La chromatographie en phase fluide supercritique
Le dioxyde de carbone est de loin le fluide le plus employé pour ses paramètres critiques facilement accessibles, sa facilité d’emploi (absence de toxicité, non inflammable) et les nombreuses possibilités de couplage avec les techniques de détections modernes. Il solubilise la plupart des solvants organiques, peut être obtenu avec une grande pureté et il est bon marché.
Originalité de la CPS
En raison de ses propriétés (résumées en annexe 1), le fluide sC est qualifié de solvant « à géométrie variable ». En effet, il combine les avantages des gaz du point de vue de la cinétique du transfert de masse (faible viscosité, forte diffusivité, perte de charge limitée) et ceux des liquides en terme de solubilité (densité proche de celle des solvants usuel de la CPL). L’attrait pour la CPS réside dans la possibilité de faire varier la rétention par simple action sur la masse volumique puisqu’on modifie le pouvoir solvant sans modifier notablement les paramètres cinétiques. Sur colonne remplie, il est possible de collecter plus rapidement qu’en CPL (faible viscosité et bon coefficient de diffusion) le(s) soluté(s) pur(s) à la sortie du dispositif chromatographique par détente à la pression atmosphérique de la phase mobile (en général du dioxyde de carbone). Cette propriété fondamentale du fluide sC donne à la CPS un caractère original. Dans le cas des composés polaires difficiles à éluer par le CO₂ sC pur, un modificateur polaire est ajouté à la phase mobile en proportion modérée, de manière à conserver les avantages du fluide sC.
Les gradients de pression en colonnes capillaires :
Dans la zone critique, une augmentation de pression induit une augmentation de la masse volumique donc du pouvoir solvant : on diminue ainsi la rétention par augmentation de la pression. L’élution par gradient de pression de CO2 sC est comparable à celle observée par gradient de température en chromatographie en phase gaz (CPG) (la volatilité des solutés croit).
Les gradients de température en colonnes capillaires :
Une augmentation de température induit une baisse de viscosité et de masse volumique : les effets sur la rétention sont en général plus marqués que ceux de la pression et plus complexes. Le gradient de température apparaît comme complémentaire du gradient de pression.
L’ajout de modificateur en modes gradient ou isocratique en colonnes remplies :
Cette technique est très employée pour les séparations sur colonnes conventionnelles de CPL notamment pour les séparations de composés thermosensibles polaires, difficiles à éluer avec du CO2 sC pur. C’est le cas de molécules d’intérêt pharmaceutique , de solutés neutres, acides (phénols, amides, saccharides, stéroïdes, antibiotiques, produits naturels), et basiques (dérivés d’anilines, carbamates). On peut de plus ajouter un additif ce qui permet de réaliser la séparation de mélanges complexes (peptides, oestrogènes ). De plus, la transposition de la CPS à l’échelle préparative est attractive car beaucoup moins consommatrice en solvant organique que la CPL . L’utilisation d’un gradient est réservée à la séparation des mélanges complexes d’analytes de polarités très différentes. Dans le cas de séparation de composés de polarités voisines ou d’énantiomères on procède en mode isocratique.
Vers une chromatographie unifiée :
Il est possible d’utiliser en CPS les techniques empruntées à la CPG ou à la CPL la gamme de pression et température de travail du FS. On peut envisager une approche « unifiée » de la chromatographie avec éluant supercritique, celle-ci reste conceptuelle car elle se limite aux colonnes capillaires ce qui en limite grandement le champ d’application (faibles débits, nombre limité de PS disponibles).
Intérêt pratique : couplages et détections multiples
L’attrait pour la CPS réside dans le pouvoir de solvatation accru par rapport à une phase mobile gaz, et dans les temps de rétention et les efficacités améliorés par rapport à la CPL. Il est possible de coupler la CPS avec une grande variété de détecteurs : on distingue deux modes de détection selon que l’on travaille en conditions proches de la CPL ou de la CPG.
La détection à l’état gazeux :
Le couplage avec la CPS nécessite un interfaçage (étape supplémentaire de détente et/ou division de débit) car ces détections sont réalisées à la pression atmosphérique. On retient :
– Le détecteur à ionisation de flamme (DIF) : l’utilisation de modificateurs polaires est proscrite ce qui en limite l’utilisation à l’analyse de composés peu polaires.
– Le détecteur évaporatif à diffusion de la lumière (DEDL)
– Le spectromètre de masse (SM)
Ces deux derniers détecteurs sont souvent couplés à des colonnes remplies conventionnelles de la CPL pour l’analyse de composés n’absorbant pas dans l’ultraviolet (carotènes, lactones, saccharides, acides aminés…) ou de mélanges complexes (SM uniquement).
La détection à l’état sub- ou supercritique :
Il s’agit essentiellement des méthodes détection employées en CPL (colonne remplie) et transposée à la CPS. Les limitations rencontrées sont la résistance de la cellule de mesure (les constructeurs ont bien adapté cet élément de l’appareillage pour résister au-delà de 275bar) et l’influence du solvant (transparence du CO₂ en spectroscopie et interférences du CO₂ avec la technique de détection). Les méthodes mises en œuvre sont pour l’essentiel :
– La spectroscopie d’absorption dans l’ultra-violet (UV) : la transparence du FS permet de balayer tout le spectre depuis 200nm pour un gaz de haute purété (99,9995%), et 215nm pour un gaz de qualité « standard » (99,995%). C’est le détecteur le plus répandu car il est compatible avec l’ajout de modificateur polaire.
– La spectroscopie d’absorption dans l’infra-rouge (IR) : le FS le plus adapté est le xénon en raison de sa grande transparence dans l’IR, les bandes d’absorption du CO2 réduisent la sensibilité du détecteur mais sa transparence est suffisante pour l’utiliser comme fluide vecteur. L’ajout de modificateur est pour cette même raison contre-indiquée si bien que seuls les composés de polarité modérée peuvent être analysés par couplage CPS-IR.
– La mesure du pouvoir rotatoire (détecteur à dichroïsme circulaire) : son utilisation est spécifique à l’étude de mélanges d’énantiomères. Ce détecteur est très répandu dans le domaine de la pharmaceutique pour mesurer le pouvoir rotatoire (à priori inconnu) des substances à séparer50 et pour déterminer l’ordre d’élution des deux énantiomères.
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Table des matières
INTRODUCTION
A PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE
I. CHROMATOGRAPHIE EN PHASE FLUIDE SUB- ET SUPERCRITIQUE (CPS)
I.1 De la découverte de l’état supercritique aux applications industrielles
I.2 La chromatographie en phase fluide supercritique
I.2.1 Originalité de la CPS
I.2.2 Intérêt pratique : couplages et détections multiples
II. SEPARATION DE MOLECULES CHIRALES
II.1 Stéréochimie et propriétés des molécules chirales
II.1.1 Historique
II.1.2 Définitions et nomenclatures des molécules chirales
II.1.3 Propriétés physiques et activité biochimique des molécules chirales
II.2 Méthodes d’obtention d’une substance optiquement pure
II.2.1 Méthodes non chromatographiques
II.2.2 Méthodes chromatographiques
II.2.3 Mécanismes de reconnaissance chirale
II.3 Sélecteurs chiraux conventionnels de la CPL
II.3.1 Phases stationnaires chirales (PSC) « indépendantes » (types I et II)
II.3.2 Phases stationnaires « coopératives » (types III et IV)
II.4 Sélecteurs chiraux spécifiques d’un énantiomère cible prédésigné
II.4.1 Les sélecteurs chiraux à empreinte moléculaires
II.4.2 Les sélecteurs chiraux à base d’anticorps
II.4.3 L’approche combinatoire
II.5 Développement des PSC commerciales
III. PSC A BASE DE POLYMERES NATURELS
III.1 Présentation
III.2 Structures des polysaccharides naturels utilisés comme PSC
III.2.1 La cellulose
III.2.2 L’amylose
III.2.3 Autres polysaccharides
III.2.4 Séparation chirales sur support cellulosique
III.3 PSC à base de dérivés de la cellulose sous forme de polymère pur
III.4 Esters et carbamates de cellulose imprégnés sur support inorganique
III.4.1 Présentation générale
III.4.2 Les esters de cellulose adsorbés sur silice
III.4.3 Les carbamates de cellulose adsorbés sur silice
IV. PSC A BASE DE DERIVES DE LA CELLULOSE IMMOBILISES
IV.1 Enjeux et intérêts de l’immobilisation du polymère
IV.2 Phases stationnaires à base de polymère pur réticulé sur lui-même
IV.3 Procédé de greffage covalent du polymère sur silice (« grafted polymer »)
IV.3.1 Par l’intermédiaire d’un agent bifonctionnel
IV.3.2 Par réduction d’une fonction terminale du polymère
IV.3.3 Par réaction avec une fonction allylique du polymère
IV.4 Procédé de réticulation du polymère sur silice (« cross-linked polymer »)
IV.4.1 Par irradiation UV
IV.4.2 Par création d’un réseau tridimensionnel du polymère non greffé
B ETUDE PAR CPS DE NOUVELLES PSC A BASE DE DERIVES DU TRISPHENYLCARBAMATE DE CELLULOSE IMMOBILISES
I. CHOIX DES RACEMATES-TEST, MATERIEL ET METHODE.
I.1 Présentation générale
I.2 Racémates-test
I.2.1 Atropoisomères et biphényles
I.2.2 Analytes représentatifs des classes de composés pharmaceutiques
I.3 Grandeurs chromatographiques fondamentales
I.4 Matériel et méthode
I.4.1 Dispositif de chromatographie en phase fluide supercritique
I.4.2 Conditions opératoires de référence
II. ETUDE PRELIMINAIRE DES PSC « PHOBOS » NON IMMOBILISEES
II.1 PSC avec déposition du polymère « phobos 3 » précurseurs des PSC « sirius 3 »
II.2 Interactions à l’origine du complexe diastéréoisomère soluté-PSC
II.3 Performances chromatographiques
II.4 Etude de répétabilité de la procédure d’obtention des colonnes « phobos 3 »
II.5 PSC avec déposition du polymère « phobos 105 » précurseur des PSC « sirius1»
II.6 Conclusion de l’étude préliminaire
III. ETUDE CHROMATOGRAPHIQUE DES PHASES IMMOBILISEES EN CONDITIONS STANDARD
III.1 Présentation des PSC immobilisées de type « sirius »
III.1.1 Paramètres de synthèse des supports chromatographiques « sirius3 »
III.1.2 Paramètres de synthèse des supports chromatographiques « sirius1 »
III.2 Séparations avec ajout de modificateur conventionnel
III.2.1 Rôle des alcools utilisés comme modificateurs polaires en CPS
III.2.2 Pourcentage optimal en modificateur polaire (alcool isopropylique)
III.2.3 Influence de la classe de l’alcool
III.3 Effet des paramètres de synthèse sur les séparations
III.3.1 Influence de la quantité de polymère sur la rétention et la sélectivité
III.3.2 Influence du bras espaceur sur la rétention et la sélectivité
III.3.3 Influence du diamètre des pores de la silice
III.3.4 Efficacité des phases stationnaires sirius 1
III.3.5 Conclusion
IV. EFFETS DES ADDITIFS ET DES SOLVANTS SUR LES SEPARATIONS CHIRALES OBTENUES SUR LES
PSC IMMOBILISEES
IV.1 Rôle des additifs en CPS.
IV.2 Rôle des solvants ajoutés au CO2 en CPS
IV.2.1 Présentation
IV.2.2 Rôle des solvants ajoutés à l’hexane en CPL
IV.2.3 Rôle des solvants ajoutés au CO2
en CPS
IV.3 Effet des solvants ajoutés au CO2 sur les séparations chirales
IV.3.1 Rôle limité de l’isopropanol.
IV.3.2 Utilisation d’autres solvants en ajout au CO2
IV.3.3 Effets des additifs ajoutés à la phase mobile CO2 -alcool
IV.4 Stabilité des PSC vis-à-vis des solvants et additifs
IV.4.1 Présentation du « test » statistique
IV.4.2 Résultats du test statistique
IV.5 Comparaison avec les PSC commerciales immobilisées
IV.5.1 Comparaison des effets des alcools ajoutés au CO2 avec les PSC commerciales
IV.5.2 Présentation des PSC à base de DMPCC
IV.5.3 Séparation avec ajout d’isopropanol
IV.5.4 Effets des additifs ajoutés à la phase mobile sur les séparations
IV.6 Comparaison des effets des solvants ajoutés au CO2 sur les PSC immobilisées
IV.6.1 Présentation des PSC immobilisées étudiées
IV.6.2 Effets des alcools sur les séparations sur les PSC immobilisées
IV.6.3 Effets des autres solvants sur les séparations sur les PSC immobilisées
IV.7 Conclusion
V. ESSAI D’INTERPRETATION DES MECANISMES DE RETENTION
V.1 Binaphthol
V.2 Ibuprofène
V.3 Acide mandélique
V.4 Propranolol
CONCLUSION GENERALE
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