Approche par le compromis des pratiques de gouvernance portuaire

Avec la crise pandémique que l’Humanité traverse en cette année 2020 et qui semble se prolonger en 2021, le degré d’incertitude sur l’avenir est tel que la science de gestion prend un caractère quasi vital pour tenter d’anticiper les pratiques managériales et humaines qui permettront de préparer un monde nécessairement différent de celui « d’avant la covid-19 ». Au moment d’entamer la réflexion doctorale sur la gouvernance portuaire il y a quatre ans, nous étions dans une mondialisation nomade et heureuse où l’augmentation des tonnages et des valeurs semblait irrésistiblement croissante. Les questionnements sur la finitude de notre monde consumériste se posaient seulement à l’aune d’une société énergivore et climatodestructrice. Les interrogations écologiques et environnementales faisaient émerger des revendications sociétales en défiance de la puissance publique et de la décision politique. Les ambitions d’une démocratie plus participative et inclusive animaient des débats philosophiques et politiques qui ont conduit à des crises ontologiques et même philologiques.

Le microcosme portuaire et ses milliers de communautés disséminées de par le monde constituent une sorte de condensé des problématiques managériales et stratégiques contemporaines. Véritables laboratoires à petite échelle de forces centripètes et centrifuges, les écosystèmes portuaires se composent de parties prenantes publiques, privées et civiles qui cherchent à co-exister en ayant pour finalité de co-construire des décisions au profit partagé du plus grand nombre. Par essence écosystémique puisque chaque élément est en interrelation dynamique avec l’ensemble des autres éléments, la communauté portuaire demeure un animal managérial unique et passionnant. Fruit de plus de 3000 années d’évolution quasi darwinienne, le port est un lieu de concentration de pouvoir, un territoire de création de richesses, un espace de tensions et de négociations, un symbole de luttes sociales, un goulet d’étranglement où les marchandises passent alors que les travailleurs sur les différents terminaux restent en vivant à proximité d’infrastructures structurantes.

La gouvernance, le port et le territoire 

Prolégomènes à la gouvernance portuaire 

Trois millénaires de cheminement : retour sur la genèse des premières formes de gouvernances portuaires

La naissance portuaire est un acte tout aussi politique que marchand puisque les premières thalassocraties orientales méditerranéennes structurent un aménagement minimal de comptoirs pour accueillir et protéger les balbutiantes marines de commerce et de guerre (Boorstin, 1988). Les historiens relèvent que le littoral devient un espace marchand côtier qui subit des transformations physiques mais aussi politiques avec des ententes qui se font et se défont entre différents pouvoirs évangélisateurs et conquérants (Buchet, 2004). Les pionniers de l’anthropisation littorale se trouvent en Méditerranée orientale, tirant profit d’une géographie physique où les archipels et autres ensembles insulaires rendaient plus simple l’aventure maritime à courte distance, avec la capacité technique de revenir à son point de départ. De cette maîtrise balbutiante de l’espace maritime naît les premières thalassocraties civilisatrices, plus commerçantes que belliqueuses (Braudel, 2013).

Les Crétois, à leur apogée commerciale XVè siècle avant JC, initient une première forme originale de gouvernance extraterritoriale et politique sur ces micro-territoires géographiques qu’incarnent les premiers relais maritimes hauturiers. Chypres, Rhodes et évidemment Byblos constituent en quelque sorte les premiers laboratoires portuaires d’une gestion féconde où s’entremêlent les pouvoirs politiques, les enjeux marchands et une forte concentration de négociations internationales. Et déjà se commentent des processus de coordination entre différentes catégories d’acteurs qui partagent l’intérêt collectif de construire (ou a minima de s’entendre) un ensemble de règles afin, autant que faire se peut, de régenter les territoires marchands que sont devenus les ports. (Corlay, 1998). Une forme pionnière de fabrique de la gouvernance portuaire se fonde alors sur l’intérêt partagé par le plus grand nombre d’un corpus de lois, rarement rédigées à l’époque mais déjà codifiées et ajustées par l’usage et les interactions entre les acteurs. Les premiers organes de gouvernance se mettent en place dans un souci de contrôle et de supervision pour garantir que les usages sur le port soient en conformité avec l’édiction des lois et règles. Une organisation managériale singulière voit progressivement le jour pour réguler les rapports entre les acteurs dans les ports du pourtour méditerranéen.

Sous l’ère phénicienne, 5 siècles avant JC, l’organisation d’une ville portuaire comme Tyr reflète la répartition des pouvoirs. Les marchands sont souverains tant la consubstantialité de la cité portuaire relève d’impératifs commerciaux dans un espace méditerranéen oriental où la puissance des échanges structure le rayonnement culturel et civilisationnel. La maîtrise technique de la navigation commerciale hauturière et le développement des services de cabotage permettent de coordonner et de connecter des chapelets de villes portuaires. Le pouvoir politique a recours aux marchands et aux navigants pour échanger des informations, notamment pour étendre leur influence, se renseigner sur les contrées méconnues ou encore évaluer les opportunités de développement avec de nouveaux partenaires. Les organes de gestion de l’époque sont des espaces politiques où se concentrent, se discutent mais surtout se contrôlent les rapports de pouvoirs de chacun. Sans parler encore de gouvernance, une forme de répartition des pouvoirs s’établit progressivement pour orchestrer une opulence maîtrisée sur les interfaces portuaires. Les Grecs puis les Romains, sous une attentive tutelle politique centralisatrice, laissent dans les villes portuaires :

– les aristocrates gérer les négociations ;
– la bourgeoisie prospérer sur la fourniture des marchandises ; et,
– le peuple fournir une main d’œuvre pléthorique pour orchestrer toute une panoplie de services aux marchandises, aux navires et aux hommes.

En matière de gouvernance politique et marchande, le cas des villes et comptoirs portuaires de la ligue hanséatique marque une autre forme de maturité et d’innovation qui va pendant près d’un demi-millénaire étroitement combiner intérêts souverains, enjeux commerciaux, protection militaire et même évangélisation religieuse. Comme le rappelle Emile Worms dans les premiers mots de l’introduction de son ouvrage publié en 1864 :

« Il serait difficile pour l’auteur de bien exposer, difficile pour le lecteur de bien comprendre l’histoire commerciale d’une ligue de villes aux visées à la fois mercantiles et politiques, sans des prolégomènes, où se déroulent d’une part le fil peu embrouillé du commerce antérieur, d’autre part la marche d’abord incertaine, puis mieux assurée, et, enfin triomphante de la bourgeoisie. » (Worms, 1864). 

Lübeck, Rostock ou encore Dantzig et Hambourg constituent des villes portuaires puissantes où la bourgeoisie décide de s’unir dans un réseau solidaire et protecteur. Le contrôle des opérations strictement portuaires se conjugue alors avec le contrôle collectif d’un pouvoir marchand partagé et co-construit auquel il convient d’ajouter le contrôle des nuisances extérieures qui pourraient altérer la prospérité établie. Qu’elles soient qualifiées de germanique, hanséatique ou teutonique, les villes et comptoirs s’unissent autour de chartes qui posent les fondements d’une gouvernance portuaire régionale distribuée sur les pourtours de la Mer du Nord et de la Mer Baltique (Nordmann, 1964). L’aménagement territorial et la coordination interportuaire sont déjà au cœur de la mission de ces regroupements marchands et stratégiques.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela clepfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
Partie I – La gouvernance, le port et le territoire
Introduction 1ère partie
Chapitre I – Prolégomènes à la gouvernance portuaire
Chapitre II – Du port au territoire : questionnement sur la pratique de la gouvernance
Chapitre III – Le compromis dans la pratique de la gouvernance : le cadre théorique
Conclusion 1ère partie
Partie II – Analyse empirique : de la méthode aux résultats pour méditer une autre gouvernance portuaire
Introduction 2ème partie
Chapitre IV – Le cadre méthodologique : épistémologie, études de cas et analyse des données
Chapitre V – Réflexion sur la pratique de gouvernance : les cas du grand port maritime du Havre et du port autonome d’Abidjan
Chapitre VI – Invariances et différences : de la synthèse aux enseignements
Conclusion de la 2ème partie
Conclusion générale
Bibliographie
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures

Lire le rapport complet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *