Résumé
Le pneumothorax spontané primitif (PSP) est rare chez les adolescents et aucune recommandation spécifique n’existe à ce jour pour leur prise en charge. Afin d’évaluer nos stratégies de prise en charge du PSP, et en considérant les recommandations pour la prise en charge des PSP de l’adulte éditées par la British Thoracic Society (BTS), nous avons mené une étude rétrospective de cohorte monocentrique dans les 2 hôpitaux universitaires de l’Assistance Publique Hospitalière de Marseille sur la période 2008 à 2018. Nous avons inclus 70 patients atteints de PSP âgés de < 20 ans (82,9% de garçons ; 16,8±1,7 ans ; 54,4% de PSP gauches ; 50% de récidives de PSP). Un seul patient présentait des signes cliniques sévères. Plus de la moitié des patients (42/70 [60 %]) a eu une tomodensitométrie (TDM) thoracique qui a mis en évidence des bulles pulmonaires apicales sous-pleurales dans 46,2 % des cas. La plupart des patients (43/70 [61,4 %]) ont suivi un traitement médical seul lors du premier épisode de PSP. Un tiers des patients (25/70, 35,7 %) ont bénéficié d’une prise en charge à la fois médicale et chirurgicale lors de leur premier épisode. Seuls deux patients (2/70, 2,9 %) ont reçu une prise en charge chirurgicale seule pour leur premier épisode. A noter que chez seulement 24 % des patients a été recherchée une éventuelle maladie sous-jacente. Les cas de PSP sont peu fréquents chez les adolescents, la récidive étant la principale complication. Il existe une grande hétérogénéité dans sa prise en charge et des résultats contradictoires dans la littérature. Davantage de directives pédiatriques sont nécessaires pour décider de la gestion optimale. Une étude prospective serait intéressante pour définir les facteurs de risque de récidive et déterminer si la chirurgie primaire est plus efficace qu’un traitement médical pour un premier épisode de PSP.
Introduction
Le pneumothorax spontané idiopathique ou primitif (PSP) n’est déclenché par aucun traumatisme ou procédure invasive, aucune ventilation mécanique ou infection pulmonaire (1). La prévalence du PSP dans la population pédiatrique est de 3,4 sur 100 000 et est deux à dix fois plus élevée chez les garçons que chez les filles (2). Chez les adultes, le PSP survient le plus souvent chez des hommes jeunes et grands en bonne santé qui ne présentent aucun symptôme ou signe clinique d’une maladie pulmonaire sous-jacente (1). Les patients pris en charge pour PSP présentent souvent des bulles emphysémateuses apicales sous-pleurales, unilatérales ou bilatérales, qui peuvent être détectées par tomodensitométrie (TDM) thoracique. Étant donné que les patients présentant des bulles peuvent être exposés à un risque plus élevé de récidive de PSP, leur diagnostic précoce pourrait mieux orienter leur prise en charge thérapeutique (3). La prise en charge d’un PSP peut être médicale seulement et/ou chirurgicale. La prise en charge médicale peut consister en une observation seule (avec ou sans oxygénothérapie aux lunettes simples), ou une exsufflation à l’aiguille et/ou un drainage aspiratif. Les procédures chirurgicales réalisées peuvent être : une pleurodèse mécanique ou chimique, une pleurectomie, une ablation des bulles/blebs (bullectomie/blebectomie), le plus souvent par chirurgie thoracoscopique vidéo-assistée (VATS ou video assisted thoracoscopic surgery) ou rarement par thoracotomie. Aucune recommandation n’existe à ce jour concernant la prise en charge d’un PSP chez l’enfant, que ce soit pour la réalisation systématique d’une TDM thoracique pour le diagnostic initial du PSP, ou pour le choix d’une prise en charge médicale ou chirurgicale primaire. Les médecins ont tendance à suivre les lignes directrices de la British Thoracic Society (BTS) qui recommandent : une abstention thérapeutique pour les PSP de petite taille sans critère de gravité clinique et les PSP de grande taille asymptomatique, ou une prise en charge active pour les autres : soit médicale en cas de premier épisode non compliqué soit chirurgicale en cas de récidive ou de complication, en favorisant la VATS plutôt que la thoracotomie (1). Ainsi, la prise en charge pédiatrique des PSP est très variable et centre-dépendant (4). Nous avons cherché à évaluer les stratégies de prise en charge diagnostique et thérapeutique appliquées aux adolescents âgés de moins de 20 ans hospitalisées pour PSP dans notre centre pendant 11 ans.
Discussion
Dans cette étude rétrospective de cohorte monocentrique, nous avons analysé la prise en charge du PSP chez les adolescents âgés de <20 ans sur une période de 11 ans. Les caractéristiques démographiques de notre population de PSP étaient similaires à celles rapportées dans d’autres études, avec une majorité de jeunes hommes, âgés de 14 à 18 ans (2,3,5-12). Le résultat de la première radiographie du thorax montrait principalement un PSP gauche, comme cela a été rapporté dans l’étude rétrospective de Poenaru et al (9) et dans la revue systématique de Lepcha et al (13). Notre pratique était de prescrire la TDM thoracique moins fréquemment que les autres (60% vs 72 à 100% dans la littérature (3,5)). Curieusement, la TDM thoracique était plus fréquemment réalisée chez les patients sans récidive que chez les patients avec récidive de PSP. Ceci reflète probablement le fait que la chirurgie est systématiquement proposée en cas de récidive, quels que soient les résultats de la TDM. Les bulles ont été détectées dans 46,2 % des cas, ce qui correspond à la fourchette rapportée par la littérature (24% à 79%) (3,5-7,14) et elles étaient localisées dans le segment apical du poumon dans tous les cas (3,14). Il convient de noter que Bialas et al. (15) ont observé des bulles situées dans les lobes inférieurs au cours de 12,5 % des procédures de VATS (N = 41). L’association entre la détection de bulles à la TDM et le risque de récidive de PSP fait encore l’objet de débats (3,4,16). Si Nathan (3) suggère une valeur prédictive positive de 92% pour la récidive en cas de bulles à la TDM, Williams et al. (5) proposent de réaliser une TDM uniquement pour les PSP de grande taille ou en cas de récidive, en accord avec les directives de la BTS qui ne recommandent la TDM que pour les cas inhabituels ou complexes (1). Dans notre étude, 55,7% des patients ont eu un examen anatomopathologique, tout épisode confondu, notamment en cas de récidive. Son résultat n’était pas attendu puisque nous avons trouvé plus de bulles chez les patients non récurrents que chez les patients récurrents (respectivement 91,7% et 51,9% ; p=0,028). Cela peut peut-être s’expliquer en partie par notre petit nombre de patients et certaines données manquantes. Les stratégies de prise en charge d’un premier épisode de PSP sont variables. La plupart de nos patients ont été traités médicalement, mais 38,6% ont eu une prise en charge chirurgicale. La proportion globale de patients mise en observation seule (abstention thérapeutique) était conforme à celles rapportées (17% à 40%) (3,5). Le taux de patients qui ont été traités par exsufflation à l’aiguille était environ 10 fois plus faible que dans la cohorte de Nathan et al. (3) (2,9 % (2/68) contre 32 %). Quant au taux de patients ayant eu un drainage aspiratif, il était plus important que le taux le plus élevé rapporté par la littérature (77,9 % (53/68) contre 37 % à 70 %) (3,5,6,9,11,17). Dans la littérature, le taux de patients ayant eu une prise en charge chirurgicale dès le premier épisode est variable : 48% pour Nathan, 22% pour Williams, 17,5% pour Soler (3,5,6). Selon le protocole de prise en charge du PSP de l’adulte édité par la BTS, l’observation seule est le traitement de choix pour les PSP de petite taille (<2 cm) sans signe clinique de gravité. En cas de PSP de grande taille (>2 cm) ou de dyspnée, l’exsufflation à l’aiguille est le traitement de première ligne car elle est moins douloureuse que le drainage aspiratif, qui est utilisé comme traitement de seconde ligne en cas d’échec de l’exsufflation à l’aiguille (1/3 des patients) (1). La stratégie chirurgicale est envisagée en cas de bullage persistant dans le drain thoracique après 48 heures ou en cas de récidive de PSP (1).Les stratégies thérapeutiques du PSP pédiatrique restent un sujet de débat, en raison du risque plus élevé de récidive que chez les adultes (2,18). Notre taux de récurrence de PSP était proche du taux le plus élevé rapporté dans la littérature pour les cas de PSP pédiatriques (21 % à 52,6 %, indépendamment de la stratégie de gestion) (3,5-9,12,17,19,20), et 3 fois plus élevé que celui rapporté pour les adultes (20,21). Nous avons trouvé un délai médian de 4 mois avant la récurrence de PSP, similaire au délai moyen global de 5 mois (±1 mois) rapporté dans la petite étude pédiatrique (N = 22) de Matuszcak et al. (8), et au délai de 4,5 mois observé chez les patients non opérés (N = 66) par Soler et al. (6). Le développement pulmonaire toujours actif chez l’enfant pourrait être un terrain favorisant l’apparition de nouvelles bulles (19,21). Ainsi, le risque de récidive se situe entre 40-60% chez les patients non opérés (Choudary 2005) et 50-75% chez les patients initialement traités par drainage aspiratif et VATS (Williams 2018). En revanche, Soler et al. (6) et Bialas et al. (15) ont montré que le risque de récidive de PSP était significativement plus faible chez les patients ayant subi une bullectomie ou une pleurodèse mécanique après le premier épisode de PSP. Soccorso et al. (7) ont proposé d’indiquer la TDM et le traitement chirurgical après le deuxième épisode de PSP. Selon Williams et al. (5) et Choi et al. (21), la VATS est une méthode sûre et efficace pour traiter le PSP pédiatrique. Cependant, Qureschi et al. (22) ont montré que la morbidité de la récidive de PSP était plus élevée après un traitement chirurgical initial par rapport à une prise en charge chirurgicale secondaire (4/14 vs. 0/20, p=0.05), et n’ont donc pas indiqué la VATS comme traitement de première ligne du PSP de l’enfant. Dans leur étude rétrospective pédiatrique, Joharifard et al. (10) ont trouvé que le taux de récurrence de PSP était significativement plus faible après une pleurectomie qu’après une pleurodèse (8,8% vs 40%, p<0,01), mais il a été démontré que la pleurodèse par VATS réduisait le risque de récurrence de PSP pédiatrique par rapport aux procédures non chirurgicales ou non thoracoscopiques (11). En l’absence de consensus pédiatrique de prise en charge des PSP, les directives de la BTS pour adultes pourraient constituer une référence. Cependant, nous avons constaté qu’elles sont rarement mises en application, principalement en raison des contraintes techniques : une simple exsufflation à l’aiguille est difficile à entreprendre chez un enfant ou adolescent sans anesthésie ni anxiolyse, et un drainage thoracique peut nécessiter une anesthésie générale, en fonction de l’âge. En outre, les directives de la BTS concernant la prévention du risque de récidive étaient à peine appliquées. Notre étude était limitée par sa conception rétrospective et monocentrique. Les données manquantes étaient probablement dues à un suivi conjoint des patients avec des centres hospitaliers périphériques. Cependant, nous avions un effectif de patient intéressant comparé aux articles déjà présents dans la littérature, une durée de collecte des données de 11 ans, et des critères d’inclusion sélectifs, qui nous ont permis d’avoir une vue d’ensemble de la gestion du PSP chez les adolescents dans notre institution.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RÉSULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXES
• Figure 1
• Tableau 1
• Tableau 2
• Tableau 3
ABRÉVIATIONS
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