Le Cancer est une maladie qui existe sans doute depuis l’origine de la vie. Les premières descriptions connues du cancer datent d’environ 400 ans avant Jésus-Christ. Bien que ce fléau ait toujours existé, l’Homme n’a pas encore trouvé de remède miracle contre ces cellules malignes. La recherche sur le cancer connaît une vive accélération depuis quelques années. A la fois passionnante, stimulante, exigeante ou déroutante, cette recherche a tout de même abouti à des avancées qui ont permis d’améliorer la prise en charge des patients. Alors qu’il y a 20 ans, nous ne parvenions à guérir qu’un cancer sur trois, un patient sur deux est en rémission aujourd’hui.
Il existe aujourd’hui une multitude de cibles potentielles permettant d’envisager le développement de nouvelles thérapies anti-cancéreuses innovantes. Ce travail de thèse s’inscrit plus particulièrement dans le cadre d’un projet de recherche visant à inhiber la Cathepsine D (CathD). En effet, cette protéase lysosomale est surexprimée et sécrétée par de nombreuses tumeurs solides. De plus, il a été montré que la CathD joue un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses, ainsi que dans le processus métastatique. Aujourd’hui, un très bon inhibiteur de la CathD existe : la pepstatine. Ce pseudo-hexapeptide n’est cependant pas capable de traverser les membranes cellulaires, et ne parvient donc pas à atteindre sa cible dans le système endolysosomal. C’est pourquoi des vecteurs sont développés au sein de notre laboratoire, sous la forme d’oligomères de mimes contraints de dipeptides, aussi appelés CPNP (Cell Penetrating Non Peptide). Un premier conjugué a été synthétisé antérieurement au travail présenté ici (le JMV4463). Il est composé d’un vecteur constitué d’un tétramère du motif AMPA (acide 2-(aminométhyl) phénylacétique), de la pepstatine, et d’une partie hydrophile nécessaire à la solubilisation du conjugué. Ce conjugué capable de franchir efficacement la membrane cellulaire, possède également des effets cytotoxiques sur différentes lignées de cellules cancéreuses. Les travaux présentés dans ce manuscrit s’appuient sur les résultats antérieurs obtenus pour ce conjugué JMV4463 .
Le cancer : chiffres, définition, cancérogénèse
Le cancer : épidémiologie
De nos jours, le cancer représente la première cause de mortalité dans les pays développés. Cette constatation est d’autant plus importante que l’espérance de vie ne cesse de s’allonger, et que le cancer touche préférentiellement les sujets âgés. Cette partie va être abordée par quelques chiffres traitant du cancer à l’échelle mondiale. Tout d’abord, observons la répartition mondiale de l’incidence et de la mortalité du cancer (Figures 2 et 3), que ce soit chez l’homme ou la femme, en 2012. L’incidence représente le nombre de nouveaux cas découverts dans l’année, et la mortalité le nombre de décès dus au cancer. Le cancer (tous types confondus) est une maladie qui touche principalement les pays développés tels que les Etats-Unis, le Canada, l’Europe et l’Australie. Cependant, les pays avec la plus forte incidence en 2012 ne sont pas nécessairement ceux où le cancer a fait le plus de ravages. En effet, la Russie et le nord de l’Asie sont les plus touchés en termes de mortalité.
A l’échelle mondiale, en 2012, il y a eu 14 090 149 nouveaux cas de cancer répertoriés (Figure 4, A). Comparé à la population mondiale, ce chiffre parait presque dérisoire (premier disque). Mais il s’agit bien là seulement des nouveaux cas. En effet, cette année là, on comptait déjà plus de 32 000 000 cas de cancer déclarés durant les cinq années précédantes. Les principaux types de cancer détectés sont ceux du poumon, du sein, du colon, de la prostate et enfin de l’estomac. Ils représentent à eux cinq environ 50 % des cancers (Figure 4, D).
D’autre part, en 2012, le taux de mortalité dû au cancer a été de 37%, chiffre qui est relativement stabilisé aujourd’hui (Figure 4, B). Parmi ces décès, nous pouvons constater que les cancers les plus meurtriers sont les mêmes que cités ci-dessus, représentant presque 50% des cas (Figure 4, C). Malgré les récents progrès effectués en cancérologie, cette pathologie demeure une priorité en santé publique, tant sur le plan du développement de nouveaux agents de chimiothérapie que sur le plan de l’accès aux soins et de la réduction de l’exposition aux facteurs mutagènes. Mais alors qu’est ce que le cancer ? Quels éléments font que cette maladie reste difficile à combattre ? Comment les tumeurs apparaissent-elles ? Des éléments de réponse vont être apportés dans ce chapitre.
Définition du cancer
Etymologiquement, le mot « cancer » est à l’origine un mot latin qui signifie « crabe». Cela viendrait de la première vision d’une tumeur cancéreuse du sein, avec une forme envahissante qui s’infiltrait et détruisait tout ce qui tombait entre ses « pinces». Cependant il n’existe pas « un » cancer mais une multitude de cancers. La classification des cancers a été établie suivant le type de cellules, de tissus ou de l’organe affecté au départ.
Quatre grandes familles peuvent être définies :
– Les carcinomes : type de cancer le plus fréquent (85%). Ils concernent les tissus minces (formés d’une ou plusieurs couches de cellules jointives), ou tissus épithéliaux.
– Les sarcomes : type de cancer rare (moins de 1%). Ils concernent les tissus conjonctifs de soutien de la structure de l’organisme, qu’ils soient communs ou spécialisés (par exemple osseux, cartilagineux, musculaire, adipeux…).
– Les lymphomes : ils concernent le tissu hématopoïétique. Ils se développent à partir des cellules du système immunitaire, le plus souvent dans les ganglions lymphatiques.
– Les leucémies : elles concernent les tissus de la moelle osseuse responsable de la production des globules blancs.
Aujourd’hui, d’après le Dr Bodin, la définition du cancer serait : « Prolifération importante, anarchique et indéfinie de cellules anormales d’un tissu ou d’un organe qui ont la capacité d’envahir et de détruire les tissus sains et de se disséminer dans l’organisme et dont l’évolution spontanée est la mort de l’individu porteur ». En effet, la cellule cancéreuse acquiert la capacité de se diviser à l’infini, tout en évitant d’entrer dans le processus d’apoptose. Cela la rend immortelle et engendre une croissance anarchique des tumeurs.
La cancérogénèse
Comme précisé ci-dessus, le nombre de divisions cellulaires d’une cellule est limité. Cependant, il y a dans notre corps des milliards de divisions cellulaires. Parmi toutes ces divisions, il parait normal que certaines se déroulent anormalement et donnent naissance à des anomalies. De plus, des facteurs externes peuvent perturber la cellule au moment de sa division, favorisant ainsi la formation de cellules anormales. Pour comprendre que le risque de cancer de chaque individu peut être élevé, nous pouvons faire un petit calcul. Nous sommes formés d’environ 10 000 000 000 000 de cellules. Cela implique que nous aurons 10 000 000 000 000 000 divisions cellulaires au cours de notre vie. Sachant qu’à chaque division, il y a un risque de 1/1 000 000 qu’un gène subisse une mutation, cela donne 10 000 000 000 risques de mutation au cours de la vie. Devant ce risque assez élevé de mutation, on peut plus aisément comprendre pourquoi le cancer touche un grand nombre de personnes. Cependant, la nature nous a donné la possibilité de remédier à cela puisqu’il existe, au sein de la cellule, des mécanismes permettant la réparation des mutations. Si la mutation est trop grave pour être réparée, la cellule lance son programme de suicide : l’apoptose. Dans le cas où la cellule ne réagit pas au signal d’apoptose, le corps envoie des globules blancs pour l’éliminer : la nécrose. Dans les cas où ces mécanismes de réparation et de destruction ne se mettent pas en route ou bien que la cellule n’y est plus sensible, celle-ci va se dupliquer en présence de sa mutation et possiblement engendrer la naissance d’un cancer.
Avant d’expliquer les différentes étapes de cancérisation, voici deux définitions à propos des gènes :
– Les oncogènes : comme leur nom l’indique, ce sont des gènes qui vont favoriser la formation des tumeurs. A l’état normal, ils influent positivement sur la croissance et la division cellulaire. Ils sont alors appelés proto-oncogènes. Lorsqu’ils sont mutés, ils deviennent des oncogènes et c’est une surexpression de ces gènes qui est préjudiciable pour l’organisme.
– Les suppresseurs de tumeur : ce sont des gènes qui contribuent au « non-développement » des cellules cancéreuses. En effet, ces gènes sont impliqués dans le processus d’apoptose de la cellule.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREAMBULE
CHAPITRE I : PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE
I) LE CANCER : CHIFFRES, DEFINITION, CANCEROGENESE
a. Le cancer : épidémiologie
b. Définition du cancer
c. La cancérogénèse
II) LES PRINCIPALES THERAPIES ANTICANCEREUSES ET LEURS CIBLES
a. Chirurgie
b. Radiothérapie
c. Immunothérapie
d. Chimiothérapie
i. Les inhibiteurs de topoisomérase I
ii. Les inhibiteurs de topoisomérase II
iii. Les agents alkylants
iv. Les antimétabolites
v. Les poisons du fuseau mitotique
vi. Les sels de platine
vii. Les inhibiteurs de protéasome
e. Les conjugués anticorps-médicament
f. Les inhibiteurs d’angiogénèse
i. Inhibiteurs de VEGF
ii. Les peptides RGD
iii. Inhiber l’activité tyrosine kinase
g. Les inhibiteurs de protéines kinases
h. L’hormonothérapie
i. La thérapie photodynamique (PDT)
j. Thérapie génique
III) LA CATHEPSINE D COMME CIBLE THERAPEUTIQUE
a. Structure
b. Rôles
i. Dans les cellules saines
ii. Dans les pathologies
c. Inhibiteurs de la cathepsine D
IV) DES VECTEURS POUR FRANCHIR LES MEMBRANES CELLULAIRES
a. La membrane cellulaire
b. Les CPP
i. Un peu d’histoire
ii. Structures et classification
1. Les CPP cationiques
2. Les CPP amphipathiques
3. Les CPP hydrophobes
iii. Mécanismes d’internalisation
1. L’endocytose
2. Translocation directe à travers la membrane plasmique
iv. Les CPP dans les thérapies anticancéreuses
v. Conclusion
V) TRAVAUX ANTERIEURS
a. Le DBT
i. Synthèse
ii. Tests de pénétration cellulaire
b. L’AMPA
i. Synthèse
i. Tests biologiques
CHAPITRE II : DEVELOPPEMENT DE NOUVEAUX VECTEURS DE PENETRATION CELLULAIRE ET ETUDE DU CONJUGUE JMV4463
INTRODUCTION
I) SYNTHESES DE PLATEFORMES PRECURSEURS DE NOUVEAUX VECTEURS
a. Synthèse d’un analogue de l’AMPA en série pyrrole
b. Synthèse d’un analogue de l’AMPA en série indole
c. Synthèses de dérivés de l’AMPA substitués
i. Synthèse d’un dérivé mono-méthoxylé en position 4
ii. Synthèse de dérivés di-méthoxylé en positions 3,4 et bromé en position 4
d. Autres dérivés de l’AMPA
e. Synthèse du dérivé du DBT en série benzodiazépine (LBD)
f. Conclusion
II) SYNTHESE PEPTIDIQUE
a. Types de synthèse
b. Sens de synthèse (SPPS)
c. Stratégies de synthèse et groupements protecteurs
d. Résines
e. Agents de couplage
i. Les carbodiimides
ii. Les sels de phosphonium
iii. Les sels d’uronium / aminium
f. Clivage et purification du peptide
g. Suivi de la synthèse peptidique sur support
i. Les tests colorimétriques
ii. Le dosage du Fmoc
III) ETUDE DE CONJUGUES ANALOGUES DU JMV4463
a. Synthèse des conjugués
b. Tests biologiques
c. Etude des relations structure-activité
i. Modification du vecteur
ii. Modification de la pepstatine
i. Modification de l’agencement des trois éléments constitutifs du JMV4463
IV) ETUDE IN VIVO DU JMV4463
a. Evolution du volume tumoral
b. Impact des traitements sur les souris
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
PARTIE EXPERIMENTALE
I) GENERALITES
a. RMN
b. HPLC analytique
c. HPLC préparative
d. LC-MS
e. LC-MS préparative
f. Chromatographie flash automatique
II) SYNTHESE DU DERIVE DE L’AMPA EN SERIE PYRROLE
a. Synthèse du 2-(1H-pyrrol-1-yl)propanoate de benzyle
b. Synthèse du 2-(2-formyl-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de benzyle
c. Synthèse du 2-(3-formyl-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de benzyle
d. Synthèse du 2-(2-((hydroxyimino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de benzyle
e. Synthèse du 2-(1H-pyrrol-1-yl)propanoate de tert-butyle
f. Synthèse du 2-(2-formyl-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de tert-butyle
g. Synthèse du 2-(3-formyl-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de tert-butyle 17-b
h. Synthèse du 2-(2-((hydroxyimino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl)propanoate de tert-butyle
i. Synthèse du 2-(2-formyl-1H-pyrrol-1-yl)acétate de tert-butyle
j. Synthèse du 2-(2-((hydroxyimino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl)acétate de tert-butyle
a. Synthèse du 2-(2-(aminométhyl)-1H-pyrrol-1-yl)acétate de tert-butyle
b. Synthèse du 2-(2-(((((9H-fluoren-9-yl)méthoxy)carbonyl) amino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl)acétate de tert-butyl
c. Synthèse du 1H-pyrrole-2-carbaldéhyde oxime
d. Synthèse du chlorure de (1H-pyrrol-2-yl)méthanaminium
e. Synthèse du (9H-fluoren-9-yl)méthyl((1H-pyrrol-2-yl)méthyl) carbamate
f. Synthèse du 2-(1H-pyrrol-1-yl)acétate de benzyle
g. Synthèse du 2-(2-formyl-1H-pyrrol-1-yl)acétate de benzyle
h. Synthèse du 2-(2-((hydroxyimino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl)acétate de benzyle
i. Synthèse du chlorure de (1-(carboxyméthyl)-1H-pyrrol-2-yl)méthanaminium
j. Synthèse de l’acide 2-(2-(((((9H-fluoren-9-yl)méthoxy)carbonyl) amino)méthyl)-1H-pyrrol-1-yl) acétique
k. Synthèse du 2-(2-(hexanamidométhyl)-1H-pyrrol-1-yl)acétate de tert-butyle
CONCLUSION
