Points de vue idéologiques
Conçue dans les pays de tradition démocratiques solides, le mouvement et l’idéologie qui structurent la société civile y sont inconnus des populations, contrairement aux pays africains dont les expériences démocratiques sont encore faibles. Ces populations sont censées être les avant-gardes et la composante de la société civile. Après une quarantaine d’années d’existence de l’hégémonie de la démocratie chrétienne, les hommes politiques italiens de tous les partis, ayant une crédibilité dans l’opinion publique, comprenaient que le personnel dirigeant de l’Etat avait besoin d’un sang nouveau, d’où l’appel à la société civile, à des hommes et à des femmes qui n’étaient des professionnels de la politique et avaient la réputation d’être des citoyens et des citoyennes éclairés et intègres. C’est dans cet ordre d’idées qu’émerge la société civile en Afrique au début des années 90. C’est le jeu de la démocratie combiné avec celui de la négociation qui, seul, permet à la fois l’expression plurielle de la société civile et l’ajustement réciproque des prétentions contradictoires des différents acteurs de celle-ci engagés chacun dans une dynamique de défense de ce qu’ils considèrent comme leurs droits, leurs intérêts, leurs idéaux moraux. Or dans les pays où l’expression démocratique est encore faible, les gouvernants sont, le plus souvent hostiles aux négociations et/ou aux dialogues entre les acteurs.
Procès des Associations (ou ONG)
Les nouveaux migrants propriétaires n’ont été touchés que partiellement par l’interview, pour « indisponibilité » : ils sortent vers sept heures du matin et ne rentrent que vers vingt heures du soir. Heureusement nous avons pu compléter notre information par un représentant de cette catégorie dans son récit de vie. Il existe dans le quartier une forte valorisation de la vie associative. Les associations familiales ont déjà été observées et il s’agit plutôt ici de relever d’autres types d’associations. Au fil des entretiens et des rencontres, ont été vues ou mentionnées des associations religieuses, une association de quartier, des associations sportives, des associations des jeunes, des associations d’artisans. Dans une logique similaire, la coordination des activités organisées par le fokontany est quasi systématiquement opérée au-travers la mise sur pied de comité : comité sécurité, comité social, comité sport, etc. Mais si formellement la vie associative semble assez forte, plus concrètement plusieurs y déplorent l’absence de participation (ou le désengagement) et le rapide détournement de ces associations (notamment : prise de contrôle par une minorité et réorientation au service de quelques-uns, vol des fonds). Pour une bonne part, les associations sont situées comme des lieux de reconduction des hiérarchies sociales et des pratiques de domination.
Vivre ensemble et développement du non-développement
La notion de support renvoie à une dimension essentielle de l’individu dans la mesure où elle est une condition de son existence même. Pour exister face au monde social, l’individu doit pouvoir se tenir. Dans les sociétés traditionnelles, l’individu était entièrement tenu, de l’extérieur, par ses positions dans le système social, lesquelles déterminaient ses rôles sociaux. Dans les sociétés modernes (ou urbaines) en revanche, où les positions sociales sont moins déterminées et plus flexibles, où l’individu est censé être plus autonome, capable d’autocontrôle et d’expressivité, l’individu est en quelque sorte sommé de se tenir de l’intérieur. Mais ce maintien n’est en réalité possible que s’il est en mesure de mobiliser (consciemment ou inconsciemment) un certain nombre de supports. Dans les sociétés modernes, les droits socio-économiques et le travail libre fournissent aux individus les conditions nécessaires à leur existence en tant qu’individu.. Quant à la participation organique (participation au marché du travail), source d’indépendance économique et de reconnaissance sociale, elle constitue un « capital » propre à assurer le maintien des individus (comme en témoigne a contrario les risques de désaffiliation liés à la non-insertion sur le marché du travail). La société malgache est marquée par une culture qui vise à une intégration harmonieuse de tous ses membres. Elle est accueillante et tolérante. Quel que soit le niveau de vie de ceux qu’ils rencontrent, beaucoup de touristes remarquent une ouverture et une belle qualité d’accueil. Société paisible où le conflit ouvert est toujours évité, ou, lorsqu’il éclate, il peut vite mener à la violence à moins qu’on parvienne à le résoudre dans une cérémonie de réintégration. Si bien qu’on ne perçoit pas facilement les dissensions, elles doivent rester cachées.
Crises et prise de position
Une crise implique qu’il y a eu dans ses éléments constitutifs, de part et d’autre des camps en présence, des faits critiquables et des dérapages, sources d’incompréhension, d’intolérance et de conflit. En démêler l’écheveau complexe est une tâche ardue, surtout quand on a pour souci de rester neutre et objectif. Dans le contexte d’une pratique politique restant à moraliser, cette objectivité critique peut être perçue comme une prise de position envers ceux contre qui la critique s’adresse. . Qu’il soit clair que le but n’est pas de chercher à faire revenir l’Histoire sur ses pas. Toutefois cela ne remet pas en cause la possibilité et le devoir de se poser des questions sur le contexte qui a précédé les crises. BOURDIEU décrit le rôle assigné aux intellectuels dans une véritable démocratie : « Ce que je défends avant tout, c’est la possibilité et la nécessité de l’intellectuel critique (…). Il n’y a pas de véritable démocratie sans véritable contre-pouvoir critique. L’intellectuel en est un, et de première grandeur » . Trouver des réponses correctes implique que l’on pose les questions pertinentes, quitte à prendre le risque de découvrir des vérités qui ne sont pas nécessairement bonnes à dire, et encore moins à écrire. Mais comme le dit un proverbe polonais, « pour croire avec certitude, il faut commencer par douter ». Le présent travail de recherche est effectué dans un cadre académique, et en adopte la liberté de parole et de pensée. Il n’a donc pas pour vocation de proposer une lecture partisane au bénéfice de n’importe lequel des camps en présence durant les trois crises.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Généralité
1.1 Contexte
1.2 Choix du thème
1.3 Choix du terrain
2. Objectifs
3 Problématique
4 Hypothèses
5 Structuration du document
PREMIERE PARTIE :MATERIEL ET METHODE
CHAPITRE 1 : METHODOLOGIE
1.1. Documentation
1.2.- type d’approche
1.3. Techniques d’échantillonnage
1.4. Les entretiens
1.5. Problèmes rencontrés et limites de l’étude
CHAPITRE 2 :PRESENTATION DU CADRE D’ETUDE : AMBATOKARANANA DANS LA TURPITUDE SOCIOPOLITIQUE MALGACHE
CHAPITRE 3 : CADRAGE THEORIQUE
3.1 : notion de societe civile
3.1.1 : fonction de la société civile
3.1.2 : La société civile : un acquis démocratique
3.1.2.1 : La société civile : une notion transposée
3.1.2.2 : Vision structurelle de la société civile
3.1.2.3 : Amalgame « politico – société civile »
3.1.2.4 : Interventions de la société civile
3.1.2.5 : Points de vue idéologiques
3.2 : réflexions de quelques grands auteurs
3.2 .1 : la société civile d’Hegel à Marx
3.2.2 : le volontariat comme attitude première de la société civile
3.2.3 : société civile et démocratie
3.2.4 : le rôle des intellectuels dans l’émergence de la société civile
DEUXIEME PARTIE : RESULTAT ET ETUDE : PAUVRETE ET APPRECIATIONS POPULAIRES DES PRESTATIONS DES SOCIETES CIVILES A AMBATOKARANANA
CHAPITRE 4 : RESULTAT D’ENQUETE
4.1 : la participation citoyenne
4.1.1 : niveau de la participation citoyenne
4.1.2 : L’âge
4.1.3 : le sexe
4.1.4 : le niveau d’instruction
4.1.5 : la profession
4.1.6 : La religion
4.1.7 : Responsabilités
4.1.8 : procès des associations (ONG)
4.2 : participation citoyenne et vie associative
4.2.1 : organisation de la participation citoyenne
4.2.2 : Bureau du Fokontany
4.2.3 : La vie associative
4.3 : Media
CHAPITRE 5 : INTERPRETATION ET ANALYSE DES IMPACTS DES PRESTATIONS DES SOCIETES CIVILES DANS LA VIE QUOTIDIENNE
5.1 : procès populaire des ONG
5.2 : Positivité de la société civile
5.3 : Vivre ensemble et développement du non-développement
5.4 : pauvreté et exclusion
5.5 : Modernité et individualisme
TROISIEME PARTIE : DISCUSSIONS
CHAPITRE 6 : PISTE DE REFLEXION : EVALUATIONS CRITIQUES ET REFLEXIVES SUR LES REALITES POPULAIRES
6.1 : la residence
6.2 : L’emploi
6.3 : Le pouvoir d’achat des ménages
6.4 : Femme et societe civile
CHAPITRE 7 : RECOMMANDATION ET SUGGESTION POUR L’AMELIORATION DU SYSTEME : PROSPECTIVE D’EFFICIENCE CIVILE ET CITOYENNE
7.1 : crises politiques et place de l’intelligentsia
7.1.1 : crises politiques
7.1.2 : crises et prise de position
7.1.3 : place de l’intellectuel
7.1.4 : l’école
7.1.5 : procès des activités des ONG à Madagascar
7.1.6 : nouvelles formes de citoyenneté
7.1.7 : une conception du pouvoir qui isole les individus
7.1.8 : la crise de l’Etat-nation et de la représentation
7.1.9 : repositionnement sociale et politique des ONG
7.2 : recomposition de l’Etat et de la Société civile
7.2.1 : complémentarité entre société civile et l’Etat
7.2.2 : la société civile : une partenaire de l’Etat
7.2.3 : la société civile comme relais entre l’Etat et les citoyens
7.2.4 : société civile et démocratie
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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