Comment fait-on pour féminiser un nom de métiers ?
Les manières selon lesquelles un nom animé peut changer pour désigner une opposition grammaticale des genres sont variées. Riegel et al, les listent dans leur Grammaire méthodique du français (Riegel, op. cit,. : 329-330). L’une des méthodes concerne le genre du déterminant des noms dits épicènes (dont la forme ne varie pas avec le genre), change ainsi la médecin, le médecin, une écrivain, un écrivain, la professeur, le professeur pour montrer si le référent est féminin ou masculin. L’Académie française cite comme premier instrument le fait de « marquer le féminin par l’article, [tout en gardant la même forme au masculin comme au féminin », (l’Académie française, site internet).
L’adjonction de la « marque graphique -e » (Idem : 329), comme dans les cas d’agent/agente, ingénieur/ingénieure, professeur/professeure est une autre façon de montrer si le nom désigne un référent masculin ou féminin. C’est un outil qui s’applique généralement, comme l’expliquent les linguistes Anne Dister et MarieLouise Moreau, dans le livre de Bernard Cerquiglini, « On ajoute un « -e » à la forme masculine, sauf si celle-ci en comporte déjà un », et on procède, le cas échéant, à quelques ajustements courants (accents, redoublement de consonne, etc.) » (Cerquiglini, op. cit., : 92). Des exemples de cela sont architecte, policière, cheffe. Également « l’antéposition ou postposition du terme classificateur femme au nom masculin » (Riegel, op. cit., : 330), comme une femme médecin désigne le changement de genre au féminin.
Finalement, « l’addition d’un suffixe (l’élément qu’on ajoute à la racine d’un nom) pour former le féminin à partir du masculin » (Ibid : 330), comme par exemple, auteur / autrice. Rajout d’un « e » : écrivain/écrivaine, et « la variation en genre d’un même suffixe : -eur / euse (vendeur / vendeuse), -eur / eresse (pêcheur / pêcheresse), -eur / eure (supérieur / supérieure), -teur / -trice, (inspecteur / inspectrice, mais aussi empereur / impératrice) » (Ibid : 330), sont encore des variantes pour atteindre une différentiation grammaticale des genres pour un nom de métier. Après nous être familiarisés avec les manières qui existent pour un nom de métier d’atteindre une distinction grammaticale des genres, nous allons maintenant regarder les règles qui déterminent comment un suffixe particulier obtient sa forme féminine.
Quelques considérations sur le suffixe -eur
Avant de passer à l’analyse des noms de métiers, on peut spécifier les règles grammaticales selon lesquelles le suffixe -eur obtient sa forme féminine en français dans la mesure où c’est un procédé fréquent. Bernard Cerquiglini résume ce groupe de la façon suivante :
Les noms en -eur dérivés d’un verbe ou d’un substantif font leur féminin en – euse (coiffeuse, basketteuse) ; les noms en -eur non dérivés posent un problème (ingénieur, proviseur, (professeur)).
Les noms en -teur forment leur féminin en -trice (directrice, rectrice, (actrice)) sauf s’ils sont visiblement dérivés : dans ce cas ils rejoignent le suffixe -eur général (chanteuse).
(Cerquiglini, 2018 : 95). Quelques terminaisons de noms de métiers en -eur sont détaillées dans le tableau suivant .
Bernard Cerquiglini maintient qu’il reste des termes professionnels « socialement valorisés, que la seule maîtrise de la langue ne suffit pas à féminiser ; c’est une déficience » (Cerquiglini, op. cit. : 95-96). On sait que médecin est un tel mot dont la forme féminine est déjà prise pour désigner soit un mode de traitement soit la science qui a pour objet la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies.
Ce parcours des formes existantes de féminisation et les règles pour les noms de métiers avec le suffixe -eur montrent que le français a dans certains cas de multiples moyens pour féminiser un substantif. Certains noms de métiers comme « auteur » sont dotés de deux concurrents, tandis que d’autres noms comme « médecin » ont été jusqu’à récemment forcés de compter sur l’adjonction de « femme » au nom masculin. Certaines formes, qui désignaient le statut matrimonial d’une personne, « ont tendance à tomber en désuétude » (l’Académie française, site internet), tout comme « authoresse », « auteuresse », « autoresse ». Passons maintenant à la partie corpus et méthode.
Corpus et méthode utilisés
Corpus
Nous avons procédé à des recherches sur la féminisation des neuf noms de métiers suivants dans le journal français Le Monde et le journal québécois Le Devoir pendant les trois années 2001, 2010 et 2019.
Agent
Ambassadeur
Auteur
Chef
Écrivain
Ingénieur
Médecin
Policier
Professeur
Notre choix des noms se base sur la lecture des articles et l’écoute des transmissions par des experts sur la féminisation des noms. Après nous être familiarisées avec les règles grammaticales et les différentes formes féminines, nous avons voulu trouver un équilibre entre professions où les femmes sont établies (auteur, écrivain, professeur) et positions où elles sont moins visibles (ambassadeur, chef, ingénieur, médecin et policier) et noms d’usage général comme agent qui s’emploie dans de nombreux contextes professionnels pour signifier intermédiaire et où le nom est qualifié par un adjectif ou un complément de nom comme par exemple agent littéraire ou agente d’une société exportatrice. Il faut souligner qu’auteur, écrivain, médecin et professeur sont les noms de métiers que nous avons en commun avec Itsuko Fujimura dans son étude qui se base sur un corpus beaucoup plus extensif. Finalement, dans notre choix de corpus, nous avons cherché à trouver un équilibre entre les différentes manières d’obtenir le féminin pour chacun des noms, soit par l’adjonction d’un -e, soit en marquant le féminin par l’article, soit par l’anté- ou postposition de femme, ou par l’addition de différents suffixes. Ainsi nous avons établi notre corpus. Maintenant nous allons montrer quelle méthode nous avons utilisée.
Méthode
En nous servant d’un corpus étroit en comparaison avec celui d’Itsuko Fujimura, nous allons tout de même essayer de suivre sa méthode consistant à examiner la féminisation des noms de métiers sous le prisme des facteurs sémantiques, lexicaux et sociolinguistiques. Dans ce but, nous avons fait un travail de base en construisant une liste de variantes grammaticales pour chacun des neuf noms de métiers pour en trouver les occurrences féminines les plus fréquentes pour les trois périodes. En premier lieu, nous avons voulu comparer le nombre d’occurrences pour le genre masculin et le genre féminin de chaque nom. Nous avons ensuite voulu inclure des variantes féminines sous lesquelles le nom pourrait apparaître. Nous avons cherché ces variations du nom dans les banques de données de deux journaux pour les trois périodes citées. Voici un exemple de cette première étape de la recherche faite pour avoir une base d’occurrences des formes féminines et masculines de chacun de neuf noms de métiers.
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Table des matières
Introduction
1. Présentation de la grammaire concernant cette question
1.1. Que dit la grammaire et que disent certains experts?
1.2. Comment fait-on pour féminiser un nom de métiers ?
1.3 Quelques considérations sur le suffixe -eur
2. Corpus et méthode utilisés
2.1. Corpus
2.2. Méthode
2.3 Que dit Le Robert sur l’étymologie et la forme féminine des neufs noms de métiers ?
3. Résultats et Analyse
3.1. Résultats
3.2. Progrès de la féminisation
3.3. Analyse
3.3.1 Facteur sémantique
3.3.2. Facteur lexical
3.3.3. Facteur sociolinguistique
4. Discussion
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
