L’Association Sportive (AS) est un forfait adossé aux heures que doivent remplir les enseignants d’EPS. Cette association regroupe 1 145 770 licenciés en 2020. Avec 5 699 000 élèves inscrits dans le second degré (Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et des Sports, septembre 2020), cela signifie que 4% des élèves sont licenciés en l’AS. Le constat de ces chiffres relativement faibles nous amène à nous poser différentes questions : Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’élèves qui participent à l’AS ? Les missions de l’AS sont elles remplies ? Sont-elles adaptées au contexte actuel, et à la demande/besoins des élèves?
L’AS est affiliée à l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS). Les missions de l’AS sont celles de l’UNSS. L’UNSS valorise les axes de développement suivants :
– La pratique sportive des filles
– La pratique sportive au sein des quartiers prioritaires et du monde rural
– La pratique sportive pour les élèves en situation de handicap
– La formation vers les licenciés et les enseignants d’EPS, animateurs d’AS
– La formation des Jeunes Officiels
– La pratique sportive valorisant la santé et le bien-être
– La pratique sportive éco-responsable .
Point de vue contextuel
L’AS, au même titre que l’EPS, permettrait à tous les élèves de pouvoir pratiquer une activité physique régulière, quelles que soit leurs origines sociales et culturelles. Le caractère universel de l’école apporte cette spécificité : l’accès à tous les élèves. La question d’un accès régulier à une pratique physique est d’autant plus prégnante dans le contexte actuel : des enfants qui passent de plus en plus de temps devant des écrans et de plus en plus jeunes, une baisse des capacité physiques des élèves français, un confinement qui a limité la possibilité d’exercice physique régulier pendant 3 mois. En effet, une étude parue le 23 septembre 2020 par la Fédération Française de Cardiologie établit que, sur les cinquante dernières années, les enfants âges de 7 à 18 ans ont perdu 25% de leurs capacités physiques. Pour preuve : en 1971, les jeunes mettaient en moyenne trois minutes pour effectuer trois tours de stade, alors qu’ils ont besoin d’une minute de plus aujourd’hui. La rentrée 2020 contribue à ce contexte particulier, avec des restrictions limitant la possibilité de pratiquer les activités normalement programmées. Comment cela va-t-il influencer nos élèves ? Des élèves motivés se retrouvent peut-être à ne plus pratiquer, d’autres qui auraient eu envie ne sont pas attirés par les quelques APSA encore proposées et/ou d’actualité.
Aux vues de ces différents éléments, il parait donc pertinent de se demander quels rôles joue l’AS et quels rôles peut-elle encore jouer dans l’accompagnement des jeunes à entretenir leur santé et à vivre des expériences physiques et sociales marquantes. Pour cela, nous voulons questionner les principaux acteurs, ceux du terrain : enseignants, mais surtout élèves, afin de mieux comprendre leurs engagements, et comment l’AS peut avoir un impact sur la jeunesse.
Des changements de convictions éducatives
Cette partie a pour objectif de montrer, outre les changements de noms, que l’organisation du sport scolaire dont fait partie l’actuelle AS a connu des changements dans ses convictions éducatives et ses missions. Après avoir mis en évidence que la place de l’AS n’est pas acquise au sein de l’école, nous pouvons voir les intérêts éducatifs qui sont défendus au-delà du côté institutionnel.
Première période : sport scolaire, continuité de l’EP. Le Sport Scolaire vient en complémentarité de l’EPS pour certains élèves (l’EPS différencie à ce moment-là les élèves en groupe selon leurs capacités, seuls les groupe 1 et 2 regroupant les élèves aux capacités physiques répondant à la norme à atteindre, peuvent accéder au sport scolaire). L’objectif est de former une élite sportive par le sport scolaire, élite préalablement sélectionnée au sein des cours d’Education Physique.
IO de 1959 : « le but de l’AS est d’organiser et de développer le sport en dehors des heures de scolarité » Circulaire de 1962 : Initiation (dans la leçon), Entrainement (dans la ½ journée de sport), Compétition (à l’AS) ATTALI et ST MARTIN (2009) : « Entre 1945 et 1961, le Sport Scolaire se définit comme étant complémentaire des missions éducatives de l’EP tout en anticipant les pratiques sociales ultérieures. Mais tous les élèves ne sont pas concernés, seuls les groupes 1 et 2 ont l’autorisation d’y participer (donc pose une limite à l’aspect éducatif pour tous).
Actuellement, il n’y a pas explicitement de sélection des élèves pour participer à l’AS. Mais les élèves qui participent aux compétitions de l’AS ne sont-ils pas ceux qui ont les meilleurs résultats au sein des cours d’EPS ? Nous pouvons alors questionner le public de l’AS, si les élèves aux performances plus médiocres sont impliqués au sein de l’association .
Deuxième période : sport de masse ou sport d’élite. Deux visions s’opposent : un sport compétitif pour une élite en recherche de performance, ou un sport accessible par tous axé sur les valeurs avant la performance. Un rapprochement excessif avec le monde sportif crée une crise de reconnaissance qui pousse les acteurs politiques à tenter de « sortir » le Sport Scolaire du système éducatif.
1962 : opposition de deux conceptions du sport scolaire (conflit avec FLOURET qui voit la transformation de l’OSSU en ASSU)
1964/1965 : des expériences originales sont menées dans le cadre du Sport Scolaire pour promouvoir la valeur citoyenne, solidaire et éducative de cette pratique (République des sports de DE RETTE)
1971 : création de la formule masse pour toucher un plus large public (politique COMITI avec les CAS). Missions du Sport Scolaire :
– Prolongement avec l’EP,
– Favoriser l’initiation du plus grand nombre et la divulgation d’une culture sportive,
– Préparer les adultes de demain à leurs loisirs, faire émerger une élite sportive.
Entre 1971 et 1972 : augmentation de 40% des effectifs
1978 : politique drastique d’économie avec le plan SOISSON qui fait passer le forfait AS de 3 à 2heures .
Nous pouvons dire que le débat est toujours d’actualité, entre une recherche de rentabilité pour la Cour des comptes, et une démarche d’accessibilité au plus grand nombre pour l’UNSS qui défend une pluralité de projet (accès aux filles, aux personnes en situation de handicap).
Troisième période : les rôles sociaux, pour une EPS plus scolaire. La discipline, de retour sous l’éducation nationale, rentre dans une logique institutionnelle. L’accès à tous les élèves, la diversité des propositions et les valeurs éducatives chétives au ministère constituent les 3 axes défendus au sein de l’EPS et de l’AS. Le sport de masse et le sport d’élite cohabite autour des valeurs citoyennes.
Loi AVICE de 1984 : « Le Sport Scolaire contribue à la rénovation du système éducatif, à la lutte contre l’échec scolaire et à la réduction des inégalités sociales et culturelles. (…) leur pratique constitue un droit pour chacun quels que soient son sexe, son âge, ses capacités et sa condition sociale »
1986 : création des districts-masse dans la continuité des formules « masses » des années 70. De nouvelles pratiques émergent aux goûts des élèves, des enseignants. Il existe alors 3 pôles :
– Compétition pour les AS d’établissement ou les AS « élite » jusqu’au championnat de France et du monde
– Animation pour les AS d’établissement jusqu’au championnat départemental ou académique
– Formation pour les jeunes organisateurs (accueil, reportage) et jeunes officiels (arbitres, chronométreurs..).
1988 : élèves à parité dans le bureau et AG de chaque AS
1993 : charte du sport scolaire « vers une citoyenneté active et responsable »
1994 : accréditation des jeunes officiels certifiés par des badges. Rôles :
– Aide à l’organisation et au fonctionnement de l’AS dans leurs établissements,
– Formation de juge ou d’arbitre à différents niveaux de compétence certifiés par des pastilles de couleurs.
Cadre théorique
Approche inductive
Pour notre enquête, nous avons fait le choix de nous baser sur une approche phénoménologique, c’est-à-dire une étude des phénomènes dont la recherche se porte sur l’analyse du vécu du sujet. Nous cherchons alors le sens d’une expérience du point de vue d’un sujet qui explique ensuite cette expérience dans un rapport écrit ou un entretien. Cette approche est accompagnée d’une démarche inductive, méthode qui part des faits pour aller vers leurs explications, autrement dit nous partons de phénomènes particuliers observés sur le terrain pour comprendre des phénomènes généraux. Nous avons choisi cette approche et cette méthode, puisque chaque contexte et configuration d’établissement est différente. Malgré des recommandations communes sur le territoire national, l’APSA, l’enseignant, les structures d’accueil, le matériel, les partenaires, le nombre d’élèves sont des paramètres parmi d’autres qui influencent la conception et le déroulement de l’AS. Ainsi toutes les AS ne se ressemblent pas et il est alors difficile de l’analyser dans sa globalité. De plus, partir de faits observables pour comprendre des phénomènes généraux nous permet de mieux appréhender la réalité du terrain.
Nous prenons donc le parti de nous centrer sur le ressenti des élèves en cherchant à influencer le moins possible leur réponse. Nous voulons savoir, avec leurs mots, quel est leur ressenti, leurs émotions, qu’est-ce qu’ils partagent, sans les contraindre d’un cadre où ils pourraient chercher à dire ce que nous avons envie d’entendre. Nous ne voulons pas les confronter à des idées déjà pensées, mais les questionner pour avoir accès à leur libre arbitre. En effet, chaque élève par rapport à son expérience, son vécu aura un rapport à l’AS particulier. De plus, les élèves n’ont pas la même expérience que nous. Nous avons un rapport à l’AS considérablement différent des élèves puisque nous sommes les acteurs de l’AS mais aussi auteure de ce mémoire tandis que les élèves sont les « sujets ». Nous mettons une limite à ce mot entre guillemet puisque les élèves, consommateurs de l’AS, participent à son fonctionnement et à son organisation (jeune reporter ou organisation d’évènements par exemple). En tant que futures professeures d’EPS et à la suite de nombreux stages, nous maîtrisons les objectifs et les finalités de l’AS. En revanche, nous connaissons moins ce qui s’y déroule réellement et subjectivement. Nous ne voulons donc pas influencer les réponses des élèves qui auront une logique explicative différente de nous.
Nous avons émis des hypothèses en amont des entretiens, pour avoir une idée des thèmes à aborder durant l’entretien. Mais nous n’en avons pas fait part aux élèves afin de ne pas influencer leurs réponses. La problématique a été construite en dernier lieu, bien après l’analyse et les réponses à nos hypothèses car nous ne voulions pas nous enfermer dans un cadre de problématique qui ne correspondrait peut-être pas aux résultats de nos recherches. « L’approche inductive élabore de façon formelle son canevas de recherche en cours de collecte de données pour en faciliter l’analyse rigoureuse » (Hlady Rispal, 2002) . La limite de cette approche réside dans le fait que nous avons déjà certaines connaissances sur le sujet et un cadre théorique de recherche étudié durant nos études. Il faut être attentif à ne pas trop guider l’analyse d’après ces bases antérieures, mais d’avoir un regard neuf sur ces données (Guillemette, 2006) . Voici donc les différents termes théoriques qui guideront l’analyse des résultats.
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Table des matières
1. Introduction
1.1. Point de vue contextuel
1.2. Positionnement dans notre recherche
1.3. Lien avec la littérature théorique sur le sujet
2. Cadre contextuel
2.1. D’un point de vue historique : des changements de noms
2.2. Des changements de convictions éducatives
3. Cadre théorique
3.1. Approche inductive
3.2. Notion de carrière
3.3. Notion de sentiment d’appartenance et construction identitaire
3.4. Notion d’intégration sociale
3.5. Notion d’habitus
3.6. Notion d’auto-éviction
4. Hypothèses
5. Problématique
6. Résultats
6.1. Déroulement des entretiens
6.2. Données brutes
7. Analyse des entretiens
7.1. Pratique physique et sportive
7.2. Motivation
7.3. Présence de la famille dans l’activité sportive
7.4. Aucune pratique
7.5. Liens entre les profils
7.6. Profils types
7.7. Réflexion sur les profils, liens entre la pratique et la motivation, liens avec les concepts théoriques
7.8. Réponses aux hypothèses
8. Discussion
8.1. Entretien avec le tuteur
8.2. Lien avec les hypothèses
8.3. Liens personnels
9. Réflexion et limites de l’étude
9.1. Les « découvertes »
9.2. Conflits d’intérêts
9.3. Limites de l’étude
Conclusion
Bibliographie
Annexes
