Le développement de la végétation alluviale en proie aux perturbations hydrologiques

Les hommes interagissent avec l’environnement. De nos jours, la densité de pressions anthropiques pesant sur les milieux est très élevée et ceci dans toutes les parties du monde. Il devient donc indispensable d’anticiper les effets de ces changements afin de les réduire au maximum leurs effets négatifs. Les milieux aquatiques font partis des écosystèmes les plus impactés par les pressions humaines (Rapport et al., 1998) et notamment les plaines alluviales qui sont des territoires majeurs pour la création et le transfert de ressources (Tockner & Stanford, 2002). De plus, elles abritent une biodiversité conséquente avec de très grandes variétés d’espèces animales et végétales. Ainsi, l’analyse de la dynamique de la végétation est une des méthodes qui pourrait permettre de mieux comprendre les perturbations sur les écosystèmes alluviaux. En effet, la croissance de la végétation est influencée par les conditions climatiques, telles que la température et les précipitations et aussi par les perturbations de l’écosystème telles que les crues et les inondations. De plus, l’occupation des sols entrainée par les hommes (agriculture, urbanisation…) influence la répartition de nombreuses espèces végétales. Il est donc indispensable de tenir compte de la totalité des facteurs impliqués et de comprendre leur fonctionnement. Ainsi, l’objectif de cette étude est d’établir un état des lieux des facteurs anthropiques exerçant une pression sur la végétation des plaines alluviales et de synthétiser l’information scientifique disponible en s’intéressant aux facteurs, pouvant influencer la vie et la répartition des espèces végétales des plaines alluviales, évoqués dans la littérature à l’origine des changements.

La plaine alluviale et ses structures 

La plaine alluviale

La plaine alluviale correspond à l’ensemble des écosystèmes aquatiques, semi-aquatiques ou terrestres du territoire en relation avec une nappe phréatique et un cours d’eau. Ce milieu constitue un complexe (Forman & Godron, 1986), qui regroupe divers écosystèmes associés aux différents espaces pouvant être retrouvés dans cet hyrosystème. Les flux existant dans ce milieu sont essentiellement véhiculés par l’eau, et ils correspondent à trois dimensions différentes (Piégay, Pautou, & Ruffinoni, 2003) :
– La dimension longitudinale : elle représente la dimension amont-aval par laquelle s’effectue le transit des débits liquides (eau) et solides (sédiments), mais également les flux énergétiques (énergie mécanique et cinétique liée au courant, énergie thermique liée à la température de l’eau, énergie potentielle liée au transport de matières particulaires ou dissoutes, de nutriments, ou au transport d’éléments clés propagules comme les œufs, larves ou insectes, ou encore les graines des espèces végétales.
– La dimension transversale : c’est selon cette dimension que se réalisent en partie les flux du chenal principal vers les marges de la plaine alluviale, entre les différents compartiments de l’hydrosystème, mais aussi dans le sens opposé, du versant et de  la plaine alluviale ou encore des berges vers le chenal.
– La dimension verticale : elle représente une dimension liée à la topographie et à l’hydrologie, aux fluctuations de la nappe alluviale, aux remontées d’eaux capillaires, etc. Ces différents flux assurent des échanges d’informations et des transferts d’énergie entre les différentes biocénoses de l’hydrosystème.

Le paysage alluvial se caractérise donc, quant à lui, par une forte instabilité latérale en fonction des aléas hydrologiques mais également des conséquences des activités anthropiques. Par conséquent, les corridors alluviaux sont un des écosystèmes les plus dynamiques existants et les ripisylves sont des zones de premières importance pour la diversité biologique (W C Johnson, 1998). Dans la plaine d’inondation, la large gamme d’habitats et leurs espèces associées, est produite et maintenue par les processus hydrogéomorphologiques intenses. Les habitats des plaines inondables sont situés le long d’un gradient de conditions permanentes terrestres à des conditions permanentes aquatiques; les habitats aquatiques permanents des plaines inondables sont les cours d’eau, les chenaux, les lacs de plaines inondables tandis que les habitats terrestres permanents sont des dépôts de sédiments sur les étendues les plus élevées (Pickett et Collins, 1987). Il faut également savoir que les plaines inondables occupent une surface relativement faible comparé aux autres grands écosystèmes mondiaux, mais leurs contributions à la biodiversité et les services écosystémiques rendus sont très importants en proportion à la surface occupée.

Le développement de la végétation alluviale en proie aux perturbations hydrologiques

Carbiener et al., (1985) ont déterminé que la configuration spatiale des principales communautés végétales des plaines inondables dépend très fortement de la topographie et repose également sur des processus temporels, liés à la dynamique du cours d’eau et sur la distribution granulométrique des substrats. Ces processus temporels dépendent de deux processus différents :
– la charge d’énergie des inondations
– la fréquence et la périodicité des grandes crues .

Par conséquent, dans un hydrosystème, c’est l’eau qui joue le rôle essentiel dans la distribution spatiale et temporelle des plantes et dans la répartition de leurs groupements. Elle constitue ainsi un facteur de perturbation et de stress (Grime, 1979). Ainsi, une perturbation implique une destruction de biomasse, et par conséquent la mort partielle ou totale des plantes. Les perturbations les plus courantes concernant les cours d’eau sont liées aux crues qui arrachent ou cassent les arbres et arbustes ou encore elles peuvent suivre un apport massif de sédiments qui va recouvrir partiellement ou totalement des plantes ligneuses ou herbacées. Une telle perturbation est un phénomène très fréquent dans le lit mineur, tandis qu’il ne survient dans le lit majeur qu’à l’occasion de fortes crues. Cela entraine l’apparition de milieux renouvelés plus ou moins fréquemment (suite à ces perturbations) qui vont mettre en place un gradient d’habitats différents. En addition et en passant en revue le rôle de perturbation dans l’écologie des cours d’eau, Resh et al. (1988) définissent une perturbation dans le contexte fluvial comme un événement dans le temps qui est caractérisé par une fréquence, une intensité et une gravité non prévisible, et qui perturbe la structure de l’écosystème, de la communauté ou de la population et qui change les ressources ou l’environnement physique. Des études détaillées indiquent que la longévité des graines peut être influencée par l’humidité et les changements géomorphologiques possibles (perturbations) d’un site (Bekker et al., 2003). Les stress et les perturbations dues à l’action de l’eau ne sont donc pas considérés comme des effets négatifs pour l’hydrosystème. En effet, ils sont à l’origine d’une forte sélectivité des espèces, ce qui explique en grande partie la richesse importante des plaines alluviales (Siebel & Bouwma, 1998). Les régimes des perturbations et de pressions en milieu alluvial créent des refuges pour les espèces pionnières, en général peu compétitives et donc souvent rejetées des écosystèmes plus stables. Ces refuges sont, de plus, bien plus rares dans les écosystèmes terrestres ce qui rend les milieux alluviaux essentiels à la survie de leurs espèces spécifiques.

En conclusion, ce sont les perturbations liées au cours d’eau qui façonnent de manière prépondérante l’écosystème des plaines alluviales et qui les rendent si diverses et riches en espèces végétales. Elles provoquent des séquences de succession des communautés herbacées forestières et accélère le renouvellement minéral et organique (Carbiener & Schnitzler, 1990). Ce sont donc ces perturbations ainsi que leur intensité en corrélation avec la distance au cours d’eau qui vont former une succession végétale.

La succession végétale et ses structures 

Au fil du temps, la théorie de la succession des plantes a été développée (Cowles (1899) in Corenblit et al., 2007). De ce fait, les successions biologiques et donc végétales, en particulier dans le contexte fluvial, sont définies comme des processus liés à des évènements aléatoires mais qui se déroule en fonction de structures bien établies (Grime, 1979). En effet, l’apport de semences, les taux de germination ou la disponibilité des sites sûrs nécessaires dépendent de l’apparition de perturbations, de leur type, de leur intensité et de leur degré, ne sont généralement pas prévisibles. Whittaker (1953) a formulé l’hypothèse que la succession végétale représente une tendance naturelle de la complexité de l’écosystème à augmenter avec le temps. Selon cette idée, la succession végétale conduit à une augmentation de la production de biomasse, du nombre de niveaux trophiques et du nombre d’espèces. Les déplacements successifs du chenal structurent la plaine en paliers topographiques, chaque palier enregistrant des conditions hydrologiques et pédologiques différentes. Lorsque l’altitude augmente, l’intensité des perturbations liées aux flux hydrologiques et sédimentaires diminue ce qui crée des zones d’habitats différentes où des communautés végétales différentes se succèdent (Corenblit et al., 2007). La végétation de la plaine alluviale est donc constituée de différentes structures qui se suivent et sont dépendantes les unes des autres. Ces successions sont des processus dynamiques à moyen et long terme impliquant des communautés d’espèces au sein d’un écosystème (Corenblit et al., 2007). Classiquement, la succession végétale modèle est décrite comme un changement progressif d’un nu substrat à pionnier des structures herbacées, à pionnier arbustes, aux forêts post-pionnières, et enfin à la maturité forêts (Van Andel et al., 1993). Ce modèle simplifié implique un processus, par lequel les communautés végétales convergent vers un état stable final: le « climax ». De plus, dans les meilleures conditions, le déroulement d’une suite depuis l’implantation d’un assemblage pionnier à hélophytes jusqu’à l’installation d’une forêt de bois durs, peut s’effectuer en un siècle (Guy Pautou et al., 1996). La destruction d’une communauté peut être le point de départ d’une succession secondaire avec un stade post pionnier en forêt de bois tendre, qui conduira à la réimplantation de la communauté de bois durs.

Concernant le cycle biologique des plantes, les communautés de végétaux ont deux possibilités pour survivre dans une plaine alluviale (Guy Pautou et al., 1996) :
– se maintenir sur la même portion de territoire par autoreproduction. Les individus appartenant aux différentes populations qui meurent ou sont éliminées par des perturbations (crues, chablis) sont remplacées par des jeunes.
– avoir une vie éphémère sur la portion de territoire concerné, disparaitre et se reconstituer ailleurs.

Beaucoup de plantes proches du chenal et donc les plus aptes à résister aux perturbations ont développé une stratégie pionnière afin de coloniser un espace vide suite à une de ces perturbations. Ainsi, ces plantes sont capables de se régénérer par voie végétative (clonage naturel) grâce au bouturage par exemple. Une forte proportion de plantes annuelles à cycle de vie court (thérophytes) est également présente dans ces milieux. Par ailleurs, compte tenu des remaniements qui surviennent régulièrement dans le lit mineur du cours d’eau, de la mobilité des substrats, ces espèces pionnières ont une longévité assez faible et consacrent leur énergie à une croissance juvénile forte et à la production massive de graines et de spores susceptibles de se propager loin du lieu (Grelon, 1976).

Sur les territoires bordant les cours d’eau, la succession végétale se dirige vers le développement d’une forêt alluviale notamment dans les régions tempérés en Europe et dans le continent Nord-Américain (Schnitzler et al., 1992). En raison des adaptations des plantes ligneuses aux contraintes toujours importantes du milieu, l’emprise des forêts est potentiellement considérable. En dehors des espaces trop souvent submergés ou trop dynamiques, les forêts, en l’absence d’intervention humaine, couvrent la grande majorité de l’espace. De plus, pour survivre, notamment lors de l’étiage du cours d’eau, il est primordial pour ces arbres d’avoir un enracinement suffisamment profond afin de rester en contact avec la nappe. Ces caractéristiques vont en partie expliquer la répartition des espèces ligneuses dans la plaine alluviale (Massenet, 2013) et détaillée par la suite. Il existe le plus classiquement une formation forestière de bois tendre dans les zones régulièrement inondées des forêts alluviales qui est dominée par des espèces de Salicacées comme les saules (genre Salix) et les peupliers (genre Populus) ou encore par quelques espèces de Betulacées comme les alunes (genre Alnus) (Noble, 1979). Ces forêts de bois tendre sont caractérisées par une germination massive périodique de saule ou de peupliers entraînant l’établissement de jeunes forêts riveraines, et par la régulation de l’emprise de ces forêts par de fortes inondations entraînant une érosion des berges et un arrachage partiel de la végétation (Van Splunder et al., 1995). Ce type de forêt est donc relativement instable dans le temps. Dans les zones tempérées, en périphérie des plaines alluviales, on retrouve la forêt de bois dur composée d’espèces à stratégie K et bien installées (genres Quercus, Fraxinus, Ulmus…) (Piégay et al., 2003). Ces forêts intègrent tout de même des Salicacées et des Betulacées qui sont des restes des formations végétales précédentes. Pour que ces formations se développent, il faut que les conditions du milieu deviennent stables et que le nombre de perturbations dues au cours d’eau soit le plus limité possible. Même si ces espaces sont moins contraignants et par conséquent, moins sélectif au niveau des espèces végétales présentes, ils apportent une diversité animale extrêmement intéressante (insectes, oiseaux, mammifères…) (Van Turnhout et al., 2012).

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Table des matières

Introduction
Méthodologie
Partie 1 : La plaine alluviale et ses structures
1. La plaine alluviale
2. Le développement de la végétation alluviale en proie aux perturbations hydrologiques
3. La succession végétale et ses structures
Partie 2 : Facteurs susceptibles d’influencer la végétation alluviale
Partie 3 : Impacts détaillés pour chaque facteur anthropique
1. Le changement climatique et la hausse des températures
2. Les grands aménagements par l’homme
a. Impacts du facteur sur la végétation
b. Exemples de réponses de la végétation alluviale à l’aménagement d’ouvrages sur les cours d’eau
3. L’occupation du sol
a. Impacts du facteur sur la végétation
b. Exemples de modifications de la végétation alluviale dus à l’occupation du sol
4. Les espèces invasives
a. Impacts du facteur sur la végétation
b. Exemples d’implantation d’espèces invasives
5. Les pollutions
a. Impacts des pollutions agricoles, industrielles et urbaines sur la végétation alluviale
b. Exemple d’impacts de pollutions sur la végétation alluviale
Conclusion
Bibliographie

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