Pourquoi le continent Antarctique fascine autant ?

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Le continent Antarctique

La decouverte de l’Antarctique

Depuis le Vème siecle, la theorie des pythagoriciens sur l’existence d’un imposant continent de glace au pole Sud a longtemps suscite des debats et a et´ a` l’origine d’un imaginaire debordant et contradictoire de la part des scientifiques, des journalistes, des explorateurs polaires mais egalement des vulgarisateurs et ´ecrivains de l’´epoque. D’apr`es Bernardin de Saint Pierre, l’existence de ce continent expliquerait bien le d´eluge, les mar´ees, les courants, les aurores et la vie. Dans “le monde givr´e”, Fr´ed´erique R´emy r´esumait ces ´echanges comme suit “le scientifique introduit l’explorateur qui s´eduit l’´ecrivain qui excite l’explorateur qui relance le scientifique qui stimule le vulgarisateur qui inspire l’´ecrivain qui provoque le scientifique”. Il a fallut attendre le d´ebut du XIXème si`ecle pour que l’Antarctique soit d´ecouverte par le russe Bellingshaussen, en 1820. Cette d´ecouverte a et´ motiv´ee par les conquˆetes des terres inexplor´ees et les courses a` la d´ecouverte par de nombreuses exp´editions organis´ees par de grands explorateurs soutenues par leurs gouvernements.
Apr`es la d´ecouverte arrive le temps de l’exploration de ce continent. Le 21 Janvier 1840, l’exp´edition fran¸caise command´ee par Jules Dumont d’Urville fut la premi`ere a` planter leur drapeau sur les terres Antarctiques, suivi quelques jours plus tard par la flotte am´ericaine de Charles Wilkes. Les scientifiques attires alors vers ce continent ´etaient botanistes, ethnographes ou hydrologues. Ce furent les m´edecins et naturalistes qui eurent l’id´ee d’installer douze stations d’observations pluridisciplinaires autour des pˆoles Nord et Sud pendant la premi`ere “Ann´ee Polaire Internationale” de 1883. La course au pˆole Sud g´eographique fut gagn´ee par Amundsen le 18 d´ecembre 1911, quelques semaines avant le britannique Scott dont l’exp´edition enti`ere p´erit sur le chemin du retour. En 1943, l’op´eration am´ericaine Highjump, la plus imposante exp´edition jamais envoy´ee en Antarctique en terme de ressources humaines et logistiques, permit de nombreux survols et la collecte de donn´ees plus pr´ecises pour la cartographie et la topographie, grˆace aux importants moyens m´ecaniques et techniques d´evelopp´es pendant la guerre. Le lancement de l’“Ann´ee G´eophysique Internationale” durant l’hiver 1957-1958, au cours de laquelle quarante huit stations scientifiques ont et´ install´ees, dont quatre a` l’int´erieur du continent, marque le d´ebut de notre connaissance de l’Antarctique d’un point de vue purement scientifique. Cette coop´eration internationale a ouvert la voie au trait´e sur l’Antarctique qui conf`ere a` ce continent un statut unique destin´ a` la science, aux actions pacifiques, a` la pr´eservation des ressources naturelles et a` la protection de la biodiversit´.

G´eographie

L’Antarctique est le continent le plus m´eridional de la Terre. Il est situ´e autour du pˆole Sud et est  entour´ de l’oc´ean austral. Il repr´esente un peu plus de 8 % des terres emerg´ees de l’ensemble de la plan`ete. Avec une superficie de 14 millions de km2 et une largeur d’environ 4000 km, l’Antarctique est presque grand comme la Russie et une fois et demie la surface de la Chine. Il est recouvert d’une ´epaisse couche de glace d’´epaisseur moyenne de 2000 m, pouvant d´epasser 4000 m a` certains endroits. L’int´erieur du continent o`u l’altitude de la surface d´epasse en moyenne les 2000 m s’appelle le plateau Antarctique et a une pente de surface inf´erieure a` quelques m`etres par kilom`etres. Le volume de la glace recouvrant le continent est pr`es de 30 millions de km3. Ce volume repr´esente a` peine plus de 2 % des eaux terrestres, mais pr`es de 75 % des eaux douces et 90 % des glaces terrestres. La glace qui recouvre l’Antarctique repose en partie sur un socle rocheux, ce qui lui conf`ere le titre de continent. Ce socle est enfonc´ de pr`es de 700 m en dessous de l’oc´ean, notamment sur la partie ouest, sous le poids de la glace qui la recouvre : il s’agit de l’isostasie, li´ee a` une r´epartition des masses entre la lithosph`ere et la glace.
L’Antarctique est s´epar´ en deux parties par la chaˆıne de montagne Transantarctique longue de plus de 4000 km et d’altitude parfois sup´erieure a` 5000 m. On distingue l’Antarctique de l’Est ou l’Antarctique oriental, plus grand et situ´e a` l’est du m´eridien 0° et l’Antarctique de l’Ouest ou l’Antarctique occidental, plus petit. Ce dernier se prolonge par la p´eninsule Antarctique jusqu’`a la latitude 63 °S, la partie la plus au nord du continent.
L’Antarctique oriental est bord´e par les oc´eans Atlantique et Indien. Il s’´etend de Victoria Land jusqu’au Queen Maud Land. La glace de cette partie repose sur un socle rocheux situ´e en moyenne a` quelques centaines de m`etres au-dessus du niveau de la mer, ce qui le stabilise compar´ee aux autres parties. Cette partie semble aussi pour l’instant “inerte” en raison de sa stabilit´e face aux alt´erations du climat actuel (Mart´ın-Espa˜nol et al., 2016).
L’Antarctique occidental est quant a` lui bord´e par l’oc´ean pacifique et s’´etend de la terre de Mary Byrd jusqu’`a la p´eninsule Antarctique. Son socle rocheux plonge sous le niveau de la mer, ce qui rend cette partie de l’Antarctique tr`es instable et fait l’objet de pr´eoccupation r´ecente en raison d’une importante perte de masse suite a` l’acc´el´eration des ´ecoulements de ses glaciers. Les causes de cette acc´el´eration sont toutefois encore tr`es mal connues.
Entre les deux parties, il y a deux plates-formes de glace flottante, celle de Ross et celle de Ronne-Filchner, chacune respectivement grande de 473000 km2 et 526000 km2, soit environ la surface de la France et presque 9 fois la surface du Togo. Les plates-formes de glace sont d’´epaisses langues de glace de plusieurs centaines de m`etres d’´epaisseur, ancr´ees sur le socle rocheux et qui s’avancent en flottant sur l’oc´ean. Elles constituent les points d’´ecoulement de la glace vers l’oc´ean par d´etachement de blocs de glace sous forme d’icebergs.
Sous la glace de l’Antarctique, on trouve plusieurs lacs sous-glaciaires dont le plus c´el`ebre est le lac Vostok d´ecouvert en 1996. L’Antarctique abrite ´egalement des volcans sous-glaciaires. Le continent reste encore de nos jours peu connu et soumis a` des m´ecanismes qui ne sont pas encore tous bien compris.

Pourquoi le continent Antarctique fascine autant ?

L’Antarctique est tout d’abord le continent de tous les superlatifs et ensuite la glace qui la recouvre constitue l’une des plus grands archives glaciaires de la Terre.

Le continent des superlatifs

L’Antarctique est le continent le plus froid, le plus vent´ et le plus sec de la Terre. La temp´erature terrestre la plus froide, -89.2 °C, a et´ officiellement enregistr´ee le 21 juillet 1983 a` la station russe Vostok. La temp´erature en surface d´ecroit en moyenne de -15 °C a` -60 °C des cˆotes vers l’int´erieur du continent. Le climat tr`es froid du continent s’explique par de nombreux m´ecanismes qui se compl`etent. Etant centr´ au pˆole Sud, l’Antarctique subit une faible exposition `a la radiation solaire en raison de la forte inclinaison des rayons solaires qui lui parviennent et qui doivent r´echauffer une importante surface. La neige et la glace renvoient en moyenne 80 % de la radiation solaire re¸cue. En combinant ces deux effets, l’Antarctique re¸coit donc tr`es peu de radiation solaire. A cela, il faut ajouter le faible taux de vapeur d’eau (gaz `a effet de serre naturel) dans l’atmosph`ere de l’Antarctique, qui habituellement pi`ege la chaleur pour r´echauffer la surface. Ainsi le peu de radiation solaire re¸cue par la surface est ensuite presque totalement perdue en l’absence de gaz `a effet de serre. En plus,la taille du continent du continent ajout´ee `a l’extension des glaces de mer qui double sa superficie en hiver l’isolent des influences temp´er´ees des oc´eans. Enfin, il faut noter l’effet de l’altitude. En g´en´eral, la temp´erature diminue lorsque l’altitude augmente, par exemple `a partir de 3000 m d’altitude la temp´erature diminue de presque 20 °C par rapport `a celle du niveau de la mer. Toutes ces caract´eristiques font de l’Antarctique le continent le plus froid, qui joue un rˆole important dans la circulation atmosph´erique globale.
L’air sur le plateau Antarctique est froid et dense. Sous l’effet de la gravitation, la masse d’air froide et dense circule du plateau vers les r´egions cˆoti`eres et l’oc´ean. En direction des cˆotes, en d´evalant les pentes, la masse d’air s’acc´el`ere en cr´eant des vents forts et persistants dits “vents catabatiques”. Les vitesses moyennes de ces vents a` Dumont d’Urville sont de l’ordre de 40 km h–1. Parfois, ils peuvent atteindre des vitesses instantan´ees ph´enom´enales de plus de 200 km h–1. Une vitesse maximale de 320 km h–1 a et´ mesur´ee a` Cap Denison en terre Ad´elie. La fr´equence et la vitesse des vents catabatiques d´eterminent le climat et l’´etat de surface des r´egions qui le subissent r´eguli`erement. Ils contrˆolent la redistribution de la neige pr´ecipit´ee ou transport´ee et sculptent ainsi la surface de la calotte a` des ´echelles diff´erentes. On distingue des ´echelles centim´etriques, la micro-rugosit´e, a` des ´echelles m´etriques, des sastrugi et des m´egadunes. Ces vents rendent presque impossible la mesure directe du taux d’accumulation de la neige et sont la cause d’une des difficult´es de la t´el´ed´etection spatiale. Les impacts de ces vents sur les mesures altim´etriques seront abord´es plus loin dans les chapitres 3 et 4.
D’un point de vu climatique, l’Antarctique peut ˆetre class´e parmi les r´egions les plus d´esertiques du globe, comme le Sahara ou le d´esert d’Atacama, en raison du faible taux de pr´ecipitations dont il b´en´eficie a` cause de son atmosph`ere froid et tr`es sec. Les pr´ecipitations restent inf´erieures a` 5 cm an–1 sur une bonne partie du continent mais sont en moyenne plus faibles a` l’int´erieur du continent que dans les r´egions cˆoti`eres, soient respectivement quelques centim`etres par an contre quelques dizaines de centim`etres par an (Vaughan et al., 1999). Aussi, l’Antarctique de l’Est re¸coit moins de pr´ecipitation par an que l’Antarctique de l’Ouest et encore beaucoup moins que la p´eninsule Antarctique.

La calotte Antarctique : archives des climats anciens, actuels et futurs

Deux th´eories s’additionnent pour expliquer l’origine exacte de la glaciation qui a conduit a` la formation de la calotte Antarctique. Il y a d’une part, le passage de Drake, c’est a` dire la s´eparation des plaques tectoniques entre l’Antarctique et l’Am´erique du sud et entre l’An-tarctique et l’Australie, qui a donn´e naissance au puissant courant circumpolaire qui a isol´e et refroidit le continent. D’autre part, une forte diminution du taux du dioxyde de carbone dans l’atmosph`ere (excellent gaz a` effet de serre) a et´ evoqu´ comme le d´eclencheur de la glaciation. Le refroidissement du climat a donc favoris´e des pr´ecipitations sous forme solide sur le continent. Les premi`eres glaces ont commenc´ a` se former il y a 30 millions d’ann´ees, et la calotte Antarctique telle qu’on la connaˆıt aujourd’hui s’est form´ee il y a environ 15 millions d’ann´ees. La neige qui se d´epose sur le continent, s’enfouit et se transforme progressivement en glace sous le poids des accumulations successives de neige et ceci durant des mill´enaires. Les modulations saisonni`eres du climat affectent diff´eremment les couches de neige. La calotte Antarctique, vieille de centaines de milliers d’ann´ees, est donc constitu´ee d’une alternance de couches de neige successives de diff´erentes propri´et´es (taille des grains, densit´e, temp´erature, rugosit´e de surface). Sachant que ces propri´et´es sont fonction des conditions atmosph´eriques du moment, la calotte renferment donc des informations qui permettent non seulement de reconstituer les climats pass´es a` partir des carottages (pal´eoclimat, par analyse des bulles d’air emprisonn´ees dans la glace), mais aussi d’en suivre l’´evolution actuelle et future.
Les analyses des ´echantillons de glaces issus des carottages glaciaires r´ealis´es en Antarctique ont permis de reconstituer l’´evolution des temp´eratures et la composition de l’atmosph`ere sur plusieurs p´eriodes glaciaires. Les plus c´el`ebres de ces carottages sont celui de Vostok et celui de Dˆome C pendant le projet EPICA (European Project for Ice Coring in Antarctica). Le forage de 3623 m de profondeur de Vostok a permis d’extraire jusqu’`a 420000 ans d’histoire du climat pass´e. Il a permis de mettre explicitement en ´evidence, pour la premi`ere fois, le lien entre les gaz a` effet de serre et le climat. Le forage EPICA a, quant a` lui, permis de remonter jusqu’au 800000 ans d’histoire du climat pass´e (deux fois plus anciennes que celui de Vostok) avec un forage de 3260 m de profondeur (Jouzel et al., 2007). Non seulement ils offrent des archives climatiques, mais aussi les carottages renseignent sur des ev´enements environnementaux comme par exemple les p´eriodes d’activit´e des grands volcans, les p´eriodes des tests des bombes atomiques entre 1954 et 1963.
La neige qui se d´epose en surface de la calotte peut mettre plus de 5000 ans avant de se transformer en glace. Les 100 premiers m`etres de la calotte polaire Antarctique sont en fait compos´es de cette neige pas encore transform´ee totalement en glace, appel´ee n´ev´. Le n´ev´ est constitu´e de plusieurs couches de neige successives. Chaque couche de neige acquiert des caract´eristiques sp´ecifiques aux conditions m´et´eorologiques lors de son d´epˆot. Par exemple, les couches de neige d´epos´ees l’´et´ sont moins denses et constitu´ees de gros grains de neige favoris´es par les fortes temp´eratures tandis que les couches de neige hivernales sont plus denses, compos´ees de petits grains et sont plus ´epaisses (Gow, 1969). Chaque couche de neige renferme donc des informations li´ees aux taux d’accumulation, a` la temp´erature et au vent. Or, ces caract´eristiques varient spatialement et temporellement. Par cons´equent, les diff´erentes propri´et´es de la neige de surface sont donc des indicateurs climatiques qui permettent de suivre les modulations r´ecentes du climat. La mesure directe de ces diff´erentes propri´et´es de la neige est souvent difficile a` cause de la taille et des conditions extrˆemes du continent Antarctique et c’est l`a o`u intervient l’int´erˆet de la t´el´ed´etection spatiale pour rendre compte de leur ´evolution sur l’ensemble du continent.

Dynamique de la calotte Antarctique

Les calottes polaires peuvent mettre des milliers d’ann´ees avant de r´eagir a` une perturba-tion climatique. Par exemple, l’Antarctique subit encore de nos jours l’effet des fluctuations de temp´erature de la fin de la derni`ere p´eriode glaciaire ainsi que l’effet potentiel des perturbations actuelles. La calotte polaire est fa¸conn´ee par divers processus sur des ´echelles de temps vari´ees (Fig. 1.2) (R´emy and Frezzotti, 2006). Ces processus sont forts nombreux, complexes, et d´e-pendent d’´echelles de temps tr`es diff´erentes si bien que l’´equilibre stationnaire de la calotte n’est math´ematiquement pas envisageable. Tout d’abord les processus qui r´eagissent a` des ´echelles de temps tr`es longues face au climat sont les vitesses d’´ecoulement de la glace et le rebond post-glaciaire (l’isostasie). En effet, la glace ´etant un excellent isolant par rapport a` l’oc´ean, les fluctuations de temp´erature de surface mettent des milliers d’ann´ees pour atteindre le socle de la calotte et modifier les temp´eratures en profondeur et par l`a ´egalement les vitesses d’´ecoulement de la glace. L’ajustement par isostasie du socle rocheux ou rebond post-glaciaire est li´e aux variations de volume de la glace, qui en augmentant enfoncerait le socle rocheux et inversement, est un processus tr`es lent qui peut prendre des milliers d’ann´ees. Ensuite, il y a les processus aux conditions limites de la calotte avec l’oc´ean, tels que les ´ecoulements des fleuves de glaces, la stabilit´e des plate-formes et le niveau de la mer (notamment fonte et regel a` la base) r´eagissent a` des ´echelles de temps relativement moyennes. Enfin les processus rapides : les conditions atmosph´eriques (´erosion et transport par le vent), pr´ecipitation de neige, sublimation et fonte en surface r´eagissent beaucoup plus vite aux variations du climat. Ainsi une chute de neige fait augmenter instantan´ement la hauteur de la surface de la calotte. La forme actuelle de la calotte Antarctique est donc r´egie par ces diff´erents processus sur des ´echelles de temps des cycles de glaciations aux signaux saisonniers.
Le volume ou la masse de la calotte Antarctique d´epend essentiellement de l’´equilibre entre les pertes et les gains de masses : principalement des processus d’´echelles de temps rapides et courts. Les pertes de masses sont li´ees a` la sublimation, la fonte en surface (presque n´egligeable en Antarctique) et l’´ecoulement de la glace vers l’oc´ean sous forme d’icebergs tandis que les gains de masse sont li´ees a` la quantit´e de neige accumul´ee (taux d’accumulation de neige) sur le continent. Cependant, il est existe une grande incertitude sur l’´equilibre des calottes polaires en raison des difficult´es de mesures des quantit´es de neige accumul´ees et evacu´ees. Le taux d’accumulation de neige est difficile a` mesurer a` cause du vent qui ´erode et transporte la neige d´epos´ee d’un endroit a` un autre. De mˆeme, les faibles taux d’accumulation que connaˆıt le continent, quelques centim`etres par an sur un manteau neigeux de quelques milliers de m`etres d’´epaisseur, est un inconv´enient pour la pr´ecision des mesures. Aussi, les m´ecanismes d’´ecoulement de la glace sont encore mal connus et donc les pertes de masses sont estim´ees avec une pr´ecision tr`es faible.

Capteur actif : altim`etre micro-onde

Le premier altim`etre radar fut embarqu´ a` bord de la station orbitale am´ericaine SkyLab lanc´ee en 1973 par la NASA. Ce premier capteur a servi a` tester le concept d’altim´etrie radar spatial. C’est en 1978, avec le lancement du satellite SEASAT par la NASA ayant pour mission d’´etudier les oc´eans, que l’altim´etrie radar a` connu un v´eritablement essor en mesurant pour la premi`ere fois les courants g´eostrophiques depuis l’espace. Avec son orbite inclin´ee a` 72°, il permit aussi de construire une carte partielle de la topographie du Groenland et de cartographier les bords de la calotte Antarctique (Brooks et al., 1978). Initialement con¸cues pour l’observation de la topographie des oc´eans, les missions altim´etriques ont peu a` peu et´ mises au profit de l’´etude de la neige, de la glace. Il faut attendre le lancement en 1991 du satellite ERS-1 (European Remote Sensing Satellite) par l’Agence Spatiale Europ´eenne (ESA), dont l’orbite permet l’observation de l’ensemble du Groenland et pr`es de 80 % du continent Antarctique, pour voir les altim`etres radar am´eliorer notre connaissance de la dynamique des calottes polaires. Dans le but d’assurer une continuit´e des observations, cette mission a et´ suivie du satellite ERS-2 lanc´e en 1995 avec les mˆeme instruments. Ensuite, il y a eu la mission altim´etrique bi-fr´equence ENVISAT (ENVIronment SATellite) en 2002 suivi de SARAL/AltiKa (Satellite for ARgos and AltiKa) en 2013 sur la mˆeme orbite r´ep´etitive que les missions ERS-1 et 2. L’am´elioration des techniques de mesure, de la pr´ecision de l’orbite des satellites, ainsi que des m´ethodes de traitements des signaux radar a largement contribu´e a` affiner la pr´ecision des topographies des calottes polaires (R´emy et al., 2000). Actuellement, l’altim`etre radar est l’un des meilleurs instruments pour la mesure de la topographie des calottes polaires et pour le suivi de leur bilan de volume.

Principe de l’altim´etrie radar

Les satellites altim´etriques d´eterminent essentiellement la distance entre le satellite et une surface cible en mesurant le temps aller-retour satellite-surface d’une impulsion radar. Basique-ment, l’altim`etre radar envoie une onde radar et enregistre le signal r´efl´echi par la surface de la cible. Les quantit´es physiques mesur´ees sont le temps d’aller-retour du signal entre le satellite et la surface et l’amplitude du signal r´efl´echi par la cible.
Bien que le principe de l’altim´etrie radar semble simple, les mesures ne sont pas directement exploitables et n´ecessitent des traitements et corrections. En pratique, il faut corriger les erreurs li´ees aux perturbations du satellite sur son orbite et aux perturbations des ondes radar lors de la travers´ee de l’atmosph`ere.

Corrections orbitales et atmosph´eriques

Pour atteindre une tr`es bonne pr´ecision (de l’ordre de quelques centim`etres) de l’´el´evation de la surface de la cible, il faut une connaissance tr`es pr´ecise de l’altitude du satellite, c’est-a`-dire l’orbite pr´ecise du satellite par rapport a` une surface de r´ef´erence. Les avanc´ees technologiques en orbitographie 1 permettent aujourd’hui de connaˆıtre avec une pr´ecision inf´erieure a` 5 cm la position exacte des satellites altim´etriques. Cette position exacte est d´etermin´ee grˆace a` des mod`eles extrˆemement elabor´es et grˆace aux mesures des syst`emes de positionnement embarqu´es, comme par exemple DORIS (D´etermination d’Orbite et Radio-positionnement Int´egr´es par Satellite) ou GPS (Global Positionning System) ou encore des r´etro-r´eflecteurs lasers.
La pr´esence de vapeur d’eau, des gaz, des ions et ´electrons dans l’atmosph`ere perturbe ou att´enue la transmission des ondes radar (Fig. 2.1), ce qui peut affecter le temps du trajet aller-retour de l’impulsion radar et donc fausser la distance satellite-surface estim´ee. Ces perturbations peuvent provoquer des erreurs allant de quelques centim`etres a` plus de 2 m. Heureusement, elles sont mesurables donc peuvent ˆetre tr`es bien corrig´ees. Ces corrections sont effectu´ees par des mesures directes grˆace a` des outils embarqu´es sur le satellite ou par des mod`eles. Il y a trois principales corrections pour s’affranchir des perturbations atmosph´eriques : la correc-tion ionosph´erique, la correction de la troposph`ere humide et la correction de la troposph`ere s`eche. Le rayonnement solaire provoque une ionisation des atomes de l’atmosph`ere lib´erant ainsi des ions et ´electrons qui peuvent ralentir la propagation des ondes radar. Ce retard engendre une erreur variant entre 1 a` 20 cm dans les fr´equences 3.2 GHz (bande S) et 13.6 GHz (bande Ku) et inf´erieur a` 1 cm dans la fr´equence 37 GHz (bande Ka). La correction ionosph´erique a` appliquer est directement mesurable avec un altim`etre bi-fr´equence sur l’oc´ean ou par mod´elisation si la mission n’est pas bi-fr´equence.
La correction de la troposph`ere humide, due a` la pr´esence de vapeur d’eau dans l’atmosph`ere, peut ˆetre evalu´ee grˆace aux mesures des deux ou trois fr´equences des radiom`etres micro-ondes embarqu´es a` bord des satellites altim´etriques ou grˆace a` des mod`eles sur l’oc´ean. Cette erreur est d’une magnitude comprise entre 0 et 50 cm sur les oc´eans. L’influence de la troposph`ere humide peut ˆetre consid´er´ee n´egligeable sur la calotte Antarctique
La correction de la troposph`ere s`eche, due a` la pr´esence de gaz dans les basses couches de l’atmosph`ere qui modifie l’indice de r´efraction du milieu affectant ainsi le trajet aller-retour de l’onde radar, est g´en´eralement estim´ee grˆace a` des mod`eles atmosph´eriques car ne peut pas ˆetre mesur´ee depuis l’espace.
Il est a` noter que la correction ionosph´erique est n´ecessaire que pour certaines fr´equences radar alors que toutes les autres corrections sont obligatoires et indispensables. Une fois les corrections faites, les mesures altim´etriques sont d’une bonne pr´ecision (inf´erieure a` 5 cm) et exploitables.

Le signal altim´etrique : impulsion et forme d’onde

L’altim`etre radar envoie une impulsion radar et enregistre l’onde r´efl´echie (´echo radar) par la cible. Ces impulsions sont des signaux lin´eairement modul´es en fr´equence avec une largeur de bande et sont ´emis a` des intervalles r´eguliers d´efinis par la fr´equence de r´ep´etition des impulsions.
Afin de r´eduire les fluctuations statistiques et de suivre l’´evolution de l’´echo dans le temps, ces ´echos individuels sont moyenn´es a` bord du satellite (typiquement toutes les 50 ms). La puissance de l’´echo est ainsi enregistr´ee et m´emoris´ee dans une fenˆetre (compos´ee de plusieurs portes, voir Fig. 2.3) de largeur ´equivalente a` la largeur de la bande (typiquement 64 ou 128 portes au total par fenˆetre). L’´evolution de la puissance de l’´echo radar en fonction de la dur´ee d’´echantillonnage d´ecrit une courbe appel´ee “forme d’onde altim´etrique”.
Pour comprendre la forme d’onde, prenons l’exemple du fonctionnement de l’altim`etre micro-onde sur l’oc´ean (Fig. 2.2). L’impulsion radar est un faisceau qui se propage sous forme conique ayant une ´energie d´ecroissante vers les bords. Une fois l’impulsion ´emise, l’altim`etre passe en mode ‘´ecoute’ ou r´ecepteur, un signal de bruit de faible puissance est premi`erement re¸cu suite a` la r´eflexion parasite de l’impulsion dans l’ionosph`ere et l’atmosph`ere et du bruit ´electronique de l’instrument. Lorsque l’impulsion entre en contact avec la surface de la cible, l’empreinte au sol de l’impulsion est un disque qui s’´etale lin´eairement avec le temps, ceci fait augmenter l’´echo radar jusqu’`a un maximum. Ce maximum correspond a` la fin de l’´echo radar de la surface situ´ee sous le disque. Une fois que tout le signal de la surface du disque est renvoy´e, l’empreinte se transforme en un anneau de surface et ´energie ´equivalente. La puissance d´ecroit alors, jusqu’`a revenir au niveau nominal d’´energie d´efini par le bruit thermique en raison de la d´ecroissance du diagramme d’antenne. Cette ´evolution temporelle de la r´eception de l’´echo radar d´efinit la forme d’onde altim´etrique.
Dans le cas o`u la surface de l’oc´ean n’est pas lisse mais rugueuse a` cause de la pr´esence des vagues, le processus de r´eception est le mˆeme mais l’aspect de la forme d’onde est diff´erent (Fig. 2.2b). En fait, l’empreinte au sol de l’impulsion n’est plus un parfait disque, l’´echo radar du premier contact avec la surface est tout d’abord renvoy´ par les crˆetes des vagues et ensuite par les creux. Ceci explique l’´etalement dans le temps de l’´echo radar donc du front montant de la forme d’onde. La forme de l’´echo altim´etrique d´epend donc des diverses caract´eristiques de la surface observ´ee. Les surfaces pr´esentant de fortes h´et´erog´en´eit´es, telles que des discontinuit´es topographiques, des rugosit´es de surface, des glaces, des rivi`eres ou des terres emerg´ees, d´efinissent l’allure de la forme d’onde altim´etrique et rendent son interpr´etation plus difficile. L’analyse des caract´eristiques des formes d’onde permet non seulement de mesurer la topographie mais aussi d’extraire d’autres caract´eristiques du milieu.
La mesure altim´etrique au-dessus des calottes polaires est fortement perturb´ee par la topogra-phie a` l’´echelle kilom´etrique car les reliefs de la surface peuvent d´ecal´es le point d’impact de l’onde radar par rapport a` la direction sp´eculaire de l’antenne : on parle d’erreur de pente. Cependant, cette erreur peut ˆetre corrig´ee en appliquant une correction a` l’´el´evation de surface estim´ee (Brenner et al. (1983); Remy et al. (1989)) ou en relocalisant le point d’impact du signal radar (Hurkmans et al., 2012). La plus grande diff´erence entre l’altim´etrie radar sur les oc´eans et sur les calottes polaires r´eside dans la p´en´etration de l’onde radar dans la neige (Ridley and Partington, 1988). Cette p´en´etration est de l’ordre du centim`etre a` quelques m`etres et varie temporellement et spatialement. Ceci complique encore plus l’interpr´etation des mesures d’´el´evation de surface de calottes polaires car elles peuvent comporter des erreurs li´ees aux changements des propri´et´es de la neige qui sont tr`es complexes. De plus, ces propri´et´es ´evoluent rapidement au gr´e des conditions m´et´eorologiques. Toutes ces raisons font que l’erreur de la p´en´etration est la plus difficile a` corriger. Toutefois, la p´en´etration de l’onde radar dans la neige fournie des informations sur les propri´et´es de la neige des premiers m`etres et fait ainsi de l’altim`etre un outil tr`es prometteur pour l’´etude des propri´et´es de la neige des calottes polaires.
(a) (b)

Caract´eristiques de la forme d’onde

Connaissant l’allure de la forme d’onde, d´ecouvrons comment la distance satellite-surface est d´etermin´ee et quelles sont les autres caract´eristiques de la forme d’onde. L’analyse des formes d’onde altim´etriques pour en extraire ses caract´eristiques s’appelle le “retracking”. Il existe plusieurs algorithmes de retracking dont chacun pr´esente des avantages et inconv´enients. Ils peuvent ˆetre class´es dans deux cat´egories : les algorithmes de retracking empiriques et les algorithmes de retracking physiques. Les premiers consistent a` calculer le centre de gravit´e de la forme d’onde et a` fixer un seuil arbitrairement pour extraire la distance satellite-surface, par exemple OCOG (Offset Centre Of Gravity). Ils pr´esentent l’avantage d’ˆetre applicables a` tous types de formes d’onde et permettent d’extraire le range et la largeur du front de mont´ee. Par contre, les algorithmes de retracking physiques sont bas´es sur le mod`ele physique de Brown (1977) et tiennent compte des caract´eristiques instrumentales et des propri´et´es g´eophysiques de la surface de la cible. En pratique, ils consistent a` ajuster une forme d’onde Brownienne a` la forme d’onde observ´ee. Parmi eux, il y a OCEAN d´evelopp´ pour analyser les formes d’onde oc´eaniques et ICE-2 sp´ecialement adapt´e pour l’analyse des formes d’onde sur les calottes polaires. Ces derniers pr´esentent l’avantage de fournir d’autres informations en plus de la distance satellite-surface et la largeur du front de mont´ee. Dans ce manuscrit, les caract´eristiques des formes d’onde altim´etriques de la calotte polaire Antarctique ont et´ extraites grˆace a` l’algorithme de retracking ICE-2 d´evelopp´ au LEGOS (Legresy et al., 2005) ICE-2 permet de caract´eriser la forme d’onde altim´etrique par les quatre param`etres suivants (Fig. 2.3) :
– Le range, correspondant a` la distance entre le satellite et la surface de la cible, a` partir duquel on estime l’´el´evation de la surface de la cible ou la topographie connaissant l’altitude exacte du satellite. On parlera le plus souvent de l’´el´evation de la surface (h) a` la place du range.
– Le coefficient de r´etrodiffusion (σ0), est l’int´egrale de la puissance du signal renvoy´ par la cible. Ce coefficient est la somme de deux composantes : ´echo de surface (σ0surf ) et ´echo de volume (σ0vol). Le coefficient de r´etrodiffusion permet de caract´eriser la surface du milieu c’est-a`-dire de savoir si la surface est plus r´efl´echissante ou pas. Nous verrons a` travers les chapitres suivants que le coefficient de r´etrodiffusion ne fournit pas que des informations sur les caract´eristiques r´efl´echissantes de la surface mais aussi sur la dynamique des propri´et´es de la neige. L’´etude des variabilit´es spatio-temporelles et saisonni`eres de ce param`etre constitue la principale mati`ere de mes travaux.
– La largeur du front de mont´ee (Lew), est le temps entre l’´echo du premier contact de l’impulsion avec la surface de la cible et le maximum de la forme d’onde. Elle s’allonge avec la taille des asp´erit´es de la surface et avec la profondeur de p´en´etration de l’onde dans la neige.
– La pente du flanc descendant (TeS), correspond a` la partie o`u le diagramme d’antenne fait diminuer l’´energie qui revient a` l’antenne. Le flanc se rel`eve avec la pente de la surface et avec la p´en´etration.
Chacun de ces param`etres contient des informations sur le milieu observ´ offrant une meilleure vision et interpr´etation de la forme d’onde et de l’´etat du milieu.

Les altim`etres radar ENVISAT/RA-2 et SARAL/AltiKa

Une mission altim´etrique est caract´eris´ee par : une fr´equence radar, un gain d’antenne, une polarisation, une r´ep´etitivit´ temporelle et un ´echantillonnage spatial. Le choix de ces diff´erents param`etres d´epend principalement des objectifs et contraintes de la mission, des possibilit´es techniques et des r´egulations de l’ITU (International Telecommunication Union). Le choix de la r´ep´etitivit´ temporelle et de l’´echantillonnage spatial vont de pair et les missions doivent faire un compromis entre observer souvent localement ou tout observer moins souvent. Les missions altim´etriques sur les calottes polaires optent le plus fr´equemment pour le second choix. Par ailleurs, l’orbite est souvent h´eliosynchrone ce qui consiste a` ´echantillonner a` intervalle r´egulier le mˆeme point de mesure a` la mˆeme heure solaire. Ce choix permet d’´eviter les artefacts de mesures li´es au changement d’´eclairage solaire.
Dans cette th`ese, nous allons nous int´eresser uniquement aux missions altim´etriques d’EN-VISAT et de SARAL/AltiKa lanc´ees sur une orbite polaire h´eliosynchrone r´ep´etitive de 35 jours, c’est-a`-dire qu’elles ´echantillonnent r´eguli`erement la surface sans jamais repasser au mˆeme endroit pendant ces 35 jours. En outre, ces deux missions ensemble offrent une extension des observations d’un mˆeme point dans trois fr´equences radar diff´erentes. Elles op`erent dans les fr´equences 3.2 GHz (bande S) et 13.6 GHz (bande Ku) pour ENVISAT/RA-2 et 35.75 GHz (bande Ka) pour SARAL/AltiKa. Les caract´eristiques des altim`etres radar de ces deux missions sont r´esum´ees dans le tableau 4.1.
Le satellite ENVISAT, successeur des missions ERS-1 et ERS-2, a et´ lanc´e en 2002 par l’ESA sur une orbite r´ep´etitive de 35 jours afin d’assurer la continuit´e des observations. Il a embarqu´ a` son bord une s´erie de 10 instruments d´edi´es a` l’´etude de l’environnement dont un altim`etre bi-fr´equence (RA-2, Radar Altimeter – 2). Cet altim`etre a la particularit´e d’´echantillon-ner simultan´ement la mˆeme cible dans deux fr´equences radar, S et Ku. La bande de fr´equence Ku (13.6 GHz ), h´erit´ee des missions ERS-1 et 2, offrait un bon compromis entre la dimension de l’antenne (pour un meilleur gain d’antenne) et sa faible att´enuation a` travers l’atmosph`ere. La bande S (3.2 GHz) avait et´e ajout´ee pour mesurer directement depuis l’espace les erreurs li´ees au rallongement du temps du trajet aller-retour de l’onde radar lors de la travers´ee de l’ionosph`ere. Ces deux fr´equences ont fonctionn´e simultan´ement de 2002 a` 2008. La bande S a cess´ de fonctionner suite a` une panne d’instrument. La bande Ku a quant a` elle fonctionn´e jusqu’`a la fin de la mission en 2012, mais a` partir de 2010 le satellite ENVISAT a` et´ mise sur une orbite d´erivante diff´erente de l’orbite r´ep´etitive de 35 jours.
La mission altim´etrique Franco-Indienne SARAL/AltiKa, fruit de la collaboration du CNES (Centre National des Etudes Spatiales) et l’ISRO (Indian Space Research Organisation), a et´ lanc´ee en f´evrier 2013 sur la mˆeme orbite r´ep´etitive de 35 jours d’ENVISAT (la distance entre les traces successives par rapport `a la trace nominale est inf´erieure `a 1 km). L’objectif est d’assurer la continuit´e des observations des pr´ec´edentes missions de l’ESA telles que ERS-1 et 2 et ENVISAT. Contrairement `a ces missions, le satellite SARAL/AltiKa embarque, pour une premi`ere dans l’histoire de l’altim´etrie radar, la fr´equence tr`es elev´ee de 35.75 GHz (bande Ka) au lieu de la bande Ku classique, ouvrant ainsi la voie `a de nouvelles et int´eressantes observations de la surface des calottes polaires. Par cons´equent, elle contribue `a une am´elioration de notre connaissance de l’interaction de l’onde radar avec le manteau neigeux.
Avec une altitude moyenne de 800 km, le satellite met 100 minutes pour faire le tour complet de la Terre. Ainsi, en 35 jours, le satellite fait 501 r´evolutions compl`etes, ce qui ´equivaut a` 1002 traces de pˆole a` pˆole (on parle de traces ascendantes et descendantes). La bande Ka est respectivement sup´erieure d’un facteur de 2.7 et 11.5 aux bandes Ku et S. L’ouverture d’antenne a` 3 dB de la bande Ka est plus petite que celles des bandes Ku et S, donc son empreinte au sol (∼ 7.6 km) est moins large que celles de Ku (∼ 18.8 km) et S (∼ 76.76 km), par cons´equent elle est moins impact´ee par les ondulations de surface et fournie ainsi des mesures plus pr´ecises. Sur une trace, SARAL/AltiKa ´echantillonne la surface tous les 175 m au lieu de 370 m pour ENVISAT. La fr´equence Ka a un taux d’´echantillonnage plus dense que Ku et S. Aussi, la r´esolution verticale est plus fine en Ka qu’en Ku et S. En raison de ces caract´eristiques, les mesures dans la bande Ka sont moins bruit´ees que celles des deux autres bandes.

Donn´ees “along-tracks”

Bien que le satellite SARAL/AltiKa soit plac´e sur la mˆeme orbite r´ep´etitive de 35 jours qu’ENVISAT, leurs orbites sont en moyenne a` ±1 km de la trace nominale. Afin d’obtenir un jeu de donn´ees altim´etriques spatialement homog`enes et comparables, on applique donc une correction qui d´epend de la distance et de la pente moyenne entre les traces nominales des deux missions. Cette correction am´eliore d’environ 80 % la comparaison de l’´el´evation de la surface des deux missions. Une correction des erreurs de pente est ´egalement appliqu´ee aux coefficients de r´etrodiffusion en fonction du gain d’antenne de chaque satellite. Les donn´ees sont ensuite moyenn´ees tous les kilom`etres sur la trace nominale d’ENVISAT. En effet, pour chaque point de mesure d’une trace nominale, on s´electionne toutes les mesures situ´ees dans un rayon de 500 m (plutˆot un rayon de 1 km sur la figure 2.4, mais on prend un point tous les 1 km) et on moyenne. Ensuite on d´ecale d’un kilom`etre sur la trace nominale et on r´ep`ete la proc´edure. Ces traitements sont effectu´es pour chaque trace nominale, on obtient ainsi environ 1.9 millions de points de mesures sur la calotte polaire Antarctique : on parlera de donn´ees “along-tracks”.

P´en´etration des ondes radar dans la neige sur la calotte polaire Antarctique

La p´en´etration de l’onde radar dans la neige fut mise en ´evidence suite a` plusieurs accidents mortels d’avion lors d’atterrissages sur une piste enneig´ee. En effet, on s’est alors aper¸cu que les radars altim´etriques utilis´es par les avions pour d´eterminer l’altitude p´en`etrent en profondeur dans la neige et ne donnent pas la bonne distance qui s´epare l’appareil de la surface. En mod´elisant la forme d’onde altim´etrique, Ridley and Partington (1988) ont d´emontr´ que les ondes radar utilis´ees dans l’altim´etrie spatiale p´en`etre significativement dans le manteau neigeux des calottes polaires. La p´en´etration de l’onde radar dans la neige engendre une forte contribution de l’´echo de volume. L’erreur de p´en´etration sur l’estimation de la hauteur est en moyenne de 0.53 a` 1 m dans la bande Ku (Michel et al., 2014), ainsi il est imp´eratif de corriger cette erreur afin d’obtenir une bonne pr´ecision des variations du bilan de volume des calottes polaires.
L’´echo de volume ou l’effet de p´en´etration de l’onde radar en Antarctique peut ˆetre identifi´ par deux moyens (Remy et al. (2012); R´emy et al. (2015)) : l’analyse des donn´ees de l’´el´evation de surface et du coefficient de r´etrodiffusion aux points de croisements des traces satellites (Fig. 2.5) et les variations temporelles de l’´el´evation de la surface par rapport a` celles du coefficient de r´etrodiffusion (Fig. 2.6).
Les analyses ont montr´e que l’´echo de volume varie a` plusieurs ´echelles de temps : un effet statique et un effet temporel. L’anti-corr´elation entre les diff´erences aux points de croisements de l’´el´evation de la surface et celles du coefficient de r´etrodiffusion a et´ attribu´ee a` la pr´esence de l’´echo de volume. Son impact d´epend de l’angle entre la polarisation de l’antenne et l’orientation de la rugosit´e de surface. Elle est expliqu´ee par la modulation de la surface a` travers la rugosit´e ou la modulation de l’´echo de volume due a` la profondeur de p´en´etration de l’onde radar (Armitage et al. (2014); Arthern et al. (2001); Remy et al. (2012)). Cependant, son effet est stationnaire et localis´e seulement dans une certaine r´egion de l’Antarctique. Les corr´elations n´egatives entre les variations temporelles de l’´el´evation de la surface et le coefficient de r´etrodiffusion observ´ees dans certaines r´egions sont dues a` la variation de l’´echo de volume dans le signal total tandis que les corr´elations positives dans les autres r´egions sont li´ees a` la variation de l’´echo de surface (Fig. 2.6). En effet, lorsque que le signal de volume est tr`es important, ceci cr´ee une distorsion de la forme d’onde en rallongeant la largeur du front de mont´ee. Le rallongement du front de mont´ee augmente le range en diminuant l’´el´evation de la surface. Son impact d´epend des propri´et´es du manteau neigeux.
La p´en´etration de l’onde radar dans le manteau neigeux d´epend donc de l’anisotropie de la surface et des variations li´ees aux propri´et´es du manteau neigeux. Dans le chapitre 3, nous allons tenter de comprendre la dynamique saisonni`ere de la p´en´etration de l’onde radar par rapport aux propri´et´es du manteaux neigeux.

Capteur passif : radiom`etre micro-onde

La radiom´etrie est la mesure du rayonnement electromagn´etique. Le radiom`etre micro-onde mesure donc le rayonnement electromagn´etique dans la gamme des micro-ondes. Le premier radiom`etre micro-onde spatial fut lanc´e en 1962, il ´etait embarqu´ a` bord de Mariner 2 et ´etait destin´ a` l’observation de la plan`ete Venus. L’observation de la Terre a commenc´ en 1968 avec le lancement du satellite russe Cosmos 243, lequel avait embarqu´ a` son bord quatre radiom`etres micro-ondes. Les premi`eres mesures radiom´etriques, sur des r´egions centrales de l’Antarctique, furent publi´ees en 1971 par des glaciologues sovi´etiques. Puis, a` partir de 1972, le radiom`etre ESMR (Electrically Scanning Microwave Radiometer) fut embarqu´ sur les s´eries de satellites m´et´eorologiques Nimbus de la NASA. Ces capteurs se sont r´ev´el´es tr`es importants pour l’´etude de la glace de mer et permirent pour la premi`ere fois de d´ecrire leurs variations saisonni`eres (voir par exemple (Cavalieri and Parkinson (2008); Parkinson and Cavalieri (2012))). Depuis 1978, des radiom`etres de mˆemes caract´eristiques sont syst´ematiquement embarqu´es sur des satellites, ce qui fournit la plus longue s´erie d’observation satellite a` l’´echelle globale des r´egions polaires. De plus, par la suite les mesures radiom´etriques ont permis d’extraire diverses propri´et´es g´eophysiques du manteau neigeux telles que les ev´enements de fonte, la temp´erature de l’air, la stratification de la neige, la taille moyenne des grains de neige, l’accumulation de neige, la teneur en vapeur d’eau de l’atmosph`ere et le vent sur les oc´eans.

Principe de la radiom´etrie

Un corps naturel ´emet un rayonnement electromagn´etique dans toutes les longueurs d’onde du spectre electromagn´etique. Le radiom`etre micro-onde spatial permet donc de mesurer ce rayonnement depuis l’espace dans une fr´equence, a` un angle d’observation et une polarisation donn´es. La quantit´e physique mesur´ee est la temp´erature de brillance (TB), exprim´ee en Kelvin. En g´en´eral, la temp´erature de brillance mesur´ee repr´esente tout le rayonnement electromagn´etique ´emis vers le capteur, int´egr´ sur toutes les directions et pond´er´ par le diagramme d’antenne. Pour obtenir une mesure pr´ecise de la temp´erature de brillance, correspondant a` celle de l’objet ´emetteur, il est important de tenir compte des effets li´es aux ´emissions de l’atmosph`ere et de l’att´enuation de l’onde lors de la travers´ee de l’atmosph`ere. Heureusement, ces effets sont mesurables, on peut donc les corriger grˆace aux mesures directes et aux mod`eles m´et´eorologiques. Les donn´ees radiom´etriques utilis´ees dans cette th`ese ne sont pas corrig´ees des effets de l’atmosph`ere, puisque sur la calotte Antarctique on consid`ere que ces effets sont tr`es faibles donc n´egligeables.

Les radiom`etres `a vis´ee verticale `a bord de ENVISAT et SARAL

Les satellites ENVISAT et SARAL embarquent un radiom`etre micro-onde bi-fr´equence de 23.8 GHz (bande K) et 37 GHz (bande Ka). Ces radiom`etres permettent de mesurer les contenus en vapeur d’eau et d’eau liquide en suspens dans l’atmosph`ere afin de corriger les effets de l’atmosph`ere sur le signal altim´etrique, notamment sur les oc´eans. Ces radiom`etres sont a` vis´ee verticale et ont une empreinte au sol de 12 km dans la bande K et 8 km dans la bande Ka (Steunou et al., 2015b). Ils ´echantillonnent r´eguli`erement le mˆeme point de la surface tous les 35 jours sur la trace au sol du satellite. En appliquant le traitement d´ecrit dans la section 2.5.1 aux mesures brutes des radiom`etres des deux missions, on obtient ´egalement un jeu de donn´ees homog`enes et compatibles d’environ 1.9 millions de points de mesures sur la calotte polaire Antarctique. Nous disposons ainsi de 8 ans de donn´ees de temp´erature de brillance, de 2002 a` 2010, pour les radiom`etres micro-ondes d’ENVISAT et 3 ans de donn´ees, de 2013 a` 2016, pour les radiom`etres micro-ondes de SARAL.

Les radiom`etres `a angle d’incidence oblique

Les radiom`etres micro-ondes, issus des missions m´et´eorologiques, utilis´es dans cette th`ese, SSM/I (Special Sensor Microwave / Imager) d´etiennent la plus longue s´erie de mesures de temp´erature de brillance. Le radiom`etre AMSR-E (Advance Microwave Scanning Radiometer, Earth Observation System), une nouvelle g´en´eration de radiom`etre, fonctionne dans les basses fr´equences. Contrairement aux radiom`etres des missions altim´etriques, ces missions radiom`etres micro-ondes mesurent les temp´eratures de brillance a` un angle d’incidence proche de 55° (angle de Brewster) en polarisation verticale et horizontale. Dans la suite de nos travaux, on s’int´eressera notamment aux mesures dans la bande Ka.

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Table des matières

1 Introduction 
1.1 Le continent Antarctique
1.1.1 La decouverte de l’Antarctique
1.1.2 Geographie
1.2 Pourquoi le continent Antarctique fascine autant ?
1.2.1 Le continent des superlatifs
1.2.2 La calotte Antarctique : archives des climats anciens, actuels et futurs
1.3 Dynamique de la calotte Antarctique
1.4 Contexte scientique
1.5 Les observations : in situ et spatiales
1.6 Objectifs et plan du manuscrit
2 La teledetection spatiale dans la gamme des micro-ondes 
2.1 Introduction
2.2 Capteur actif : altimetre micro-onde
2.2.1 Principe de l’altimetrie radar
2.2.2 Corrections orbitales et atmospheriques
2.2.3 Le signal altimetrique : impulsion et forme d’onde
2.2.4 Caracteristiques de la forme d’onde
2.2.5 Les altimetres radar ENVISAT/RA-2 et SARAL/AltiKa
2.3 Capteur passif : radiometre micro-onde
2.3.1 Principe de la radiometrie
2.3.2 Les radiometres a visee verticale a bord de ENVISAT et SARAL
2.3.3 Les radiometres a angle d’incidence oblique
2.4 Conclusion
3 Etude des coecients de retrodiusion mesures par les altimetres ENVISAT/RA- 2 et SARAL/AltiKa 
3.1 Introduction
3.2 Distributions spatiales du coecient de retrodiusion moyen des bandes S, Ku et Ka
3.3 Variations saisonnieres des coecients de retrodiusion mesures par les altimetres radars
3.3.1 Caracteristiques saisonnieres du coecient de retrodiusion
3.3.2 Analyse de la sensibilite du coecient de retrodiusion en fonction des proprietes du manteau neigeux
3.3.3 Cycle saisonnier de l’echo de volume
3.3.4 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande S
3.3.5 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande Ka
3.3.6 Cycle saisonnier du coecient de retrodiusion de la bande Ku
3.3.7 Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres du coecient de retrodiffusion en fonction de la temperature
3.4 Tendances pluri-annuelles du coecient de retrodiusion des bandes S, Ku et Ka en Antarctique
3.5 Discussion.
3.6 Conclusion et Perspective
4 Complementarite des missions altimetrique SARAL/AltiKa et radiometrique SSM/I a la frequence de 37GHz 
4.1 Introduction
4.2 Calcul des caracteristiques saisonnieres des temperatures de brillance
4.3 Cas d’etude
4.4 Distribution spatio-temporelle des temperatures de brillance (TB) sur la calotte polaire Antarctique
4.4.1 Le radiometre embarque sur SARAL
4.4.2 Le radiometre SSM/I a 37GHz
4.5 Interpretation des caracteristiques saisonnieres du PR et du coecient de retrodiffusion
de la frequence 37GHz
4.5.1 Distribution spatiale des moyennes
4.5.2 Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres
4.6 Conclusion
5 Conclusion et Perspectives 
5.1 Conclusion
5.2 Perspectives
Bibliographie 
A Article : « Seasonal Variations of the backscattering coecient measured by radar altimeters over the Antarctic Ice Sheet » I
B Grillage des donnees altimetriques XV
C Distribution spatiale des amplitudes saisonnieres du PR a 37 superposee a une carte de mosaque RADARSAT

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