Analyse qualitative des données obtenues avec les pièges photographiques

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Morphologie

Le chimpanzé est parmi l’animal le plus proche de l’homme, avec une ressemblance génétique de l’ordre de 98.5% (Barriel, 2004). La taille et poids des adultes varient selon le sexe et l’âge. Debout, les mâles atteignent une stature d’un mètre, les femelles étant légèrement plus petites. Le poids moyen des adultes est de 50 kg pour les mâles et 40 kg pour les femelles (Dorst et Dandelot, 1972). Les chimpanzés ont un corps lourd et robuste. Le sommet de la tête est arrondi ou même aplati, jamais élevé. Les oreilles sont larges et décollées de la tête. Les narines sont petites et la lèvre supérieure est très longue et mobile. Les dents sont plus développées chez les mâles avec de puissantes canines; les mains relativement allongées, en général rosâtres. Le dos est régulièrement incliné vers l’arrière. Les pieds et les mains ont cinq doigts ; les pouces des quatre membres sont opposables aux autres doigts. Contrairement à l’homme, leur pied sont préhensiles. Par conséquent les pieds peuvent servir à maintenir une tige pendant que les mains sont utilisées pour cueillir des fruits. Le pelage est en principe noir et tire parfois sur le brun, assez clairsemé, mais la longueur, la coloration et la distribution des poils varient largement selon l’âge, le sexe et le milieu. Le chimpanzé d’Afrique de l’ouest P.t.verus a le bas de face passant pour être toujours de couleur claire ; seul le front se dénude avec l’âge ; les mâles portent une « barbe » blanchâtre (Dorst et Dandelot, 1972).

Distribution du chimpanzé commun

En milieu naturel, le chimpanzé a une distribution discontinue et limitée en Afrique de l’Ouest et du Centre (Figure 4).
Mémoire de Master II/ 2020.Yaya Hamady NDIAYE/ Ecologie et Gestion des Ecosystèmes 9
Autrefois le chimpanzé vivait certainement sur la majeure partie de l’Afrique équatoriale, du sud du Sénégal au sud-ouest de la Tanzanie, occupant en totalité ou en partie 25 pays ou plus (Teleki,1989). Aujourd’hui il a disparu d’au moins trois pays : Bénin, au Burkina Faso et au Togo (Teleki, 1989 ; Kormos et al. 2004). Il s’agit d’une espèce adaptée à vivre dans différents biotopes : forêts pluviales, forêts claires, bosquets en savane, savanes arborées, brousses, forêts de montagne. Pan troglodytes à une aire de répartition qui s’étend du Sénégal à la Tanzanie. Des études récentes sur la génétique, la morphologie et la culture (Morin et al., 2016) ont permis de subdiviser le chimpanzé commun en quatre sous-espèces géographiques. P. t. verus en Afrique de l’Ouest, P. t. ellioti entre le Nigeria et le Cameroun, P. t. troglodytes en Afrique centrale et P. t. schweinfurthii d’Afrique de l’Est. C‘est l’espèce la plus répandue de toutes les espèces de primates simiens africains. L’aire de distribution du chimpanzé d’Afrique occidentale est aujourd’hui très fragmentée, il vivait autrefois dans 12 pays (Guinée Bissau, Sierra Leone, Liberia, Mali, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Ghana, Nigéria, Guinée-Bissau et Guinée Conakry) (Kormos et al., 2004). Sa distribution actuelle est parcellaire et couvre seulement neuf ou dix pays vue sa disparition du Bénin, du Burkina Faso et du Togo, il n’y a pas de preuves tangibles qui démontrent que le chimpanzé existait en Gambie (Grubb et al., 1998). Son aire de distribution actuel s’étend du sud-est du Sénégal au Dahomey Gap ou au fleuve Niger (Lee et al., 1988; Teleki, 1989).
Au Sénégal, on trouve les chimpanzés uniquement dans les régions Sud-Est du pays (Tambacounda et Kédougou) dans des zones souvent d’accès difficile pour l’homme. Les dernières estimations font état de 400 à 500 individus (Galat-Luong et al., 2000 ; Carter et al., 2003), Cependant, des études récentes ont montré que de nombreuses localités où la présence du chimpanzé est actuellement notée n’avaient pas été prises en compte lors de cette estimation (Ndiaye et al., 2018a). Selon (McGrew et al., 1978, 1979a et 1979b) seul 25 chimpanzés vivraient dans le Parc National du Niokolo-Koba. Et l’aire de distribution de cette seule communauté a été estimée à environ 250km² autour du Mont Assirik. Ces dernières années, plusieurs observations ont été faites dans la zone Est particulièrement sur l’axe Niokolo-Mako, durant les études sur la situation de référence du Chimpanzé dans le périmètre de Torogold en février 2013, 40 nids ont été relevés sur les transects parcourus (Ndiaye et al., 2013b). En outre des indices de présence de chimpanzé (nids, fèces, empreintes podales etc.) résultant d’observations et de contact visuel des agents des brigades mobiles d’intervention, ont été recensés au niveau des postes de Banghare, Sintiansily, Diamwélly, le secteur de Dalaba et l’axe Niokolo-mako. L’inventaire réalisé par Ndiaye, (1999) permet de déterminer six zones spécifiques d’importance pour les chimpanzés sur la base de la présence de nids, d’observations et de rapports des villageois: Diarha, Souti, Ethiolo, Diakhaba, Linguekoto et Diaguiri (Ndiaye, 1999). Et quatre des dix zones en dehors du parc présentent des fortes concentrations de nids de chimpanzés: Bandafassi, Fongolembi, Segou et Tomboronkoto (Pruetz et al. 2002). Le Sénégal est actuellement considéré comme une zone à haute valeur pour la conservation du chimpanzé d’Afrique de l’Ouest (Figure 5).
Zones protégées: 1 Azagny, 2 Badiar, 3 Banco, 4 Bia, 5 Boé, 6 Cantanhez, 7 Comoé, 8 Dulombi, 9 Gola, 10 Grebo-Krahn, 11 Haut Niger, 12 Kilimi, 13 Kouroufing, 14 Loma, 15 Mandé Wula, 16 Baf Moyening, 17 Mt. Sangbé, 18 Néma Wula, 19Nimba, 20 Nini-Suhien, 21 Niokolo Koba, 22 Outamba, 23 Sankan Biriwa, 24 Sapo, 25 Taï, 26 Western Area, 27 Wongo. Zones prioritaires: a Comoé, b Diéke, c Fouta Djallon, d Ghana-Côte d’Ivoire border, e GuineaGuinea-Bissau coastal, f Haute Sassandra – Mt Péko, g Haut Niger, h Lofa-Mano-Gola forests, i Loma mountains, j Manding plateau, k Marahoué, l Nimba mountains, m Outamba-Kilimi Frontière de la Guinée, n Taï-Grebo-Sapo-Cestos, o Ziama et Wonegizi.

Statut de conservation

Actuellement, le chimpanzé est menacé de disparition dans tous ses habitats en milieu naturel. Le Chimpanzé d’Afrique occidental (Pan troglodytes verus) est le plus menacé des espèces de chimpanzés. Il est classé « en danger critique » d’extinction sur la liste rouge de l’UICN depuis 2016 (Humle et al. 2016) par suite d’une réduction de son effectif de plus de 80% (Kühl, 2017). Au Sénégal, les chimpanzés jouissent d’un haut degré de protection internationale et nationale (Carter et al., 2003). Sur le plan international en plus d’être classé « en danger critique » d’extinction par UICN (2016) L’espèce est également inscrite à l’annexe 1 de la Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d’Extinction (CITES, 1973). Selon la loi sénégalaise, les chimpanzés sont sous protection intégrale sous l’article 67-28 du 23 mai 1967 et le décret 67-610 du 30 mai 1967 du Code de la Chasse et de la Protection de la Faune. Cette loi stipule la stricte interdiction de la chasse et la capture des espèces bénéficiant d’une protection totale, y compris les jeunes ou les bébés, sur toute l’étendue du territoire sénégalais excepté la capture pour des objectifs scientifiques approuvés. La protection des ressources forestières y compris l’habitat des chimpanzés est régie par l’article 093-06 du 4 février 1993 et par le décret 95-357 du 11 avril 1995 du Code Forestier. Les croyances traditionnelles et religieuses offrent encore plus de protection, car la consommation du chimpanzé est interdite (Carter et al., 2003).

Structure du groupe

Pour équilibrer les avantages et les inconvénients de la vie en groupe, les chimpanzés ont un système social de types fission-fusion dans laquelle les membres d’un même groupe forment des sous-groupes en perpétuelle mutation. Cela permet des réponses souples de la taille du groupe aux conditions extérieures, tout en conservant une stabilité du groupe (Lehmann et Boesch, 2004). Cette structure sociale fluide et dynamique permet aux chimpanzés plus de flexibilité pour exploiter les ressources disponibles dans leur habitat où la fructification des espèces d’arbres qui sont cruciaux pour leur alimentation est inégalement répartis ou saisonniers, minimisant ainsi les compétitions intra-groupes pour l’accès aux ressources alimentaires et aux sites de nidification. Ils fissionnent en période de disette et fusionnent quand les aliments sont abondants (Wrangham, 2002). La présence des femelles fertiles influence la structure du groupe (Goodall, 1986). Le risque de prédation est aussi une source de fusion du groupe afin de mieux se protéger mutuellement et dissuader les prédateurs (Lehmann et Boesch, 2004). Pour la compréhension d’une telle structure, des analyses basées sur le piégeage photographique peuvent fournir des estimations sur les effectifs des groupes de chimpanzés, la taille minimale des sous-groupes de chimpanzés et de ses variations saisonnières (McCarthy et al., 2018 ; Ndiaye et al., 2018). C’est aussi un moyen d’explorer la dynamique sociale des chimpanzés. Il peut aussi être utilisé pour étudier les interactions entre les chimpanzés et les autres espèces animales qui vivent dans le même habitat. C’est également un moyen de surveillance efficace pour les Aires Protégées.

Organisation sociale

L’organisation sociale du chimpanzé est influencée non seulement par les conditions environnementales mais également par les conditions sociologiques et démographiques au sein du groupe, par exemple le nombre de femelles, les coalisions entre individus, la disponibilité de femelles fertiles au sein du groupe. La taille du groupe est un caractère adaptatif qui répond à des facteurs écologiques, mais aussi sociales. Elle varie d’un groupe à l’autre selon la pression des prédateurs, la disponibilité des ressources, la qualité et l’étendu de l’habitat. Les chimpanzés vivent en communauté de 15 à 150 individus, avec une moyenne de 35 individus, dans des groupes multimâles/multifemelles (Goodall, 1986; Boesch et Boesch-Achermann, 2000b). La composition et la taille des sous-groupe dépendent principalement de la présence de femelles réceptives, la disponibilité de nourriture et l’activité des individus (Lehmann et Boesch, 2004). Les interactions sociales chez les chimpanzés peuvent être relativement complexes, avec des capacités à la coopération, la réconciliation, la coalition ou la formation d’alliances. La hiérarchie au sein des mâles est en général très formaliste, car ils communiquent leurs statuts entre eux. La hiérarchie au sein des femelles est assez vague. La communication des statuts entre elles étant rare. Les chimpanzés peuvent utiliser des stratégies sociales pour atteindre certains objectifs comme la nourriture ou l’accès aux femelles. Ils effectuent des toilettes réciproques qui représentent à la fois une fonction d’hygiène pour se débarrasser des ectoparasites et une fonction sociale. Utilisée comme un outil social, la toilette réciproque peut renforcer les liens entre les individus, réduire les tensions sociales ou créer des alliances entre des individus sans liens de parenté entre eux (Byrne et Whiten, 1988). Ainsi les chimpanzés vivent dans un système très souple capable de répondre rapidement aux changements environnementaux.

Alimentation

Le régime alimentaire des chimpanzés est essentiellement frugivore (Goodall, 1986 ; McGrew et al. 1988 ; Pruetz, 2006 ; Badji, 2019) et varie significativement entre les différentes populations et selon les saisons climatiques. Les fruits représentent quasiment plus de la moitié de leur alimentation, mais ils se nourrissent aussi d’autres parties de la plante comme les feuilles, les bourgeons, les graines, les fleurs, la tige, la moelle, l’écorce, (Goodall, 1986 ; Ndiaye, 1999 ; Badji, 2019). Au Sénégal le nombre d’espèces de plantes entrant dans le régime alimentaire du chimpanzé est estimé à environ 40 (Ndiaye, 1999; Pruetz, 2006; Badji, 2013).
Les protéines animales qui constituent environ 10% de leur diète proviennent d’insectes (fourmis, termites) (Goodall, 1986 ; Bogart et Pruetz, 2008). Mais aussi Dans certaines populations, les petits mammifères et autres primates font partie de leur alimentation, comme par exemple des singes verts (Cercopithecus a. aethiops), le colobe bai (Protocolobus badius), le babouin de guinée (Papio papio), le galago (Galago senegalensis), le potto bosman (Perodicticus potto) et le singe rouge (Erythrocebus patas) (Goodall, 1986 ; Pruetz, 2006).

Nidification

Les chimpanzés construisent des nids tous les jours pour dormir la nuit ou se reposer la journée (Nissen, 1931 ; Ndiaye 1999). La construction de nids se fait généralement dans le feuillage des arbres (Goodall, 1962). Mais il arrive que les chimpanzés nidifient sur le sol (Goodall, 1968; Pruetz et al., 2008 ; Hicks, 2010 ; Badji et al., 2017). Les arbres utilisés dans la nidification des chimpanzés ont en général le bois dur et flexible (Ndiaye, 1999 ; Stewart et al., 2007 ; Ndiaye et al. 2013). Les arbres les plus utilisés dans la nidification des chimpanzés au Sénégal sont Pterocarpus erinaceus, Diospyros mespiliformis, Anogeissus leiocarpus, Hexalobus monopetalus, Piliostigma thonningii (Ndiaye et al., 2013a ; Badji et al., 2017; Ndiaye et al., 2018a, b). La hauteur des nids varie en fonction des facteurs écologiques comme la taille des arbres, la présence ou absence de prédateur (Baldwin et al., 1981).

MATERIEL ET METHODES

Matériel

La réalisation de l’étude a nécessité l’utilisation de divers matériels dont :
 Des pièges photographiques à infrarouge pour les prises d’images et de vidéos ;
 Une paire de jumelle;
 Fiches de terrain et écritoires ;
 Un sac à dos pour le transport du matériel ;
 Un GPS (Global Positioning System) de marque (Garmin, etrex 10) pour prendre les coordonnées géographiques ;
 Un guide d’identification des mammifères ;
 Un véhicule de terrain.

Méthode

Piégeage photographique
Notre étude s’est basée essentiellement sur la méthode de piégeage photographique. Les données ont été recueillies entre Mai 2017 et Janvier 2020. Un total de 17 pièges photographiques ont été disposés pendant cette période dans le PNNK : 13 dans la zone d’Assirik et 4 dans la zone antenne suivant les positions indiquées sur la carte (Figure 6). Les pièges ont été déployés à des endroits stratégiques identifiés à la suite d’informations et de prospections préliminaires de l’équipe du projet RCA dirigé par les Dr Stacy Lindshield et Papa I. Ndiaye. La présence de certains indices comme les nids frais ou récents, les arbres dont certaines parties sont consommées par les chimpanzés ou utilisées pour la construction des nids nous ont permis de savoir si les endroits choisis sont adéquats pour poser les CT.
Pour cette étude, nous avions installé 17 pièges photographiques de types Reconyx et Bushnell. Les caméras fonctionnaient 24 h/j, déclenchaient en continu pour une prise consécutive de 3 photos lorsqu’un mouvement est détecté à portée. Les pièges étaient réglés de sorte qu’un intervalle de temps compris entre 1 minute sépare plusieurs séries de photos quand cela a lieu. Le délai entre la réception du détecteur et la prise de vue était fixé à 0,5 secondes.
Les appareils sont généralement placés à des endroits stratégiques comme les points d’eau, les couloirs de passage ou à l’intérieur des galeries forestières qui constituent les biotopes de prédilections de nombreux animaux et surtout des chimpanzés. Les CT sont le plus souvent fixé entre 30-40 cm du sol. Cependant, il faut éviter d’exposer les appareils face aux rayons solaires. Les pièges étaient disposés de sorte à éviter l’exposition à des branches d’arbres ou des herbes pouvant provoquer la prise d’images. Les appareils sont munis de capteurs sensibles aux mouvements d’animaux qui traversent leurs objectifs dans un champ de 15 à 20 mètres (plage de détection). Sur chacune des photos apparaît la date, la température et l’heure de la prise. Les LED (light-emitting diode) infrarouge fournissent l’éclairage pour une bonne et nette prise d’images pendant la nuit ou en condition d’obscurité. Elles fonctionnaient avec des piles rechargeables et contenaient des cartes SD de 16 Go.
Pour analyser les images, nous avons d’abord supprimé toutes les images provoquées par de faux déclencheurs, c’est-à-dire des branches mobiles, la lumière directe du soleil ou des feux de brousse. Nous avons ensuite séparé les photographies des chimpanzés de celles des autres espèces de mammifères. Pour identifier les chimpanzés, nous avons trié toutes les photos contenant au moins une image de chimpanzé. Nous avons ensuite classé les individus selon l’âge et le sexe. Ensuite, nous avons utilisé des marques distinctives : la forme de l’oreille; la forme et la couleur du visage; la taille; la couleur et l’abondance des poils (front, dos, …); la forme du mamelon y compris des cicatrices physiques pour distinguer les individus.
Les données recueillies des images de pièges photographiques ont été stockées dans le tableur Excel et l’analyse du tableau dynamique croisé nous ont permis de calculer les taux de captures des espèces photographiées, mais aussi à élaborer des figures graphiques.
Pendant le traitement des images, nous avons observés le comportement des chimpanzés et ceci nous a permis de définir un certain nombre d’activités (Dia, 2010 ; Boy, 2018) :
Alimentation : activité en relation directe avec l’acquisition, la manipulation et le transport de nourriture ou d’eau de boisson.
Accouplement : correspond à une monte ou une monte avec poussées entre mâle et femelle.
Exploration de la caméra : inspection visuelle, tactile, olfactive ou gustative de la caméra.
Jeux : lorsque le chimpanzé joue seul ou avec un congénère ou toute sollicitation de jeu.
Passage : un ou plusieurs chimpanzés passe devant la caméra sans manifester un comportement exploratoire.
Repos : le chimpanzé est assis ou couché avec les yeux ouverts ou fermés.

RESULTATS ET DISCUSSION

Résultats

Les dix-sept pièges photographiques déployés sur le terrain ont fonctionné pendant 341 jours et ont enregistré au total 26770 dont 22491 photos avec animaux sauvages. L’exploitation de ces images nous a permis d’aboutir aux résultats présentés ci-dessous.

Analyse qualitative des données obtenues avec les pièges photographiques

Les particularités des individus observés sur les images du piégeage photographique nous ont permis de différencier deux groupes de chimpanzés avec au moins 11 individus à Assirik et 8 individus à la zone Antenne. Ces individus sont présentés aux Figures 8 et 9. Les particularités de ces individus sont indiquées ci-dessous :

Discussion

Nous avons identifié au cours de cette étude 19 individus de chimpanzés sur une durée de 341 jours de piégeages photographiques. Selon les études de McGrew et al. (1981) lors du projet Stirling primates africains (PRAS), au moins 24 individus seraient présents à Assirik. Le projet Stirling primates africains à durée plus de 3 ans, de février 1976 à décembre 1979 fut ainsi largement beaucoup plus long que la présente ce qui pourrait expliquer cette différence du nombre d’individus identifiés. De plus les données recueillis par le PRAS s’est déroulé dans un écosystème intact (Baldwin, 1979) ou les changements climatiques et les pressions anthropiques actuelles ne s’exerçaient pas sur le parc.
L’utilisation des pièges photographiques nous a permis d’obtenir une multitude de résultats en relativement peu de temps, l’identification de 19 individus en 341 jours de piégeages photographiques. Par rapport aux piégeages photographiques la méthode standard directe d’observations comportementales de primate, l’identification individuelle et le comportement de regroupement sont obtenus seulement suite à un long processus d’accoutumance et de collecte de données comportementales (Williamson et Feistner, 2003). La méthode des piégeages photographiques fournie un apport considérable quant à la diversité d’information pouvant être recueillir en peu de temps. En comparant les études de Pruetz et Bertolani (2007) et de Boyer-Ontl et Pruetz (2014), la première étude qui s’appuie sur les méthodes standards a pris une durée supérieure à 54 mois pour l’identification positive des individus dans une seule communauté de chimpanzés. Tandis que la seconde basée sur les CT a pris seulement que 24 mois pour identifier des individus dans deux communautés de chimpanzés différents et produit une évaluation relativement rapide des compositions de groupe. On s’aperçoit ainsi que la méthodologie des piégeages photographiques offre au chercheur des avantages en matière de temps et de diversités d’information recueillir. Pour une espèce comme le chimpanzé commun et particulièrement celui d’Afrique de l’Ouest, espèce emblématique du Sénégal à habitat naturel et menacée d’extinction, la rapidité d’obtention d’informations fiables et sur le long terme est cruciale dans leur stratégie de conservation. Certes d’autres méthodes récentes dont l’analyse génétique d’échantillons fécaux prélevés ont prouvées leur efficacité dans l’identification des individus de communautés de chimpanzé. Comme illustré par McGrew et al., (2004), qui ont indiqués à partir de preuves génétiques la présence d’au moins 16 individus (3 mâles et 13 femelles) à l’intérieur de la zone d’Assirik en 2000. Cependant, ces méthodes peuvent être coûteuses et la préservation des échantillons peut être difficile sur certains sites (Boyer-Ontl et Pruetz, 2014). A la différence des résultats obtenus par McGrew et al., 2004, nos résultats donnent plus de détail sur la composition du groupe plus particulièrement la classe d’âge qui la compose. A Antenne 8 individus ont été identifiés 4 adultes (2 mâles, 2 femelles), 2 sub-adultes et 2 juvéniles. Le nombre d’individus identifiés à Assirik est de 11, 8 adultes (2 mâles, 5 femelles et 1 individu de sexe non identifié), 2 sub-adultes et 1 juvénile. Ces résultats donnent des informations importantes sur la situation actuelle du chimpanzé au PNNK, groupe formé d’un petit nombre d’individu et des mesures à prendre face à cette situation.
Dans les populations animales sauvages non accoutumées, le comportement de fuite en présence d’humain est très fréquent. Chez les chimpanzés du PNNK, ce comportement de fuite constitue un frein majeur dans l’obtention de données du groupe, ce qui illustre une limitation de l’observation directe en quantité et qualité d’information. Ainsi à Antenne, les chimpanzés sont depuis longtemps considérés comme faisant partie du groupe d’Assirik. Les résultats issus des pièges photographiques nous permettent d’émettre l’hypothèse selon laquelle deux groupes de chimpanzé pourrait exister au PNNK. En effet aucun des individus identifiés n’a été retrouvé sur les deux sites ce qui suggère l’éventualité de deux groupes. En outre les résultats montrent une fréquence largement plus importante des chimpanzés à Antenne. Cependant les taux de captures de photos de chimpanzé par CT est plus élevés à Assirik. La différence de fréquence des chimpanzés dans les deux sites pourrait être expliqué par la dimension plus ou moins restreinte de la zone Antenne qui fait que les chimpanzés en quêtent de nourriture pouvaient passer plusieurs fois devant les mêmes caméras. Tandis que l’immensité d’Assirik faisait que certains chimpanzés pouvaient empruntés plusieurs chemins et donc passés moins de deux fois devant les caméras durant toute la période de l’étude. Le taux de capture de chimpanzé élevé à Assirik s’expliquerait par le fait que les caméras étaient placées dans des zones de prédilections favorable à la capture photographique de chimpanzés. Cependant même si le même principe fut appliqué à Antenne, le nombre réduit de points d’eaux dans cette zone attirait beaucoup d’animaux d’où le taux de capture était reparti entre espèce et par conséquent réduisait celui du chimpanzé.
En outre la topologie et la végétation dense de certains sites d’études les rendent inaccessible pendant une certaine période de l’année. A Assirik le terrain est quasiment impraticable pendant toute la saison des pluies, ces contraintes sont susceptibles de limiter les connaissances de l’écologie des chimpanzés durant cette période. Les pièges photographiques ne sont en aucun cas limités et de cette façon ils nous ont permis de recueillir des données sur les membres du groupe. Et avec un système social de fission-fusion dans lequel tous les membres du groupe social « communauté » sont rarement ou jamais trouvés ensemble au même endroit en même temps, mais s’associent plutôt à des « sous-groupes » temporaires qui varient en taille, durée et composition (Goodall, 1986). Des analyses basées sur des pièges à caméras ont fourni des estimations de la taille minimale des partis chimpanzés et de ses variations saisonnières (McCarthy et al., 2019). Les résultats de notre étude montrent que les sous-groupes à Assirik et à Antenne étaient constitués au maximum de 7 individus. De plus Les pièges photographiques offrent la possibilité de surveiller continuellement une population indéfiniment (ou presque indéfiniment) et peut être utilisé pour évaluer les tendances démographiques des primates (Pebsworth et LaFleur, 2014). Et d’autres part à long terme les piégeages photographiques peuvent reconstruire la composition du groupe, y compris les naissances, les disparitions et les intervalles d’inter naissance (Galvis et al., 2014). L’identification des individus du PNNK dans cette étude contribue considérablement à comprendre à l’avenir les tendances démographiques mais aussi les migrations intergroupes cas pour des groupes de chimpanzés en nombre aussi petits une diminution de la densité de la population de chimpanzés serait problématique, comme une réduction du nombre laisserait la population des crises plus sensibles aux naturels, tels que les pénuries alimentaires dans des conditions de sécheresse (Pruezt et al., 2002). En Afrique et particulièrement au Sénégal ou les activités humaines tel que le braconnage constitue une grande menace vis-à-vis de la faune mammalienne, l’utilisation des pièges photographiques est une option robuste pour la surveillance. En effet nos résultats ont montré que le braconnage était presque inexistant dans les deux sites d’études. Ce constat pourrait être expliqué à la zone Antenne par sa proximité de la route nationale (N7) et à Assirik par la présence régulière des guides et agents des parcs nationaux dans la zone.
L’autre point important dans l’utilisation des CT est leur capacité à fournir des informations sur des espèces comme le chimpanzé, difficiles à observer sur le terrain. Cette méthode donne aussi des informations sur les espèces sympatriques au chimpanzé et les interactions interspécifiques n’est pas facilement observable lors du suivi d’un groupe (Boyer-Ontl et Pruezt., 2014), car en général les sujets étudiés sont non craintifs et non les autres espèces sympatriques. Les résultats de notre étude ont montré que 24 espèces sont sympatriques aux chimpanzés à Assirik et 17 espèces à zone Antenne. Les études de Lindshield et al. (2019) et Sylla, (2019) ont recensées dans l’ordre successive que 33 espèces de mammifères à Assirik et 8 à zone Antenne. Ces différences de résultats peuvent être expliquées pour la première étude, Lindshield et al. (2019) par le fait que dans notre étude les caméras étaient placées dans des zones stratégiques destinées à prendre des photos de chimpanzés. Ainsi les espèces recensées dans cette étude ne reflètent que l’ensemble des espèces rencontrées à Assirik mais plutôt celles qui partages certaines ressources (eaux, …) ou empruntes les mêmes couloirs de passage que les chimpanzés. Pour la seconde étude les différences peuvent s’expliquées par la durée des études, la nôtre étant largement plus longue à celle de Sylla, (2019) (3 mois). Les prédateurs potentiels du chimpanzé détectés sont le léopard (Panthera pardus), l’hyène tachetée (Crocuta Crocuta) et le chien sauvage (Lycaon pictus). Ces résultats corroborent avec ceux de McGrew et al., (2014) et Lindshield et al. (2019), lesquels confirment en plus de la présence de ces 3 prédateurs celle du lion (Panthera leo). L’absence du lion dans nos résultats pourrait s’expliquer d’une part au déclin de la population de lion au PNNK (McGrew et al., 2014) et d’autre part par l’emplacement des caméras qui se trouvent dans des zones généralement moins fréquentées par les lions. La faune des primates à Assirik est pauvre avec seulement 4 espèces. Cependant les babouins y prospèrent bien (Hunt & McGrew, 2002), et représentent les principaux concurrents des chimpanzés. Cette étude est la première qui montre la fréquence de la faune sympatrique des chimpanzés en fonction de nos deux sites d’études et en fonction des saisons. Selon les résultats obtenus la diversité biologique et le nombre d’espèce sympatrique au chimpanzé est plus importante à Assirik et encore plus en saison sèche. Cela serait dû au fait que les deux zones d’étude ne sont pas influencées par les activités humaines de la même manière mais aussi de la différence du type d’écosystème. En effet Antenne est très proche de la route nationale (N7) la pollution sonore y est omniprésente, de plus il y’a moins de forêt galerie et donc moins de points d’eaux ce qui pourrait expliquer le nombre faible d’espèce dans la zone. Quant à Assirik sa position à l’intérieur du parc et ces multitudes de points d’eaux à l’intérieur de plusieurs forêts galeries offrent un ensemble de conditions qui favorise le développement de nombreuses espèces dans la zone.
Nous constatons que la méthodologie du piégeage photographique permet d’étendre la présence de la recherche et d’accroitre les efforts de conservation à une plus grande zone en étudiant de multiples groupes de chimpanzés de manière concordante (Boyer-Ontl et Pruezt, 2014). La présence de la recherche couvre finalement une plus grande superficie dans un laps de temps plus court.A

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Zone d’étude
I.1.1. Température
I.1.2. Pluviométrie
I.1.3. Climat
I.1.4. La végétation
I.1.5. La faune
I.2. Espèce étudiée
I.2.1. Morphologie
I.2.2. Distribution du chimpanzé commun
I.2.3. Statut de conservation
I.2.4. Structure du groupe
I.2.5. Organisation sociale
I.2.6. Alimentation
I.2.7. Nidification
CHAPITRE II. MATERIEL ET METHODES
II.1. Matériel
II.2. Méthode
Piégeage photographique
CHAPITRE III. RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. Résultats
III.1.1. Analyse qualitative des données obtenues avec les pièges photographiques
III.1.1.1. Activités des chimpanzés
III.1.1.2. Distribution des chimpanzés dans les sites d’études
III.1.1.3. Les espèces de mammifères sympatriques
III.1.2. Analyse quantitative des données de piégeage photographique
III.2. Discussion
Conclusion, Recommandations et Perspectives
Références bibliographiques

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