Depuis ces dernières années la spectroscopie optique a bénéficié d’un important regain d’intérêt dans le cadre de la recherche de technologies non invasives pour le diagnostic de tissus dysplasiques. Cette technique fait partie d’un ensemble que l’on regroupe sous le terme de « biopsie optique ».
La « biopsie optique » est née pour pallier les nombreux désavantages des actuels dépistages de lésions dysplasiques dans les tissus qui nécessitent généralement un grand nombre de prélèvements tissulaires, procédures longues, coûteuses et généralement désagréables pour le patient. Les méthodes de « biopsie optique » reposent sur la caractérisation des interactions lumière-tissu et sur leur analyse par diverses méthodes mathématiques et informatiques, susceptible de fournir des informations sur le métabolisme et la morphologie du tissu. Les deux principaux avantages de ces méthodes sont leur non invasivité et leur rapidité. On peut remarquer au passage que le terme « biopsie optique » peut sembler antinomique car le mot « biopsie » fait référence à un prélèvement de tissus alors que le terme «optique » implique au contraire que celui-ci n’est pas prélevé.
La spectroscopie de diffusion élastique est une des techniques les plus prometteuses dans une application clinique car elle est totalement non invasive. Cette technique consiste à analyser la lumière diffusée par le tissu biologique via des modèles de propagation de la lumière dans un milieu diffusant. Les variations spectrales mais également angulaires (comme nous le montrerons par la suite) dépendent fortement de la structure et de la composition du tissu. Des lésions, entrainant des changements architecturaux, pourront être ainsi détectées par cette technique.
Les tissus biologiques : le milieu d’étude
Par définition, un tissu est un ensemble de cellules spécialisées et adaptées à une même fonction. Les tissus forment les organes tels que le cœur, les reins et les poumons. La plupart des organes sont formés de plusieurs tissus et c’est la disposition de ces tissus qui détermine la structure et les capacités fonctionnelles de chaque organe. Les anomalies de renouvellement des tissus représentent un problème médical majeur et celles qui sont liées aux anomalies de comportement de cellules mutantes sont à la base du développement du cancer. Le processus de cancérisation dans les tissus sera abordé dans la troisième partie. Dans cette partie nous commencerons par regarder les différents types de tissus présents dans notre organisme, puis nous regarderons de plus près la composition de ces structures à l’échelle cellulaire.
Histologie des tissus
Comme il a été dit précédemment, la plupart des cellules d’un organisme sont organisées en ensembles coopératifs appelés tissus, et il est habituel de distinguer quatre grands types de tissus : conjonctif, épithélial, nerveux et musculaire. Ces tissus primaires s’allient pour former la trame de notre organisme. Nous décrirons seulement le tissu épithélial et le tissu conjonctif car ce sont ces tissus qui sont les premiers sites de développement du cancer .
Les tissus qui nous intéressent le plus sont les épithéliums car ils sont le lieu de développement de plus de 85% des cancers. Ils revêtent ou bordent l’intégralité de la surface du corps humain, de ses cavités et de ses tubes (surfaces internes et externes). Ces tissus sont formés de cellules aux jonctions serrées (peu d’espace entre les cellules) et forment ainsi des feuillets multicellulaires allant de quelques microns à quelques centaines de microns. Un feuillet est dit stratifié quand il est composé de plusieurs couches de cellules comme l’épiderme qui couvre la peau (épaisseur de 27µm à 150µm) ou simple quand il est composé d’une seule couche de cellules comme la bordure de l’intestin (épaisseur d’environ 10µm). Dans ces tissus il n’y a pas de vaisseaux sanguins, les cellules sont donc nourries par un liquide interstitiel qui diffuse à partir des tissus qu’elles recouvrent. Les feuillets épithéliaux reposent sur une membrane basale, d’épaisseur variable entre 50 et 200nm, formée principalement de collagène (protéines). Cette membrane basale permet la séparation entre l’épithélium et le tissu conjonctif sous-jacent.
Le deuxième grand type de tissus est le tissu conjonctif. Ce tissu est présent dans tous les organes et occupe les espaces libres entre les autres tissus. Il a un rôle de remplissage et de soutien. Ces tissus contrairement aux épithéliums sont formés de cellules peu nombreuses et séparées les unes des autres par une substance intercellulaire appelée substance fondamentale. Dans cette substance fondamentale baignent des fibres de trois types différents : collagènes (de 0.5 à 3µm de diamètre et de plusieurs microns de longueur), élastiques et réticulaires. Ces tissus sont très variés ils peuvent être résistants et flexibles comme les tendons ou le derme de la peau, durs et denses comme l’os. Ces tissus conjonctifs peuvent contenir quelques vaisseaux car le sang est par définition un tissu conjonctif liquide. Nous allons maintenant regarder de plus près ces tissus pour étudier en détail leur composante principale : la cellule.
La structure cellulaire
Pour mieux appréhender les processus physiques, il est essentiel de regarder la structure d’une cellule. La cellule est l’unité biologique de base. C’est l’unité structurale et fonctionnelle de tous les organismes vivants. Dans l’organisme, les cellules se différencient pour répondre à une fonction particulière, dans le corps d’un vertébré on distingue plus de 200 types cellulaires différents. La cellule biologique est une structure complexe comprenant des composantes de tailles allant du nanomètre au micromètre.
Cette petite unité est caractérisée par :
-une membrane cellulaire qui individualise et isole du milieu extérieur.
-un cytoplasme riche en organites ; ces organites sont les instruments des différentes fonctions cellulaires :
• Les mitochondries génèrent, à partir de la nourriture, l’énergie permettant à la cellule de fonctionner.
• Le réticulum endoplasmique assure le transport et le stockage des matériaux à l’intérieur de la cellule.
• Les peroxysomes permettent d’isoler les réactions au cours desquelles l’eau oxygénée (réactif chimique dangereux pour la cellule) est formée et dégradée.
• Les ribosomes sont composés de protéines et d’ARN (acide ribonucléique), ils sont le siègent de la synthèse des protéines.
-un noyau (« chef d’orchestre » de la cellule) de forme sphérique ou ovoïde : il assure la reproduction des cellules et la transmission des caractères héréditaires qui se font grâce aux chromosomes constitués d’ADN. Les cellules, qui ont des dimensions de l’ordre de 10 à 30µm, ont pu être observées pour la première fois au XVIIème siècle avec l’invention du microscope optique. Aujourd’hui avec un bon microscope optique on peut distinguer et classer les différentes composantes du cytoplasme ; mais les structures inférieures à 2 µm ne peuvent être résolues que par
Interaction de la lumière avec la matière
Une onde électromagnétique qui se propage dans le vide ne subit aucun changement dans son intensité et dans son état de polarisation. Si l’on place sur son chemin une particule composée de charges électriques, celles-ci se mettent à osciller, et émettent un rayonnement secondaire à la même fréquence que l’onde incidente (si l’on excepte les phénomènes de diffusion inélastiques tels que la diffusion Raman, Brillouin et la fluorescence) dans toutes les directions. On parle alors de rayonnement diffusé par la particule. Ce processus de diffusion consiste donc à enlever une partie de l’énergie incidente en la rayonnant dans tous l’espace de manière élastique, c’est-à-dire sans changement de fréquence du rayonnement. Ces mêmes charges élémentaires excitées peuvent transformer une partie de l’énergie incidente par absorption, principalement sous forme thermique. La diffusion et l’absorption contribuent au processus d’atténuation, ou d’extinction, de l’énergie électromagnétique incidente.
Extinction= diffusion + absorption
Le processus de diffusion est un phénomène complexe qui peut-être traité différemment suivant la taille de l’hétérogénéité du système :
– Si la particule est de taille très petite par rapport à la longueur d’onde du champ électromagnétique incident (par exemple une molécule), elle va répondre comme un dipôle électrique en présence d’un champ électrique statique et donc émettre une radiation dipolaire secondaire à la même fréquence que le champ incident.
– Si la taille de la particule devient comparable à la longueur d’onde (un agrégat de nombreux atomes ou molécules), ce raisonnement quasi-statique n’est plus valide car le champ électromagnétique ne peut plus être considéré comme uniforme à l’échelle de la particule. La particule se comporte alors comme un multipôle électrique et magnétique dont le rayonnement doit être calculé à partir de la théorie électromagnétique.
– Dans le cas extrême ou la particule est un milieu dense (un solide, un liquide ou un gaz), on se retrouve dans le cas de la réflexion et de la réfraction de l’onde à l’interface entre deux milieux (pour des interfaces lisses). Les ondes réfléchie et réfractée sont alors calculées par les lois de Sneel-Descartes.
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Table des matières
Introduction
Chapitre I Le contexte de développement de la spectroscopie optique tissulaire
Introduction
I.1 Les tissus biologiques : le milieu d’étude
I.1.1 Histologie des tissus
I.1.2 La structure cellulaire
I.2 Interaction lumière-tissu : la diffusion
I.2.1 Interaction de la lumière avec la matière
I.2.2 Propriétés optiques des tissus biologiques
I.2.2.1 Les paramètres optiques des tissus biologiques
I.2.2.2 Les différents régimes de diffusion
I.3 Application de la diffusion élastique de la lumière à un milieu biologique : outil de diagnostic médical
I.3.1 Processus de cancérisation
I.3.2 Enjeux, techniques et modélisation
I.3.2.1 Enjeux
I.3.2.2 Techniques
I.3.2.3 Modélisation
I.3.3 Etat de l’art
Conclusion
Chapitre II Modélisation de la diffusion de la lumière
Introduction
II.1 La théorie de transfert radiatif
II.1.1 Les grandeurs radiatives
II.1.2 Principe du transfert radiatif
II.1.3 Hypothèses, limites et domaine de validité de l’ETR
II.1.3.1 Hypothèses
II.1.3.2 Limite de l’ETR : un modèle d’ondes incohérentes
II.1.3.3 Domaine de validité de l’ETR
II.1.4 ETR vectorielle : paramètres de Stokes et matrice de diffusion
II.1.4.1 Les paramètres de Stokes
II.1.4.2 La matrice de diffusion
II.2 La géométrie du système multicouche
II.3 Caractérisation de chaque couche
II.3.1 Les paramètres de diffusion simple
II.3.2 La diffusion multiple par l’ETRV
II.4 La résolution de l’ETRV dans une couche par la méthode des ordonnées discrètes
II.4.1 La Matrice de phase
II.4.2 Le terme source
II.4.3 La dépendance azimutale
II.5 Le traitement multicouche
II.5.1 Conditions aux limites pour des interfaces planes
II.5.1.1 Calcul des flux collimatés
II.5.1.2 Calcul des flux diffus
II.5.2 Solution du traitement multicouche
II.6 Validation du modèle
II.6.1 Vérification du calcul des coefficients αℓ βℓ γℓ δℓ εℓ ζℓ
II.6.2 Test numériques et comparaisons
II.7 Exemples d’illustration du code N-flux vectoriel
II.7.1 Comportement de systèmes diffusants simples
II.7.1.1 Comportement de systèmes diffusants simples en lumière non polarisée
II.7.1.2 Comportement de systèmes diffusants simples en lumière polarisée
II.7.2 Comportement d’un système diffusant à deux couches
II.7.3 Effet d’une distribution de taille
II.7.4 Intérêt de la polarisation dans le transfert radiatif
Conclusion
Chapitre III Les techniques expérimentales
III.1 Introduction
III.2 Les objets d’étude
III.2.1 Choix des objets d’étude
III.2.2 Caractérisation du lait
III.2.3 Les intralipides
III.2.4 Les tissus reconstitués
III.2.5 La peau de souris
III.3 Les techniques optiques et méthodes de mesures
III.3.1 Présentation du goniospectrophotomètre
III.3.2 Caractérisation des flux détectés au goniospectrophotomètre
III.3.3 Méthode de normalisation des mesures
III.3.3.1 Méthode de normalisation pour des mesures de flux diffus
III.3.3.2 Méthode de normalisation pour des mesures de flux spéculaires
III.3.4 Le blanc de référence
III.3.5 Test de sensibilité de l’appareil à la polarisation
III.3.5.1 Test du degré de polarisation de la source
III.3.5.2 Test de sensibilité de la détection à la polarisation
Conclusion
