La vie dans les fonds marins

La vie dans les fonds marins

La biosphère dite profonde correspond aux êtres vivants présents en de çà de 1000 m de profondeur . Elle constitue 60 % de la biosphère totale (Jannasch & Taylor, 1984). A ces profondeurs, les écosystèmes sont nécessairement indépendants de la photosynthèse et tirent leur source d’énergie des autres microorganismes chimiosynthétiques et de la dégradation de la matière organique provenant de la surface.

Les trois domaines du vivant sont toutefois représentés dans cette biosphère profonde, avec une prédominance des procaryotes: bactéries et archées. Cependant, des organismes eucaryotes peuplent également les abysses. Ainsi les sources hydrothermales et la chimiosynthèse associée sont à la base d’écosystèmes qui comprennent toute la taxonomie des eucaryotes: des nématodes aux crustacés ainsi que plusieurs espèces de poissons (Jamieson, Fujii, Mayor, Solan, & Priede, 2010).

Les sources hydrothermales profondes

Les sources hydrothermales ont été découvertes dans les années 70 par l’équipe américaine de Corliss (Corliss et al., 1979). Elles sont le résultat de l’activité volcanique aux niveaux des dorsales océaniques. Le mouvement desplaques tectoniques dans ces zones provoque une remontée du magma à quelques kilomètres de profondeur. Lors de son refroidissement, le magma se rétracte et provoque des fissures dans le plancher océanique. L’eau de mer s’infiltre par ces fissures et se réchauffe à proximité du magma. Sous l’effet de la pression, cette eau chaude remonte vers le plancher océanique en lessivant les roches rencontrées ; cet effet est accentué par les fortes températures et pressions qui augmentent le pouvoir solubilisant de l’eau. Elle s’acidifie (pH avoisinant les 2-3) et s’enrichit en éléments métalliques (Fe(II) et Mn(II)). Ces sources forment des points chauds où l’eau jaillit de cheminées à une température avoisinant les 400 °C. Au contact de l’eau de mer (à 2-3 °C), les composés minéraux (Fe(II) et Mn(II)) précipitent et forment des cheminées hydrothermales appelées aussi fumeurs noirs. Le fluide hydrothermal est aussi riche en gaz dissous (CO2, H2S, H2 et CH4). Ces composés réduits représentent une source d’énergie pour les écosystèmes présents au niveau des sources hydrothermales (Jannasch & Taylor, 1984).

Les sources hydrothermales sont des « oasis de vie » car elles concentrent une forte biomasse contrastant avec celles normalement rencontrées dans les océans profonds. La géochimie particulière de ces environnements fournit un ensemble de couples redox exploités par des micro-organismes chimiosynthétiques. Ceux ci contribuent à l’apport du carbone nécessaire au développement des communautés microbiennes. Celles-ci s’organisent en cercles concentriques autour des sources hydrothermales en fonction du gradient de température. L’étude des sources hydrothermales est cruciale car cet écosystème possèdedes caractéristiques uniques : sa source d’énergie provient uniquement des fluides géochimiques ; la production de carbone organique repose sur des organismeschimiotrophiques et anaérobiques; c’est un des seuls écosystèmes indépendants de laphotosynthèse et de ses produits tel que le carbone organique ou l’oxygène. Abrité des irradiations dans le fonds des océans, cet écosystème est un candidat idéal pour comprendre le développement des premières formes de vies sur Terre. De plus, les sources hydrothermales abritent une biodiversité luxuriante ainsi qu’un nombre important d’espèces endémiques. Les données génomiques et métagénomiques ainsi que des mesures d’activités réalisées sur les communautés microbiennes abyssales révèlent l’existence de voies métaboliques inconnues. La connaissance des processus spécifiques issus de ces organismes représente donc une source de nouveaux biocatalyseurs.

Les extrêmophiles

Les extrêmophiles sont des organismes qui se développent dans des conditions à priori incompatibles avec la vie. La notion d’extrêmophilie est très différente selon que l’on se place un point de vue anthropomorphique ou dans un contexte plus global qui prend en compte l’évolution et la biodiversité (Rothschild & Mancinelli, 2001). De plus, il est aussi important de faire la distinction entre des organismes qui « aiment » leur environnement, et ceux qui le tolère. Les organismes adaptés à leur environnement vont ressentir un environnement non-extrêmophile comme un stress. Pour finir, il faut aussi considérer les formes de vie en sommeil (spore, germe) qui sont capables de survivre dans des conditions extrêmes attendant des conditions plus favorables (Sallon et al., 2008). Il en ressort que la limite entre organismes extrêmophiles et non extrêmophiles est floue et peut être entendue de différentes manières. Dans la présentation qui suit, nous considèrerons comme extrêmophiles les organismes qui se développent dans des conditions physicochimiques extrêmes c’est à dire à la limite de la gamme tolérée par le vivant du paramètre considéré.

Les océans profonds sont caractérisés par une température de 2-3 °C. Les organismes capables de se développer à des températures proches de zéro sont appelés psychrophiles . La basse température diminue fortement la vitesse des réactions chimiques. Pour maintenir une efficacité spécifique équivalente aux organismes mésophiles, les enzymes provenant d’organismes psychrophiles ont un site actif particulièrement flexible pour permettre les mouvements nécessaires auprocessus catalytique (Feller & Gerday, 2003). Le froid impacte aussi la fluidité de la membrane ; la composition lipidique de la membrane est modifiée en présence d’un stress résultant d’une exposition au froid, ce qui permet de garder une fluidité compatible avec le bon fonctionnement de la cellule même à basse température (Feller & Gerday, 2003).

Les sources hydrothermales ont été colonisées par un ensemble de microorganismes adapté aux hautes températures. Les organismes dits thermophiles se développent à des températures entre 40 et 60 °C . Les bactéries et archées ayant un optimum de croissance supérieur à 80 °C sont qualifiées d’hyperthermophiles. Curieusement, les organismes se développant à des températures au-dessus de 100 °C sont dans une grande majorité des archées.

Ces organismes sont adaptés à leur environnement. A titre d’exemple, les organismes hyperthermophiles ne sont pas seulement capables de survivre à des températures avoisinant la température d’ébullition de l’eau, mais ils ont besoin de hautes températures pour se développer . L’adaptation des organismes à la température se reflète dans l’ensemble des processus cellulaires et affecte les biomolécules qui constituent la cellule (Imanaka, 2011). En particulier, l’adaptation des protéines à la température a été largement étudiée avec de larges applications dans l’industrie et la biotechnologie (Unsworth, Van Der Oost, & Koutsopoulos, 2007). De plus, les homologues archéens hyperthermophiles sont de plus en plus utilisés pour des études structurales impliquant de grands assemblages car tout en ayant une structure quaternaire similaire, ils sont plus stables que leurs homologues eucaryotes et se purifient en plus grande quantité (Park et al., 2014).

L’adaptation des protéines à la température a été largement étudiée aussi bien au niveau moléculaire qu’à travers l’analyse des génomes. L’équipe de Manolo Gouy a développé des méthodes robustes afin de reconstruire des génomes ancestraux et ainsi discuter des caractéristiques écologiques des ancêtres de bactéries et des archées et du dernier ancêtre commun universel (DACU ou LUCA en anglais)(Boussau, Blanquart, Necsulea, Lartillot, & Gouy, 2008). Les auteurs proposent que l’ancêtre universel soit un organisme mésophile. Par la suite, la thermotolérance augmente jusqu’aux ancêtres thermophiles des bactéries et archéeeucaryotes et pour diminuer dans un second temps. L’adaptation aux très hautes températures des bactéries et archées actuelles se serait donc déroulée en parallèle (Groussin & Gouy, 2011). Dans les océans profonds, la pression due à la colonne d’eau augmente de 1 bar tous les 10 mètres lorsqu’on s’enfonce dans les fonds marins (1 bar = 0,1 MPa = 1 atm). Dans la plaine abyssale qui possède une profondeur moyenne de 3800 mètres, la pression est autour de 38 MPa. Elle peut atteindre 110 MPa (1000 fois supérieure à la pression ambiante) au point le plus profond des océans, Challenger Deep, dans la Fosse des Mariannes située au large des Philippines à 11 km de profondeur.

Les organismes piézophiles se caractérisent par une pression optimale de croissance supérieure à la pression atmosphérique . Certains piézophiles sont incapables de se développer à pression ambiante et sont qualifiés de piézophiles stricts. Parmi les organismes ayant une croissance optimale à pression ambiante, certains supportent mieux le stress pression et sont qualifiés de piézotolérant comme la levure Saccharomyces cerevisiae. La bactérie Escherichia coli, dont la croissance est abolie à une pression de 50 MPa, fait partie des organismes piézosensibles.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1. La vie dans les fonds marins
1.1.1. Les sources hydrothermales profondes
1.1.2. Les extrêmophiles
1.2. Effet de la pression sur les micro-organismes piézosensibles
1.3. Effets de la pression sur les micro-organismes piézophiles
1.3.1. Diversité des micro-organismes piézophiles
1.3.2. Réponse des micro-organismes piézophiles à la pression
1.4. Effet de la pression sur les macromolécules biologiques
1.4.1. Considérations générales
1.4.2. Les lipides membranaires
1.4.3. Les acides nucléiques
1.4.4. Les protéines
1.4.4.1. Volume des protéines
1.4.4.2. Le paysage conformationnel
1.4.4.3. Stabilité des protéines
1.4.4.4. L’activité spécifique
1.4.5. Comportement des protéines issues d’organismes piézophiles
1.5. Choix des enzymes modèles pour étudier l’adaptation à la pression
1.6. Objectifs du travail de recherche
2. Matériels et méthodes
2.1. Production des protéines
2.1.1. Expression des protéines
2.1.2. Purification
2.2. Théorie de l’enzymologie
2.2.1. Théorie enzymologie
2.2.2. Conditions expérimentales
2.3. Détermination des structures de protéines par cristallographie des rayons X
2.3.1. Obtention d’un cristal de protéine
2.3.2. Diffraction des rayons X par un cristal
2.3.3. Traitement des données de diffraction
2.3.4. Analyse des structures
3. Méthodologie et développement des instruments sous haute pression hydrostatique
3.1. Introduction
3.2. Spectrophotomètre couplé à une cellule haute pression
3.2.1. Instrumentation
3.2.2. Conditions expérimentales
3.2.3. Contrôle de la température
3.2.4. Effets des paramètres physicochimiques
3.3. Cristallographie des rayons X sous hautes pressions hydrostatiques
3.3.1. L’instrumentation : la cellule à enclumes diamant (CED)
3.3.2. Conditions expérimentales
3.3.3. Lignes de lumière adaptées à la cristallographie sous haute pression
3.3.4. Déroulement d’un enregistrement en HPMX
4. Etude structurale et fonctionnelle à pression ambiante des glyoxylate hydroxypyruvate réductases : rôle dans le métabolisme et mode d’action
4.1. Introduction
4.2. Détermination des paramètres cinétiques et de la spécificité des glyoxylate-hydroxypyruvate réductases de Thermococcales
4.3. Détermination de la structure cristalline des glyoxylatehydroxypyruvate réductases de P. furiosus et P. yayanosii
4.3.1. Cristallogenèse des glyoxylate-hydroxypyruvate réductases
4.3.2. Enregistrement et traitement des données de diffraction des glyoxylate-hydroxypyruvate réductases
4.3.3. Détermination et affinement de la structure de la glyoxylatehydroxypyruvate réductase de P. furiosus
4.3.4. Détermination et affinement de la structure de la glyoxylatehydroxypyruvate réductase de P. yayanosii
4.4. Analyse des structures
4.4.1. Description du repliement des glyoxylate-hydroxypyruvate réductases
4.4.2. Thermostabilité des glyoxylate-hydroxypyruvate réductase des espèces de Pyrococcus
4.4.3. Analyse du mécanisme d’action des glyoxylatehydroxypyruvate réductases
4.5. La place des glyoxylate-hydroxypyruvate réductases dans le métabolisme des Thermococcales
4.6. Discussion
5. Etude comparative des effets de pression sur les glyoxylate hydroxypyruvate réductases provenant de archées isolées à diverses profondeurs
6. CONCLUSION

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