Un triptyque inquiétant : une demande en énergie fossile croissante pour une offre en baisse sur fond de réchauffement climatique
Une demande en énergie fossile croissante
Depuis le début du XIXième siècle et avec les premières machines à vapeur, la demande en énergie fossile carbonée n’a fait que croitre de manière exponentielle. Ces énergies regroupent principalement le pétrole, le gaz naturel et le charbon. Elles représentent aujourd’hui plus de 80 % de l’énergie consommée dans le monde (plus de 65 % en France), loin devant la biomasse (dont le bois), le nucléaire et l’hydraulique (Fig. A1). Le pétrole représente 1/3 de l’énergie utilisée sur terre. En raison de son contenu énergétique très élevé, il est particulièrement bien adapté aux utilisations embarquées (voitures, avions). En 2013, la production mondiale était de 86 millions de barils par jour contre 66 millions en 1991. La consommation en France représente environ 2% (2 millions de barils) de la consommation mondiale et cela de manière assez constante (BPstats, 2014). Les besoins mondiaux sont en augmentation alors même que la durabilité du système ‘tout-pétrole’ est de plus en plus critiquée.
2050 : une pénurie annoncée ?
Le pétrole est, d’une certaine façon, une énergie renouvelable à des échelles géologiques. Il se forme sur plusieurs millions d’années par la décomposition anoxique de végétaux. A l’échelle de l’humanité, c’est par contre une ressource non renouvelable. Les estimations des réserves restantes divergent fortement. Le sujet étant un enjeu de l’économie mondiale, de nombreux débats politicoscientifiques s’invitent dans les estimations et floutent les prospectives. En fonction des scénarios prédictifs, le peak-oil, correspondant au maximum de production permis par les ressources naturelles, se profile d’ici à l’an 2050. Comme il est certain que le pétrole conventionnel est en voie d’épuisement, les industriels de l’énergie se tournent maintenant, et de manière très concrète, vers des formes de pétrole économiquement moins intéressantes à extraire car moins accessibles (gaz de schiste, sable bitumineux, etc…). De plus, et dans une vision plus Franco-centrée, l’extraction de ressources fossiles n’est plus réalisée sur notre territoire, le peak-oil français datant de 1988. Uneextraction non conventionnelle de pétrole semble encore possible mais à un coût écologique discutable. La France est donc largement dépendante (à plus de 98,5%) de ses importations en pétrole (le taux d’indépendance énergétique global est de 55%). Cette dépendance entraine une faiblesse économique et politique vis-à-vis d’un certain nombre de pays producteurs de pétrole. Enfin et malheureusement, l’aspect économique n’est pas le seul problème. De par sa nature même, le pétrole, dégage, depuis son raffinage jusqu’à sa combustion, d’importantes quantités de gaz à effet de serre dont le CO2 (ADEME, 2014).
Les énergies fossiles, source principale de gaz à effet de serre
L’effet de serre est un phénomène classique et bien connu sur terre. Il permet tout simplement la vie. Un certain nombre de gaz atmosphériques (H2O, CO2, NOx , CH4), forment une enveloppe protectrice et renvoient vers notre planète une partie du rayonnement solaire qu’elle réfléchit. Cela permet d’obtenir une température moyenne de +15°C au lieu des -18°C attendus sans ce mécanisme. Malheureusement, les activités humaines accentuent cet effet en augmentant les concentrations de gaz à effet de serre (Fig. A2, A). L’effet le plus direct et le plus connu est la hausse de la température moyenne du globe, laquelle entraine une élévation du niveau moyen des océans via, la fonte des glaces et la dilatation thermique de l’eau de mer (Fig. A2, B).
Les modifications que cela entraine sur la géosphère et la biosphère ainsi que sur l’Homme et la société sont mal cernées (Fig. A3). La France, ainsi que la plupart des pays occidentaux, intervient de manière prédominante dans le rejet massif de gaz à effet de serre et dans le réchauffement climatique (Matthews et al., 2014). Il est donc nécessaire de trouver des solutions, en particulier dans le domaine des transports qui totalisent à lui seul 14% des émissions de gaz à effet de serre (ADEME, 2014).
Les biocarburants : un élément de réponse ?
Les biocarburants qu’est-ce que c’est ?
Un biocarburant est un carburant produit à partir de matériaux organiques non fossiles. En utilisant la biomasse végétale comme source d’énergie, les biocarburants permettent de limiter les émissions de CO2. En effet, la biomasse pour croitre, fixe le CO2 sous forme de carbone organique via la photosynthèse. Elle le libère ensuite lors de sa combustion tout en restituant l’énergie accumulée. Le bilan des émissions de CO2 est donc, en théorie, nul. En pratique, lorsque l’ensemble du cycle de vie des biocarburants est considéré, ce n’est pas le cas. C’est d’ailleurs un des défis des recherches en cours et à venir. Les biocarburants peuvent être obtenus par deux procédés radicalement différents. Une approche physico-chimique permet, en utilisant habilement des contraintes physiques fortes (hautes températures, hautes pressions) et/ou des produits chimiques (catalyse acide, basique), de déstructurer la matière (pyrolyse, torréfaction, gazéification, liquéfaction hydrothermale). Elle se retrouve ainsi transformée soit directement en biocarburant soit en monomères fermentescibles qui seront eux-mêmes convertis en molécules d’intérêt par des microorganismes. Une deuxième approche, purement biologique, permet de produire des biocarburants en utilisant directement la biomasse ou après fermentation de monomère. Schématiquement, deux grands types de produits peuvent alors être obtenus, les alcools destinés aux moteurs à essence et des huiles/hydrocarbures destinés aux moteurs diesel (Fig. A4).
Enfin, trois générations de biodiesel coexistent (c’est également vrai pour le bio-éthanol). Elles se différencient par leur degré de maturité et le type de biomasse utilisée. La première consiste à utiliser les organes de réserve de la plante (graines de tournesol, colza, lin, palme…) pour en extraire une huile qui sera ensuite trans-estérifiée en biodiesel. La seconde génération, généralement via, des procédés physico-chimiques, transforme la biomasse carbonée (résidus de culture, bois, etc…) en un condensa de pétrole. La première génération, déjà exploitée, ainsi que la seconde dont le degré de maturité est élevé, ont fait l’objet de polémiques, en particulier sur les problématiques de souveraineté alimentaire et de conflits d’usage. Néanmoins, il semblerait que l’impact de ces nouveaux débouchés agricoles sur les prix de la nourriture soit moins marqué que prévu. En effet, le prix des ressources alimentaires est principalement lié au cours du pétrole, et la production de biodiesel de première génération en Europe n’a augmenté le coût des aliments que de 4% jusqu’en 2010, et devrait se limiter à 10% d’ici l’an 2020 (Ecofys, 2013). Cela entraine par contre un changement d’affectation des sols (passage d’un type de couverture végétale à un autre), dont les conséquences sur le climat sont particulièrement néfastes. Dans ce contexte houleux, les biocarburants de troisième génération à base de microorganismes et particulièrement les microalgues offrent une alternative prometteuse. En particulier, ils peuvent être produits sur des terres non arables, sans utilisation d’eau potable, avec des rendements bien supérieurs aux plantes terrestres (x10 à 30) et en réutilisant le CO2 d’origine industrielle dans le cas de l’autotrophie (Cadoret & Bernard, 2009).
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Table des matières
INTRODUCTION
A. CONTEXTE : DU PETROLE AUX BIOCARBURANTS
I. Un triptyque inquiétant : une demande en énergie fossile croissante pour une offre en baisse sur fond de réchauffement climatique
i. Une demande en énergie fossile croissante
ii. 2050 : une pénurie annoncée ?
iii. Les énergies fossiles, source principale de gaz à effet de serre
II. Les biocarburants : un élément de réponse ?
i. Les biocarburants qu’est-ce que c’est ?
ii. L’utilisation des microalgues autour du monde aujourd’hui
III. Biocarburants à base d’algues : des verrous nombreux sur toute la chaine de valeur
IV. Objectif de la thèse
B. ETAT DE L’ART : LA COMPREHENSION DES MECANISMES D’ACCUMULATION DU CARBONE ET LEURS CONSEQUENCES POUR LA SELECTION DE SOUCHES PLUS PRODUCTIVES
I. Quelles algues: rapide tableau de famille
i. Dunaliella salina : entre lipides et bêta-carotène
ii. Tisochrysis lutea W2X : une algue obtenue par mutation/sélection
iii. Cylindrotheca closterium : une diatomée benthique
II. Le stockage des lipides chez les algues, un phénomène complexe
i. Les lipides : distinction entre lipides de réserve et lipides structurels
ii. Le métabolisme des lipides chez les microalgues
iii. Localisation des lipides et du bêta-carotène
iv. Dynamique des réserves énergétiques durant le cycle cellulaire en conditions optimales de croissance
v. Facteurs modifiant l’accumulation des réserves
III. La sélection, qu’est-ce que c’est ? Concepts et avancées
i. De Malthus à Darwin: la sélection naturelle
ii. Pas de sélection sans élimination : la culture en continu, base de la sélection de microorganismes
iii. La compréhension fondamentale des mécanismes d’évolution : utilisation des microorganismes comme modèle d’étude
iv. La sélection des microalgues appliquée aux biotechnologies
C. MATERIELS ET METHODES
I. Préparation du milieu de culture et inoculation
II. La culture des algues : utilisation de deux types de photobioréacteurs
i. Un logiciel de gestion des cultures commun : ODIN
ii. Des photobioréacteurs cylindriques en verre pour la compréhension de la physiologie
iii. Des photobioréacteurs plans, les sélectiostats, pour la sélection par pression continue
III. Les mesures automatiques
i. Densité cellulaire et taux de croissance
ii. Mesure de la concentration en nitrates et nitrites
IV. Les analyses biochimiques
i. Carbone et azote particulaires
ii. La méthode classique de dosage des lipides, lente mais précise
iii. Le dosage des piments
V. La sélection
D. LA COMPREHENSION DE LA PHYSIOLOGIE DES ALGUES : UNE PREMIERE ETAPE VERS LA SELECTION
I. La température : un paramètre clef, au cœur des mécanismes biochimiques, trop souvent reléguée au second plan
i. Introduction
ii. Materials and methods
iii. Results
iv. Discussion
v. Conclusion
vi. Acknowledgements
II. La production de lipides et de caroténoïdes chez D. salina sous limitation et carence en azote
i. Introduction
ii. Materials and methods
iii. Results
iv. Discussion
v. Conclusion
vi. Acknowledgements
CONCLUSION
