Les fondements theoriques des canaux de transmission de la politique monetaire
QUELQUES ENSEIGNEMENTS THEORIQUES SUR LA POLITIQUE MONETAIRE
Depuis le debut des annees 70 et avec l’apparition du phénomène de stagflation (phenomene de concomitance de la hausse generale des prix et la stagnation de la croissance economique), la politique monetaire a connu des mutations et modifications de par le monde, notamment dans les pays occidentaux ou elle s’est vue orienter vers la lutte contre l’inflation comme objectif principal, voire ultime et unique. C’est ainsi qu’elle est devenue un instrument privilegie pour la stabilisation des prix. En effet, dans la mise en oeuvre de la politique monetaire, la banque centrale s’appuie principalement sur l’utilisation des instruments de regulation de la liquidite pour assurer la stabilite des prix et maitriser ainsi l’inflation.
Cette strategie s’inscrit dans un cadre theorique purement monetariste selon lequel l’inflation est toujours et partout un phenomene monetaire Friedman [1976]. Nous nous proposons, dans ce chapitre, d’elaborer une synthese theorique succincte sur l’evolution du role de la politique monetaire en tant qu’instrument de la politique economique (I- 1) et sur les principes de sa conduite (I-2). Nous terminerons le chapitre par un expose sur le debat recent relatif a l’emergence de la monnaie electronique et la politique monetaire (I-3). I-1°) Evolution du role de la politique monetaire au sein de la politique economique : Le developpement de l’environnement economique tant au niveau national qu’international a fortement contribue a l’emergence des principales theories monetaires, en l’occurrence la theorie keynesienne et la theorie monetariste. Ces theories, suivant la conception de la nature de la monnaie sur laquelle elles se fondent, ont conduit a des applications divergentes en matiere de politique monetaire. L’objet de cette sous-section est de retracer l’evolution de la politique monetaire au sein de la politique economique pour justifier sa recente conduite en termes d’objectifs et d’instruments.
L’emergence du monetarisme et son impact sur le role de la politique monetaire au sein de la politique économique A la fin des annees 60, l’economie americaine a connu une situation de stagflation qui s’est accompagnee par une refonte des principes de conduite de la politique monetaire. Le trade off chomage/inflation n’etait plus possible. Cet etat de conjoncture avait deja ete depeint quelque temps auparavant dans les travaux de Milton Friedman et d’Edmond Phelps, qui avaient mis en garde contre un trop grand interventionnisme de l’Etat sur le marche de l’emploi (Berger [2001]). La solution apportee par ces auteurs reposait sur une critique de la courbe de Philips. Pour ce faire, ils ont introduit trois nouveaux concepts que sont le taux naturel de chomage, le taux d’inflation anticipe et la distinction entre le court et le long terme. Selon Friedman [1983, p. 261], le taux naturel de chomage est ≪ … ce taux d’emploi qui est compatible avec les conditions reelles existant sur le marche du travail ≫. Il explique que ≪ ce taux peut etre abaisse si on supprime des obstacles sur ce marche, si on reduit les frictions. Il peut etre releve si on cree des obstacles supplementaires ≫. Le taux de chomage naturel est donc le resultat des facteurs reels (le marche, le systeme fiscal, le systeme d’indemnisation du chomage, le taux de croissance de la population, etc.).
Le taux d’inflation anticipe est pris en consideration dans la determination future des salaires nominaux afin d’eviter une perte de salaire en termes reels. Cette anticipation est fondee sur les evolutions passees de l’inflation. Il s’agit des anticipations adaptatives. La prise en compte du temps (le court et le long terme) est justifiee par le phenomene de l’illusion monetaire. Ce dernier signifie que les agents economiques confondent les variations du niveau des prix avec celle des prix relatifs. Un laps de temps est donc souvent necessaire pour que les salaries, par exemple, ajustent leurs salaires aux evolutions des prix. La conclusion de Friedman est que si dans le court terme la courbe de Phillips garde une pente negative (plus d’inflation-moins de chomage et inversement), dans le long terme elle devient verticale. Le taux de chomage effectif sera egal au taux naturel. La relation inverse entre l’evolution du taux d’inflation est du taux de chomage n’est donc valable qu’a court terme, Nosetti [2003]. La courbe de Philips n’est par consequent plus stable. En effet, lorsque la hausse des prix est plus rapide qu’elle n’avait ete anticipee dans les contrats salariaux, elle provoque, certes, une baisse du chomage, mais elle conduit aussi a reviser ces contrats de maniere a incorporer une inflation plus forte.
Cela annule la hausse des profits qui s’avere transitoire. Le chomage revient au niveau qu’il avait avant la hausse des prix : la courbe de Phillips s’est deplacee vers le haut dans des zones d’inflation plus elevee. A long terme, lorsque les anticipations et les realisations de l’inflation coincident, le chomage est a son niveau d’equilibre et la courbe de Phillips devient verticale, parce qu’il n’y a plus d’ecart entre l’augmentation des salaires et celle des prix (Aglietta [2003]). Cela signifie que la politique monetaire ne peut affecter le taux naturel de chomage que temporairement. C’est ce raisonnement qui etait au coeur de la conduite de la politique monetaire a la fin des annees soixante-dix. La stabilite des prix acquiert le statut d’objectif ultime, voire unique de la politique monetaire. Les banques centrales devaient donc s’en tenir a la realisation de cet objectif. Les monetaristes consideraient l’inflation comme un phenomene purement monetaire. Il fallait donc controler la croissance de la masse monetaire pour eviter l’inflation. La determination des taux d’interet nominaux etait laissee aux forces du marche. Le but de la politique d’emission est de veiller a ce que la monnaie soutienne l’activite economique mais ne la perturbe pas au travers de son influence sur le niveau general des prix (Berger [2001]). Ainsi, la politique monetaire, reposant sur un controle direct et strict de la masse monetaire, fut peu a peu adoptee par les banques centrales des pays industrialises. La conception monetariste de la politique monetaire est devenue un principe de conduite pour les interventions de la Banque centrale. La federal reserve bank (Fed) a entame des 1971 une premiere tentative de stabilisation de l’inflation par le controle de la masse monetaire. Elle ne tarda pas a etre suivie par d’autres Banques centrales dont les principales ayant optees pour un objectif intermediaire de masse monetaire sont reunies dans le tableau ci-dessous.
la politique des reserves obligatoires
Les réserves obligatoires sont des avoirs liquides, constitues en monnaie centrale, que les banques doivent conserver dans leurs actifs, en proportion de leurs depots ou de tout autre agregat determine par les autorites monetaires (De Mourgues [2003]). Le taux de reserves obligatoires (r) est alors considere comme l’un des plus importants instruments de politique monetaire. La politique de reserves obligatoires consistera alors a modifier le taux (r) pour creer un besoin net de liquidite supplementaire et a modifier, ce faisant, les donnees du marche monetaires (De Mourgues [2003]). En effet, la Banque centrale intervient a l’aide de cet instrument pour agir sur la liquidite bancaire et influencer par consequent le processus de creation monetaire des banques de second rang. Bordes [1997, p.98] explique qu’en tant qu’instrument de politique monetaire, ≪ les reserves obligatoires remplissent une double fonction :1) elles servent au reglage de la liquidite sur le marche monetaire ; 2) elles agissent comme dispositif de freinage automatique de creation monetaire ≫.
En ce qui concerne le premier effet, le reglage de la liquidite, sa realisation depend de la variation du taux de reserves obligatoires. Lorsque ce taux augmente, il entraine une neutralisation d’une fraction supplementaire des avoirs liquides des banques aupres de la Banque centrale, d’ou un besoin net de liquidite. Inversement, une baisse du taux (r) conduit a un moindre besoin de la liquidite. Chaineau [1982] explique a ce propos qu’une variation du taux (r) parce qu’elle s’applique a la masse existante des depots bouleverse la position de liquidite des banques qui s’apprecie par rapport a leur activite courante. Quant au second effet, la creation monetaire, il est la consequence de la position de liquidite des banques. L’augmentation du besoin de liquidite force les banques a reduire la distribution des credits, d’ou la reduction de leur pouvoir de creation monetaire. Inversement, la baisse du besoin de liquidite encourage les banques a accroitre la distribution de credit, d’ou le renforcement de leur pouvoir de creation monetaire. Ainsi, le processus de creation monetaire est directement affecte par l’obligation faite aux banques de geler une partie de leurs ressources aupres de la Banque centrale via la politique des reserves obligatoires.
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Table des matières
Liste des Tableaux
Liste des figures
Liste des annexes
Liste des abreviations
Introduction generale
Chapitre Introductif Quelques enseignements theoriques sur la politique monetaire
Introduction
I.1 Evolution du role de la politique monetaire au sein de la politique economique
I.1.1 La politique monetaire au sein de la politique economique d’inspiration keynesienne
I.1.2 L’emergence du monetarisme et son impact sur le role de la politique monetaire au sein de la politique economique
I.2 Objectifs et instruments de la politique monetaire
I.2.1 Les objectifs intermediaires de la politique monetaire
I.2.2 Les instruments de la politique monetaire
I.3 Quelques debats recents autour de la politique monetaire
Conclusion
Chapitre I Les fondements theoriques des canaux de transmission de la politique monetaire
Introduction
II.1 La transmission de la politique monetaire via le canal des prix d’actifs
II.1.1 Le canal traditionnel du taux d’interet (Canal IS-LM
II.1.2 Le canal du taux de change
II.1.3 Le canal du ratio ≪ q ≫ de Tobin
II.1.4 le canal de l’effet de richesse
II.2 Le canal du credit
II.2.1 Le canal large du credit (canal du bilan
II.2.2 Le canal etroit du credit (canal du credit bancaire
Conclusion
Chapitre II Caracterisation de l’economie algerienne
Introduction
III.1 Economie de marche vs economie d’endettement
III.1.1 Schema de fonctionnement de l’economie de marche et de l’economie endettement
III.1.2 La politique monetaire dans une economie d’endettement
III.2 Caracterisation de l’economie algerienne sur le plan monetaire et financier
III.2.1 Le statut de la monnaie, du systeme bancaire et de la politique monetaire
III.2.2 La structure financiere du portefeuille bancaire
III.2.3 L’importance relative des titres et du credit bancaire dans le financement de l’economie
Conclusion
Chapitre III Quel canal de transmission de la politique monetaire pour l’Algerie ? Une approche empirique
Introduction
IV.1 Quelques resultats empiriques sur la transmission de la politique monetaire
IV.1.1 Quelques resultats empiriques fondes sur la modelisation VAR
IV.1.2 Autres resultats empiriques
IV.2 Construction du modele VAR : prealable methodologique et estimation
IV.2.1 Structure du modele VAR : systeme d’equations et choix des variables
IV.2.2 Tests et estimation du modele VAR
IV.3 Analyse des fonctions de reponses impulsionnelles et decomposition de la variance
IV.3.1 Analyse des fonctions de reponses impulsionnelles du taux d’interet directeur
IV.3.2 Decomposition de la variance de l’erreur de prevision
Conclusion
Conclusion Générale
Bibliographie
Annexes
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