Spectroscopie des phases gazeuses du Milieu Interstellaire

La métallicité du milieu interstellaire

D’où proviennent les éléments lourds du milieu interstellaire ? 

Les métaux du milieu interstellaire (MIS) plus légers que le fer sont produits dans les étoiles (on parlera de nucléosynthèse stellaire), et sont dispersés lorsque l’étoile génitrice meurt. Les éléments plus lourds sont produits dans les supernovæ (nucléosynthèse explosive). La présence des éléments lourds dans le MIS est intimement liée au mode de production dans les étoiles. En effet, selon qu’ils sont créés dans des étoiles de plus ou moins faible masse (c’est-à-dire de plus ou moins longue durée de vie), les métaux ne sont pas dispersés dans le MIS dans les mêmes échelles de temps. On distingue deux types d’éléments selon leur mode de production. Les éléments primaires sont synthétisés uniquement à partir de H et He. La production de ces éléments est donc insensible, en première approximation, à la composition chimique initiale. Le rapport d’abondance de deux éléments primaires ne dépend pas de la métallicité. Les éléments secondaires sont produits quant à eux à partir d’éléments déjà synthétisés. Leur production dépend des abondances initiales des réactifs (essentiellement C, N et O). Le rapport entre un élément primaire et un secondaire est proportionnel à l’abondance du primaire.

En prenant l’exemple d’une étoile qui naît à partir d’un milieu de composition primordiale, celle-ci brûle tout d’abord l’hydrogène en son cœur (H→He). Suit une phase de contraction puis de fusion de l’hydrogène en couche autour du noyau, et enfin la fusion de l’hélium au centre (3α →12 C →16 O). La suite de l’évolution dépend de la masse stellaire :

➤ Les étoiles de masse M . 1.5 M¯ vivent plus de 2 milliards d’années. Leur rôle majeur dans l’évolution chimique du MIS est de conserver les éléments produits en leur sein. De ce fait, elles tracent la composition au moment où elles se sont formées, et n’influencent pas chimiquement le MIS.
➤ Les étoiles ayant des masses 2 . M . 8 M¯ possèdent un cœur de C et O. Plusieurs phases de dredge-up (retour à la surface d’éléments produits plus profondément) ont lieu au cours de leur existence. Elles vivent entre 50 et 1 000 millions d’années, et contribuent à l’enrichissement en métaux du MIS grâce à leurs vents (perte de masse), aux nébuleuses planétaires et aux SNe de type Ia, dont on pense que la nucléosynthèse est responsable des ∼ 2/3 du fer observé dans le MIS de notre Galaxie.
➤ Les étoiles massives (M & 9 M¯) opèrent la fusion de C, O, Ne, Mg et Si, et produisent les éléments du groupe du fer (Si +α+p+n). Leur durée de vie étant relativement courte (moins de 20 millions d’années), elles dispersent rapidement les métaux produits dans le MIS (cependant ces métaux ne se mélangent pas forcément immédiatement). Parmi ces étoiles on remarque les Wolf-Rayet et les variables bleues, dont une des caractéristiques notables est une perte de masse significative durant leur évolution. Les étoiles massives explosent en supernovæ de type II ou Ib dont la nucléosynthèse donne naissance aux éléments plus lourds que le fer.

Plaçons-nous maintenant dans le cadre d’une intense flambée d’étoiles, phase relativement courte pendant laquelle des étoiles de toutes masses naissent suivant une fonction de masse initiale (définie comme la distribution du nombre d’étoiles formées par intervalle de masse). Les étoiles plus massives que ∼ 10 M¯ ne représentent que 10% de la masse totale des étoiles d’une flambée. Cependant, ce sont elles qui fournissent la majorité de l’énergie. D’autre part, elles rejettent dans le MIS les métaux produits en leur cœur, par l’intermédiaire des vents stellaires et des SNe de type II dans un laps de temps relativement court (quelques millions d’années). Ensuite, vient la contribution des étoiles de masse intermédiaire qui libèrent leurs métaux dans des échelles de temps beaucoup plus longues. Ainsi, comme les éléments sont produits dans des étoiles de masses différentes, et donc de durées de vie différentes, on voit que le rapport particulier de la quantité de deux éléments peut fortement varier en fonction du temps. Une opportunité consiste ainsi à mesurer les rapports d’abondance dans les galaxies pour inverser le problème, et fournir un diagnostic sur l’histoire du taux de formation d’étoiles.

Comment mesurer la métallicité d’une galaxie ? 

Au fur et à mesure que des générations d’étoiles naissent, vivent et meurent, une quantité croissante de métaux est synthétisée puis relâchée dans le MIS, augmentant sa métallicité. Cette grandeur définit la fraction en masse des éléments plus lourds que l’hélium. Il existe bien des manières de mesurer la métallicité d’un objet aussi complexe qu’une galaxie (voir par exemple Kunth & Östlin 2000). Certaines méthodes reposent sur l’étude du gaz des nébuleuses planétaires, sur la photométrie des populations stellaires (couleur de la branche RGB dans le diagramme couleur-magnitude), la spectroscopie des étoiles individuelles (raies atmosphériques des étoiles dans les galaxies les plus proches) ou encore la lumière intégrée (par photométrie et spectroscopie). Cependant, une méthode maintenant bien établie pour mesurer la métallicité d’une galaxie riche en gaz consiste à analyser son MIS par l’intermédiaire des raies d’émission nébulaires du gaz ionisé associé aux régions de formation récente d’étoiles (les régions H ii, voir section suivante). Les transitions correspondantes sont observables depuis le sol, essentiellement dans le domaine optique. On arrive ainsi à déduire les abondances de C, N, O, Ne, Si, S, Ar et Fe, qui servent à tracer la métallicité du gaz. Les télescopes observant dans les rayons X (Chandra, XMM-Newton) permettent depuis peu de mesurer les abondances chimiques dans la phase chaude du MIS des galaxies. Enfin, les mesures d’abondances dans le gaz neutre que nous évoquons dans ce rapport fournissent une nouvelle information, supplémentaire et complémentaire sur le contenu en métaux dans la phase gazeuse des galaxies.

Nous sommes donc désormais en mesure de comparer les abondances chimiques dans les différentes phases gazeuses du MIS. En particulier, la mesure dans le gaz neutre, composante majoritaire en masse du MIS dans les galaxies naines, pourrait se révéler plus représentative et plus fiable que les mesures habituelles dans le gaz ionisé des régions H ii.

Sites de mesure privilégiés : les régions H ii 

Formation et structure d’une région H ii

Lorsqu’une étoile massive naît, ses rayonnements ultraviolets ionisent le MIS alentour et provoquent la formation d’une sphère de Strömgren, définie comme la région où l’hydrogène est ionisé. Dans le cas où des centaines, voire des milliers d’étoiles O et B se forment lors d’une flambée d’étoiles (on parle alors d’une région H ii géante), les sphères de Strömgren se recouvrent éventuellement, formant une structure complexe, tourmentée, faite de filaments, de coquilles, etc… Des preuves observationnelles montrent que dans le cas de telles concentrations d’étoiles ionisantes, le MIS est façonné par les vents stellaires et les SNe.

Les régions H ii sont étudiées depuis longtemps, étant très lumineuses non seulement en UV (domaine spectral où le flux des nombreuses étoiles massives est le plus important) mais aussi dans le domaine optique. La région 30 Dorade dans le Grand Nuage de Magellan est par exemple visible à l’oeil nu. Outre sa lumière directe (venant essentiellement des étoiles les plus jeunes), on observe également le rayonnement du gaz interstellaire ionisé de la région H ii par l’intermédiaire de raies d’émission permises et interdites. Ces dernières proviennent de la désexcitation des atomes ayant été percutés par des électrons thermiques (ou photo-électrons). L’une des utilisations les plus intéressantes des raies d’émission consiste à établir la composition chimique du gaz ionisé. Étant donné que tous les états d’ionisation ne sont pas forcément disponibles pour chaque élément, il faut le plus souvent faire appel à des codes de photoionisation tels que CLOUDY (Ferland et al. 1998), aux grilles de G. Stasinska (Stasinska 1990 ; Stasińska 2000) ou à des synthèses de spectres stellaires (code Starburst 99, Leitherer et al. 1999). Des diagnostics sur les rapports de raies permettent de contraindre les conditions physiques du gaz responsables de l’excitation des atomes : le rapport [O iii](λ4959+λ5007)/λ4363 est par exemple particulièrement sensible à la température, tandis que les rapports [O ii]λ3729/λ3726 et [S ii]λ6716/λ6731 dépendent fortement de la densité.

Noter cependant que la mesure des abondances dans le MIS ionisé reste entachée par des biais observationnels. En effet, certains éléments (par exemple Fe, Si, Mg) sont déplétés sur les grains de poussières, et leur abondance dans la phase gazeuse n’est pas forcément représentative de l’abondance totale dans le MIS (voir l’introduction). D’autre part, les raies d’émission observées (voir un exemple dans la figure 1.2) reflètent les propriétés globales de la région contenue dans la fente d’observation (c’est-à-dire l’ensemble des couches de gaz ionisé). Cela peut s’avérer problématique car les sousstructures de la région sont susceptibles d’avoir des compositions chimiques et des conditions physiques différentes. La présence de telles sous-structures est difficilement modélisable ; on utilise le plus souvent des cas simples de géométrie sphérique ou planparallèle, à densité constante ou suivant une loi de puissance simple. Cependant, de nouveaux modèles commencent à inclure des irrégularités dans les filaments de gaz ionisé (voir par exemple la modélisation de 30 Dorade par Tsamis & Péquignot 2005).

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Table des matières

Introduction
1 Spectroscopie des phases gazeuses du Milieu Interstellaire
1.1 La métallicité du milieu interstellaire
1.2 Sites de mesure privilégiés : les régions H ii
1.3 Présentation de FUSE
2 Les raies d’absorption interstellaire
2.1 Formation des raies d’absorption
2.2 Ajustement des profils des raies
2.3 Raies analysables dans le domaine de FUSE
2.A Profils théoriques des raies d’absorption
3 Les galaxies bleues compactes
3.1 Propriétés des galaxies bleues compactes
3.2 Etude de la galaxie bleue compacte IZw36
3.3 IZw36 parmi les autres galaxies bleues compactes
3.4 Interprétation générale
4 Approfondissement de la méthode : étude de la région H ii NGC604
4.1 Introduction
4.2 Observations de NGC604
4.3 Méthode spécifique
4.4 Quantité d’hydrogène neutre
4.5 Les métaux
4.6 Modélisation de la structure d’ionisation
4.7 Discussion des abondances
4.8 Indices sur des effets de saturation
5 Limites de la méthode
5.1 Raies métalliques : problèmes de résolution
5.2 H i : composantes individuelles invisibles
6 Discussion
Conclusion

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