Education thérapeutique des soignants et des aidants

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La médecine générale et les troubles de la déglutition

Depuis 2004, avec la déclaration obligatoire du médecin traitant, le médecin généraliste est le maillon central de la prise en charge du patient. Il est le soignant de premier recours et l’acteur principal de nombreux dépistages.
La gériatrie occupe une grande place dans l’activité de médecine générale. La population vieillit ; au 1er janvier 2018 (80), les personnes de 65 ans et plus représentent 19,6% de la population française.
Les troubles de la déglutition s’expriment par des symptômes frustres au sein de la population âgée qu’il faut apprendre à repérer.
La prise en charge gériatrique des troubles de la déglutition englobe la prévention de la survenue de complications, le maintien d’apports nutritionnels corrects tout en promouvant une qualité de vie optimale.
Au vu de la prévalence importante des troubles de la déglutition dans cette population, les internes de médecine générale soignent régulièrement des patients souffrant de dysphagies oro-pharyngées, lors des stages en hospitalier ou en libéral.
La formation théorique durant l’externat est réalisée en parallèle durant les cours d’ORL et de gériatrie. La formation pratique s’acquiert durant les stages d’externat et d’internat.
Les internes de médecine générale étant les médecins généralistes de demain, il semble important de s’intéresser à leur prise en charge face à des patients souffrant de dysphagie oro-pahryngée.

Objectif de l’étude

L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la prise en charge des troubles de la déglutition chez la personne âgée exprimée par les internes de médecine générale de Caen.
Leur prise en charge était-elle conforme avec leur appréciation d’avoir une prise en charge adaptée par rapport aux éléments retrouvés dans la littérature ?

MATERIEL ET METHODE

Il s’agissait d’une étude prospective, quantitative et descriptive portant sur la prise en charge des troubles de la déglutition des personnes âgées par les internes de médecine générale de la faculté de médecine de CAEN, en Normandie.
Période et population de l’étude
L’étude a été réalisée de septembre à octobre 2018.
La population visée était constituée de tous les internes de médecine générale inscrits à la faculté de médecine de CAEN en août 2018, qui avaient accepté de répondre au questionnaire et pour lesquels on disposait de l’ensemble des réponses.
Support de l’étude : le questionnaire
Le questionnaire était constitué de 38 questions : (Annexe 2)
• 35 questions à choix simples ou multiples. Les questions étaient majoritairement des questions fermées afin de faciliter les réponses au questionnaire et les statistiques.
• 3 questions ouvertes où le répondant pouvait librement proposer une réponse
Thèmes abordés
Le questionnaire interrogeait les internes sur leurs rapports avec les troubles de la déglutition des personnes âgées : sentiment de compétence, réalisation de test de déglutition, information de l’entourage et orientation du patient.
Il existait des questions précises concernant les facteurs de risques de troubles de la déglutition ainsi que les adaptations à mettre en place face à une dysphagie oro-pharyngée.
Les cinq dernières questions portaient sur l’identité des répondants : sexe, année d’internat, formation sur le sujet et activités professionnelles choisies.
Cas clinique
Le questionnaire a été intégré au sein d’un cas clinique permettant une mise en situation et un questionnaire moins académique. Le récit était purement imaginatif.
Support d’information
La plaquette « Détection et prise en charge des troubles de la déglutition chez le sujet âgé hospitalisé » réalisée par l’AP-HP en août 2013, était disponible à la fin du questionnaire. (Annexe 3).
L’autorisation d’utilisation et de diffusion de ce document a été obtenue par mail auprès de l’auteure
RUGLIO
Protocole de l’étude
Le questionnaire a été validé par 3 gériatres du CENTRE HOSPITALIER de LISIEUX puis testé avant diffusion par deux internes de la faculté de médecine de NANTES.
Le questionnaire a ensuite été envoyé par courrier électronique sous la forme d’un lien permettant d’accéder directement au questionnaire hébergé sur la plate-forme LIMESURVEY.
Les réponses ont été enregistrées de manière anonyme sur un serveur internet.
Le questionnaire en ligne comportait des réponses obligatoires, c’est à dire qu’il était impossible de passer à la question suivante sans avoir répondu à la question affichée.
Auparavant, une autorisation de conformité avait été signée avec la faculté.
Recherche documentaire
La recherche documentaire initiale a été effectuée sur des bases de données bibliographiques par l’intermédiaire de sites internet des sociétés savantes compétentes dans le domaine (Medline/Pubmed, Cismef, Lissa, Sudoc…), la lecture de revues et demande de thèses ou d’articles à la bibliothèque universitaire de la faculté de médecine de CAEN.
Analyse statistique des données
L’ensemble des réponses a subi une analyse statistique descriptive. Les résultats sont exprimés en valeur absolue et parfois en pourcentage.
Afin d’évaluer la compétence des répondants par rapport à leur sentiment de compétence, une sélection de 10 questions du questionnaire dont les réponses ne sont pas controversées a été réalisée. La liste est disponible en annexe 4.
Une note sur 10 a été attribuée à chaque interne ayant répondu au questionnaire en entier.
Une réponse fausse ou une réponse « ne sait pas » enlevait un point.
Une moyenne a été réalisée par groupe de « sentiment de compétence » afin de pouvoir les comparer sur un logiciel tableur.
Afin d’évaluer s’il existait une différence significative entre les scores des internes classés par niveau de compétence, un test statistique WILCOXON-MANN-WHITNEY a été réalisé sur le site « BiostaTGV » en divisant les internes en 2 catégories distinctes :
• Sentiment d’être « Compétents » ou « Plutôt compétents »
• Sentiment d’être « Assez compétents », « Peu compétents » ou « Pas compétents »
Le seuil de signification choisi était p<0,05.
RESULTATS
Diagramme de flux et population de l’étude
L’analyse statistique incluait uniquement les 72 répondants complets.
Les répondants inclus dans l’analyse statistique étaient 42 femmes (58%) et 30 hommes (42%) et correspondaient à 28% des internes inscrits à la faculté.
La formation des répondants était majoritairement l’expérience en stage pour 62 d’entre eux (86%), puis la formation en stage par un sénior ou un para-médical (n=27), mais aussi les cours à la faculté (n=12) et le DESC de gériatrie (n=1).
Les répondants souhaitaient s’orienter pour 58 d’entre eux (80%) vers de la médecine libérale, 9 vers de l’activité mixte salariée-libérale, 6 vers les urgences, 5 dans un service hospitalier, 3 en gériatrie, 1 vers la PMI ou médecine scolaire et 2 répondants étaient sans avis.
Analyse descriptive
Sentiment de compétence et expérience
• Compétence
Parmi les 72 internes ayant répondu complètement au questionnaire, 1 seul se sentait « compétent » face aux troubles de la déglutition des personnes âgées (1,4%), 11 se sentaient « plutôt compétents » (15%), 30 « assez compétents » (42%), 26 « peu compétents » (36%) et 4 non compétents (5,6%). (Figure 9)
Les internes répondants compris dans l’analyse statistique ont été classés selon leur année d’internat et leur niveau de sentiment de compétence dans le tableau 4.
Année d’internat Sentiment de compétence Oui compétent Plutôt compétent Assez compétent Peu compétent Non pas compétent Total
• Tests de déglutitio
Au moins un test de dépistage clinique de la déglutition était connu par 28 internes (39%) mais 55 n’en avaient jamais vu ni réalisé (76%).
Manger devant la télévision augmentait les fausses-routes pour 55 internes sur les 72 analysés (77%).
La position assise avec la tête penchée en avant n’était pas un facteur de risque de fausses-routes pour 40 répondants (56%).
La position allongée augmentait les fausses-routes pour 68 des répondants (94%).
Quatre-vingt dix pour cent des répondants (n=65) pensaient que le soignant devait être assis pour faire manger le patient.
Bien remplir les verres ne faisait pas partie des conseils donnés par 55 répondants (76%).
Les verres canards étaient préconisés par 50 répondants (69%) contre 32 pour les verres à encoche nasale (44%).
Adaptations alimentaires
• Les recommandations
Un repas copieux augmentait les fausses-routes selon 40 répondants (56%).
Trente neufs répondants analysés ne supprimaient pas la viande au profit des œufs et du poisson (54%), 34 conseillaient de lier les aliments avec des sauces et des corps gras (47%), 60 ne conseillaient pas de privilégier les coquillettes et les petits pois (83,5%) et seulement 14 conseillaient de cuisiner plus épicé (20%).
L’appareil dentaire au moment des repas était toujours nécessaire pour 51 des répondants analysés (70%).
• Les textures
Pour 55 répondants analysés (76%), mouliner tous les repas était la première action à mettre en œuvre face à des troubles de la déglutition
La proposition qui classait les textures d’un repas du plus solide au plus lisse « Haché > Mouliné > Mixé » a été sélectionnée par 35 répondants dont les réponses ont été analysées (49%) et 34 répondants (47%) ont inversé les textures « mixée » et « moulinée ».
• L’hydratation
Soixante-trois répondants inclus dans l’analyse statistique (87%) conseillaient de favoriser l’eau pétillante en cas de troubles de la déglutition.
Quarante-huit répondants inclus dans l’analyse statistique (67%) pensaient que l’eau pouvait être à température ambiante.
Seulement 26 répondants inclus dans l’analyse statistique (39%) savaient que diluer du sirop (type grenadine) dans l’eau était utile
Vingt-huit répondants inclus dans l’analyse statistique (39%) ne conseillaient pas d »épaissir les liquides (café, soupe) avec du pain alors que 16 le conseillaient (22%).
• L’eau gélifiée
L’eau gélifiée n’était pas le premier choix en matière d’hydratation face aux fausses-routes selon 54 répondants (75%). Ils étaient 64 (89%) à savoir que l’eau gélifiée pouvait être aromatisée.
Autres éléments de prise en charge
• La sonde naso-gastrique
Cinquante répondants dont les résultats ont été analysés (69%) savaient qu’une sonde naso-gastrique n’évitait pas les fausses routes.
• Conduite à tenir face à une fausse-route
Quatre-vingt douze pour cent des répondants encourageaient le patient à tousser lors d’une fausse-route et 86% ne conseillaient pas de le faire boire.
• Les thérapeutiques à réévaluer
Autres propositions ou autres prise en charge découverts lors des stages
Une question ouverte permettait aux internes de proposer d’autres éléments de prise en charge.
Les réponses qui n’étaient pas auparavant évoquées dans le questionnaire étaient :
• « Selon le coté de l’AVC, se positionner du coté opposé (permet que l’oropharynx soit mieux en place pour la déglutition) »
• « Consultation ORL déglutition »
• « Fractionnement des repas pour diminuer la fatigue
Solliciter l’alimentation par soi-même pour augmenter l’attention Privilégier les repas en fonction des goûts »
• « Toujours vérifier les traitements »
Communication
• Information
Tous les répondants jugeaient utile d’informer les soignants de la présence des troubles de la déglutition, lors de l’entrée en EHPAD ou changement de service hospitalier. En pratique, 60 répondants (84%) pensaient « souvent » (31%) ou « toujours » (53%) à informer les soignants.
• Prise en charge multiprofessionnelle
Cinquante-quatre internes répondants (75%) orientaient en priorité vers un orthophoniste, 10 vers un gériatre (14%), 4 vers un kinésithérapeute (4%), 3 vers une diététicienne (4%), aucun vers l’ergothérapeute ou le pharmacien.
Un répondant a laissé un commentaire : « L’accès le plus simple est la diététicienne, délais trop long pour orthophoniste ou ergothérapeute, impossible à trouver ».
Lien entre compétences et « sentiment de compétence »
L’interne qui se sentait « compétent » face aux troubles de la déglutition des personnes âgées a répondu correctement à 9 des 10 questions choisies pour l’évaluation. Il était formé par le DESC de gériatrie.
Les autres résultats sont présentés dans la figure 11.
Le test de Wilcoxon-Mann-Whitney a montré une différence statistiquement significative (p = 0,004) du score entre les internes se considérant comme compétents (sentiments d’être « Compétents » ou « Plutôt compétents ») et les autres (sentiments d’être « Assez compétents », « Peu compétents » ou « Pas compétents ») lorsqu’on les regroupe en deux classes distinctes.
DISCUSSION
Résultat principal
L’objectif principal de cette étude était d’évaluer si la prise en charge des troubles de la déglutition chez la personne âgée exprimée par les internes de médecine générale de Caen était conforme avec leur appréciation d’avoir une prise en charge adaptée aux éléments retrouvés dans la littérature.
Le résultat principal de cette étude suggérait que les internes, dont les réponses ont été analysées, avaient une bonne appréciation de leur compétence en rapport avec la prise en charge des troubles de la déglutition des personnes âgées. En effet, les répondants qui se sentaient « Compétents » ou « Plutôt compétents » avaient obtenu une moyenne différente, statistiquement significative, de ceux ayant répondu « Assez compétents », « Peu compétents » ou « Pas compétents ».
Commentaires sur l’échantillon
Sur les 95 répondants au total, 20 ont abandonné avant la 4e question. Les hypothèses devant ce taux d’abandon important sont que le questionnaire était trop long, les questions mal posées, le manque d’intérêt ou la sensation de manque de compétence pour le sujet.
Cependant, dans les questionnaires non entièrement complétés, 10 internes ont répondu à la question du « sentiment de compétence », 3 se sentaient « Plutôt compétents », 4 « Assez compétents » et « « Peu compétents » ce qui est globalement comparable à ceux ayant répondu au questionnaire de façon globale.
Les répondants analysés étaient en majorité en 3e année d’internat (53%). Ils sont plus conscients de l’importance de répondre aux questionnaires de thèses car ils sont concernés eux aussi à cette problématique de fin de cursus. Par ailleurs, cela crée un biais car étant en dernière année d’internat de médecine générale, ils sont plus expérimentés de façon générale et dans le domaine des troubles de la déglutition. Comme le montre le tableau 4, leur sentiment de compétence est meilleur. Nous n’avons pas fait de test statistique sur la correspondance entre leur sentiment de compétence et leur niveau de compétence évalué sur ce critère d’année d’internat car ce n’était pas l’objectif principal de cette étude.
Comparaison avec la littérature
Il existe peu de littérature sur les compétences et la prise en charge des troubles de la déglutition des personnes âgées par les internes de médecine générale ou les médecins généralistes.
En 2016, une thèse d’exercice de médecine était intitulée « Prise en charge des troubles de la déglutition chez les patients âgés par les médecins généralistes picards » (81). Elle était composée de 132 répondants dont 45% étaient âgés de moins de 35 ans.
Plusieurs mémoires en vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste possédaient des informations sur la prise en charge des troubles de déglutition par les soignants, principalement les infirmiers et aides-soignants. La plupart de ces mémoires avaient des effectifs de population peu importants.
Le mémoire de Léa PINEAU (82), réalisé en 2014, s’intitulant « Elaboration d’un livret d’information sur les troubles de la déglutition de la personne âgée et sur les aménagements possibles, à destination des soignants de services de gériatrie » comportait une évaluation de 108 soignants (62% d’aides-soignants et 31% d’infirmiers).
Sentiment de compétence et formation
Dans la thèse de médecine de N. PIERRE-LOUIS (81), le niveau de connaissance déclaré des médecins à propos des troubles de la déglutition semblait comparable aux chiffres retrouvés dans notre questionnaire. Ils sont représentés dans le tableau 6.
Les médecins généralistes picards expliquaient leur niveau de connaissance insuffisant surtout par l’absence de formation sur le sujet pour 33% d’entre eux.
La source de connaissance principale était la pratique et l’expérience professionnelle selon 56% des médecins, c’était aussi la formation principale dans ce domaine selon les internes de notre questionnaire (86%).
Par ailleurs, dans le mémoire pour l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste de P. RAPIN (69) s’intitulant « Démarche d’éducation pour la santé concernant les troubles de la déglutition », les soignants expliquaient que leur expérience professionnelle palliait les défauts de formation initiale dans le domaine des troubles de la déglutition.
Compétences évaluées
Le questionnaire comportait 33 questions de prise en charge concrète en rapport avec les troubles de la déglutition des personnes âgées. Aucun interne n’a répondu correctement à toutes les questions.
Cependant les notes obtenues aux 10 questions sélectionnées étaient satisfaisantes et supérieures à la moyenne.
• Adaptations environnementales et posturales
Dans la thèse de N. PIERRE-LOUIS, la posture prévenant le mieux les troubles de la déglutition pour 67% des médecins généralistes était « assis buste droit, menton fléchi sur la poitrine ». Dans le mémoire de L. PINEAU, 89% des soignants estimaient que la position avec la tête penchée en avant était adaptée aux troubles de la déglutition.
Cela était discordant avec notre étude. En effet, seulement 53% des internes dont les réponses ont été analysées avaient répondu correctement à la question : « La position assise tête penchée en avant augmente-t’elle les fausses routes ? ». La rédaction de la question était peut-être trompeuse car on ne cherchait pas les facteurs évitants les fausses-routes mais les facteurs favorisants les fausses-routes.
Cependant, dans le mémoire de P. RAPIN, seulement 3 soignants sur 22 proposaient spontanément la position de flexion de la tête en avant lors de dysphagie oro-pharyngée.
On remarque des connaissances erronées des soignants en général à propos des aides instrumentales dans le domaine des troubles de la déglutition. Concernant les verres, l’utilisation de verre à encoche nasale faisait parti des mesures à mettre en place au cours d’un repas en cas de difficulté à avaler les liquides pour seulement 21% des médecins généralistes picards interrogés alors que plus de 46% des internes le recommandaient.
Malheureusement, 43% des médecins généralistes recommandaient les verres à bec, 69% des internes de notre étude et 22% des soignants de gériatrie dans le travail de L. PINEAU. De plus, les pailles étaient recommandées par 46% des médecins généralistes picards, 38% des soignants de gériatrie et 24% des internes de notre étude.
En pratique, les verres à bec et les pailles sont encore proposés dans de nombreux services hospitaliers par des paramédicaux non formés dans le domaine, ce qui a pu influencer les réponses des internes de l’étude.
La question de notre étude concernant le dentier était discutable. En effet, 70% des internes pensaient qu’il était toujours nécessaire au moment des repas. Cependant, lorsque l’appareil dentaire n’est plus adapté à la dentition du patient, celui-ci est plus délétère que bénéfique. La question ne précisait pas l’état d’adaptation du dentier du patient.
• Adaptations alimentaires
Pour 18% des médecins picards répondants, les aliments qui stimulaient la sensibilité buccale (épicé, salé, poivré, acide…) sont à risque de troubles de la déglutition alors que 20% des internes de notre étude conseillaient de cuisiner plus épicé afin de diminuer les troubles de la déglutition. On note un manque de connaissance dans les adaptations alimentaires à mettre en place lors de dysphagies oro-pharyngées et qui sont généralement bien acceptées par les patients (83).
Les aliments en grains ou de petite taille faisaient parti des aliments à risque de troubles de la déglutition pour 75% des médecins généralistes picards répondants et pour 86% des internes de notre étude. Cependant, seulement 49% des internes répondant conseillaient de lier les aliments avec des sauces ou des corps gras.
Par ailleurs, on remarque que la décision de modifier la texture des repas des patients est initiée de façon assez systématique par les internes. Soixante-treize pour cent conseillaient de mouliner les repas en première intention, alors que cette décision devrait être prise après évaluation de la déglutition du patient et ne comporte pas que des effets bénéfiques (84). Dans la thèse de médecine de V. NUSS (85), analysant les caractéristiques de patients en gériatrie en fonction de leur régime alimentaire, 33% des patients subissaient une alimentation à texture modifiée sans indication claire.
Concernant l’hydratation, les mesures à mettre en place en cas de difficulté à avaler étaient un épaississant pour 80% des médecins picards alors que 75% des internes répondants ne considéraient pas l’eau gélifiée comme premier choix en matière d’hydratation. Or, nous savons que cette adaptation n’est souvent pas bien acceptée par les patients (59) et que l’épaississement de l’eau à domicile représente un coût pour les patients.
Les internes semblaient mieux informés en matière d’eau pétillante. Ils étaient 87% à la favoriser contre seulement 28% des médecins picards.
La température des liquides n’était pas connue comme facteur limitant les troubles de la déglutition, en effet, 16% des médecins picards conseillaient des liquides tempérée et 67% des internes acceptaient l’eau à température ambiante. Tandis que dans un mémoire d’orthophoniste (86), 5 soignants de gériatrie interrogés sur 6 conseillaient une température de liquide froide afin de faciliter la déglutition.
Le classement des différentes textures était erroné pour la moitié des internes répondants. Cela est probablement dû à un problème de connaissance mais surtout à une absence de généralisation des termes. En effet, les termes « mouliné » et « mixé » peuvent varier d’une structure accueillant des personnes âgées à une autre. L’harmonisation très récente des termes devrait aider à bien différencier les régimes alimentaires (68).
• Les traitements
La connaissance des médecins pour les thérapeutiques interférant la déglutition était variable selon les classes de médicaments. Onze pour cent des médecins généralistes picards disaient ignorer quelle classe pouvait aggraver des troubles de la déglutition, contre 42% des internes de notre étude pour différentes classes hormis pour les benzodiazépines où ils n’étaient que 4% à l’ignorer.
Nos résultats étaient relativement comparables avec ceux retrouvés dans la thèse de N.
L’effet sédatif des neuroleptiques, pouvant entrainer des troubles de la déglutition, est bien connu par les répondants. Par contre, les propriétés anti-cholinergiques de certaines classes de traitements semblent moins évidentes pour les médecins ou internes des deux études.
• La pluridisciplinarité
Les spécificités de chacun des professionnels de santé ne sont pas toujours bien appréhendées par les autres corps de métiers, et, en l’absence de coordination, peuvent apparaître divergentes ou rivales (87).
De nombreux travaux de recherche sont réalisés par les orthophonistes dans le domaine des troubles de la déglutition. Dans un mémoire de l’un d’entre eux (88), sur la coordination des patients dysphagiques à domicile, 47% des médecins généralistes répondants adressent les patients à d’autres thérapeutes dont 96% à des orthophonistes.
Dans la thèse de médecine de N. PIERRE-LOUIS, 95% des médecins généralistes estiment avoir leur place dans la prise en charge des troubles de la déglutition et 97% font appel à d’autres professionnels de santé dont l’orthophoniste dans 28% des cas.
Dans notre étude, 75% des internes orientaient en priorité le patient vers l’orthophoniste avec pour réserve des délais longs de prise en charge par ces derniers. Ce frein à trouver un orthophoniste disponible et acceptant de prendre en charge à domicile ou en hospitalier, un patient avec une dysphagie oro-pharyngée avait été aussi relevé par les soignants d’HAD lors du mémoire de V. DELBART-BRIEDEN (89).
Dans un autre mémoire réalisé par une orthophoniste (86), contrairement au groupe suivi par l’orthophoniste seul, la prise en charge de patients ayant des troubles de la déglutition par l’orthophoniste en association avec les soignants d’une unité de gériatrie avait permis l’amélioration des ingestas des patients, de leur ressenti négatif à propos de leur trouble de la déglutition, de la diminution de la texture « mouliné fin » et de l’eau gazeuse remplacée par de l’eau plate.
Le travail pluridisciplinaire est donc à valoriser dans le domaine et le rôle de chaque professionnel de santé devrait être reprécisé aux soignants de façon générale.
• La communication
La prise en charge des troubles de la déglutition est globale. Elle nécessite un échange d’information entre soignants mais aussi envers le patient et son entourage.
Cette communication semblait correcte dans notre étude où 84% des répondants informaient « souvent » ou « toujours » les soignants du patient concerné.
Par ailleurs, dans le mémoire de L. PINEAU, 68% des soignants informaient « toujours » ou « souvent » les patients de la présence des troubles. S’ils ne les informaient pas, la cause évoquée était le manque de temps (46%) ou de connaissance (33%).
Dans un autre mémoire d’orthophoniste (88), 68% des patients disaient avoir été bien informés des troubles de la déglutition en sortant d’hospitalisation.
Education thérapeutique des soignants et des aidants
Dans notre étude, 56 répondants sur les 72 analysés se sentaient « assez » ou « peu » compétents. La formation théorique et probablement pratique des internes semble être insuffisante.
Dans la thèse de N. PIERRE-LOUIS, 92% des médecins interrogés pensaient que des recommandations étaient nécessaires sur le sujet en terme de prise en charge afin de standardiser les pratiques et pallier au manque d’information.
Dans le mémoire d’orthophoniste de V. DELBART-BRIEDEN, 96% des soignants d’HAD du Nord-Pas de Calais interrogés, voyaient un intérêt à participer à une formation dans le domaine des troubles de la déglutition et 100% étaient satisfaits de la formation reçue par l’orthophoniste à postériori.
Les orthophonistes ont leur place dans la formation des soignants dans le domaine des troubles de la déglutition et plusieurs mémoires d’orthophonistes proposaient l’élaboration d’outils informatifs à visée des soignants ou des aidants dans le domaine des troubles de la déglutition (69,82,89).
Les infirmiers et aides soignants, sont les soignants de première ligne face aux troubles de la déglutition dans les services hospitaliers et les résidences pour personnes âgées et leur formation semble importante (29).
Dans le mémoire de P. RAPIN, les patients souffrant de troubles de la déglutition et leurs familles interrogées jugeaient « utile » la réalisation de support d’information qui leur soit destiné dans le domaine des troubles de la déglutition.
De multiples réalisations dont le livre « Vivre au quotidien avec des troubles de la déglutition » (90) rédigé par Mme. RUGLIO sont à destination des aidants et des patients dysphagiques.
Dans son mémoire pour l’obtention de la capacité d’orthophoniste, H. LEGRAS (91), a réalisé des ateliers d’information pour les patients souffrant de dysphagie oro-pharyngée et leurs aidants. Elle a remarqué sur l’échantillon de 7 familles, une amélioration du questionnaire EAT10 (dépistage de la dysphagie) dans 67% des cas et du ressenti des aidants dans 43% des cas, un mois après l’intervention. Un autre mémoire d’orthophoniste (40) a également montré une amélioration de la qualité de vie des patients après un programme d’éducation thérapeutique.
Au vu du sentiment de manque de connaissance et de l’efficacité ressentie des formations par les soignants et aidants, il semble important de continuer à éduquer la population concernée dans le domaine des troubles de la déglutition.
L’INPES, a créé plusieurs livrets informatifs (92,93) destinés aux aidants des personnes âgées ou des professionnels de santé.
L’article du Dr PUISIEUX (29), sous forme de dossier, est à destination des médecins généralistes français dans La Revue du Praticien Médecine Générale. De façon complète et synthétique, il détaille le diagnostic, les complications, la prise en charge avec les ustensiles à utiliser et les stratégies de compensation à mettre en place. Nous n’avons pas trouvé de thèse ni d’articles visant à former les internes dans ce domaine précis.
Limites de l’étude
Cette étude était descriptive donc à faible niveau de preuve.
Les personnes âgées ne sont pas un groupe homogène de patients. De plus, le choix du cas clinique a pu influencer certains répondants.
La population n’était pas représentative des internes de médecine générale de la faculté de Caen car le taux de réponses au questionnaire complet est de 28% et les internes de troisième année étaient sur-représentés. La durée du recueil était relativement courte.
Les résultats étaient analysés à partir de réponses à un questionnaire. Il existait probablement une différence entre la pratique réelle et déclarée.
L’écriture du questionnaire a pu influencer des réponses. En effet, les questions fermées et à choix multiples induisaient par déduction des réponses qui semblaient les plus acceptables.
Le choix des 10 questions pour la réalisation de score par niveau de sentiment de compétence était discutable.
A postériori, le choix de la catégorie « assez compétent » aurait dû être enlevé. Il serait resté 4 catégories, ce qui aurait obligé les répondants à se classer dans ces 4 groupes. En effet, avec ce cinquième groupe, la répartition des répondants correspond à une courbe de Gauss et nous n’avons pas remarqué de différence de moyenne entre les groupes « Assez compétents » et « Peu compétents ».
La plaquette informative disponible à la fin du questionnaire aurait pu être réalisée par nos soins.
Forces de l’étude
Ce travail de thèse est original et inédit, nous n’avons trouvé aucune autre thèse ou article concernant la compétence des internes de médecine générale en rapport avec les troubles de la déglutition des personnes âgées.
Le questionnaire était réalisé sur le site LIMESURVEY. Celui-ci permettait la réalisation du questionnaire de façon officielle et réalisait les statistiques sans intervention humaine.
Les tests statistiques concluaient à des différences significatives.
La fiche explicative à la fin du questionnaire permettait d’encourager les répondants à poursuivre jusqu’à la fin du questionnaire et surtout de leur donner les réponses aux questions soulevées. Il permettait une information claire et rapide afin d’améliorer leur prise en charge future. Les internes répondants étaient satisfaits de cette fiche finale.
Perspectives pour l’avenir
Un travail de thèse similaire pourrait étudier les compétences des médecins généralistes normands, afin de voir si l’expérience professionnelle améliore le sentiment de compétence et/ou les compétences réelles et de les comparer avec celles des internes de notre étude. La réalisation d’une étude dans une autre faculté permettrait de comparer les internes en fonction de leur formation durant leur cursus.
Au vue du sentiment de faible compétence des répondants et le manque de formation initiale dans le domaine, il semblerait intéressant d’organiser une intervention de formation auprès des internes durant leur cursus ou des médecins généralistes lors de formations médicales continues. Cette formation devrait être pluridisciplinaire avec l’intervention d’un orthophoniste. Elle permettrait de présenter les adaptations les moins connues des professionnels comme les aides instrumentales. Elle permettrait également d’initier ou de consolider une relation entre médecins et orthophonistes libéraux afin d’améliorer les prises en charge des patients dysphagiques à domicile.
Un travail de recherche pourrait être l’évaluation des compétences à priori et à postériori de cette formation afin de savoir si la diffusion de l’information permet une amélioration réelle des connaissances des médecins et de la prise en charge des patients.
Par ailleurs, un travail de recherche pourrait aussi consister à évaluer la fiabilité du score construit avec la sélection des 10 questions de prise en charge les moins controversées.
Enfin, la réalisation d’études quantitatives sur les différentes adaptations alimentaires (textures, positions…) semblent licites afin de valider ou non les prises en charges actuelles encore controversées.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Pré-requis
La déglutition
La presbyphagie
La dysphagie oro-pharyngée
Adaptations posturales et environnementales
Adaptations alimentaires
2. La médecine générale et les troubles de la déglutition
3. Objectif de l’étude
MATERIEL ET METHODE
1. Période et population de l’étude
2. Support de l’étude : le questionnaire
Thèmes abordés
Cas clinique
3. Support d’information
4. Protocole de l’étude
5. Recherche documentaire
6. Analyse statistique des données
RESULTATS
1. Diagramme de flux et population de l’étude
2. Analyse descriptive
Sentiment de compétence et expérience
Adaptations environnementales et posturales
Adaptations alimentaires
Autres éléments de prise en charge
Autres propositions ou autres prise en charge découverts lors des stages
Communication
3. Lien entre compétences et « sentiment de compétence »
DISCUSSION
1. Résultat principal
2. Commentaires sur l’échantillon
3. Comparaison avec la littérature
Sentiment de compétence et formation
Compétences évaluées
Education thérapeutique des soignants et des aidants
4. Limites de l’étude
5. Forces de l’étude
6. Perspectives pour l’avenir
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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