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Consommation de tabac pendant la grossesse
La nicotine et son métabolite primaire, la cotinine, interviennent sur de nombreux systèmes de neurotransmission, notamment cholinergiques, sérotoninergiques et dopaminergiques (Blood-Siegfried & Rende, 2010; Shea & Steiner, 2008). Une association entre la consommation de tabac pendant la grossesse et le niveau intellectuel général des enfants a été rapportée pendant plusieurs décennies de manière convergente dans les modèles univariés et multivariés (Batty, Der, & Deary, 2006; Naomi Breslau, Paneth, Lucia, & Paneth-Pollak, 2005; Fogelman & Manor, 1988; Fried, O’Connell, & Watkinson, 1992; Fried & Watkinson, 1988, 1990; Mortensen, Michaelsen, Sanders, & Reinisch, 2005; Olds, Henderson, & Tatelbaum, 1994; Sexton, Fox, & Hebel, 1990). Certains auteurs ont rapporté que cette association était médiée par un plus faible poids de naissance chez les enfants de mères ayant fumé pendant la grossesse (Fogelman & Manor, 1988; Mortensen et al., 2005). Cependant, des études plus récentes, basées sur des mesures plus fiables, et prenant en compte des déterminants du développement cognitif qui n’avaient pas été pris en compte par les études précédentes, ont rapporté une absence d’association entre la consommation de tabac.
En revanche, l’association entre la consommation de tabac pendant la grossesse et les troubles du comportement externalisés (incluant les symptômes de TDAH) est rapportée de manière robuste dans la littérature (Kate Langley, Heron, Smith, & Thapar, 2012; K. Langley, Rice, van den Bree, & Thapar, 2005; Milberger, Biederman, Faraone, Chen, & Jones, 1996; Yoshimasu et al., 2009). Dans la cohorte ALSPAC (Avon Longitudinal Study of Parents and Children), Langley et al. rapportent un sur-risque de TDAH de 1.72 (Odds Ratio (OR) ; IC 95% : 1.14 – 2.61) chez les enfants de mères qui ont fumé du tabac pendant la grossesse (Kate Langley et al., 2012). Le mécanisme de cet effet est largement méconnu, l’hypothèse d’un mécanisme intra-utérin est peu concordante avec les données des études épidémiologiques (excepté (Nomura, Marks, & Halperin, 2010)).
Compte tenu de l’indiscutable toxicité du tabac, les résultats rapportés sur l’effet du tabac sur les performances cognitives générales doivent être considérés avec prudence. Les concentrations sanguines de cotinine ont été rapportées égales voir supérieures chez les nouveaux-nés à celles mesurées chez les mères fumeuses (Berlin, Heilbronner, Georgieu, Meier, & Spreux-Varoquaux, 2010).
Consommation d’alcool pendant la grossesse
Le développement cérébral est particulièrement vulnérable à certains facteurs environnementaux pendant la vie intra-utérine. Les agents tératogènes ont des conséquences délétères majeures dans la mesure où (i) le cerveau est en plein développement et que (ii) les capacités de défense sont faibles. L’alcool traverse très facilement la barrière placentaire et sa concentration s’équilibre entre les compartiments maternel et fœtal, impliquant que la quantité d’alcool en contact avec les tissus du bébé soit rapidement comparable à celle de sa mère. (i)
Chez un être humain adulte, l’alcool est entièrement transformé dans le foie grâce à l’alcool déshydrogénase. L’activité de cette enzyme est quasi nulle chez l’embryon et très faible chez le fœtus (Cartwright, Tessmer, & Smith, 1998; Hines & McCarver, 2002). La détoxification est donc directement dépendante de la mère. De plus, le liquide amniotique constitue un réservoir pour l’alcool, ce qui prolonge l’exposition du fœtus à l’alcool. (ii) La consommation d’alcool au cours de la 4ème semaine (neurulation) est susceptible de détruire les cellules de la crête neurale et d’engendrer des malformations craniofaciales telles que celles qui ont été décrites à l’occasion d’un syndrome d’alcoolisation fœtale (Ernhart et al., 1987). Dans ce sens, la consommation d’alcool pendant la grossesse est considérée comme un facteur 9 environnemental dont l’effet est médié par des mécanismes biologiques identifiés.
La relation entre la consommation d’alcool pendant la grossesse en grande quantité (sur des périodes courtes, binge drinking [> 4 verres] (Sayal et al., 2009, 2014)) ou régulièrement, c’est à dire plus d’un verre par jour (Bailey & Sokol, 2008) et les difficultés du développement cognitif, incluant le spectre des troubles de l’alcoolisation fœtale, est bien établie (Flak et al., 2014; C. M. O’Leary, 2004; Testa, Quigley, & Eiden, 2003). Selon une récente méta-analyse (Flak et al., 2014), une consommation modérée d’alcool pendant la grossesse (entre 2 et 6 verres par semaine) pourrait être associée à des difficultés dans les domaines comportementaux et relationnels mais pas au QI (Alati et al., 2008; Kesmodel et al., 2012). Les consommations légères (≤1 verre (Sayal et al., 2013) ou ≤ 2 verres (Kelly et al., 2012) par semaine) ne semblent pas associées avec des difficultés cognitives, comportementales, émotionnelles et relationnelles (Skogerbø et al., 2013).
Terme de naissance
Compte tenu des progrès majeurs de la néonatologie au cours des dernières décennies, une amélioration considérable du devenir cognitif et moteur des enfants nés prématurément a été observée au cours des dernières décennies (Moore et al., 2012). De nombreuses cohortes longitudinales telles que les études EPIPAGE I & II (France) et EPICure I & II (Angleterre) ont permis d’étudier la relation entre le terme de naissance et le développement cognitif normal et pathologique.
La relation entre le terme de naissance (notamment le niveau de prématurité) et le QI est bien établie (Bhutta, Cleves, Casey, Cradock, & Anand, 2002; Moore et al., 2012). Dans la méta-analyse de Bhutta et al. (Bhutta et al., 2002), les enfants nés prématurément avaient en moyenne 10.9 (IC 95% : 9.2 – 12.5 ; p < 0.001) points de moins sur les mesures cognitives (moyenne = 100 ; E.T = 15). Cette méta-analyse a été réalisée à partir de 15 études de type 11 cas-témoins qui sont hétérogènes en ce qui concerne la sévérité de la prématurité.
Les enfants prématurés ont une prévalence plus élevée de la plupart des troubles du développement (Delobel-Ayoub et al., 2009; Samantha Johnson & Marlow, 2011) tels que le TDAH (Bhutta et al., 2002), les TSA (Lampi et al., 2012) et les troubles d’acquisition des coordinations motrices (Zwicker et al., 2013).
Poids de naissance
Un retard dans le développement cognitif a été rapporté de manière robuste chez les enfants nés avec un petit poids de naissance (PN < 2.5 Kg) ou avec un faible poids de naissance compte tenu de leur terme de naissance (small for gestational age) (N Breslau et al., 1994; McCormick, Brooks-Gunn, Workman-Daniels, Turner, & Peckham, 1992; Ment et al., 2003; Shenkin, Starr, & Deary, 2004). Dans la revue de littérature de Shenkin et al. (Shenkin et al., 2004), la différence de QI entre le groupe d’enfants les plus légers (< 2.5 kg) à la naissance et ceux les plus lourds (>3.5 kg) était de 10 points de QI. Une nette augmentation de la prévalence des troubles neuro-développementaux a également été rapportée chez les enfants nés avec un petit poids de naissance (Hack et al., 2004; McCormick et al., 1992; Strauss, 2000).
La relation entre le poids de naissance et le développement cognitif a également été mise en évidence en population générale (Jefferis, Power, & Hertzman, 2002; Matte, Bresnahan, Begg, & Susser, 2001; Richards, Hardy, Kuh, & Wadsworth, 2001; Shenkin et al., 2004; Tong, Baghurst, Vimpani, & McMichael, 2007). Dans l’étude de Matte et al., les analyses univariées mettent en évidence une augmentation de 0.46 points de QI (IC 95% : 0.25 – 0.66) par kg chez les garçons et de 0.28 points de QI (IC 95% : 0.09 – 0.47) chez les filles. Ces estimations suggèrent donc une faible taille d’effet de cette variable. Les auteurs rapportent que ces associations demeuraient statistiquement significatives après ajustement sur les autres prédicteurs du développement cognitif (p-values = 0.0012 chez les garçons; p-values = 0.007 chez les filles).
Certaines études ont suggéré que les enfants nés avec un faible poids de naissance (< 2.5 kg) et/ou nés prématurément (âge gestationnel < 37 semaines) pourraient avoir des déficits spécifiques dans les performances en motricité fine, perception visuo-spatiale et en mathématiques (Klein, Hack, & Breslau, 1989; Rickards et al., 1993; Taylor, Espy, & 12 Anderson, 2009), mais la plupart des études sont en faveur d’un déficit global (N Breslau et al., 1994; N Breslau, Chilcoat, DelDotto, Andreski, & Brown, 1996; S Johnson et al., 2009; Wolke & Meyer, 1999). Par exemple, Breslau et al. rapportent que la relation entre le poids de naissance et le QI concerne tout autant le QI verbal que le QI performance (N Breslau et al., 1996) alors que les résultats de Sommerfelt et al. (Sommerfelt, Ellertsen, & Markestad, 1995) indiquent que le QI performance est plus influencé par le terme de naissance que le QI verbal. Ces potentiels effets différentiels des déterminants du développement cognitif sur les compétences verbales et non-verbales feront l’objet d’une étude spécifique dans ce travail de Thèse (Etude N°2).
Caractéristiques de l’environnement familial et social
Selon les variables d’ajustement qui sont incluses dans les modèles statistiques multivariés, la taille de l’effet du niveau socio-économique des parents sur le développement cognitif varie largement. Cependant, le niveau socio-économique des parents (et principalement le niveau d’étude des parents) est clairement le facteur expliquant le plus de variance du développement cognitif des enfants (Jefferis et al., 2002).
Niveau d’éducation parental
Le niveau d’éducation parental est un important prédicteur du développement cognitif de l’enfant (Bradley & Corwyn, 2002; Davis-Kean, 2005; Duncan, Brooks-Gunn, & Klebanov, 1994; Nagin & Tremblay, 2001; Santos et al., 2008). Dans une cohorte danoise de 1782 enfants, Eriksen et al. rapportent que le QI total à 5 ans (estimé avec la WPPSI-R) augmente de 0.9 points par année d’études des parents (moyenne des niveaux d’éducation des deux parents) dans un modèle multivarié (H. Eriksen et al., 2013).
Dans la plupart des études, l’effet de cette variable a largement été interprété comme résultant de facteurs environnementaux. Jusqu’à récemment, les études génétiques menées sur des populations de jumeaux ne permettaient pas d’estimer l’effet médiateur des facteurs génétiques sur cette relation. L’étude menée par Trzaskowski et al. (Trzaskowski et al., 2014) à partir de la cohorte TEDS (Twins Early Development) a utilisé une méthode d’analyse du génome (Genome-wide Complex Trait Analysis – GCTA) permettant d’étudier la médiation génétique de l’effet du niveau socio-économique des parents sur le développement cognitif des enfants. Les auteurs rapportent que 56% de la corrélation (r = 0.29) entre le niveau socio-économique des parents et le QI des enfants à 12 ans est médiée génétiquement. 13
Certaines études épidémiologiques rapportent que le niveau d’éducation parental pourrait davantage influencer les performances verbales que les performances non-verbales (W. Eriksen, Sundet, & Tambs, 2010; Sommerfelt et al., 1995).
Par ailleurs, plusieurs études (telles que (Rowe, Jacobson, & Van den Oord, 1999) ou (Turkheimer, Haley, Waldron, D’Onofrio, & Gottesman, 2003)) ont mis en évidence un effet modérateur du niveau d’éducation parental sur la transmission génétique du niveau intellectuel général. Ces études suggèrent que la variance du développement cognitif, qui est expliquée par l’environnement partagé des enfants, diminue avec le niveau d’étude parental.
Revenu des parents
Dans les analyses univariées, une association positive entre les revenus parentaux et les performances cognitives ainsi qu’une association négative avec les difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles sont rapportées de manière consistante (Blau, 1999; Duncan et al., 1994; Gregg, Propper, & Washbrook, 2007; Violato, Petrou, Gray, & Redshaw, 2011; Violato et al., 2011). Dans les analyses multivariées, prenant en compte les principaux prédicteurs du développement cognitif, l’effet du revenu des parents reste significatif dans la plupart des études, mais avec une taille d’effet largement inférieure à la taille d’effet obtenue dans les modèles univariés (par exemple (Violato et al., 2011)). Dans une cohorte de près de 19000 enfants nés en Grande-Bretagne entre 2000 et 2001, Violato et al. ont estimé que pour une augmentation du revenu annuel de 10,000 £, les performances en vocabulaire (British Ability Scale naming vocabulary) augmentaient de 0.22 E.T (~ 3.3 points de QI) dans les analyses univariées et de 0.11 (~ 1.7 points de QI) dans les analyses multivariées.
En dehors des études qui ont inclu des populations exposées à des niveaux de pauvreté pouvant conduire à des situations nutritionnelles ou sanitaires problématiques, l’association entre le développement cognitif général de l’enfant et le revenu parental qui est rapportée par les modèles multivariés est très probablement expliquée par de la variance résiduelle non prise en compte par ces modèles (Santos et al., 2008).
Rang dans la fratrie
La plupart des études ont rapporté un niveau intellectuel général plus élevé chez les aînés des fratries que chez leur frères et soeurs cadets (Der, Batty, & Deary, 2006; Kristensen 14 & Bjerkedal, 2007) mais pas toutes (Wichman, Rodgers, & Maccallum, 2007). Ces différences seraient de l’ordre de 3 à 4 points de QI entre les aînés et les cadets (Kristensen & Bjerkedal, 2007). L’étude de Kristensen et al. (Kristensen & Bjerkedal, 2007) a apporté des preuves solides pour considérer que le lien entre le rang dans la fratrie et le QI relevait de la position sociale des enfants dans la famille et non de mécanismes biologiques liés à la multiparité. Des associations entre le rang dans la fratrie et de nombreux troubles du développement ont été suggérées par certaines études (I. Berger & Felsenthal-Berger, 2009; Merikangas et al., 2015).
Allaitement maternel
Plusieurs études ont montré que l’allaitement maternel et sa durée (Belfort MB, Rifas-Shiman SL, Kleinman KP, & et al, 2013; Bernard et al., 2013; Kramer et al., 2008; Leventakou et al., 2013; Tozzi et al., 2012) étaient associés au développement cognitif, mais ce n’est toutefois pas le cas de toutes les études (Der et al., 2006; Jacobson, Chiodo, & Jacobson, 1999; Wichman et al., 2007). Certaines études ont rapporté une association de l’allaitement maternel avec le QI verbal et le QI performance (Belfort MB et al., 2013; Kramer et al., 2008; Leventakou et al., 2013; Mortensen E, Michaelsen K, Sanders SA, & Reinisch J, 2002) mais d’autres études n’ont rapporté une association de l’allaitement maternel (Tozzi et al., 2012) et de la durée de l’allaitement maternel (Gustafsson, Duchén, Birberg, & Karlsson, 2004; Horwood, Darlow, & Mogridge, 2001; Oddy et al., 2003) qu’avec le QI verbal. Une étude interventionnelle randomisée (randomisation selon les maternités d’une intervention de promotion de l’allaitement maternel) a fourni de solides arguments en faveur du lien causal de cette association (Kramer et al., 2008). Kramer et al. rapportent un effet de l’allaitement maternel sur le QI verbal de 7.5 points (IC 95% : 0.8 à 14.3) et de 2.9 (IC 95% : -3.3 à 9.1) sur le QI performance (Kramer et al., 2008). Une interaction entre un gène impliqué dans le métabolisme des acides gras, FADS2 (localisé sur le chromosome 11q12.2) et l’effet de l’allaitement maternel sur le développement cognitif des enfants a été mise en évidence par Caspi et al. (Caspi et al., 2007). Les résultats des études observationnelles qui ont pris en compte le QI maternel dans les modèles multivariés suggèrent cependant que l’effet positif de l’allaitement sur le développement cognitif de l’enfant pourrait se faire par d’autres mécanismes que ceux strictement nutritionnels (Der et al., 2006; Walfisch, Sermer, Cressman, & Koren, 2013).
Interactions parents-enfants
La qualité des interactions entre l’enfant et ses parents, est un prédicteur bien établi du développement cognitif de l’enfant, autant sur les performances générales (le facteur g) que sur certaines dimensions plus spécifiques, telles que les troubles du comportement externalisés (Crosnoe, Leventhal, Wirth, Pierce, Pianta, et al., 2010; S. H. Landry, Smith, Swank, & Miller-Loncar, 2000; Susan H. Landry, Smith, & Swank, 2006; Price, Chiapa, & Walsh, 2013; Schoppe, Mangelsdorf, & Frosch, 2001; Sines, Clarke, & Lauer, 1984).
Dans les situations extrêmes, de nombreuses études ont rapporté des performances cognitives inférieures chez les enfants ayant vécu des carences maternelles précoces (Maclean, 2003; Rutter, 2010; Windsor, Glaze, Koga, & Bucharest Early Intervention Project Core Group, 2007).
En épidémiologie, le niveau de stimulation cognitive des enfants est estimé par la mesure du temps passé par les parents pour enrichir le développement cognitif de leur enfant (principalement des mesures de fréquence et de variété d’activités conjointes). Ces mesures ne permettent bien évidemment pas de capturer l’ensemble des aspects éducatifs, affectifs et pédagogiques qui ont potentiellement un effet sur le développement cognitif. L’effet précoce et durable sur le développement cognitif de la fréquence des stimulations cognitives des enfants par leurs parents est étayé par de nombreuses études (Crosnoe, Leventhal, Wirth, Pierce, Pianta, et al., 2010; S. H. Landry et al., 2000; Susan H. Landry et al., 2006; Ramey & Ramey, 1998).
Dépression maternelle pendant la grossesse et après la grossesse
La relation négative entre la dépression maternelle prénatale et postnatale et le développement cognitif des enfants a été rapportée par de plusieurs études ayant réalisé des modèles univariés (Lynne Murray & Cooper, 1997; Sohr-Preston & Scaramella, 2006). Cette relation a été plus particulièrement rapportée pour les épisodes dépressifs postnataux chroniques et récurrents (Grace, Evindar, & Stewart, 2003; Kurstjens & Wolke, 2001). Plusieurs études rapportent que cette relation peut être observée précocement dans le développement de l’enfant, c’est-à-dire à 4-5 ans (Cogill, Caplan, Alexandra, Robson, & Kumar, 1986; Sharp et al., 1995) et même à 18 mois (L. Murray, Fiori-Cowley, Hooper, & Cooper, 1996; Lynne Murray, 1992). Dans les modèles multivariés, cette relation semble 16 principalement médiée par la qualité des interactions entre l’enfant et ses parents (Cooper & Murray, 1998; Sohr-Preston & Scaramella, 2006; Stein et al., 2008). D’autres hypothèses de médiation et de modération par le niveau socio-économique des parents ont également été avancées (Rutter, 2010).
La relation entre la dépression maternelle et les troubles externalisés de l’enfant a été largement étudiée (Beck, 1999; S. H. Goodman et al., 2011). Les symptômes dépressifs maternels, principalement postnatals, semblent influencer à la fois les attitudes éducatives parentales et les troubles du comportement de l’enfant (Gau & Chang, 2013). Chi et al. (Chi & Hinshaw, 2002) ont montré que les difficultés émotionnelles chez les mères influenceraient davantage leur propre perception des troubles du comportement de l’enfant que l’intensité réelle des troubles.
Ces différents facteurs environnementaux ont des relations complexes entre eux. Dans l’Etude N°2, nous avons également essayé de modéliser les relations de médiation entre les différents facteurs environnementaux influençant le développement cognitif. L’étude des relations de médiation entre les variables peut potentiellement permettre d’identifier par quel mécanisme un variable dite « distale », telle que le niveau socio-économique des parents, influence le développement cognitif. Par exemple, la variable « proximale » qui médie l’effet du niveau socio-économique des parents est probablement le niveau de stimulation cognitive des parents. L’étude des médiations est réalisée par des modèles d’équations structurales (SEM).
Variance prédite par l’ensemble des facteurs environnementaux
Moins de 50% de la variance des mesures du développement cognitif est expliquée par les modèles multivariés prenant en compte les principaux déterminants. Par exemple, Samerof et al. (Sameroff, Seifer, Baldwin, & Baldwin, 1993) rapportent que l’ensemble des facteurs influençant le développement cognitif explique 34% de la variance du QI à 4 ans et 37% à 11 ans. L’étude de Law et al. (Law et al., 2012) rapporte que ces facteurs expliquent 16% de la variance des performances linguistiques à 5 ans. L’étude de Reilly et al. (Reilly et al., 2010) estime à 19% (en expression) et 21% (en réception) la variance des performances linguistiques à 4 ans qui est expliquée par des modèles de régression multivariées prenant en compte les principaux facteurs influençant le développement cognitif. La mesure de la variabilité des mesures cognitives qui est liée aux facteurs environnementaux est probablement limitée par les outils de mesure du developpment cognitif et des outils de mesure des déterminants. D’autre part, comme nous l’avons vu dans la section A.2.1, les études menées sur des populations de jumeaux ou des cohortes d’adoption rapportent des estimations de l’héritabilité d’environ 50% ce qui montre donc qu’il reste qu’environ 50% de 18 la variance à expliquer par les facteurs environnementaux.
Stabilité du développement cognitif
La capacité d’une mesure antérieure du développement cognitif à prédire une mesure ultérieure du développement cognitif est évidemment liée à l’instabilité des trajectoires individuelles [section A.2]. En terme statistique, il s’agit d’estimer la force de l’association entre une mesure ultérieure et une mesure antérieure ; cette estimation correspond au coefficient de corrélation (r) ou de détermination (R² ; interprété comme la part de variance expliquée) dans les modèles de régression ou encore au d de Cohen (Rubin, 2012). La valeur de ces coefficients dépendra de la distance temporelle entre les deux mesures, de l’âge auquel ces deux mesures sont réalisées, de la stabilité du construit et de la fiabilité de la mesure.
Les performances cognitives vont avoir tendance à se stabiliser au cours du temps ; en termes statistiques, la valeur du r (ou R² ou d)3 des modèles de régression va tendre à augmenter au cours du temps si la distance temporelle entre les deux mesures est constante. 3 La stabilité est habituellement considérée comme étant faible pour un d de Cohen de 0.20, un R² de 1% et un r de 0.10, modérée pour un d de Cohen de 0.5, un R² de 10% et un r de 0.30 et une stabilité importante pour un d de Cohen de 0.80, un R² de 30% et un r de 0.50 (Rubin, 2012).
Les résultats des études longitudinales rapportent une instabilité importante du développement cognitif général pendant la période préscolaire. Il est fréquemment avancé que la relation entre le développement psychomoteur et les mesures ultérieures de l’intelligence est faible voire nulle avant l’âge de 2 ans (Eliot, 2001; Mackintosh & Mackintosh, 2011) alors qu’une stabilité modérée à forte des performances cognitives a été rapportée de manière consistante à partir de l’âge de 5 ans (Bartels, Rietveld, Van Baal, & Boomsma, 2002; Deary, Whiteman, Starr, Whalley, & Fox, 2004; Schneider, Niklas, & Schmiedeler, 2014). Dans une étude longitudinale menée sur 794 enfants âgés de 7, 9, 11 et 13 ans, Moffitt et al. rapportent que pour la majorité des enfants, les changements de la valeur du QI à chaque âge sont négligeables (Moffitt, Caspi, Harkness, & Silva, 1993). La valeur des coefficients de corrélation de la mesure du QI à 9 ans avec les mesures à 7, 11 et 13 ans sont respectivement 0.78, 0.84 et 0.82. D’autres études longitudinales qui se sont intéressées à la stabilité de l’intelligence ont rapporté des valeurs du coefficient de corrélation de 0.72 entre 4 et 13 ans(Sameroff et al., 1993), 0.85 entre 6 et 11 ans (Naomi Breslau et al., 2001). Des études similaires menées sur le développement du langage rapportent des estimations de stabilité qui sont inférieures à celles obtenues pour le QI. Par exemple, dans l’étude de Law et al., menée sur la Millennium Cohort Study (Angleterre) (N = 13016), 19 l’introduction d’un score de performances linguistiques à 3 ans augmente la part de variance des performances linguistiques à 5-6 ans de 16% seulement. Dans les études conduites par Bornstein et al. sur quatre échantillons indépendants (Marc H. Bornstein et al., 2004), les auteurs rapportent une stabilité modérée (d de Cohen = 0.49) des performances en communication entre 1.8 et 4 ans avec l’échelle de Vinland (Vineland Adaptive Behavior Scales).
Pour les cliniciens, la capacité à prédire pendant la période préscolaire le développement cognitif futur, et notamment les troubles du développement, est un enjeu majeur dans la mesure où certaines interventions précoces ont montré un effet thérapeutique (par exemple, dans le cas des déficiences intellectuelles (Guralnick, 2005), des TSA (Dawson et al., 2010; Estes et al., 2015), des troubles des acquisitions du langage (Bishop & Leonard, 2014) ou du TDAH (McGoey, Eckert, & Dupaul, 2002))
Liens entre les différents domaines du développement cognitif
La proportion élevée de comorbidités entre les différents troubles du développement suggère une influence importante des différents domaines du développement cognitif les uns sur les autres. Comme le mentionne Christopher Gillberg (Gillberg, 2010), « la comorbidité entre les troubles du développement est davantage la règle que l’exception ». Par exemple, les enfants qui ont un trouble d’acquisition du langage oral sont à risque de présenter des difficultés dans d’autres domaines cognitifs, émotionnels, comportementaux et relationnels (Conti-Ramsden, Mok, Pickles, & Durkin, 2013; Durkin & Conti-Ramsden, 2007; Lindsay, Dockrell, & Strand, 2007; Mueller & Tomblin, 2012; Owen & McKinlay, 1997; Sciberras et al., 2014; St Clair, Pickles, Durkin, & Conti-Ramsden, 2011; Visscher, Houwen, Scherder, Moolenaar, & Hartman, 2007). Ces difficultés associées aux troubles de l’acquisition du langage oral ne doivent pas être considérées à priori comme de simples coïncidences. Par exemple, le taux de comorbidité entre les troubles du langage et le TDAH est plus important que ce qui serait attendu si ces pathologies étaient distribuées au hasard. Alors que la prévalence du TDAH est de 5% en population générale, 30% des enfants ayant un trouble du 20 langage ont un TDAH associé (Beitchman et al., 1996, 2001). Un des apports des études épidémiologiques longitudinales est d’identifier la nature des relations entre les différentes dimensions cognitives. Par exemple, plusieurs études ont rapporté un effet unidirectionnel des performances linguistiques précoces sur les symptômes de TDAH pendant la période scolaire (Aro, Laakso, Määttä, Tolvanen, & Poikkeus, 2014; Lindsay et al., 2007; Petersen et al., 2013; St Clair et al., 2011). Les études de Peterson et al. ont identifié cet effet unidirectionnel dans 2 échantillons différents, entre 7 et 13 ans (N = 585) et entre 4 et 12 ans (N = 11,506) (Petersen et al., 2013). A partir de modèles structuraux appliqués à des données longitudinales, les auteurs ont pu mettre en évidence que cette association était médiée par les capacités d’autorégulation par le discours privé. Dans l’Etude N°3, nous tentons de déterminer si cette association peut être mise en évidence pendant la période préscolaire.
Etude des changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans
Plusieurs études longitudinales ont rapporté que les performances en production lexicale à 2 ans ne prédisaient que modérément le niveau de langage ultérieur des enfants (Bishop, Price, Dale, & Plomin, 2003; P. S. Dale, Price, Bishop, & Plomin, 2003; S. R. Feldman, Chen, Hu, & Fleischer, 2002; Henrichs et al., 2011; Law et al., 2012; Reilly et al., 2010).
Deux groupes d’enfants ont alors fait l’objet d’une attention particulière, ceux qui ont un retard de langage à 2 ans mais pas à 3 ans (dénommés Late Bloomers ; trajectoire résiliente) et ceux présentant un retard de langage à 3 ans mais pas à 2 ans (trajectoire déclinante). Afin d’améliorer la prédiction des performances linguistiques à 3 ans, certaines études ont déjà cherché à identifier les déterminants pré, péri et postnatals associés à ces deux trajectoires (résilientes et déclinantes) (Henrichs et al., 2011; Law et al., 2012). Dans cette étude, nous avons cherché à répondre à deux questions :
Questions 1 : Dans quelle mesure, les performances linguistiques à 3 ans peuvent être prédites 21 par les performances linguistiques à 2 ans ainsi que par les principaux facteurs pré, péri et postnatals associés au développement du langage oral ?
Question 2 : Quels sont les facteurs pré, péri et postnatals qui sont associés aux changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans ?
Etude de l’effet différentiel des facteurs pré, péri et postnatals sur le développement verbal et non-verbal à 5-6 ans.
De nombreuses études se sont fixées pour objectif d’identifier les facteurs pré, péri et postnatals qui influencent le développement cognitif des enfants. Mais peu d’études ont cherché à déterminer si certains de ces facteurs ont un effet spécifique sur certains domaines cognitifs. Les résultats de ces études suggèrent que le niveau d’étude des parents pourrait avoir une influence plus importante sur les performances verbales par rapport aux performances non-verbales (W. Eriksen et al., 2010; Sommerfelt et al., 1995). Certaines études rapportent que les enfants nés avant terme (c’est-à-dire, avant 37 semaines d’aménorrhée) et/ou ceux nés avec un petit poids de naissance (< 2.5 kg) pourraient avoir des déficits particulièrement dans les performances visuo-spatiales (Klein et al., 1989; Rickards et al., 1993; Taylor et al., 2009). Mais d’autres études sont plutôt en faveur d’un déficit cognitif plus global (N Breslau et al., 1994, 1996; S Johnson et al., 2009; Wolke & Meyer, 1999). Plusieurs études ont rapporté une association de l’allaitement maternel (Tozzi et al., 2012) et de la durée d’allaitement maternel (Gustafsson et al., 2004; Horwood et al., 2001; Oddy et al., 2003) avec le QI verbal uniquement alors que d’autres ont rapporté une association avec le QI verbal et le QI performance (Belfort MB et al., 2013; Kramer et al., 2008; Leventakou et al., 2013; Mortensen E et al., 2002). Cependant, ces études n’ont pas utilisé des méthodologies d’analyse suffisamment robustes pour établir si un facteur avait un effet significativement plus important sur un domaine cognitif par rapport à un autre. En effet, ces études utilisent des modèles de régression multivariés séparés pour les différentes variables à expliquer ; et ce type d’approche ne permet pas de déterminer si l’association d’un facteur avec les différentes variables à expliquer diffère significativement.
Objectif : nous avons donc cherché à déterminer si certains facteurs pré, péri et postnatals avaient un effet différentiel sur le développement cognitif des enfants à 5-6 ans.
Relations entre le développement du langage et les symptômes de TDAH entre 3 et 5-6 ans
La période préscolaire est une période d’instabilité du développement du langage (Law et al., 2012) et c’est également pendant cette période que les symptômes de difficultés émotionnelles, comportementales et sociales apparaissent (Kessler RC et al., 2005). Les études précédentes ont rapporté un effet unidirectionnel des performances linguistiques précoces sur les symptômes de TDAH ultérieure pendant la période scolaire (Aro et al., 2014; Lindsay et al., 2007; Petersen et al., 2013; St Clair et al., 2011). En outre, les études de Peterson et al. ont identifié cet effet unidirectionnel dans 2 échantillons différents, entre 7 et 13 ans (N = 585) et entre 4 et 12 ans (N = 11,506) (Petersen et al., 2013). L’hypothèse la plus probable pour expliquer cet effet est que les enfants qui ont de moins bonnes performances linguistiques ont de moins bonnes compétences d’autorégulation par le discours privé (self-directed speech) (Barkley, 1997; A. Berger, 2011; Luria, 1961; Petersen, Bates, & Staples, 2014; Vygotsky, 1962).
Pour cette étude nous nous sommes fixés deux objectifs :
Objectif 1 : Déterminer si les résultats des études antérieures concernant la relation unidirectionnelle des performances linguistiques précoces sur les symptômes de TDAH ultérieurs peuvent être observés pendant la période préscolaire.
Objectif 2 : Tester deux hypothèses alternatives à celle du self-directed speech pour expliquer la relation entre les performances linguistiques précoces et les symptômes de TDAH ultérieurs. La première est que cette relation pourrait être médiée par des difficultés dans les relations sociales (Hinshaw, 1992; Menting, van Lier, & Koot, 2011). La seconde est que les facteurs pré, péri et postnatals communs au développement du langage et aux symptômes de TDAH pourraient manifester leur effet plus précocement sur le développement du langage et plus tardivement sur les symptômes de TDAH (Costello, Mustillo, Erkanli, Keeler, & Angold, 2003).
Etude des difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel pendant la période préscolaire
A partir des données actuelles de la littérature, il est difficile de déterminer si les enfants 23 qui ont un haut potentiel intellectuel (QI total > 130) ont davantage de difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles que les enfants dans la zone normale (QI total entre 70 et 130). Par exemple, en ce qui concerne les symptômes anxieux, certains rapportent une augmentation de ces symptômes chez les enfants qui ont un haut potentiel intellectuel (Forsyth, 1987; Harrison & Haneghan, 2011), d’autres ne mettent pas en évidence d’association (Beer, 1991; Guénolé et al., 2013; Norman, Ramsay, Martray, & Roberts, 1999; Pufal‐ Struzik, 1999), et d’autres études rapportent au contraire une réduction de l’anxiété (Scholwinski & Reynolds, 1985; Shechtman & Silektor, 2012; Zeidner & Shani-Zinovich, 2011). Dans une méta-analyse récente, Martin et al. (L. T. Martin, Burns, & Schonlau, 2010) conclut que les enfants avec un haut potentiel intellectuel ont moins de trouble anxieux et de troubles de l’humeur. Martin et al. notent que la plupart des études (i) ne clarifient pas correctement la définition qui est utilisée pour identifier les enfants avec un haut potentiel et que, par ailleurs, (ii) ces études présentent de nombreux biais liés à la constitution des échantillons cliniques. Enfin, les difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel n’ont jamais été étudiées pendant la période préscolaire. Compte tenu de la rareté du phénomène clinique (logiquement environ 2.5% de la population), il est évident que la plupart des études menées en population générale ne peuvent inclure qu’un nombre très faible de cas d’enfants avec un haut QI mais elles limitent les biais liés à la constitution des échantillons cliniques.
Objectif : Nous nous sommes fixés comme objectif de déterminer si les enfants qui ont un haut potentiel intellectuel ont davantage de difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles que les enfants dans la zone normale pendant la période préscolaire.
Quel est l’apport des repères développementaux avant l’âge de 2 ans pour la prédiction du QI à 5-6 ans ?
La manière dont le développement psychomoteur au cours des premières années de vie contribue à l’intelligence future a fait l’objet de nombreuses recherches. Les résultats des études longitudinales rapportent une instabilité importante du développement cognitif pendant la période préscolaire. Il est fréquemment avancé que la relation entre le développement psychomoteur et les mesures ultérieures de l’intelligence est faible voire nulle avant l’âge de 2 ans (Eliot, 2001; Mackintosh & Mackintosh, 2011) alors qu’une stabilité modérée à forte des 24 performances cognitives a été rapportée de manière convergente à partir de l’âge de 5 ans (Bartels et al., 2002; Naomi Breslau et al., 2001; Deary et al., 2004; Moffitt et al., 1993; Sameroff et al., 1993; Schneider et al., 2014). L’identification des domaines du développement psychomoteur (motricité globale, motricité fine, langage, socialisation) au cours des deux premières années de vie qui permettent le mieux de prédire le QI ultérieur n’a pas fait l’objet d’études spécifiques avec des méthodologies adaptées.
A partir de la cohorte longitudinale EDEN, qui a exploré de nombreuses étapes développementales au cours des deux premières années de vie, notre étude a pour objectifs de (i) déterminer si les étapes développementales à 4, 8, 12 et 24 mois permettent de prédire le QI à 5-6 ans, (ii) d’identifier les domaines cognitifs au cours des deux premières années de vie qui prédisent le mieux le QI à 5-6 ans et (iii) de déterminer si les enfants présentant une déficience intellectuelle ou un haut-potentiel intellectuel ont un retard (ou une avance) dans l’acquisition des étapes développementales à 4, 8, 12 et 24 mois.
Évaluation du développement psychomoteur de l’enfant
Les évaluations du développement psychomoteur qui ont été analysées dans notre travail de Thèse ont été effectuées par auto-questionnaires maternels (à 4, 8, 12 et 24 mois, 3 ans et 5-6 ans), par des questionnaires administrés par les enquêtrices (à 1 an), par un examen clinique réalisé par un médecin (à 1 an) et également par des tests neuropsychologiques (à 3 et 5-6 ans).
Questionnaires issus de l’échelle de Brunet-Lézine
Les principaux repères du développement cognitif du jeune enfant ont été recueillis par des questionnaires maternels (à 4 et 8 mois, 12 et 24 mois), par des questionnaires administrés par les enquêtrices (à 1 an) et par un examen clinique par un médecin (à 1 an). Ces questionnaires ont été extraits de l’échelle de développement psychomoteur de la première enfance de Brunet-Lézine (Josse, 1997). Il s’agit de questions à réponses binaires (oui/non). Au cours des deux premières années de vie, 133 questions portant sur les différents domaines cognitifs (motricité globale, motricité fine, autonomie, sociabilité, langage, etc…) ont été recueillies :
– 14 questions à 4 mois..
– 29 questions à 8 mois.
– 53 questions à 12 mois (14 questions évaluées par les parents, 10 questions évaluées par un médecin et 29 questions administrées par les enquêtrices).
– 37 questions évaluées à 24 mois).
28 Nous avons mené des analyses spécifiques sur les principaux repères du développement cognitif du jeune enfant dans l’Etude N°5 [section C.5].
Inventaire français du développement communicatif à 2 ans (CDI-2)
L’inventaire français du développement communicatif est l’adaptation française des MacArthur-Bates Communicative Development Inventories (CDI-2) (Larry Fenson et al., 1993; S. Kern et al., 2010; Sophie Kern, 2003). Il s’agit de questionnaires parentaux évaluant le développement gestuel et langagier du jeune enfant. Dans la cohorte EDEN, nous avons utilisé la version courte du questionnaire MacArthur à 24 mois, composée d’une liste de 100 mots. Les parents devaient cocher ceux que l’enfant avait déjà prononcés spontanément, le nombre de mots cochés constituait un score (sur 100) de développement du langage à 2 ans.
Difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles à 3 et 5-6 ans
Le questionnaire SDQ (Strengths and Difficulties Questionnaire) (R. Goodman, 1997; Shojaei, Wazana, Pitrou, & Kovess, 2009) a été utilisé pour mesurer les difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles à 3 et 5-6 ans. Il s’agit d’un auto- questionnaire parental comportant 25 questions avec des réponses sur une échelle de 1 à 3. Cette échelle comprend 5 scores (calculés chacun par une somme non pondérée de réponses à 5 questions) : Difficultés émotionnelles, Problèmes de comportement.
Inattention/Hyperactivité, Difficultés relationnelles et Comportement pro-sociaux. Des scores élevés indiquent des difficultés dans les domaines cognitifs mesurés par chacun de ces scores, hormis pour le score SDQ Comportement pro-sociaux.
Évaluations par examen neuropsychologique à 3 et 5-6 ans
Les tests neuropsychologiques ont été réalisés par une psychologue différente dans chaque centre. L’examen neuropsychologique a été réalisé à 3 et 5-6 ans par des psychologues et comprenait plusieurs épreuves issues de batteries de tests cognitifs : WPPSI-III, ELOLA (De Agostini et al., 1998), NEPSY (Kemp, Kirk, et Korkman 2001; Korkman M, Kirk U, et le S 2003), le Number Knowledge Test (NKT) (Gersten, Jordan, & Flojo, 2005) et le Peg- moving task (PMT) (Curt, De Agostini, Maccario, & Dellatolas, 1995; Nunes et al., 2008).
La batterie ELOLA
Conçue initialement pour l’examen des enfants aphasiques, la batterie d’évaluation du 29 langage oral de l’enfant aphasique (ELOLA) permet également le diagnostic de difficultés du langage oral et l’évaluation du développement du langage. Elle a été normalisée en langue française (De Agostini et al., 1998).
Les tests de la batterie ELOLA qui ont été utilisés sont :
– Fluence verbale à 3 ans : L’épreuve de fluence sémantique s’effectuait en deux étapes. Elle consistait à produire en 90 secondes un maximum de noms d’animaux, puis de noms d’objets présents à la maison. La psychologue notait le nombre de mots produits par tranche de 15 secondes. Les scores de fluence « animaux » et « objets » correspondaient au meilleur total de mots produits sur 60 secondes consécutives. Le score final de fluence verbale était la somme de ces deux scores. Ce test est conçu pour mesurer le vocabulaire expressif et l’accès lexical.
– Répétition de mots/pseudomots à 3 ans : L’épreuve de répétition de mots/pseudomots consistait à faire répéter par l’enfant 6 mots de la langue française (flaque / niche / second / visage / canif / bicyclette) et 6 pseudomots à consonnance française (narde / chugue / loman / bozin / janouteau / indarone). En cas d’échec ou de mauvaise prononciation au premier essai de répétition, la psychologue pouvait effectuer une relance. Pour chaque mot/pseudomot, l’enfant marquait 2 points pour une réussite au 1er essai, 1 point pour une réussite au 2nd essai, et 0 point en cas d’échec après deux essais. Le score final était compris entre 0 et 24 points. Le score moyen de répétition de mots et pseudomots a été utilisé. Ce test est conçu pour mesurer les compétences phonologiques et la mémoire à court terme.
– Dénomination à 3 ans : L’épreuve de dénomination nécessitait que l’enfant énonce le nom de l’objet correspondant aux 10 images présentées devant lui (banane / lit / bol / camion / bouche / bouteille / girafe / manteau / pied / tomate). Un succès correspondait à 1 point et l’échec à 0 point, le total constituant le score de dénomination compris entre 0 et 10 points. Ce test est conçu pour mesurer le vocabulaire expressif.
La batterie NEPSY
La batterie NEPSY (developmental NEuroPSYchological assessment) a été conçue par Korkman, Kirk et Kemp pour évaluer le développement neuropsychologique des enfants de 3 à 16 ans et a ensuite été adaptée en français. Elle contient des épreuves évaluant cinq domaines du développement (fonctions exécutives, langage, fonctions sensori-motrices, habiletés visuo-spatiales, mémoire). Dans la cohorte EDEN, plusieurs épreuves ont été 30 réalisées lors de l’examen neuropsychologique à 3 et 5-6 ans : la compréhension de consignes à 3 ans, la répétition de phrases à 3 et 5-6 ans, la copie de figures à 3 et 5-6 ans et la répétition de pseudomots à 5-6 ans.
Les tests de la batterie NEPSY qui ont été utilisés sont:
– Compréhension de consignes à 3 ans : Dans l’épreuve de compréhension de consignes, l’enfant devait montrer sur une planche de dessins, des lapins correspondant à la description énoncée par la psychologue. Il devait ainsi montrer des lapins de tailles (grand / petit), de couleurs (bleu / jaune) et d’expressions différentes (content / triste). Treize consignes étaient données successivement et devenaient de difficulté croissante par la combinaison des caractéristiques des lapins (ex : « un lapin qui est grand et bleu et content »). Chaque bonne réponse comptait pour 1 point, donnant un score total compris entre 0 et 13 points. Enfin, l’épreuve devait s’arrêter si l’enfant enchaînait 4 échecs consécutifs. Ce test est conçu pour mesurer les compétences de l’enfant pour comprendre et exécuter des instructions dont les énoncés augmentent progressivement en complexité sur le plan syntaxique.
– Répétition de phrases à 3 et 5-6 ans : L’épreuve de répétition de phrases a permis d’évaluer la mémoire immédiate des enfants. La psychologue énonçait des phrases de longueur croissante que devait répéter l’enfant sans faire d’erreur. La répétition sans erreur rapportait 2 points par phrase, la répétition avec une erreur (oubli de mots) rapportait 1 point, et l’échec ou plusieurs oublis de mots ne rapportaient pas de point. Lorsque l’enfant effectuait quatre échecs consécutifs, l’épreuve devait être arrêtée. Ce test est conçu pour mesurer les compétences syntaxiques et la mémoire à court terme.
– Répétition de pseudomots à 5-6 ans : La psychologue énonçait 13 pseudomots (composés d’un total de 46 syllabes) que l’enfant devait répéter. La répétition sans erreur rapportait 1 point. Ce test est conçu pour mesurer les compétences phonologiques et la mémoire à court terme.
– Copie de figures à 5-6 ans : L’épreuve de copie de figures évaluait les capacités de perception visuo-spatiale et de coordination motrice des enfants. La bonne réalisation de la copie par rapport au modèle répondait à quatre critères : la rectitude et l’orientation des lignes,
la taille des angles, les éventuels dépassements, et le respect des proportions. Chacune des 18 figures était cotée de 0 à 4.
Batterie WPPSI-III à 5-6 ans
Une évaluation psychométrique de référence a donc été réalisée à l’âge de 5-6 ans. 31 Dans certaines études nous avons utilisé le QI total et le QI verbal et performance (Etude préliminaire et Etude N°4). Dans d’autres études (Etudes N°2 et N°3), nous avons particulièrement étudié certains subtests :
– Information à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de réponses correctes (réponses verbales ou en pointant une image) à des questions concernant des connaissances générales de l’enfant. Ce test est conçu pour mesurer la compréhension du langage, les connaissances conceptuelles de l’enfant et ses capacités expressives.
– Vocabulaire à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de mots correctement définis (25 items). Ce test est conçu pour mesurer le vocabulaire réceptif, les connaissances conceptuelles de l’enfant et ses capacités expressives.
– Raisonnement verbal à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de concepts correctement identifiés à partir d’une série d’indices (28 items). Ce test est conçu pour mesurer la compréhension du langage, les connaissances conceptuelles de l’enfant et ses capacités de raisonnement.
– Cubes à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de configurations correctes de cubes en 3D qui sont réalisées (20 items). Ce test est conçu pour mesurer la formation de concepts non-verbaux, la perception visuo-spatiale et les coordinations motrices.
– Matrice à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de matrices correctement complétées (29 items). Ce test est conçu pour mesurer la formation de concepts non-verbaux, la perception visuo-spatiale.
– Identification de concept à 5-6 ans : Le score correspond au nombre de sélections correctes de 2 ou 3 images avec des caractéristiques en commun (28 items). Ce test est conçu pour mesurer les compétences en raisonnement abstrait.
NKT1 à 5-6 ans
Le NKT1 permet de mesurer les compétences en mathématiques. Le score correspond à la somme des réponses correctes à 13 exercices de calcul (dénombrer, additionner et soustraire) (Annett, 1976), le PMT-5 est une version réduite à 5 pions (« pegs »), adaptée récemment pour les enfants de 3 à 18 ans (Nunes et al., 2008). Cette épreuve consiste à déplacer les 5 pions d’un bord à l’autre d’un support en bois, et le plus rapidement possible. Le temps total de 4 passages (2 par mains) permet de mesurer les habiletés manuelles des enfants.
Les corrélations entre les différentes mesures du développement cognitif sont présentées sur la Table B.2 (à la fin de la section B).
Caractéristiques parentales
L’âge maternel à l’inclusion a été calculé à partir de la date d’inclusion et de la date de naissance de la mère.
Au 6ème mois de grossesse, les femmes ont déclaré aux enquêtrices leur consommation de tabac durant les deux premiers trimestres de la grossesse. La consommation de tabac durant le dernier trimestre de grossesse a été déclarée lors de l’administration du questionnaire en suite de couche. Ces questionnaires ont permis de générer une variable binaire de consommation de tabac pendant la grossesse (oui / non).
La consommation de boissons alcoolisées au cours du 1er trimestre de grossesse a été déclarée aux enquêtrices lors de la visite au 6ème mois de grossesse. Cette partie du questionnaire renseignait sur le nombre de verres de cidre, de vin blanc, de vin rouge ou rosé, de bière, d’apéritifs, de champagne et d’alcools forts, consommés par jour, durant les jours de semaine et de week-end. La somme de ces consommations a permis de calculer le nombre de verres de boissons alcoolisées consommés par semaine.
Caractéristiques de l’enfant
Les données du sexe et du poids de naissance du nouveau-né ont été extraites du dossier clinique de la maternité. Les données concernant la durée de gestation ont été extraites des dossiers obstétricaux.
Caractéristiques de l’environnement familial et social
Dans le questionnaire administré au 6ème mois de grossesse, les (futures) mères ont déclaré leur plus haut diplôme obtenu. Les pères en ont fait de même dans l’auto- 33 questionnaire qui leur était demandé de compléter pendant la grossesse ou à la naissance. Les diplômes ont été traduits en nombre d’années d’étude nécessaires pour les obtenir, en partant de l’entrée au cours préparatoire. Par exemple, un diplôme national du brevet correspondait à 9 années d’études, un baccalauréat à 12 années d’études, et un diplôme d’enseignement supérieur à 17 années d’études. En raison des nombreuses concordances entre les niveaux d’éducation du père et de la mère, et afin d’éviter la colinéarité de ces variables dans les modèles, une variable unique de niveau d’éducation parental a été générée en moyennant les niveaux d’éducation du père et de la mère.
Lors de l’administration du questionnaire au 6ème mois de grossesse, la mère devait indiquer dans laquelle des 8 tranches se situait le montant des revenus mensuels du ménage (moins de 450 € / 451 à 800 / 801 à 1500 / 1501 à 2300 / 2301 à 3000 / 3001 à 3800 / 3801 à 4500 / plus de 4500). Afin d’équilibrer les effectifs entre les tranches, les deux plus basses et les deux plus hautes ont été regroupées. La variable définitive de revenus du foyer était donc en 6 classes ordonnées et a pu être utilisée de manière quantitative dans les modèles. Le montant des revenus mensuels du ménage était aussi demandé dans les auto-questionnaires à 1 an, 2 ans et 3 ans.
Le nombre d’accouchements antérieurs a été obtenu à partir du dossier obstétrical et a permis de déterminer la primiparité de la mère (oui / non). A partir des questionnaires à 5 ans, nous avons déterminé le nombre de frères et sœurs plus âgés que l’enfant index ainsi que le nombre de frères et sœurs plus jeunes que l’enfant inclus dans la cohorte EDEN.
Le mode d’allaitement pendant le séjour à la maternité et à sa sortie a été extrait du dossier obstétrical. Les questionnaires parentaux à 4, 8, 12 et 24 mois comportaient des questions sur la poursuite de l’allaitement maternel et ses caractéristiques (exclusif/partiel, au sein/au biberon). Deux variables concernant le mode d’allaitement (allaitement maternel au moins 3 jours ; oui / non) et la durée de l’allaitement maternel (partiel ou exclusif) ont été générées à partir de ces différents questionnaires.
Dans l’auto-questionnaire envoyé à 2 ans, les mères ont indiqué le principal mode de garde de l’enfant : crèche collective ou familiale, assistante maternelle, voisin ou nourrice non agréée, membre de la famille, employé agréé, conjoint ou mère elle-même. Ces données ont été regroupées en 4 catégories : mère / famille / crèche / autre mode de garde.
34 Dans l’auto-questionnaire envoyé à 2 ans, les mères ont aussi donné des informations sur les jeux et soins de l’enfant, notamment la fréquence à laquelle la maman chantait, jouait ou lisait des histoires avec son enfant. Ces fréquences ont été ordonnées sur une échelle à 5 items à partir des données sources de l’auto-questionnaire : jamais ou rarement (1) / moins d’une fois par semaine (2) / 1 à 2 fois par semaine (3) / 3 à 5 fois par semaine (4) / quotidiennement (5), puis une variable résumant l’ensemble de l’information des trois activités a été créée en calculant la moyenne des trois échelles. Cette variable générée a permis une évaluation de la fréquence des activités entre la mère et l’enfant.
A 5-6 ans, les stimulations de l’enfant au domicile ont été évaluées par une psychologue utilisant trois sous-score de l’échelle Home Observation for the Measurement of the Environment (HOME) : stimulation linguistique, stimulation académique et variété des expérimentations (Caldwell, Bradley, & Education, 1984; Frankenburg & Coons, 1986). Plus les scores étaient élevés plus ils indiquaient un niveau élevé de support cognitif et émotionnel.
Dans l’auto-questionnaire envoyé à 3 ans, les parents ont déclaré si leur enfant était entré à l’école maternelle, et le cas échéant, depuis quel âge.
Les antécédents de trouble du langage oral chez l’un des deux parents ont également été collectés.
La dépression maternelle pendant la grossesse a été évaluée à partir du questionnaire Center for Epidemiological Studies-Depression scale (CES-D) entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée (un cut-off de 16 a été utilisé pour définir la dépression (Hann, Winter, & Jacobsen, 1999; Morin et al., 2011)). La dépression du post-partum a également été évaluée par le questionnaire Edinburgh Postnatal Depression Scale à 4, 8 et 12 mois (un cut-off de 13 a été utilisé pour définir la dépression (Adouard, Glangeaud-Freudenthal, & Golse, 2005; Teissedre & Chabrol, 2004)) et le CES-D à 3 et 5 ans après l’accouchement (un cut-off de 16 a été utilisé pour définir la dépression).
Le bilinguisme a été évalué par des questionnaires parentaux.
Autres variables à prendre en compte dans les modèles statistiques
Le centre d’accouchement (Poitiers / Nancy) des mères qui ont participé à la cohorte EDEN a été inclus dans les analyse statistique afin de tenir compte des différences potentielles dans les caractéristiques des participants, des structures de soin et de suivi, mais 35 surtout en raison de potentiels cotations différentiels des tests neuropsychologiques.
L’âge exact de passation des tests neuropsychologiques a été pris en compte dans les différents modèles.
Population inclue dans les analyses
Le recrutement initial a concerné 2002 femmes enceintes, dont 968 (48 %) à Poitiers et 1034 (52 %) à Nancy. En raison d’interruptions de grossesse, d’inclusions à tort et de sorties d’étude, la date de naissance de leur enfant n’était renseignée que pour 1907 d’entre eux. Au final, 1899 couples mère-enfant ont été inclus et suivis (4 mort-nés, 3 accouchements hors des centres EDEN, 1 sortie d’étude à la naissance). Les questionnaires parentaux concernant l’enfant à 4, 8 et 12 et 24 mois ont été retournés respectivement par 1638, 1630, 1524 et 1432 familles. Le questionnaire MacArthur à 2 ans était complet pour 1415 enfants. Le questionnaire SDQ des enfants à 3 ans a été réalisé auprès de 1319 enfants et celui à 5-6 ans auprès de 1186 enfants. L’examen neuropsychologique des enfants à 3 ans a été réalisé auprès de 1235 enfants et celui à 5-6 ans auprès de 1122 enfants.
Les caractéristiques des familles et de leurs enfants sont décrites sur la Table 1 de chacune des Etudes N°1 à N°5. Des comparaisons des enfants inclus dans les analyses et ceux exclus sont également présentées dans les Etudes. Globalement, les sujets inclus dans les analyses étaient significativement moins exposés aux différents facteurs influençant négativement le développement cognitif que les sujets exclus des analyses (en raison de données manquantes, de perdus de vue et d’arrêt de participation à l’étude). Ce type d’attrition différentielle est classique dans les études longitudinales et diminue logiquement la puissance statistique des tests sans pour autant biaiser les résultats des analyses de régression. D’autre part, les sujets inclus dans les analyses avaient significativement de meilleures performances cognitives que ceux exclus des analyses. Ce type d’attrition différentielle conduit logiquement à l’exclusion de nombreux sujets présentant des troubles du développement et diminue également la puissance statistique des tests.
En comparaison avec l’enquête nationale menée sur 14,482 femmes ayant accouché en France en 2003 (Blondel, Supernant, Du Mazaubrun, Bréart, & pour la Coordination nationale des Enquêtes Nationales Périnatales, 2006), les femmes qui ont participé à la cohorte EDEN présentent un niveau socio-économique similaire mais un niveau d’étude plus élevé et ont 36 plus fréquemment une profession (Drouillet et al., 2009).
Etude des changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans
Concernant la première question, nos résultats sont similaires à ceux des études antérieures ; en effet, les performances en production lexicale à 2 ans ne prédisent que modérément le niveau de langage ultérieur des enfants dans la cohorte EDEN. Nos estimateurs de prédiction (variance des performances linguistiques à 3 ans expliquée par les performances linguistiques à 2 ans et les principaux facteurs pré, péri et postnatals = 43% [dont 22% par les performances linguistiques à 2 ans] ; aire sous la courbe de ROC = 0.85 ; sensibilité et valeur prédictive positive = 41%) sont néanmoins supérieurs à ceux rapportés par les études antérieures très probablement parce que la fenêtre temporelle de notre étude est plus courte que celle des études antérieures (par exemple, l’étude de Reilly et al. (Reilly et al., 2010) a été menée entre 2 ans et 4 ans).
Concernant la deuxième question, les enfants qui ont présenté une trajectoire déclinante entre 2 et 3 ans différaient sur plusieurs facteurs des enfants ayant eu une trajectoire normale de leurs performances linguistiques : ils avaient (i) été davantage exposés à l’alcool pendant la grossesse, (ii) des parents dont le niveau scolaire était moins élevé, (iii) un terme de naissance plus précoce et (iv) des interactions moins fréquentes avec leur mère. De plus, les enfants qui ont présenté une trajectoire résiliente entre 2 et 3 ans avaient plus fréquemment été allaités au lait maternel que les enfants qui présentaient un retard de langage à 2 et 3 ans. Ces différents déterminants pré, péri et postnatals ont un effet qui a été bien établi sur le développement cognitif des enfants (Bernard et al., 2013; Farah et al., 2008; Henrichs et al., 2011; C. M. O’Leary, 2004; Whitehouse et al., 2011; Yang et al., 2010), néanmoins, notre étude suggère que certains d’entre eux (notamment le terme de naissance, l’exposition à l’alcool pendant la grossesse et l’allaitement maternel) puissent avoir un effet sur le développement du langage qui se manifeste tardivement, à mesure que les compétences langagières deviennent de plus en plus élaborées.
Les résultats de cette étude fournissent des données intéressantes en termes de santé publique et de clinique. Compte tenu de l’instabilité du développement du langage oral entre 2 et 3 ans, certains auteurs recommandent de ne mettre en place aucune intervention spécifique à l’âge de 2 ans (Bishop & Leonard, 2014; Whitehurst & Fischel, 1994). En revanche, dans notre étude, près de la moitié des enfants qui présentent un retard de langage à 2 ans aura des difficultés linguistiques persistantes à l’âge de 3 ans. Les conséquences potentielles de ce retard sur le développement ultérieur du langage, mais aussi sur le développement émotionnel et comportemental doivent être considérées. D’autres part les résultats des quelques études cliniques qui ont évalué l’efficacité des interventions parentales chez les enfants de 2 ans présentant un retard de langage sont en faveur de ce type d’interventions (Baxendale & Hesketh, 2003; Buschmann et al., 2009; Gibbard, Coglan, & 165 MacDonald, 2004; Girolametto, Pearce, & Weitzman, 1995, 1996; Lederer, 2001; Robertson & Weismer, 1999).
Etude de l’effet différentiel des facteurs pré, péri et postnatals sur le développement verbal et non-verbal à 5-6 ans
Plusieurs déterminants pré, péri et postnatals ont un effet différentiel sur les performances verbales et non-verbales à 5-6 ans. Les scores mesurant le niveau des stimulations cognitives ainsi que le niveau scolaire des parents étaient davantage associés aux performances verbales que non-verbales. La durée de l’allaitement maternel et le nombre de frères aînés étaient associés uniquement avec les performances verbales. Le poids de naissance était uniquement associé aux performances non-verbales mais notre étude a très probablement manqué de puissance pour mettre en évidence cet effet différentiel. De futures études utilisant la même méthode d’analyse mais menées sur davantage d’enfants nés avec un petit poids de naissance doivent être engagées.
Nos résultats sont concordants avec ceux des études antérieures (H. Eriksen et al., 2013; Sommerfelt et al., 1995) sur le fait que le développement des performances verbales est davantage influencé par l’environnement cognitif de l’enfant que celui des performances non-verbales. Globalement, nous avons considéré que les autres effets différentiels mis en évidence par notre étude (niveau scolaire des parents, durée de l’allaitement maternel, nombre de frères aînés) étaient très probablement médiés par des aspects de l’environnement cognitif de l’enfant qui n’étaient pas capturés par notre score mesurant le niveau des stimulations cognitives.
Relations entre le développement du langage et les symptômes de TDAH entre 3 et 5-6 ans
En concordance avec les études antérieures menées pendant la période scolaire (Aro et al., 2014; Lindsay et al., 2007; Petersen et al., 2013; St Clair et al., 2011), nous avons trouvé que les performances linguistiques à 3 ans prédisaient les symptômes de TDAH à 5-6 ans mais pas l’inverse. Nous n’avons pas confirmé les deux hypothèses que nous avons testées 166 pour expliquer ces relations (Hypothèse 1 : médiation par les difficultés relationnelles .
Hypothèse 2 : effet décalé dans le temps des facteurs pré, péri et postnatals sur le langage et les symptômes de TDAH). Les tests de langage à 3 ans qui étaient les plus associés aux symptômes de TDAH à 5-6 ans étaient ceux qui mesurent la syntaxe et la mémoire de travail.
Globalement ces résultats fournissent indirectement des arguments en faveur de l’hypothèse d’une médiation par les compétences en self-directed speech (Barkley, 1997; A. Berger, 2011; Luria, 1961; Petersen et al., 2014; Vygotsky, 1962). Néanmoins, des facteurs génétiques communs au développement du langage et aux symptômes de TDAH pourraient manifester leur effet plus précocement sur le développement du langage et plus tardivement sur les symptômes de TDAH (Costello et al., 2003). Cette dernière hypothèse n’a pas pu être testée dans notre étude mais elle doit être prise sérieusement en compte car elle prédit qu’une prise en charge précoce des troubles du langage oral ne préviendrait pas l’apparition ultérieure de symptômes de TDAH. Cette prédiction serait concordante avec les résultats d’un essai clinique randomisé ayant étudié l’efficacité d’une prise en charge précoce des troubles du langage et qui n’a pas rapporté d’amélioration sur les symptômes TDAH (Glogowska et al., 2000).
Etude des difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel pendant la période préscolaire
Notre étude n’a pas mis en évidence de difficultés émotionnelles, comportementales ou relationnelles chez les enfants avec un haut potentiel intellectuel. Une association marginalement significative entre le haut potentiel intellectuel et les difficultés émotionnelles à 5-6 ans. Des analyses supplémentaires ne permettent pas de considérer cette association comme robuste. Les cliniciens qui estiment que les enfants avec un haut-potentiel intellectuel ont davantage de difficultés émotionnelles, relationnelles et comportementales pendant la période préscolaire ont probablement un biais de jugement qui est équivalent au biais de sélection des études précédentes menées sur le sujet.
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Table des matières
A. INTRODUCTION GENERALE
A.1. Variabilités interindividuelles
A.2. Influence des facteurs génétiques et environnementaux sur le développement cognitif
A.2.1. Facteurs génétiques
A.2.2. Facteurs pré, péri et postnatals influençant le développement cognitif
A.2.2.1. Caractéristiques parentales
A.2.2.1.1. Age parental
A.2.2.1.2. Consommation de tabac pendant la grossesse
A.2.2.1.3. Consommation d’alcool pendant la grossesse
A.2.2.2. Caractéristiques de l’enfant
A.2.2.2.1. Sexe
A.2.2.2.2. Terme de naissance
A.2.2.2.3. Poids de naissance
A.2.2.3. Caractéristiques de l’environnement familial et social
A.2.2.3.1. Niveau d’éducation parental
A.2.2.3.2. Revenu des parents
A.2.2.3.3. Rang dans la fratrie
A.2.2.3.4. Allaitement maternel
A.2.2.3.5. Interactions parents-enfants
A.2.2.3.6. Dépression maternelle pendant la grossesse et après la grossesse
A.2.3. Variance prédite par l’ensemble des facteurs environnementaux
A.2.4. Stabilité du développement cognitif
A.3. Liens entre les différents domaines du développement cognitif
A.4. Questions de recherche
A.4.1. Etude N°1 : Etude des changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans
A.4.2. Etude N°2 : Etude de l’effet différentiel des facteurs pré, péri et postnatals sur le développement verbal et non-verbal à 5-6 ans
A.4.3. Etude N°3 : Relations entre le développement du langage et les symptômes de TDAH entre 3 et 5-6 ans
A.4.4. Etude N°4 : Etude des difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel pendant la période préscolaire
A.4.5. Etude N°5 : Quel est l’apport des repères développementaux avant l’âge de 2 ans pour la prédiction du QI à 5-6 ans ?
B. COHORTE EDEN
B.1. Présentation générale et objectif
B.2. Inclusion et collecte des données
B.3. Données utilisées
B.3.1. Évaluation du développement psychomoteur de l’enfant
B.3.1.1. Développement psychomoteur à 4, 8, 12 et 24 mois
B.3.1.2. Difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles à 3 et 5-6 ans
B.3.1.3. Évaluations par examen neuropsychologique à 3 et 5-6 ans
B.3.1.2.1. La batterie ELOLA
B.3.1.2.2. La batterie NEPSY
B.3.1.2.3. Batterie WPPSI-III à 5-6 ans
B.3.1.2.4. NKT1 à 5-6 ans
B.3.1.2.5. Peg Moving Task à 5-6 ans
B.3.2. Facteurs pré, péri et postnatals
B.3.2.1. Caractéristiques parentales
B.3.2.2. Caractéristiques de l’enfant
B.3.2.3. Caractéristiques de l’environnement familial et social
B.3.3. Autres variables à prendre en compte dans les modèles statistiques
B.4. Population inclue dans les analyses
B.5. Conclusion
C. ETUDES
Etude N°1. Predicting changes in language skills between 2 and 3 years in the EDEN mother-child cohort
Etude N°2. Differential effects of factors influencing cognitive development at the age of 5-to-6 years
Etude N°3. Relationship between early language skills and the development of symptoms of hyperactivity/inattention during the preschool period: Results of
the EDEN mother-child cohort
Etude N°4. Emotional, behavioral and social difficulties among high-IQ children during the preschool period: Results of the EDEN mother-child cohort
Etude N°5. Est-ce que le développement psychomoteur à 4, 8, 12 et 24 mois permet de prédire le QI à 5-6 ans ? Analyse des données de la cohorte EDEN
D.1. Synthèse des résultats de chaque Etude
D.1.1. Etude N°1 : Etude des changements des performances linguistiques entre 2 et 3 ans
D.1.2. Etude N°2 : Etude de l’effet différentiel des facteurs pré, péri et postnatals sur le développement verbal et non-verbal à 5-6 ans
D.1.3. Etude N°3 : Relations entre le développement du langage et les symptômes de TDAH entre 3 et 5-6 ans
D.1.4. Etude N°4 : Etude des difficultés émotionnelles, comportementales et relationnelles des enfants avec un haut potentiel intellectuel pendant la période préscolaire
D.1.5. Etude N°5 : Quel est l’apport des repères développementaux avant l’âge de 2 ans pour la prédiction du QI à 5-6 ans ?
D.2. Synthèse générale des résultats des Etudes
D.2.1. Variabilités interindividuelles
D.2.2. Influence des facteurs génétiques et environnementaux sur le développement cognitif
D.2.2.1. Facteurs génétiques
D.2.2.2. Facteurs pré, péri et postnatals influençant le développement cognitif
D.2.2.2.1. Caractéristiques parentales
D.2.2.2.2. Caractéristiques de l’enfant
D.2.2.2.3. Caractéristiques de l’environnement familial et social
D.2.2.3. Variance prédite par l’ensemble des facteurs environnementaux
D.2.2.4. Stabilité du développement cognitif
D.2.3. Liens entre les différents domaines du développement cognitif
D.3. Avantages et limites des cohortes en population générale pour l’étude du développement du cognitif
D.3.1. Avantages des cohortes en population générale
D.3.2. Limites des cohortes en population générale
D.4. Conclusion générale
D.5. Perspectives
E. REFERENCES
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