DEVELOPPEMENT
Partir à la rencontre de la « Middle America »
Un magazine intellectuel
La « Middle America » se traduit souvent par « Amérique profonde » en français. Le mot « milieu » est utilisé car les États-Unis sont constitués d’une côte Ouest avec l’état de la Californie par exemple, et d’une côte Est avec la ville de New-York. Sur ces deux côtes sont regroupées une grande partie des grosses villes américaines, des pouvoirs politiques fédéraux, des pouvoirs économiques, médiatiques et de la vie intellectuelle. Des médias installés sur les côtes et ne connaissant donc que la population vivant sur ces côtes, c’est une des critiques qui a été faites pendant et après l’élection présidentielle américaine de 2016. En effet, la plupart des grands journaux, magazines et médias au sens large ne se situent pas aucœur des États-Unis. C’est le cas du New Yorkerqui, comme son nom l’indique, est installé dans la ville de NewYork, dans l’état de New York, sur la côte Est américaine.
Frederic Heurtebize est un enseignant-chercheur et maître de conférence spécialisé en histoire et civilisations américaines à l’Université de Nanterre. Il explique que « le New Yorker est le magazine par excellence qu’on qualifie de libéral aux États-Unis, progressiste de gauche. Il reste très anti – Trump même si ce n’est pas fait sur un ton très partisan. Il reste un média d’élite, vraiment pour les intellectuels».
Lenka Hudakova est rédactrice adjointe à America, une revue française qui s’est donné pour but, en quatre ans et depuis le début du mandat de Donald Trump, de faire découvrir les États-Unis aux Français. Elle travaille chaque trimestre avec des auteurs (romanciers et journalistes) américains. Selon elle, « c’est vraiment un magazine de niche. Le New Yorker fonctionne par abonnement, je crois que 92% des lecteurs sont des abonnés. Il n’est pas acheté en kiosque. Il ne faut pas se dire que la plupart des américains le lisent. Beaucoup d’articles sont écris par des romanciers. C’est très élitiste ». La structure du magazine montre bien que le New Yorker est centré en grande partie sur son lieu géographique de création. Chaque semaine, on retrouve les rubriques « Going on about town » (ce qu’il se passe dans la ville) ou « The Talk of the town » (la rumeur, la discussion de la ville). Des pages sont consacrées aux événements culturels qui ont lieu à New York. Une partie du magazine vise donc dans un premier temps la ville de New-York.
Si on peut parler de magazine « élitiste », ce n’est pas seulement parce qu’il est new-yorkais.
C’est aussi parce que sa cible est une cible intellectuelle. Il ne délivre pas que de l’actualité, des informations ou du décryptage. Un certain nombre de pages est réservé à de la fiction et des nouvelles. Des romanciers y écrivent chaque semaine. Des préoccupations qui ne sont pas celles de tous les américains. Suite à l’élection de Donald Trump en novembre 2016, le sentiment d’être incompris, d’être invisible et même méprisé a été communiqué par une partie de son électorat. La fracture entre les élites intellectuelles des côtes américaines et donc d’une grande partie des médias d’un côté, et une population américaine qui a voté pour le candidat républicain de l’autre, est devenue flagrante.
L’électorat de Donald Trump en 2016 a été très disparate. « C’est une coalition» analyseFrédéric Heurtebize. « Ce qu’on dit classiquement, c’est qu’il a réussi et ça a été son exploit, a ratisser les cols bleus des états industriels comme la Pennsylvanie, l’Ohio ou le Michigan, qui étaient des états démocrates avant. Le gros choc a été la Pennsylvanie et le Michigan. Ces zones ouvrières votaient traditionnellement pour les démocrates depuis le New Deal [politique interventionniste du Président Franklin D. Roosevelt entre 1933 et 1938 pour lutter contre la Grande Dépression. Après le « krach » de 1929, un très fort de chômage et énormément defaillites, ce New Deal a eu pour but de redynamiser l’économie, réformer les marchés financiers et soutenir les couches les plus pauvres de la population]. Mais pour le Michigan par exemple, c’est le berceau de l’industrie automobile et ça fait plusieurs décennies que les emplois se perdent. Le tour de force de Donald Trump a été d’acquérir cet électorat tout en gardant celui des évangéliques, des conservateurs plus classiques». Les cols bleus, en opposition aux cols blancs, sont les travailleurs de la classe ouvrière qui exécutent un travail manuel. « Grâce à un discours anti – libre échange, en promettant de taxer la Chine ou le Mexique, il a réussi à avoir ces électeurs. Les ouvriers qui ont perdu leur travail et qui voyaient leur boulot partir à l’étranger , en Asie notamment». C’est en partie cette population qui s’est sentie oublié du pouvoir que beaucoup de médias américains n’ontpas réussi à comprendre pendant les élections.
Une véritable fracture entre ceux qui font et communiquent l’actualité et une partie du peuple américain s’est imposée à la fin de l’année 2016. FrédéricHeurtebize explique que « c’est l’Amérique périphérique qui s’est sentie ignorée. L’Amérique du milieu, ni sur la côte pacifique, ni sur la côte atlantique. Pendant la campagne présidentielle, il y a eu une forme d’arrogance de la part du clan démocrate et d’Hillary Clinton. Elle a quand même traité les électeurs de Donald Trump de “misérables”. Ils ont donc eu le sentiment d’être méprisés, avec l’arrogance des élites de
San Francisco ou de New-York qui les prennent pour des “bouseux”. Ils ont besoin de reconnaissance et que leurs problèmes soient pris en compte».
Si cette fracture s’est révélée de façon évidente au moment de l’élection, Lenka Hudakova rappelle quelque chose d’important. « Cette fracture a toujours été là. L’élection de Donald Trump l’a rendu plus flagrante et plus visible encore. Mais comme dans beaucoup d’autres pays, les grandes villes sont souvent sur les côtes. Ces endroits plus urbains sont aussi plus intellectuels, plus progressistes, plus démocrates. Les électeurs ont souvent fait plus d’études et ont des opinions plus libérales. La “Middle America”a toujours été là et l’élection a accentué cette fracture». Une fracture flagrante donc qui s’est ressentie dans le vote de beaucoup d’américains et qui a obligé les grands journaux et magazines à prêter une attention plus importante à ce fossé. Le New Yorkeren fait partie.
L’écriture narrative
LeNew Yorkerest réputé pour beaucoup de choses comme ses couvertures ou ses dessins d’illustration et satyriques. Mais il l’est aussi pour son écriture narrative. Les reportages qu’on trouve dans les rubriques « A reporter at large » (un reporter en liberté, ou dans la nature) ou « Annals of law enforcement » (annales de l’application des lois) ont des caractéristiques bien précises. Ce style journalistique est ce qu’on appelle le « Narrative Journalism » (journalisme narratif) et est souvent utilisé en « long form » (long format).
Il est dans la suite du « New Journalism », théorisé par le journaliste Tom Wolfe au début des années 1970, décédé le 15 mai 2018. En 1973, son recueil au nom éponyme est publié, dans lequel est rassemblé ce qui selon lui a conduit à révolutionner la presse. Le lendemain de la mort de cette grande figure du journalisme américain, une émission de L’instant M animée par Sonia Devillers lui est consacrée. François Busnel, l’invité, explique que l’objectif du journaliste était d’utiliser sa subjectivité. Non pour transmettre ses opinions personnelles mais pour décrire ce qu’il avait devant lui. Ce qui l’intéressait dans l’utilisation du « je» était de retrouver la technique du romancier. D’utiliser les mots et la ponctuation comme dans les romans, de placer les dialogues au centre du récit, construit scène par scène. Et également d’utiliser le monologue interne. Tom Wolfe voulait rendre la non-fiction aussi puissante que la fiction. En décrivant ce mouvement journalistique, il a expliqué que « ce n’est pas de l’ornement, c’est le souffle de la vie. C’est de l’incessante fracture du flux de conscience. Ce que je veux quand j’écris, c’est un concert d’idées brisées autant qu’un divertissement». Ce journalisme qui a pour but de se rapprocher du roman n’est pas pour autant de la fiction. Tom Wolfe parlait d’une « investigation artistique».
Le journalisme narratif qui est pratiqué dans le New Yorkerse rapproche fortement du « New Journalism » des années 1970. Dans ces longs reportages de plusieurs pages, le journaliste a une place extrêmement importante. Son existence n’est pas simplement rappelée à la fin de l’article avec sa signature. Elle l’est tout au long du récit. Dans un article publié dans l’Obs, David Caviglioli écrit : « Quelques centaines de journalistes-écrivains (en anglais, on dit simplement writers) occupent les pages de “The Atlantic”, “Harper’s”, “Vanity Fair”, “Rolling Stone”, du “New Yorker”.
Ils sont payés au mot, entre 1 et 3 dollars, pour des articles quipeuvent atteindre les 10 000 mots, la quinzaine de pages. Ils passent quelques mois sur leur sujet. Ils vivent de cinq ou six articles par an. Puis, les maisons d’édition, et parfois les studios hollywoodiens, prennent le relais» . Au New Yorker , tous les reportages ne sont pas écris par ces « writers ». Des journalistes y contribuent plus régulièrement. Mais cette analyse de David Caviglioli rend bien compte du travail délivré pour produire ces reportages « long form » et du rendu final.
Marie Vanoost, spécialiste du journalisme narratif contemporain, s’est inspirée de multiples analyses de cette écriture journalistique, américaines comme européennes, pour en définir le cœur et les points principaux. Elle écrit « Le récit, en journalisme narratif, utilise des techniques d’écriture littéraires pour rendre compte d’une histoire réelle où des personnages déploient leurs actions dans le temps et dans un cadre spatial. Cette histoire est mise en forme – par un narrateur qui possède une voix propre, personnelle – de manière à créer un récit organisé et capable de simuler une forme d’expérience pour ses lecteurs. La mise en récit est orientée par une volonté manifeste de capter et garder l’intérêt de ces lecteurs, avec pour but final de leur offrir une compréhension plus profonde du réel dans lequel ils vivent. Le récit est donc soumis à une exigence de précision factuelle, qui s’ancre principalement dans les démarches de reportage menées parle journaliste ».
Trois critères sont très importants : la place du journaliste-narrateur, le rôle du lecteur « Il est aussi enveloppé, en permanence, par le regard et la voix de la journaliste,qui s’affiche comme un “je” toujours forcément subjectif. Et tout en accompagnant le parcours du protagoniste, tout en se construisant une image précise de la situation dans le pays, le lecteur reste dans l’incertitude quant au dénouement du récit»et l’introduction des différents personnages du récit « qui sont plus qu’un nom, un âge, une profession ; qui sont avant tout des êtres définis parleur histoire, leurs espoirs, leur comportement au jour le jour. Il traverse des lieux, des situations, des instants qui font l’objet de descriptions plus ou moins détaillées».
La rédactrice de la revue America Lenka Hudakova explique que « la réputation du New Yorker est énorme. Tout le monde sait que c’est le meilleur,la crème de la crème. Ils ont donc les moyens de publier les meilleurs auteurs, de leur donner du temps. C’est triste mais aujourd’hui, dans le journalisme, il n’y a plus de temps, il n’y a plus d’argent. Donc les quelques journaux qui arrivent à survivre et qui surtout ont encore de l’argent et du temps, ils peuvent en donner à chaque journaliste et romancier. Ils peuvent les payer 10 000 dollars pour un reportage. C’est un luxe aujourd’hui d’avoir le temps pour un article. C’est de plus en plus rare et c’est en train de disparaître». Un des grands critères des reportages du New Yorker: le temps, qui permet d’abord l’immersion. Pour pouvoir raconter une histoire, une vie, un événement et pas simplement enrendre compte, il faut s’y et s’en immerger. Selon l’universitaire Marie V anoost, ce n’est pas simplement un luxe pour un magazine pour le New Yorker , c’est aussi « un impératif central : prendre le temps, prendre la place de raconter de “vraies” histoires vraies». « Il s’agit d’un journalisme qui prend son temps aussi bien sur le terrain que lors de l’écriture, qui raconte généralement des événements “achevés” ou auxquels le journaliste apporte une certaine clôture – toujours forcément quelque peu artificielle, mais dictée ici par les choix narratifs du journaliste, et non par les impératifs de publication et le rythme de l’actualité. Ces récits, qui possèdent donc en eux-mêmes des bornes claires, peuvent ainsi être plus facilement extraits d’un flux médiatique aujourd’hui quasi constant – même s’ils restent toujours inscrits dans une intertextualité médiatique forte».
Le « middle country », un nouveau personnage principal dans les reportages long form ?
Suite aux élections présidentielles en novembre 2016 où Donald Trump aété élu Président et, comme expliqué précédemment, après que les États-Unis aient connu une profonde crise médiatique, beaucoup de médias sont entrés dans une phase de remise en question. Pourquoi ne pas avoir réussi à anticiper l’élection du candidat républicain ?Pourquoi ne pas avoir pris en compte le point de vue et les opinions de cet électorat de la « Middle America » ? Après avoir posé ces questions, énoncé des réponses, des solutions ont du être trouvées pour tenter defranchir le fossé formé entre une partie du peuple américain et les médias des deux côtes, et pour tenter de réduire cette fracture. Une de ces solutions a été de partir à la rencontre de cet électorat, de tenter de le comprendre et d’informer sur ses conditions et ses habitudes de vie. Depuis 2016, le New Yorkeraproduit un certain nombre de reportages dans ces états où un grand nombre de personnes ont voté pour Donald Trump. Mais aussi où les façons de vivre et de penser sont très différentes de celles dominantes sur les côtes Est et Ouest. « On aimerait beaucoup qu’il y ait plus d’électeurs de Trump qui lisent le magazine. Et il y en a certains, mais la population est tellement divisée ces jours-ci. Généralement, ils lisent ce qui est en accord avec eux-mêmes et regardent les journaux d’informations qui sont directement dirigés vers eux» explique Dorothy Wickenden, rédactrice en chef au New Yorker. Si ce n’est pas pour tenter de s’adresser aux habitants de ces états qui ne lisent pas plus le New-Yorker, ça peut être pour parler d’eux aux lecteurs du magazine.
Une des premières choses qui peut être soulevé est le choix du sujet en fonction de la zone géographique. Les états ont voté plus ou moins républicain. Et contrairement à la France parexemple, les États-Unis sont un pays fédéral qui n’est donc pasrégit par les mêmes lois partout. Les conditions de vie et de travail ne sont pas pas partout les mêmes. Le journaliste Benjamin WalkersWells est allé à la rencontre des enseignants de Virginie Occidentale au début de l’année2018 pour son article « The new old politics of the West Virginia teacher’s strike » (La récente et vieille politique du soulèvement des enseignants de Virginie Occidentale). Il y expliqueque « every school of the state closed voted for Trump by a huge marge in 2016 but also strong support for Bernie Sanders in the Democratic Primary» (toutes les écoles de l’état fermées ont voté pour Trump avec une grande avance en 2016 mais ont aussi fortement supporté Bernie Sanders aux Primaires
Démocrates). La Virginie Occidentale est un des états les pluspauvres des États-Unis et l’éducation en est une victime. « We have students who have graduated from high school without ever having had a certified math teacher» (on a des élèves qui ont été diplômé du lycée sans jamais avoir euun professeur de mathématiques certifié). Un autre exemple des conditions dramatiques de vie danscet état : « we have a lot of parents of come to pick up their kids up andare very-zombies. I guess it’s the only way I can describe them. They look like zombies» (il y a beaucoup de parents qui viennent récupérer leurs enfants et font très zombies. Je pense que c’est la seule façon dont je peux les décrire. Ils ressemblent à des zombies). La Virginie Occidentale a donc une éducation à la dérive qui a poussé ses enseignants à manifester. Et elle représenteces états pauvres qui n’ont pas de quoi éduquer leurs jeunes élèves. C’est donc un état qui mérite une plus grande attention des médias etdu New Yorker.
Présent sur le front de la critique politique et médiatique
Une remise en question interne
L’élection de Donald Trump a eu plusieurs répercussions dans les rédactions américaines.
L’incompréhension les a conduite à partir à la rencontre des américains là où elles n’allaient pas avant, ou moins. Et le comportement du Président a provoqué une peur. La peur d’une menace contre la liberté de la presse et contre la démocratie de façon générale. Dorothy Wickenden, rédactrice en chef au New Yorker , décrit sa réaction suite aux résultats de l’élection présidentielle. « J’étais consternée par le fait que les médias aient totalement échoué à prendre sa candidature sérieusement, et inquiète de sa détermination à brider la liberté de la presse, à continuer ses attaques contre les migrants et les minorités et, en général, ébranler les fondations de la démocratie américaine». Cette peur les a poussé à porter leur rôle de défenseur de la liberté d’expression de façon encore plus forte. « On a commencé des investigations sur comment la Russie a hacké les élections de 2016 et sur la corruption, les méfaits de la nouvelles administration».
L’ensemble de la rédaction s’est réunie pour remettre en question son travail pendant les élections mais aussi avant. « Comme d’autres médias, on s’est mis d’accord pour couvrir des votants avec qui on n’avait pas passé assez de temps à parler. Par exemple, George Packer a fait des reportages en Floride et en Ohio sur comment la classe sociale des travailleurs blancs en particulier a été laissé de côté pendant les années de présidence de Barack Obama. Mais on a sous-estimé la force de son soutien dans l’Amérique rurale et la « Rust Belt». [La Rust Belt, ou la ceinture de la rouille, est la région industrielle du nord-est des États-Unis]. Suite à cette remise en question interne, on peut noter trois points sur lesquels le New Yorkers’est concentré.
Le premier est ce qu’on peut appeler les « enquêtes démocratiques », qui s’intéressent aux fondements de la démocratie et qui se rendent au cœur des États-Unis pour observer l’application de ces fondements. Daniel A. Gross s’est rendu en Floride pour enquêter sur le droit de vote, et en particulier celui des citoyens qui ont été condamné pour un crime. Dansson papier « The fight for voting rights in Florida isn’t over »
(Le combat pour le droit de vote en Floride n’est pas fini), il rencontre Steve Phalen, qui ne peut plus voter. L’auteur part d’un cas particulier pour ensuite élargir et expliquer la situation générale dans l’état de Floride. Plusieurs mois avant, un premier amendement (Amendment 4) est passé avec 60% des votes, qui permettait derestaurer le droit de vote de ces citoyens ayant commis un crime dans le passé. « Steve Phalen went online, registered to vote, and got a registration card in the mail. “I had a smile on my face when I got that”he told merecently» (Steve Phalen est allé s’enregistrer sur Internet, et a reçu par courrier sa carte d’électeur. « J’avais un grand sourire quand je l’ai reçu » il m’a décrit récemment). Contrairement au reste des États-Unis, il ne pouvait pas voter jusqu’à cet amendement. « For nearly a hundred and fifty years, Florida enforced one of the most restrictive voting lawsin the country, banning anyone who’d beenconvicted of a felony from ever participating in elections» (Pendant presque 150 ans, la Floride a appliqué une des lois de vote les plus restrictives du pays, interdisant à n’importe quelle personne ayant été condamné pour un meurtre de ne jamais pouvoir participer à aucune élection).
L’amendement 4 en question permettait à ces citoyens (sauf ceux condamnés pour meurtre ou crime sexuel) de retrouver leur droit de vote après avoir purgé leur peine, comprenant la liberté conditionnelle. Steve Phalen, par exemple, avait été condamné pour avoir provoqué un incendie dans un bar sous l’influence d’alcool et d’antidépresseurs. Cette restauration touchait plus d’un million de personnes dans l’état de Floride. Après une année de prison, une amende et douze années de liberté conditionnelle, Steve Hannon avait purgé sa peine et pouvait donc, grâce au nouvel amendement, retrouver son droit de vote.
Les podcasts, suite du journalisme narratif
Le site internet pour aller encore plus loin dans le reportage
Comme la plupart des journaux et magazines aujourd’hui, le New Yorkera un site internet, qui fonctionne de façon complètement indépendante au papier. Les mêmes articles et reportages y sont publiés, mais ils ne sortent pas toujours à la même date et les titres sont souvent différents même si le texte en lui même ne change pas. Un contenu seulement web est également produit avec des articles en tous genres publiés. L’abonnement, comme souvent, peut être seulement au site internet. Une des rubriques est « Magazine » là où on peut retrouver les publications papiers. Les autres sont ensuite divisées par thématique comme « news », « culture » ou« business and tech ».
Le web, parce qu’il n’y a pas de limitations de pages ou de place, permet beaucoup plus de contenu.
Ce qui correspond parfaitement à un magazine comme le New Yorker puisqu’il est composé en grande partie d’articles « long form » (long format). Le nombre de signes n’est pas la seule chose profitable au magazine. Une rubrique est consacrée aux archives,ce qui permet à l’utilisateur d’aller consulter des articles sortis il y a plus de temps grâce à la barre de recherche. Une des propositions intéressantes du site internet est la possibilité, au lieu de lire l’article, de l’écouter grâce au format « audio », positionné entre l’image d’illustration et le début de l’article. Le texte est lu par une voix assez monotone et lente, qui respecte la ponctuation.
Dans le magazine, la mise en page est souvent très simple, avec des colonnes de textes sur des pages blanches et très peu d’illustration. Et pour les portfolios, les photographies sont placées à la suite des unes des autres, souvent accompagnées d’un texte introductif qui les place dans leur contexte et qui les précède. Sur le web, une création et des changements sont permis. Par exemple, le texte introductif n’est plus au début de la page, en un seul bloc. Il se révèle peu à peu avec les photographies, petits morceaux par petits morceaux.
Lorsque le web et le numérique ont fait leur arrivée dans le monde du journalisme et des médias, une peur a été que les « Longform » disparaissent. C’était le thème d’une conférence à l’école de journalisme de Columbia à New York, résumée dans un article du site Columbia Journalism Review , « The future of long form : a conference at the Columbia Journalism School explored the crafts’ digital prospects » (le futur des longs formats : une conférence à l’école de journalisme de Columbia explore les perspectives des métiers du digital) de Naomi Sharp. Elle écrit « when readers started moving to the internet, média analyststhought longform journalism was in trouble » (quand les lecteurs ont commencé à aller sur internet, les analystes des médias ont pensé que le journalisme long format était en difficulté). La mise en page et la forme ne sont plus les mêmes, le mode de lecture non plus. L’action ne requiert plus les mêmes outils, les mêmes conditions. «Who would want to scroll through an 8,000-word article on an iPhone screen ? » (qui voudrait faire défiler un article de 8000 mots sur un écran d’iPhone ? »). Est-ce que le numérique serait ce qui provoquerait la fin des articles long format ? Cette conférence, qui s’est déroule en 2013, y a répondu négativement. Non, ce n’est pas la fin du long format, bien au contraire. « Longform has gone digital and is thriving» (le long format est devenu digital et prospère).
Interviewé par le professeur de Columbia Michael Shapiro, l’éditeur en chef du New YorkerDavid Remnick définit le « longform » comme étant « lengthy, relaxed, deeply-reported, literary nonfiction » (très long, relaxant, profondément reporté, de la littérature non-fictionnelle). Il ajoute « I think it’s fantastic that the first law of evangelical Web theology, that no one would read anything long on the Web, has been overturned thoroughly» (je pense que c’est fantastique que la première loi évangélique du Web, que personne n’irait lire quelque chose de long sur le web, s’est retrouvée fausse). Cette conférence a montré que si un magazine comme le New Yorker arrive à s’approprier l’outil numérique et a proposer une offre à ses lecteurs, ils suivront et ils seront demandeurs de cette nouvelle plate-forme, de ce nouveau contenu et de ce nouveau mode de lecture.
Une des chose qu’un site internet permet est la diversité desupports en une seule surface. Et cette diversité fait partie de l’offre du New Yorker . Des articles sont bien sûr présents, des photographies, une version audio des textes. Mais il y aussi une rubrique vidéos. Et une rubrique consacrée aux podcasts, émissions sonores diffusées grâce au « podcasting » (mode de diffusion sur Internet). De plus en plus de podcasts sont créés et sont écoutés. Ils sont maintenant en plein cœur du monde médiatique et sont produits par toutes sortes de diffuseurs. Les studios consacrés à ces émissions sont de plus en plus nombreux. Il n’est donc pas étonnant que le New Yorkery consacre une revue, la « Podcast Dept », écrite par la journaliste Sarah Larson. Chaque mois, une sélection de trois podcasts est faite et conseillée aux utilisateurs. Pour le mois de mai 2019 par exemple, ce sont Decomposed, Running from copset Uncover : The Village . La journaliste écrit « Recently, anotherenjoyable podcast about music, from American Public Media, made its début, with an even more ridiculous name: “Decomposed.” (It’s about composers!)» (récemment, un autre podcast agréable sur de la musique, de American Public Media, a commencé, avec un nom encore plus ridicule : Decomposed – c’est sur des compositeurs !). Pour chaque chaque podcast, elle donne le nom de la voix à la présentation, décrit l’ambiance et les thèmes, et puis donne son avis. « The creative and personal lives of such figures as Clara and Robert Schumann, Richard Strauss, and Tchaikovsky are as complex as their compositions, and fascinating to contemplate alongside them» (la vie créative et personnelle de figures comme Clara et Robert Schuman, Richard Strauss et Tchaikovsky sont aussi complexes que leurs compositions, et fascinantes à contempler à leurs côtés). Un nouveau genre de critique a donc fait son apparition, celle de la critique de podcast. Les thèmes de la sélection mensuelle est très diverse. Pour ce mois de mai, le premier est donc musical, le second touche aux forces de police, aux drogues et à la violence. Le troisième et dernier sort du territoire des États-Unis pour prendre place à Toronto au Canada, dans le quartier gay. Il revient sur une période de cette zone, dans les années 70, où plusieurs meurtres inexpliqués ont eu lieu. « TheVillage is as much a gesture toward healing as it is a work of investigation; the results are illuminating and tremendously moving» (The Village est plus un geste vers la guérison qu’un travail d’investigation; les résultats sont éclairants et incroyablement émouvants) écrit Sarah Larson. Dans sa rubrique « Podcast Dept », elle écrit aussi des critiques plus longues sur un podcast en particulier, parfois un qu’elle a évoqué dans sa sélection mensuelle, parfois un nouveau. Entre deux et trois articles sont publiés chaque mois.
Le New Yorkers’intéresse donc aux podcasts de façon critique, mais pas seulement, puisqu’il en produit lui même. Dans le journalisme narratif, la position du journaliste est très particulière puisqu’il est présent dans le récit. Il utilise la première personne, il ne tente pas de disparaître, il assume une subjectivité et il raconte une histoire. Et certains podcasts, qu’on appelle podcasts narratifs, sont en quelque sorte une suite à ce journalisme. Les histoires sont racontées de la même façon. Ce sont les mêmes critères de distinctions. Mais ils peuvent être considérés comme encore plus forts, car il n’y a plus la frontière du papier et du texte. Le journaliste s’adresse directement à l’auditeur avec sa voix et l’auditeur l’écoute comme s’il était face à lui. Et comme à la radio, les voix des personnes interviewées et rencontrées sont directement diffusée, ce qui crée une grande proximité.
La rubrique « podcast » du site est composée de cinq émissions différentes, aussi variées que la proposition habituelle du magazine. Il y a le « Poetry Podcast » animé par le rédacteur du New Yorker Kevin Young spécialisé en poésie, qui propose des lectures et des conversations sur ce thème. Le « Fiction Podcast » est une émission mensuelle, composée également de lectures et de conversations, animé par Deborah Treisman, l’éditrice fiction du New Yorker . Un autre podcast est consacré aux fictions et cette fois à celles qui sont publiées dans le magazine chaque semaine. Lesauteurs viennent y lire leurs histoires. Les deux autres podcast sortent cette fois du champs culturel.
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Table des matières
I) Partir à la rencontre de la « Middle America »
A) Un magazine intellectuel
B) L’écriture narrative
C) Le « middle country », un nouveau personnage principal dans les reportages
longform ?
II) Présent sur le front de la critique politique et médiatique
A) Une remise en question interne
B) Où en est la neutralité et le parti pris ?
C) Le journalisme narratif comme rempart à la « fake news »
III) Les podcasts, suite du journalisme narratif
A) Le site internet pour aller encore plus loin dans le reportage
B) Une place encore plus importante pour le personnage du journaliste, l’exemple de
« Politics and more podcast » de Dorothy Wickenden
C) Un outil d’écoute qui plaît
