État des maladies diarrhéiques et prise en charge
La planète est marquée aujourd’hui par une démographie galopante. On estime actuellement que trois habitants de la planète sur quatre vivent en milieu urbain et que deux tiers des citadins de la planète sont des habitants des pays du Tiers-Monde . Selon l’OMS, plus de 50% de la population mondiale vit en zone urbaine et d’ici à 2050, c’est 70% de la population mondiale qui vivra dans les villes. Cette démographie rapide dans les villes va impacter essentiellement sur la santé des populations. En effet, dans de nombreuses villes en développement, la non maitrise des autorités locales ou gouvernementales de la dynamique urbaine entraine d’énormes difficultés pour satisfaire la demande sociale massive pour l’accès à l’eau, à l’assainissement, à un logement décent, aux soins de santé de base etc. L’absence de ces services de base se traduit par une hygiène défectueuse qui offre des conditions bioécologiques favorables au développement de germes pathogènes (virus, bactéries, parasites) responsables de nombreuses maladies qui sévissent dans les espaces urbains telles que les maladies diarrhéiques. Ainsi, certaines catégories de la population en pâtissent et méritent une attention particulière de notre part. En effet, les enfants sont affectés en grande partie par les conséquences de l’urbanisation énumérées supra. Ils sont exposés à de nombreuses maladies que certains épidémiologistes, géographes, sociologues et autres ont décelées dans leurs travaux. Beaucoup de ces travaux montrent, comment cette urbanisation est responsable de la mortalité et de la morbidité infantile due aux maladies diarrhéiques. Au niveau mondial on peut enregistrer chaque année 1.7 milliard de cas de diarrhée chez les enfants. La diarrhée occupe la deuxième place en terme taux de mortalité infantile. En 2015, 01 décès d’enfant sur 10 était dû à la diarrhée dans le monde. Selon le rapport de l’UNICEF sur 526 000 décès d’enfant par année, on enregistre 1400 décès d’enfants par mois, 60 décès d’enfants par heure, 1 décès d’enfants par 60 secondes.10(7) Au Sénégal, 74 enfants de moins de 05 ans meurent chaque jour. La diarrhée représente 08% des causes de cette mortalité infantile ;11 et constitue l’une des principales causes de mortalité chez les enfants de 0 à 5 ans. La prévalence du nombre d’enfants atteints de la diarrhée est de 15% au cours des deux semaines ayant précédées les enquêtes démographiques et de santé continue de 2016.12(8) Elle est particulièrement élevée dans les groupes d’âges de 6 à 11 mois (24 %) de 12 à 23 mois (23 %) ainsi que, dans la grande région Sud (22 %). On note aussi qu’elle a tendance à diminuer du quintile du plus bas au plus élevé, variant de 17% à 13 %. En milieu rural le taux de diarrhée infantile est plus élevée (3 654) qu’en milieu urbain (2 175).13 (8) Pourtant, depuis des années, l’OMS et l’UNICEF œuvrent pour la réduction de cette diarrhée infantile. En 2009, ils ont publié conjointement le rapport diarrhée : Pourquoi les enfants continuent-ils d’en mourir ? Que peut-on en faire ? En 2012, l’UNICEF a lancé un nouvel appel dans le rapport : Combattre les maladies les plus meurtrières pour les enfants les plus pauvres du monde. Dans ce cadre, l’OMS s’est fixé parmi ses objectifs du millénaire pour le développement, la réduction de 53% de la mortalité des enfants de moins de (05) cinq ans et la baisse de la mortalité infantile de deux tiers entre 1990 et 201514(9) en proposant une couverture sanitaire universelle et des soins du nouveau-né peu couteux. Dans le même sillage, le gouvernement sénégalais à l’instar de l’OMS a pris des mesures pour la réduction du taux d’enfants atteints de diarrhées. Le Sénégal depuis 1985 dispose d’un plan de lutte contre les maladies diarrhéiques. En 1996, il y a eu un programme de prise en charge intégrée de la maladie de l’enfant (PCIME) qui s’est étendu au niveau communautaire entre 2001 et 2003.15(10) En plus de ces moyens de lutte, le Sénégal a introduit les interventions thérapeutiques, mises sur pied par l’OMS dans le cadre de la prise en charge clinique des diarrhées infantiles. Parmi ces interventions on a d’une part, la Réhydratation au moyen de sels de réhydratation orale (SRO)16 en cas de déshydratation modérée ou en l’absence de signes de déshydratation ; d’autre part, on a la Réhydratation par voie intraveineuse en cas de déshydratation sévère ou de choc et enfin, l’absorption de Suppléments de zinc. Pour la prise en charge d’une diarrhée persistante, une consultation d’un agent de santé est recommandée, lorsqu’il y a du sang dans les selles ou en cas de signes de déshydratation. Toutes ces mesures tendent à réduire de 25% la durée de l’épisode diarrhéique et de 30% le volume des selles. Compte tenu de toutes ces mesures, on peut noter des progrès considérables dans la lutte contre les maladies diarrhéiques chez les enfants de moins de (05) cinq ans avec une baisse de la mortalité considérable. Dans le cadre de la prévalence de la mortalité infantile due à la diarrhée on est passé de 21% en 2010 -2011 selon les EDSV-MICS à 15% en 2015 selon l’EDS-c.17(11) Toutefois, le respect des mesures préventives promu par les grandes instances sanitaires et les autorités locales constitue un problème pour certaines personnes d’où notre étude sur les comportements dits à risque de maladies diarrhéiques pour les enfants de moins de 5 ans.
La prévention contre les maladies diarrhéiques
Les maladies diarrhéiques occupent une place prépondérante dans la mortalité infantile au Sénégal. Les enfants de moins de cinq ans sont en grande partie affectés par des épisodes de diarrhée qui peuvent être néfastes s’ils ne sont pas pris en charge. Toutefois, même si la prise en charge doit être assurée par les soignants et par les acteurscommunautaires il est préférable de mettre en place des moyens pour prévenir la diarrhée chez les enfants. C’est dans cet ordre d’idée que l’OMS à étaler ces moyens pour annihiler ce phénomène. Ainsi, on peut citer une des voies de prévention les plus prometteuses pour la réduction de la mortalité infantile, à savoir le vaccin contre les rotavirus. Recommandé par l’OMS, ce vaccin est introduit depuis 2014 dans le programme national de vaccination du Sénégal avec le soutien de Gavi, l’alliance du vaccin qui a eu à financer les pays en développement.18(12) Le vaccin contre les rotavirus permet une meilleure prévention contre la diarrhée chez l’enfant. L’OMS recommande l’administration de la première dose du vaccin antirotavirus à l’âge de 6 semaines ou peu après. En sus de cela, l’allaitement maternel exclusif du nourrisson et l’apport d’un supplément de vitamine A sont aussi recommandés par l’OMS, il s’y ajoute le lavage des mains au savon, l’amélioration de l’approvisionnement en eau et enfin l’assainissement réalisé au niveau local. En outre, Le gouvernement sénégalais pour répondre aux mesures préventives à lancer un plan stratégique national de santé communautaire en décembre 2014 afin de promouvoir l’implication des acteurs de santé communautaire dans la lutte contre les maladies diarrhéiques. Au Sénégal selon le ministère de la santé et de l’action sociale 80% de décès des enfants de moins de cinq (5) ans surviennent à la maison sans aucun contact avec les services de santé. Fort de ce constat, pour réduire ce taux de mortalité, il urgeait de faire des interventions à base communautaire dans le cadre de la prise en charge, de la promotion et de la prévention. Tout ce programme visait la réduction de la mortalité infanto-juvénile de deux tiers avant 2015 dans les objectifs du millénaires 4 (OMD4). Ainsi, la cogestion des structures de santé s’est élargie avec l’«Initiative de Bamako» qui a permis le développement d’activités communautaires de santé par des acteurs identifiés au sein des populations riveraines.19(5) En plus des agents de santé communautaires, matrones et relais communautaires, de nouveaux profils d’acteurs de santé communautaire ont vu le jour. Il s’agit des Agents de Santé à Base Communautaire (ASBC), des « Bajenu Gox » et des Dispensateurs de Soins à Domicile (DSDOM). Pour répondre aux mesures de préventions les acteurs communautaires sont chargés de sensibiliser et d’appuyer les femmes. C’est dans ce cadre que, des visites à domicile (VAD) sont organisées par les acteurs communautaires de santé. En effet, l’implication de ces derniers entre dans le cadre de la politique de santé communautaire qui a comme objectif de réguler et d’orienter les initiatives communautaires et d’avoir un cadre approprié pour l’impulsion, le soutien des interventions des différents acteurs. C’est dans cette visée qu’en 2013, le ministère de la santé a créé une cellule de santé communautaire (CSC). Ainsi, les « bajenu gox », DSDOM et les relais font partie de cette cellule de santé communautaire et jouent un rôle prépondérant. Les « Bajenu gox», ont pour objectifs de lutter contre les mortalités maternelles, néonatales et infantiles. Elles sont aussi chargées d’aider les relais qui sont formées dans le but de mener des activités de communication d’éducation et d’information pour le changement de comportements grâce aux activités préventives et promotionnelles dans le cadre du programme de lutte initié en 2010 par le gouvernement pour mettre en contribution le leadership des femmes et les valeurs traditionnelles. Cependant, malgré ces mesures préconisées, beaucoup de localités comme Diamniadio vivent avec un taux assez important d’enfants atteints de diarrhée. Diamniadio est une commune qui abrite un nouveau pôle urbain et qui est très attractive. La ville de Diamniadio fait l’objet d’une forte urbanisation non planifiée ; ce qui peut favoriser le développement de maladies diarrhéiques si les populations n’observent pas à la lettre les mesures d’hygiène. En effet, il ressort de nos enquêtes exploratoires que plus de 489 cas d’enfants atteints de diarrhée ont été enregistrés au centre de santé Élisabeth Diouf de Diamniadio entre 2015 et 2016. Dans le cadre de la prise en charge de ces malades il leur est administré la SRO, le ZINC ou un vaccin qui peut se faire soit le jour j soit sur rendez-vous. Toutefois, d’après Mariéme Ndiaye sage-femme exerçant dans ce centre la diarrhée est évitable puisque, après chaque accouchement les femmes reçoivent les conseils relatifs à sa prévention :
Allaiter l’enfant après la naissance et poursuivre cet allaitement de 12 à 15 mois.
Veiller à l’hygiène alimentaire de l’enfant (bien conserver les aliments du bébé en mettant son biberon au bain marine avant consommation et en réchauffant ses aliments.
Seulement, malgré ces nombreux conseils de mesures de prévention, il a été noté qu’au bout de 1 à 3 mois voire plus, certaines mères revenaient au centre pour une consultation car leur enfant était atteint de diarrhée. Au vu de la récurrence des cas, l’aspect qui a le plus attiré notre attention est le lieu de résidence de ces patients. À l’issue de nos enquêtes les résultats ont révélé que sur les 489 cas d’enfants atteints de diarrhée indiqués supra, près de 164 cas proviennent du quartier Diamniadio-sud. Les autres cas sont partagés entre les villes de Sébikhotane, Bargny et les autres quartiers de Diamniadio. Suite à cela nous nous sommes intéressés dans le cadre de l’anthropologie de la santé aux facteurs qui relèvent du comportement humain et qui peuvent affecter en grande partie les enfants de moins de 5 ans. Les explorations effectuées nous ont permis de constater que certaines de ces mesures préventives comme l’hygiène corporelle de l’enfant, de l’eau, du milieu ne sont pas respectées par la population. Il a été également relevé la présence d’eaux stagnantes, de fosses ouvertes et des dépôts d’ordures à ciel ouvert. Dès lors il est légitime de s’interroger sur les facteurs explicatifs de l’adoption de comportements dits à risque de maladies diarrhéiques chez les enfants de 0 à 5 ans malgré les dispositions préventives prises et avec une facilité d’accès.
Risque
A la notion de risque plusieurs définitions peuvent être retenues. C’est un concept qui regroupe plusieurs dimensions : le risque au travail, le risque environnemental, le risque alimentaire, le risque technologique ; le risque sanitaire etc. Mais même si les définitions peuvent être multiples elles ont un point commun à savoir le danger potentiel qui peut guetter. Il peut être défini comme la probabilité qu’un événement ait des conséquences généralement considérées comme dommageables. Le risque doit donc être évalué dans tout processus de prise de décision Il peut être défini comme l’exposition d’une personne a un danger et qui peut impacter sur sa santé. Selon Jean-Christophe Blesius, la culture du risque nécessite d’être souvent conscient d’un risque existant et à l’enjeu de connaître les comportements à avoir en cas d’urgence. Pour lui cela invite à s’interroger sur les réponses qui peuvent être mobilisées pour atteindre ces objectifs. Parmi elles se trouve l’éducation aux risques qui, bien qu’elle puisse être considérée par certains interlocuteurs comme un vecteur d’accroissement de l’acceptabilité d’un risque, reste encore une réponse récente. Par ailleurs, de multiples enjeux doivent être relevés pour permettre à cette dernière de trouver sa place dans l’éventail des actions mobilisables pour faire face à un risque et le cas échéant, permettre de mieux cohabiter avec lui. Cette conception du risque qui implique une culture du risque nous semble le plus approprié puisque, la plupart du temps les gens sont conscients des risques que peuvent avoir leurs comportements mais chaque personne adopte une posture en fonction de ses capacités intellectuelles, environnementales, économiques et de sa perception du risque. Ainsi, le risque peut être défini dans notre contexte comme les effets non souhaités que produisent la somme de nos comportements en rapport avec notre posture prise dans la vie active.
Représentation
Pour Serge Moscovici, les représentations sociales peuvent être comparées à des théories du savoir commun des sciences populaires qui se diffusent dans une société ce sont des représentations construites dans le cadre des pratiques quotidiennes et partagées par l’ensemble d’un groupe social au-delà des particularités individuelles. Edgar Morin va plus loin en définissant la représentation comme une synthèse cognitive dotée des qualités de globalité de cohérence, de constance, de stabilité. Elle est obtenue par un processus de construction et est construite à partir de plusieurs choses que sont : L’action du réel sur nos sens (la perception), notre mémoire, les fantasmes qui nous font privilégier certains aspects au détriment des autres. Cette construction que nous projetons ensuite sur la réalité, forme une boucle qui achève de nous mettre en relation avec cette réalité. Cette boucle est sélective et addictive ce qui fait que toute perception à une composante quasi hallucinatoire mais Morin souligne qu’il n’est pas facile de changer une représentation puisqu’elle est cohérente et stable or c’est la représentation que l’on a d’un objet, d’une personne, d’une discipline, d’une situation qui va nous amener à agir d’une façon ou d’une autre.43 (28) La représentation est relative à la culture, aux croyances qu’on la population qui peuvent être antérieures ou construites par des expériences personnelles ou collectives qui peuvent influencer le comportement et l’attitude de la population.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÉRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIQUE
CHAPITRE 1 : CADRE THEORIQUE
1. Contexte et problématique
1.1 État des maladies diarrhéiques et prise en charge
1.2 La prévention contre les maladies diarrhéiques
1.2.1. L’implication des acteurs communautaires de santé et les perceptions et représentations de la population face à la prévention des maladies diarrhéiques
1.2.2 L’influence des facteurs socio-économiques sur la prévention contre les maladies diarrhéiques
1.2.3. L’impact de la gestion de l’environnement sur l’aboutissement des mesures de prévention des maladies diarrhéiques chez les enfants de 0 à 5ans
2. Objectifs de recherche
2.1. Objectif principal
2.2. Objectif secondaires
3. Hypothèses de recherche
3.1. Hypothèse principale
3.2. Hypothèses secondaires
4.1 Conceptualisation
5. Justification du sujet
6. Cadre théorique de référence
6.1. Modèle d’analyse : l’individu stratégique de Michel Crozier
7. Cadre d’étude
8. Délimitation du champ d’étude
CHAPITRE 2 : CADRE MÉTHODOLOGIQUE
1 Méthodes et techniques de collectes
1.1 Méthode qualitative
1.2 Techniques de collectes des données
1.2.1. Entretien semi-directif
1.2.2 Observation directe
2. Cibles
2.1 Cible principale
2.2 Cibles secondaires
3. Échantillonnage
4. Documentation
5. Difficultés rencontrées
6. Les cibles atteintes lors de la collecte de données à Diamniadio sud
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES DONNḖES
Chapitre 1 : Pratiques de gestion d’hygiène, comportements à risque de maladies diarrhéiques et conditions de vie
1. Pratiques de gestion de l’hygiène et comportements à risques
1.1 Accessibilité et hygiène de l’eau
1.2 Gestion des ordures
1.3 Lavage des mains
2. Conditions de vie de la population
2.2 Nombre de personnes dans l’habitat
2.3 Type d’habitat et milieu de vie
Chapitre 2 : La connaissance et la perception de la population sur les comportements dits à risque de maladies diarrhéiques chez les enfants de 0 à 5 ans
1. la connaissance et la perception des risques liés aux maladies diarrhéiques
1.2 La dentition
1.2 Le vent
1.3 L’alimentation et hygiène corporelle de l’enfant
2. Perception de la population sur le travail des acteurs de santé communautaire pour un changement de comportement
ANNEXES
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