Fondement théorique de l’hypothèse d’efficience
La théorie financière se fonde principalement sur les hypothèses du paradigme néoclassique, notamment l’hypothèse d’efficience des marchés. Celle-ci suggère que la réaction des investisseurs à l’information est immédiate.
Définition de l’efficience informationnelle
Sur un marché efficient, la concurrence entre les investisseurs est si agressive que les prix s’ajustent instantanément aux nouvelles informations. A chaque instant, un instrument financier est négocié à un prix déterminé par son rendement et son risque. Fama (1965) souligne que, sur un marché efficient, à tout instant le prix effectif d’un titre sera une bonne estimation de sa valeur fondamentale. Par définition, l’information future est imprévisible et le changement des prix de chaque actif financier est aléatoire. Ceci est à l’origine du caractère aléatoire (« random walk») des rendements sur les marchés financiers. En fait, le concept d’efficience est basé sur les arguments avancés par Samuelson (1965), qui prévoit que le prix d’un actif financier fluctue aléatoirement. Cette notion a été introduite par Bachelier (1900) selon qui les cours boursiers suivent une marche aléatoire et les évolutions futures ne peuvent être prédites en se basant sur les actions passées. Dans sa thèse intitulée « Théorie de la spéculation », l’auteur suggère que, pour chaque cours coté, il y a autant d’acheteurs que de vendeurs. Ainsi, les spéculateurs ne doivent croire à un instant donné ni à la hausse, ni à la baisse.
La rationalité des investisseurs : Un agent économique est qualifié de rationnel s’il est capable d’interpréter correctement l’information reçue et cherche à maximiser son utilité espérée. Selon cette définition, le but d’un investisseur rationnel est de maximiser son utilité espérée en prenant les bonnes décisions. La notion de rationalité suppose que tous les agents sont parfaitement capables de se comporter justement quelle que soit la nature de l’information qu’ils détiennent. Quand une bonne nouvelle inattendue est annoncée, les investisseurs rationnels doivent acheter le titre (ou le conserver), et doivent maximiser leur gain potentiel pour n’importe quel niveau donné de risque.
La gratuité de l’information et sa libre circulation : Lorsqu’une firme annonce une information, tous les investisseurs doivent pouvoir obtenir cette information sans engager des coûts supplémentaires. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’information n’est plus gratuite, les investisseurs pourraient ne pas réagir à l’information puisque le gain potentiel relatif à la transaction peut être inférieur au coût d’acquisition de l’information. La notion de libre circulation de l’information est aussi nécessaire pour un marché efficient dans la mesure où tous les investisseurs doivent bénéficier de la même information dans des conditions identiques, ce qui pourrait engendrer une réaction immédiate. Ainsi, quelle que soit l’ampleur de détention des titres d’une société (petit porteur ou détenteur de blocks), tous les investisseurs doivent recevoir toutes les informations afférentes aux titres qu’ils détiennent.
L’absence de coûts de transaction : Elle permet aux investisseurs d’agir librement sur le marché financier. En effet, la présence des coûts de transaction a un impact sur les profits des investisseurs, et ces derniers ne prennent la décision d’agir que si les gains potentiels sont supérieurs aux coûts de transaction. Ainsi, l’absence des coûts de transaction impliquerait la prise en considération de toutes les informations, même mineures, susceptibles d’influencer les cours des titres.
L’atomicité des investisseurs et la liquidité : La notion des marchés efficients implique l’existence d’une totale liquidité et d’une complète atomicité des investisseurs. Un marché efficient doit être liquide de sorte qu’un investisseur peut acheter ou vendre très rapidement une quantité importante de titres sans provoquer de forte variation des cours. De même, l’atomicité implique qu’aucun investisseur n’est en mesure d’influencer le marché par sa simple intention de vendre ou d’acheter une masse importante de titres.
Après les définitions proposées par Fama (1965, 1970, 1976), Jensen (1978, p.96) suggère que « A market is efficient with respect to information set θt if it is impossible to make economic profits by trading on the basis of information set θt » . Selon cette définition, le marché est dit efficient lorsqu’aucun investisseur ne peut dégager un gain substantiel en spéculant sur la base de l’information θt sur ce marché. Ainsi, un marché est efficient si les prix des titres cotés intègrent toutes les informations les concernant de sorte qu’un investisseur ne peut, en achetant ou en vendant ce titre, en tirer un profit supérieur aux coûts de transaction engendrés par cette action. Ceci implique que le gain substantiel devrait couvrir les coûts de transaction engendrés par l’achat ou la vente d’un actif financier. Cette définition est pragmatique puisqu’elle intègre les frais liés à la transaction. Malkiel (1992, p.739) propose une définition étroitement liée à celle de Jensen (1978). « A capital market is said to be efficient if it fully and correctly reflects all relevant information in determining security prices. Formally, the market is said to be efficient with respect to some information set, φ, if security prices would be unaffected by revealing that information to all participants. Moreover, efficiency with respect to an information set, φ, implies that it is impossible to make economic profits by trading on the basis of φ » . Cette définition stipule qu’un marché est efficient s’il reflète pleinement et correctement toutes les informations se rapportant aux titres. Ainsi, les prix ne seraient pas affectés si l’ensemble d’information était révélé à tous les participants du marché.
Comme le soulignent Timmermann et Granger (2004), trois points importants sont mis en évidence dans les définitions de Jensen (1978) et Malkiel (1992). Premièrement, l’ensemble d’information adopté dans le test de l’efficience. Deuxièmement, la capacité des participants du marché à exploiter l’information. Et troisièmement, l’utilisation des profits économiques pour tester l’hypothèse d’efficience informationnelle.
Les formes d’efficience
La définition de Fama (1965), reposant sur un contexte informationnel dans son ensemble, est trop générale. Dans ce sens, il est difficile d’examiner l’efficience informationnelle en menant un test unique. Pour cette raison, Fama (1970, 1991) a défini trois formes d’efficience en distinguant différentes catégories d’informations. On trouve la forme faible (« weak form »), la forme semi-forte (« semi-strong form ») et la forme forte (« strong form »). Les études empiriques ont examiné ces formes d’efficience en testant la prévisibilité des cours pour la forme faible (1.2.1), l’impact des évènements rendus publics pour la forme semi-forte (1.2.2), et enfin les délits d’initiés et la performance des gérants pour la forme forte (1.2.3). Dans ce qui suit, nous présentons ces trois formes ainsi que les études empiriques relatives.
La forme faible d’efficience
Selon la forme faible d’efficience, le cours actuel d’un titre incorpore entièrement l’information contenue dans l’historique passé des prix, c’est-à-dire personne ne peut « battre » le marché en analysant l’évolution des prix passée. La forme faible d’efficience a obtenu son nom pour la raison suivante : les prix des titres sont sans doute parmi les informations les plus faciles à obtenir. Ainsi, aucune personne n’est capable de profiter de l’utilisation de cette information puisqu’elle est connue par tous les acteurs du marché financier. Toutefois, beaucoup d’investisseurs conduisent des études détaillées, en analysant la série des prix passés et des volumes de transaction, afin de détecter des tendances à court terme et donc de produire des profits.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE INFORMATIONNELLE … A LA FINANCE COMPORTEMENTALE
CHAPITRE 1 : FONDEMENT THEORIQUE DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE ET DETECTION D’ANOMALIES SUR LES MARCHES FINANCIERS
Section 1 : Fondement théorique de l’hypothèse d’efficience
Section 2 : La détection d’anomalies sur les marchés financiers
Section 3 : Explications rationnelles du phénomène de sous-réaction
CHAPITRE 2 : LA FINANCE COMPORTEMENTALE : UNE REPONSE AUX INSUFFISANCES DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE
Section 1. Avènement et apports de la finance comportementale
Section 2. L’effet de disposition
Section 3. Impact de l’effet de disposition sur la formation des prix
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE DE L’IMPACT DE L’EFFET DE DISPOSITION SUR LA FORMATION DES PRIX
CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Section 1. Protocole expérimental
Section 2. Mesure des variables et méthodes d’analyse des données expérimentales
CHAPITRE 4 : LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Section 1. Etude de l’efficience informationnelle
Section 2. Etude descriptive de la sous-réaction à l’information
Section 3. Les déterminants de la sous-réaction à l’information
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ANNEXES
ANNEXES
LISTE DES FIGURES
