ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES ET REFLEXIONS SUR LES CANDIDATS POTENTIELS AUX ALLIAGES Cu-Be
Déterminer la composition chimique d’un alliage pour répondre à des critères mécaniques et électriques spécifiques après traitements thermiques appropriés implique d’avoir une connaissance précise de l’évolution de sa microstructure à l’état solide. En effet, sans cet acquis, toute explication rigoureuse des mécanismes de durcissement ou d’adoucissement d’un matériau est exclue. Cette partie a donc pour objectif de rappeler quelques notions fondamentales sur les transformations de phase à l’état solide et leur influence sur les caractéristiques mécaniques. Chacun des mécanismes de durcissement traités sont illustrés par des exemples pris dans le cas des alliages à base de cuivre. D’autre part comme la conductivité électrique a aussi conditionné le choix de la composition des alliages, la corrélation entre cette caractéristique physique et la composition des alliages (matériaux multiphasés, éléments d’ajout dans le cuivre) est paru incontournable. Ces notions générales ne sont cependant pas suffisantes pour avoir une idée précise des familles d’alliages susceptibles de remplacer les cupro beryllium. Ainsi, une synthèse des propriétés mécaniques et de la conductivité électrique d’alliages à base de cuivre ayant été l’objet d’étude scientifique ou actuellement sur le marché s’est imposée. L’analyse de ces références bibliographiques ont permis d’orienter le choix des familles d’alliages retenues pour cette étude. Enfin, dans le but d’affiner la composition chimique des alliages appartenant à chacune de ces familles, une étude systématique de leur comportement à l’équilibre et hors de l’équilibre thermodynamique a été réalisée. Cette analyse a été complétée par l’influence des éléments d’addition sur les cinétiques de précipitation.
INFLUENCE DE LA MICROSTRUTURE SUR LES CARACTERISTIQUES MECANIQUES DES ALLIAGES A BASE DE CUIVRE
A l’échelle microscopique, les caractéristiques mécaniques d’un alliage ont pour origine l’interaction entre le mouvement des dislocations et leur « environnement » microstructural (structure cristallographique, particules de secondes phases etc.). A titre d’exemple, la ductilité intrinsèque du cuivre s’explique par sa structure cristallographique cubique à face centrée (c.f.c) qui est celle qui possède le plus de directions denses et selon lesquelles le mouvement des dislocations est facilité. Ainsi, améliorer les caractéristiques mécaniques d’un alliage consiste à gêner le mouvement des dislocations sans totalement l’entraver au risque d’obtenir un alliage fragile. Pour y parvenir, deux techniques peuvent être employées. La première consiste à exploiter les mises en forme industrielles comme le corroyage qui ont pour résultat d’augmenter les performances mécaniques des alliages. En effet, cette transformation entrave le mouvement des dislocations soit en augmentant leur densité soit en introduisant des obstacles qui leur sont infranchissables (joints de grains, macles…). La seconde solution est d’utiliser les transformations de phase à l’état solide résultant des traitements thermiques appropriés afin de modifier la microstructure de l’alliage pour freiner le mouvement des dislocations. Dans un souci de clarté de ce présent document seuls ces mécanismes de durcissement ont été abordés en détail.
Ainsi, les deux mécanismes les plus fréquemment rencontrés en métallurgie physique sont les durcissements par atomes en solution solide et par précipitation d’une seconde phase. Un autre mécanisme plus rare mais qui a été observé dans le cas de certains alliages à base de cuivre (Cu-Ni-Sn, Cu-Ni-Fe etc.) est un durcissement par décomposition de la matrice : la décomposition spinodale. Le concept de ce dernier processus est, comme le mécanisme de germination et croissance, un processus thermodynamique d’initiation de formation de phase dans les alliages mais dans lequel la diffusion n’intervient qu’à courte distance. C’est la raison pour laquelle la décomposition spinodale est abordée dans ce présent chapitre avant les deux autres mécanismes de durcissement.
Décomposition spinodale
Les cinétiques de précipitation et de croissance de nouvelles phases lors des traitements de vieillissement peuvent être décrites selon le modèle de germination et croissance dit classique. Néanmoins, en fonction du système thermodynamique considéré, et sous certaines conditions de compositions chimiques et de températures, une autre approche est possible : la décomposition spinodale. Historiquement, ces deux modèles phénoménologiques ont été développés simultanément par Gibbs en 1877. Selon l’auteur, la spinodale est une limite de métastabilité dans le cas d’une séparation en phase liquide. Les travaux de Cahn au début des années soixante ont étendu ce modèle à l’état solide [1961CAH, 1962CAH, 1968CAH, 1966CAH, 1971CAH, 1971MOR]. Ce paragraphe a pour objectif d’expliquer succinctement le mécanisme de décomposition spinodale sous l’angle de la thermodynamique. Des modèles mathématiques de durcissement résultant de cette décomposition dans le cas des alliages à structure cristallographique cubique sont décrits à posteriori.
Le concept de la décomposition spinodale
Le mécanisme de la décomposition spinodale a été décrit par Gibbs en terme de limite de stabilité thermodynamique de phase. Sur les diagrammes ci-après représentants la variation de l’énergie libre de Gibbs en fonction de la composition chimique, deux situations sont distinguées : Le système est dans un état instable : L’évolution vers un état thermodynamiquement plus stable est favorisée. Pour y parvenir, de petites variations de composition autour de la composition d’équilibre X0 se produisent spontanément et s’amplifient dans l’espace et en composition jusqu’à ce que le système atteigne son équilibre . Une mixture biphasée caractérisée par une alternance périodique de zones riches et pauvres en soluté apparaît alors. Ce type de transformation de phase correspond à la décomposition spinodale . Le système est dans un état métastable : Par opposition au cas précédent, de petites variations de compositions autour de la composition d’équilibre X’0 augmente l’énergie libre. Afin d’atteindre sa stabilité thermodynamique par un processus continu, le système doit former une nouvelle phase dont la composition chimique est très éloignée de la composition initiale. En conséquence une barrière énergétique associée à la germination de cette phase doit être dépassée. Tant que la nouvelle phase n’a pas atteint la composition X2, la transformation ne peut pas commencer. Ce dernier point explique ainsi les périodes d’incubation qui peuvent être constatées expérimentalement lors d’essais mécaniques ou électriques sur des alliages vieillis. Ce processus est caractéristique de la germination croissance classique selon laquelle les phases durcissantes naissent dans de nombreux alliages lors des traitements thermiques.
L’une des principales différences entre ces deux mécanismes est la direction selon laquelle les atomes migrent dans le gradient de concentration. Ainsi, une diffusion à contresens du gradient de concentration (coefficient de diffusion négatif) est une caractéristique dynamique de la décomposition spinodale.
Reste à savoir dans quel système peut se produire la décomposition spinodale. Selon Cahn [1971CAH], les systèmes présentant une lacune de miscibilité à l’état solide peuvent sous certaines conditions de composition et température présenter une décomposition de la matrice suivant le mécanisme spinodal tel que les systèmes Al-Zn ou Au-Ni. S’attarder au concept de la décomposition spinodale n’a d’intérêt dans le cadre de cette étude que pour l’amélioration des caractéristiques mécaniques susceptibles d’accompagner cette transformation de phase. En effet, à l’état solide, les fluctuations de compositions engendrent des distorsions du réseau cristallin. Aussi, pour maintenir la cohérence du réseau, un paramètre supplémentaire est pris en compte dans l’évaluation de l’enthalpie de mélange : l’énergie élastique. C’est cette énergie qui serait à l’origine du durcissement de l’alliage dans les premiers instants de revenu comme dans le cas du CuNi15Sn8 .
Modèle de prédiction des caractéristiques mécaniques
La conceptualisation de la décomposition spinodale à l’état solide n’est donc complète que si une énergie de contrainte élastique est prise en compte dans l’évaluation de l’énergie libre de Gibbs du mélange. En effet, la contribution de cette dernière résulte des degrés d’incohérence cristallographique entre les régions riches et pauvres en soluté. A noter néanmoins que ces nouvelles phases qui se forment par un procédé continu sont cependant relativement cohérentes entre elles et le réseau initial reste continu. Cette énergie élastique se manifeste par son influence sur la morphologie existante. En effet, dans le cas des cristaux cubiques les précipités résultants de la décomposition spinodale se développent suivant les directions [100] ou [111] (en fonction du facteur d’anisotropie). Les fluctuations de composition induisent donc des contraintes internes cohérentes dans le réseau cristallin. C’est pour cette raison que la décomposition spinodale de la matrice se traduit par un premier stade de durcissement de l’alliage. Un premier modèle de durcissement a été énoncé par J.W Cahn en 1963 [1963CAH] en se basant sur une modulation de composition cosinusoïdale de trois ondes ([100]) d’amplitude 3A:
C-C0=A (cosβx1+cosβx2+cosβx3) (1.1)
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE A : QUEL(S) CANDIDATS POUR LE REMPLACEMENT DES Cu-Be /ETAT DE L’ART
I. ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES ET REFLEXIONS SUR LES CANDIDATS POTENTIELS AUX ALLIAGES Cu-Be
I-1. INFLUENCE DE LA MICROSTRUTURE SUR LES CARACTERISTIQUES MECANIQUES DES ALLIAGES A BASE DE CUIVRE
I-1.1. Décomposition spinodale
I-1.2. Durcissement structural par atome en solution solide
I-1.3. Durcissement structural par précipitation
I-1.4. Microstructures et évolution de la conductivité électrique
I-2. ETAT DE L’ART SUR LES ALLIAGES DE SUBSTITUTION AUX ALLIAGES DE CUIVRE BERYLLIUM
I-2.1. Les alliages de la famille des Cu-Ni
I-2.2. Les alliages de la famille des Cu-Ti
I-3. CONCLUSION ET REFLEXIONS SUR LE CHOIX DES ALLIAGES
II. ANALYSES DES TRANSFORMATIONS DE PHASE DES ALLIAGES DES SYSTEMES TERNAIRES Cu-Ni-Sn, Cu-Ni-Si ET DU SYSTEME BINAIRE Cu-Ti RICHES EN CUIVRE
II-1. PRECIPITATION DANS LES ALLIAGES DES SYSTEMES TERNAIRES Cu-Ni-Sn ET Cu-Ni-Si RICHES EN CUIVRE
II-1.1. Comportement thermodynamique du système ternaire Cu-Ni-Sn
II-1.2. Cinétiques de précipitation dans les alliages Cu-Ni-Sn riches en cuivre
II-1.3. Comportement thermodynamique du système ternaire Cu-Ni-Si
II-1.4. Cinétiques de précipitation dans les alliages Cu-Ni-Si riches en cuivre
II-1.5. Rôle des éléments d’addition sur les caractéristiques mécaniques et électriques des alliages ternaires Cu-Ni-Si
II-2. PRECIPITATION DANS LES ALLIAGES DU SYSTEME BINAIRE Cu-Ti
I-1.1. Etude thermodynamique à l’équilibre du système binaire Cu-Ti
I-1.2. Etude des cinétiques de transformation des alliages du système binaire Cu-Ti
I-1.3. Influence des éléments Al et Sn dans le système binaire Cu-Ti
III. CONCLUSION ET CHOIX DES MATERIAUX DE L’ETUDE
IV. BIBLIOGRAPHIE
PARTIE B : TECHNIQUES EXPERIMENTALES
I. MATERIAUX ET TRAITEMENTS THERMIQUES
I-1. ELABORATION
I-2. TRAITEMENTS THERMIQUES
II. OBSERVATIONS MICROSTRUCTURALES MULTI-ECHELLE
II-1. METALLOGRAPHIE ET MICROSCOPIE OPTIQUE
II-1.1. Caractéristiques du microscope optique et attaques métallographiques
II-1.2. Mesure de la taille moyenne des grains
II-2. MICROSCOPES ELECTRONIQUES A BALAYAGE ET CONDITIONS D’OBSERVATION
II-2.1. Principe de fonctionnement
II-2.2. Caractéristiques des microscopes électroniques à balayage
II-3. PREPARATION DES ECHANTILLONS POUR LA MICROSCOPIE OPTIQUE ET ELECTRONIQUE A BALAYAGE
II-4. MICROSCOPIE ELECTRONIQUE EN TRANSMISSION
II-4.1. Principe de fonctionnement
II-4.2. Caractéristiques du microscope
II-4.3. Préparation des lames minces
III. ANALYSES CHIMIQUES ET CRISTALLOGRAHIQUE DES PHASES
III-1. LA MICROANALYSE X
III-2. LA DIFFRACTION DES RAYONS X
III-2.1. Principe de fonctionnement théorique
III-2.2. Caractéristiques du diffractomètre
III-3. LA MICROSCOPIE ELECTRONIQUE EN TRANSMISSION
IV. MESURES PHYSIQUES : ESSAIS MECANIQUES ET ELECTRIQUES
IV-1. ESSAIS DE DURETE VICKERS
IV-2. ESSAIS DE TRACTION
IV-3. RESISTIVIMETRIE ISOTHERME
V. SUIVI DES TRANSFORMATIONS DE PHASES A L’ETAT SOLIDE
V-1. L’ANALYSE THERMIQUE DIFFRENTIELLE (A.T.D)
V-1.1. Principe de fonctionnement
V-1.2. Appareillage et conditions expérimentales
V-1.3. Exploitation des thermogrammes d’A.T.D pour la détermination des températures de transition de phase
V-2. LA RESISTIVIMETRIE ANISOTHERME
PARTIE C : ETUDE DE LA SEGREGATION ET DE L’ETAT FILE TREMPE DES ALLIAGES CuNi15Sn8, CuNiSi1.8Cr, CuTi3Al2, CuTi3Sn2
I. MICROSTRUCTURE A L’ETAT BRUT DE COULEE ET ETUDE DES MECANISMES DE SOLIDIFICATION
I-1. QUELQUES GENERALITES SUR LES MICROSTRUCTURES DE SOLIDIFICATION
I-2. ETUDE DES MECANISMES DE SOLIDIFICATION DE L’ALLIAGE CuNi15Sn8
I-2.1. Microstructures et identification des phases à l’état brut de solidification
I-2.2. Etude des transformations de phase à l’équilibre par A.T.D
I-3. ETUDE DES MECANISMES DE SOLIDIFICATION DE L’ALLIAGE CuNi6Si1.8Cr
I-3.1. Microstructures et identification des phases à l’état brut de solidification
I-3.2. Etude des transformations de phase à l’équilibre par A.T.D
I-4. ETUDE DES MECANISMES DE SOLIDIFICATION DES ALLIAGES CuTi3Al2 ET CuTi3Sn2
I-4.1. Analogies et différences microstructurales
I-4.2. Identification des phases en présence
I-4.3. Etudes des transformations de phase par A.T.D
I-1.1. Discussion sur les chemins de solidification des alliages
I-5. CONCLUSION
II. CARACTERISTIQUES MICROSTRUCTURALES MECANIQUES ET ELECTRIQUES DES ALLIAGES F.C.T ET DETERMINATION DE L’ETAT DE REFERENCE
II-1. MICROSTRUCTURE DES ETATS FILES A CHAUD ET TREMPES
II-2. ANALYSE COMPARATIVE DES CARACTERISTIQUES MECANIQUES ET ELECTRIQUES DES ETATS F.C.T ET APRES TRAITEMENT A T>900°C
II-3. LE CAS ATYPIQUE DE L’ALLIAGE CuNi6Si1.8Cr
II-3.1. Comportement électrique en température : Parallèle avec l’alliage CuNi15Sn8
II-3.2. Evolution de la dureté en fonction de la température
III. CONCLUSION
IV. BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION
