « MSCI (Morgan Stanley Capital In-ternational) » mesurant la performance des principales places boursières dans les différentes régions suivantes : Afrique ; Amérique du Nord ; Asie en développement ; les nouveaux pays industrialisés d’Asie (avec la zone Pacifique) ; Amérique latine ; Europe centrale, Europe de l’Est et Russie ; Europe (hors euro) ; Zone euro. Enfin, la variable Régulation fait référence aux indices de contrôle des capitaux. Pour chaque estimation, trois indices différents sont sélectionnés : l’indice global de contrôle des capitaux, l’indice de contrôle sur les capitaux entrants (ou indice de contrôle pru-dentiel) et celui sur les capitaux sortants.
L’analyse s’effectue à chaque fois en deux étapes. En premier lieu, une analyse des conséquences directes de court terme des indices de contrôle de capitaux sur le taux de croissance des variables macroéconomiques et financières considérées. En second lieu, nous détaillons l’analyse au cours du cycle haussier, correspondant aux valeurs positives de la composante cyclique, c’est à dire par rapport à l’équilibre de long terme. Cet aspect permet de faire ressortir le caractère prudentiel ou non d’un contrôle puisque celui-ci, s’il est prudentiel, est censé atténuer la croissance des variables considérées en période de cycle haussier. Cela permet d’éviter un emballe-ment de ces variables qui viendrait déstabilier l’économie. Les composantes cycliques et tendancielles sont calculées à l’aide d’un filtre Hodrick-Prescott 18.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela clepfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Sommaire
Introduction générale
1 Libéralisation et régulations financières depuis la Seconde Guerre Mondiale
2 Enjeux et problèmes
3 La régulation financière en économie ouverte
3.1 La dimension interne : la politique macroprudentielle
3.2 La dimension externe : les contrôles prudentiels de capitaux
4 La coordination interne et externe des politiques prudentielles
5 Problématique
6 Plan
1 Les contrôles de capitaux comme instrument de la politique prudentielle : un premier éclairage empirique 
1 Introduction
2 Revue de la littérature sur l’analyse des contrôles de capitaux
3 La construction d’une nouvelle base de données sur les contrôles de capitaux
4 Les contrôles de capitaux de 1999 à 2015 : descriptions et usages
5 Les conséquences macroéconomiques des contrôles prudentiels de capitaux : une investigation économétrique
5.1 Une étude préliminaire des effet des contrôles prudentiels de capitaux
5.2 Une appréciation globale de l’impact des contrôles de capitaux prudentiels
5.3 Les conséquences financières des contrôles de capitaux prudentiels
5.4 Les conséquences réelles des contrôles de capitaux prudentiels
6 Résumé des résultats
7 Conclusion
8 Annexe
2 Amplification financière et politiques prudentielles 
1 Introduction
2 Un modèle standard à deux pays et l’accélérateur financier
2.1 Le modèle initial en économie ouverte
2.2 L’accélérateur financier et le secteur bancaire
2.3 Simulation et analyse des modèles
3 Politique de contrôle prudentiel des capitaux et politique macroprudentielle
3.1 Politique de contrôle prudentiel des capitaux
3.2 Politique macroprudentielle
3.3 Simulation et analyse des fonctions de réponses
3.4 Analyse de la variance
3.5 Résumé des résultats
4 Conclusion
5 Annexe
3 Prêts bancaires transfrontaliers et politiques prudentielles 
1 Introduction
2 Le modèle à deux pays avec des prêts transfrontaliers
2.1 Structure du modèle avec des prêts transfrontaliers
2.2 Simulation et analyse des fonctions de réponses
2.3 Analyse de la variance
2.4 Résumé des résultats
3 Politique monétaire et prudentielle optimale
3.1 Politique monétaire et prudentielle optimale (sans prêts transfrontaliers)
3.2 Politique monétaire et prudentielle optimale avec prêts transfrontaliers
4 Conclusion
5 Annexe
4 Contrôles prudentiels des flux internationaux de capitaux et des activités bancaires : quelle coordination ? 
1 Introduction
2 La politique macroprudentielle et la coordination des politiques de régulation prudentielle
2.1 La politique macroprudentielle dans la littérature
2.2 La coordination interne des politiques de régulation
2.3 La coordination externe des politiques de régulation
3 Présentation et analyse des données (macro)prudentielles
3.1 Présentation spécifique des instruments macroprudentiels
3.2 Typologie de l’articulation des mesures prudentielles
4 Interaction et coordination interne des politiques de régulation prudentielle
4.1 Méthode économétrique
4.2 Résultats des estimations
5 Externalités et coordination externe des politiques de régulation prudentielle
5.1 Une méthode d’estimation des effets de coordination internationale des contrôles prudentiels
5.2 Présentation et discussion des estimations
6 Conclusion
7 Annexe
Conclusion générale 
Bibliographie 

Télécharger le rapport complet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *